Top 10 des meilleurs moments de trash-talking de Larry Bird

Quand on parle de trash-talking en NBA, Michael Jordan et Larry Bird sont généralement considérés comme les plus grands maîtres. La différence, c’est que la manière de chambrer de Jordan était très vicieuse, alors que celle de Bird était beaucoup plus subtile. Voici ses dix meilleurs moments. Dans ce classement, on tiendra uniquement compte des provocations à l’égard des adversaires, pas les piques lancées à ses coéquipiers ou les déclarations de confiance (comme le match joué entièrement de la main gauche ou la victoire proclamée à l’avance dans le concours à trois points).


10. Lors des dernières secondes d’un match contre les Knicks, alors que le score était serré, Bird prit un long tir devant son adversaire direct, Charles Smith. « Désolé, Charlie », cria aussitôt Bird. Le ballon rentra et Boston l’emporta sur ce tir victorieux.

9. « T’aurais dû rester dans ton église. » Pique lancée à Robert Reid, arrière de Houston et homonyme d’un célèbre pasteur américain.

8. À quelques secondes de la fin d’un match contre Seattle, Bird déclara à l’ailier Xavier McDaniel : « Je vais recevoir le ballon juste ici, et je vais marquer devant ta gueule. » Après avoir fait ce qu’il avait annoncé, il s’exclama : « Mince ! J’ai tiré trop vite, il reste encore deux secondes. »

7. Après avoir marqué quatre paniers de suite au nez et à la barbe de Dennis Rodman, son adversaire direct, Bird lança à Chuck Daly, l’entraîneur des Pistons : « Qui défend sur moi, Chuck ? Tu ferais mieux de mettre quelqu’un sur moi ou je vais en marquer au moins 60. »

6. Quand les Pacers assignèrent le rookie George McCloud au marquage de Bird pendant un match, celui-ci lança en direction du banc adverse : « Je sais que vous êtes désespérés, mais vous pourriez au moins mettre quelqu’un de valable sur moi ! »

5. En 1985, après trois quart-temps contre Utah, Bird en était à 30 points, 12 rebonds, 10 passes décisives et 9 interceptions. Il est resté sur le banc pour le reste de la partie. Quand les journalistes lui ont demandé pourquoi il n’était pas revenu sur le terrain pour réaliser un rarissime quadruple double, il a répondu : « Pourquoi ? J’ai fait assez de dégâts comme ça. »

4. Lors d’un match à Worchester, Bird demanda à un adversaire : « C’est quoi le record de points marqués dans ce gymnase ? Je te demande ça parce que c’est toi qui défends sur moi. »

3. Lors d’un match contre Utah, Bird lança à l’entraîneur Frank Layden, réputé pour son humour : « Hé, Frank, y’a pas un joueur de ton banc qui peut défendre sur moi ? Parce que ceux sur le terrain sont complètement dans les choux. » Réponse de Frank Layden, après avoir regardé son banc : « Non. »

2. En 1986, lors d’un match contre les Mavericks, Bird se dirigea vers le banc adverse et leur décrivit exactement ce qui allait se passer sur l’action suivante, terminant ainsi : « Vous avez compris ? Je vais me poser là, sans bouger. Ils vont me passer le ballon. Et tout ce que vous entendrez, c’est le bruit du ballon qui traverse le filet. » Tout se passa exactement comme l’avait décrit Bird, qui remonta le terrain en faisant un clin d’oeil au banc des Mavericks juste après son panier.

1. Le lendemain de Noël 1990, les Celtics devaient affronter les Pacers. Quelques jours plus tôt, dans la presse, l’ailier des Pacers Chuck Person avait déclaré dans la presse qu’il allait « chasser de l’oiseau » (« Bird hunting »). À l’échauffement, Bird s’approcha de Person et lui déclara tranquillement : « J’ai un cadeau pour toi. » Durant le match, alors que Person était sur le banc, Bird prit un tir à trois points juste devant lui. Immédiatement après avoir tiré, Bird se retourna et lâcha à Person : « Joyeux p… de Noël. » Quelques instants plus tard, le ballon passait à travers le cercle…

Bobby Phills, après l’accident

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Crédits : HADI ALAEDDIN

Les amis, les équipiers et la famille de Bobby Phills reviennent sur la carrière, l’héritage et la mort tragique de l’arrière des Charlotte Hornets

par Jonathan Abrams, le 31 Mars 2015

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Le petit garçon hésite. Sa mère le pousse légèrement du coude. « Dis à tout le monde où est papa », souffle Kendall Phills à son fils de trois ans. « Papa est au ciel, avec les anges », déclare le petit Bobby Phills aux centaines de personnes endeuillées dans la Central Church of God de Charlotte. Puis il retourne dans la foule et embrasse Kerstie, sa petite sœur d’un an.

Toute l’église a les yeux humides. David Jovanovic, le responsable de l’équipement des Charlotte Hornets, place le maillot de Bobby Phills dans son cercueil de bronze. « Il était parti jouer au basket avec les anges, a récemment confié Jovanovic. Même au paradis, il resterait un membre de notre équipe. C’était l’un d’entre nous. Il partait pour un monde meilleur. » C’est ainsi, il y a plus de quinze ans, que la NBA pleurait la mort de Bobby Phills, qui avait commencé sa carrière avec un contrat de dix jours et était monté si haut que Michael Jordan l’avait un jour cité parmi les meilleurs défenseurs qu’il ait jamais affrontés.

Les proches de Bobby Phills avaient toujours des anecdotes sur son altruisme. Il avait arrêté sa voiture à une intersection pour porter secours à un motard dont les vêtements étaient en flammes après une collision avec un camion. Il signait des autographes jusqu’à avoir mal au poignet. Il dirigeait des camps de basket-ball et participait à des actions caritatives dans la région de Charlotte. Si vous aviez cinq minutes à perdre pour lui, il en avait dix pour vous. « Pour nous, Bobby Phills était un fils, un frère, un mari et un père, raconte Ben Jobe, l’entraîneur de Phills à la Southern University et au A&M College. Il avait tout. » Le Phills qui reste dans la mémoire de ses amis et de sa famille ressemble parfois davantage à un mythe qu’à un homme. « Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers, affirme Chucky Brown, qui avait joué avec Phills aux Hornets. Parfois, les gens ne croient pas que de telles personnes existent. C’est difficile à croire. Mais Bobby était comme ça. »

Le matin du 12 janvier 2000, les Hornets venaient de terminer une séance d’entraînement. Phills s’est entretenu avec son entraîneur, Paul Silas, avant de prendre le volant de sa Porsche 993 Cabriolet 1997. La voiture noire portait une plaque sur laquelle était inscrit « SLAM’N ». « C’était la voiture de ses rêves, se souvient le jeune frère de Phills, Dwayne. C’était la seule voiture qu’il avait toujours désiré. » Phills a retrouvé son coéquipier David Wesley, lui aussi au volant d’une Porsche, à un kilomètre à peine du Charlotte Coliseum. Les deux joueurs sont partis vers l’est sur West Tyvola Road, à une vitesse que les autorités estimeraient plus tard à 160 km/h. Phills a perdu le contrôle de sa voiture dans un virage vallonné. Le véhicule a dérapé sur plusieurs centaines de mètres et s’est engagé sur la voie inverse, où une voiture l’a percuté de plein fouet. Phills est mort sur le coup. « Je raconte souvent à quel point Bobby était intelligent, dit son père, Bobby Phills Sr. C’était un bon élève et un grand sportif. Mais malgré tout ce qu’il avait pour lui, il a commis une erreur stupide et cela lui a coûté la vie. » Ce moment – cette erreur – a mis un terme à l’existence de Phills, décédé à l’âge de trente ans. Elle a également changé la vie de nombreuses autres personnes, encore touchées par la tragédie des années plus tard.

Bobby Phills était devenu tout ce que son entraîneur à l’Université de Southern, Ben Jobe, avait espéré. Pourtant, Phills n’avait rejoint l’équipe que parce que Jobe avait échoué à transférer l’un de ses coéquipiers. Jobe considérait Phills comme un joueur de banc, dont les bons résultats scolaires pouvaient augmenter la moyenne cumulative dont l’équipe avait besoin. « Je donnais parfois des bourses aux étudiants en sachant pertinemment qu’ils n’allaient pas jouer, explique Jobe, aujourd’hui âgé de 82 ans. Mais j’en avais besoin à cause de leurs notes. Quand le doyen me demandait la moyenne de l’équipe, je voulais être bien vu. » Phills a surpris Jobe en le prenant à part après sa première saison, et en déclarant qu’il voulait gagner sa place dans la rotation. Jobe lui a rappelé qu’il lui avait dit vouloir être médecin, pas basketteur : « Si tu veux devenir docteur, profite de ta bourse. Tu n’as pas besoin de jouer. »

Mais Phills a insisté. Jobe a donc reconstruit sa mécanique de tir, en l’exhortant à garder son coude droit sous le ballon, avant de lui ordonner : « Maintenant, tu vas faire mille tirs tous les jours. Familiarise-toi avec le ballon. Le tir est ce qu’il y a de plus simple à réussir. Je sais que tout le monde ne le pense pas, mais c’est facile. Il n’y a que toi et le panier. » Jobe a ensuite demandé à Phills de s’asseoir : avant de l’envoyer sur le terrain, il avait encore une leçon à lui donner. Il a attrapé une serviette et l’a utilisée pour bander les yeux de son joueur. « Maintenant, enlève tes chaussures et tes chaussettes, [puis] remets-les. » Phills s’est exécuté. « Tu sais pourquoi tu as réussi sans voir ni tes pieds, ni tes chaussures ? C’est parce que tu mets tes chaussures et tes chaussettes depuis l’âge de 6 ou 7 ans. Pour le tir, c’est pareil. »

Jobe a dit à Phills qu’il ne vérifierait pas s’il faisait bien ses mille tirs quotidiens, mais qu’il serait en mesure de dire s’il l’avait fait avant la reprise des entraînements à l’automne. Bientôt, Jobe remarqua des feuilles glissées sous la porte de son bureau : Phills avait commencé à dresser un tableau de ses réussites et de ses échecs. Un jour, Jobe est entré dans le gymnase pour trouver le jeune frère de Phills en train de lui renvoyer la balle. Jobe a demandé à Phills de s’exercer tout seul. Phills a accepté, et quelques semaines plus tard, il est venu voir son entraîneur. « Je sais pourquoi vous ne vouliez pas qu’on me renvoie le ballon. » « Vraiment ? » a demandé Jobe. « Oui, je m’applique davantage, parce que je ne veux pas aller chercher le ballon dans les gradins. »

Phills est entré dans le cinq de départ et lors de sa dernière année, il était le meilleur tireur à trois points du pays avec une moyenne de 4,4 tirs marqués par match. Cette saison-là, il a marqué 52 points contre Alcorn State, dont dix tirs à trois points, dans un match auquel assistaient plusieurs scouts de NBA. « Les agents ont commencé à se ruer sur lui, se souvient Jobe. J’ai essayé d’éloigner tous ces charognards. Il avait déjà décidé ce qu’il voulait faire dans la vie. Il fallait le laisser tranquille. » Phills avait obtenu une moyenne de 13 à ses examens et un diplôme en sciences animales. « Il avait déjà été admis à l’école vétérinaire, mais quelqu’un l’a convaincu qu’il pouvait gagner de l’argent [en jouant au basket-ball], explique Jobe. C’est l’appât du gain qui l’a attiré. J’aurais aimé qu’il soit aussi idéaliste que je le pensais. »

Jobe était persuadé que Phills réussirait en NBA dès qu’on lui aurait accordé une opportunité. Les Milwaukee Bucks l’ont sélectionné au deuxième tour de la draft de 1991, mais ils l’ont coupé avant la saison. Phills a joué en ligue mineure avant de rejoindre les Cleveland Cavaliers en 1992. Lorsque Phills s’est révélé comme l’un des meilleurs défenseurs de la ligue, Jobe a été surpris. Chez Southern, l’entraîneur donnait la priorité aux points. « Nous étions tournés vers l’attaque. La défense venait ensuite, même si nous mettions parfois les deux au même niveau. » En 1995, Phills a appelé Jobe après avoir affronté Michael Jordan, heureux d’avoir réussi à maintenir le meilleur marqueur de la NBA en dessous de sa moyenne habituelle. Dans un match, Phills a forcé Jordan à un 9 sur 27 au tir. Deux jours plus tard, Jordan avait un bilan similaire de 9 tirs marqués sur 26 contre Phills. Jobe a demandé à Phills combien de points il avait marqué. Phills a répondu : « Environ six. » « Cela ne m’a pas du tout impressionné, se souvient Jobe. Je me suis même mis en colère. J’ai dit à Bobby que je ne comprenais pas. Mais il était fier de lui. »

Jobe a perdu tout intérêt pour son métier d’entraîneur après la mort de Phills. « Les choses avaient changé. Les jeunes avaient changé. Ils n’agissaient plus de la même façon. » L’un de ses amis de longue date était Donnie Walsh, consultant des Indiana Pacers et ancien directeur général des New York Knicks. Lorsque les Knicks ont embauché Walsh en 2008, Jobe l’a suivi, obtenant un poste de scout, et il fait toujours partie de l’organisation des Knicks.

« Sans Donnie, je ne serais pas là où je suis maintenant, affirme Jobe. Mon activité m’a aidé à sortir de ma dépression. Ce qui s’est passé avec Bobby Phills a failli me faire perdre la foi en l’existence. C’était la dernière personne à laquelle une telle chose devait arriver. Ce type avec lequel il roulait à toute vitesse, je ne sais pas ce que j’aurais fait si je l’avais eu en face de moi. Je ne sais ni son nom, ni son visage. Je ne sais rien de lui, et je lui a tout mis sur le dos. Quand une telle tragédie arrive, vous en voulez au monde entier. J’ai accusé ses parents. J’ai accusé les Charlotte Hornets. J’ai accusé tout le monde. J’étais tellement mal que j’ai même accusé Dieu. Cela n’avait aucun sens. Il avait tout ce qu’on pouvait imaginer. Le physique, l’intelligence. Il avait tout. N’importe qui voudrait avoir un jeune comme lui dans son équipe. Il était parfait. Je me sentais si mal à propos de [sa mort] que je me demandais pourquoi cela n’était pas arrivé à un autre de mes gars. Certains étaient de vrais demeurés. Ils ne s’intéressaient à rien d’autre qu’au sport. C’était tout ce qu’ils étaient intellectuellement capables de faire. Alors que Bobby était parfait. Il avait tout ce que l’on veut chez un être humain. Il avait tout. »

Paul Silas avait presque abandonné son rêve d’entraîner à nouveau en NBA. Plus de quinze ans s’étaient écoulés depuis sa dernière expérience avec les médiocres San Diego Clippers en 1983. Silas a rejoint Charlotte en 1997 en tant qu’entraîneur assistant de Dave Cowens. Lorsqu’un conflit salarial a conduit à la brusque démission de Cowens en 1999, Silas a hérité du poste. Les Hornets avaient joué quinze matchs au cours d’une saison 1998-99 raccourcie par la grève et en avaient perdu onze lorsque Silas a pris le relais. Le nouvel entraîneur était proche de Phills, que Charlotte avait fait signer pour un contrat de sept ans à 33 millions de dollars en 1997. En tant qu’assistant, Silas avait souvent dirigé Phills pendant les séances d’entraînement. Tous deux vivaient tout près l’un de l’autre, et après les matchs au Charlotte Coliseum, l’épouse de Phills, Kendall, ramenait souvent chez elle Carolyn, la femme de Silas. Après que Silas fut nommé entraîneur par intérim, Phills lui a demandé : « Vous tenez beaucoup à ce poste ? » Silas a répondu oui, et Phills lui a dit : « D’accord. Vous allez le garder. » Phills a encouragé ses coéquipiers à se donner sur le terrain et à terminer les 50 derniers matchs en jouant à fond. Charlotte a obtenu un bilan de 22 victoires et 13 défaites avec Silas cette année-là. Un bilan assez bon pour que les Hornets le nomment entraîneur à temps plein.

La saison suivante, le matin de la mort de Phills, Silas s’en est pris à son équipe. Les Milwaukee Bucks avaient battu Charlotte par 50 points d’écart deux jours plus tôt. Le soir, Charlotte devait accueillir les Chicago Bulls. Silas a passé la séance du matin à montrer à son équipe le film de la grosse défaite contre les Bucks. Phills l’a approché juste après. « Coach, vous ne pouvez pas nous faire ça. Nous montrer tout ce qui a mal tourné contre Milwaukee ne sert à rien d’autre qu’à nous plomber le moral. Vous ne pouvez pas nous laisser revoir tout ça. Ce n’est pas bon pour nous. » Silas a réfléchi : « Tu sais quoi, Bobby ? Tu as raison. On ne recommencera plus. » Phills a quitté le bureau de Silas. Quelques minutes plus tard, l’entraîneur a reçu un appel de David Wesley. « Coach. Bobby et moi… On a eu un accident. »

Au départ, Silas n’a pas été alarmé. Il est monté dans une voiture avec les autres entraîneurs des Hornets et a fait le court trajet en voiture jusqu’à Tyvola. Il a regardé la carcasse et l’intérieur de la voiture de Phills. Il n’avait pas l’air d’être en vie. Silas, qui avait été l’un des plus gros durs à cuire de l’histoire de la NBA, a fondu en larmes. Quelqu’un lui a rappelé que la mort de Phills n’était pas encore une certitude : il était peut-être juste dans le coma. Ces mots ont donné un peu d’espoir à Silas, qui s’est approché de la voiture. Il a vu Phills la bouche ouverte et les yeux fermés. Finalement, un policier a couvert son visage. « Je savais qu’il était mort, déclare Silas. C’est l’une des pires choses que j’ai jamais vécues. » Peu de temps après l’accident, les Hornets se sont retrouvés au centre d’entraînement. « Je me souviens juste que des gars pleuraient, raconte Stephen Silas, qui travaillait comme scout dans l’équipe de son père. Anthony Mason se demandait : pourquoi lui ?. »

« Bobby aimait rouler vite, se souvient Paul Silas. Un jour, après un match, nous rentrions chez nous. J’étais parti avant lui, et il m’a dépassé à près de 160 km/h. » Silas a approché Phills à l’entraînement le lendemain. « Bobby, tu ne peux pas faire ça. Tu as deux beaux enfants. Tu as une femme formidable. Tu ne peux pas conduire aussi vite. » Phills lui a dit que ce n’était pas un gros problème. « Mais lui et David Wesley, ils s’amusaient à se dépasser et à se redépasser, poursuit Silas. Et il est arrivé ce qui est arrivé. Ils ont agi comme des imbéciles… Même [aujourd’hui], quand je suis sur la route sur laquelle Bobby est mort, je me rappelle de tout ça. C’était terrible, et c’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Jamais. »

La journée se déroulait normalement pour Robert Woolard Jr. Woolard, expert en assurance originaire de Caroline du Nord, venait de terminer l’inspection d’un véhicule et se dirigeait vers la ville pour en vérifier un autre. Cela ne faisait pas très longtemps qu’il possédait l’Oldsmobile Cutlass qu’il conduisait vers Tyvola. Après avoir appris que sa femme était enceinte, il avait acheté la nouvelle voiture en prévision de l’arrivée de leur enfant. Woolard adorait les voitures et la Porsche noire qu’il repéra attira son attention. Il lui fallut une fraction de seconde pour se rendre compte qu’elle tournoyait vers lui de manière incontrôlable, dans un hurlement de pneus et de fumée. Il était trop tard pour réagir et sa Cutlass heurta la Porsche, avant qu’un taxi minibus ne fonce dans l’arrière de l’Oldsmobile de Woolard. « Je ne pouvais rien faire pour éviter la collision, se souvient Woolard. C’est arrivé si vite. »

Le corps entier de Woolard le faisait souffrir. Hébété, il regarda la Porsche. L’autre conducteur était affalé, immobile, avec du sang coulant de son nez. Woolard avait trop mal pour bouger. Une minute passa, puis quelques autres. Woolard laissa retomber sa tête avant d’entendre une voix. « Monsieur ? Monsieur ? » « Oui », répondit Woolard. « D’accord, vous êtes en vie. Vous êtes blessé ? Est-ce que l’autre conducteur a bougé ? « Non, a dit Woolard. D’après ce que je vois, il n’a pas bougé ni fait quoi que ce soit. » À un moment donné, Woolard regarda par la fenêtre et vit seulement une paire de longues jambes. Ce mec doit être grand, pensa-t-il. Il a entendu le nom « Phills ». Une pensée le frappa : « Oh mon Dieu. C’est un joueur des Hornets. »

Le personnel médical a sorti Woolard de la voiture et l’a envoyé à l’Hôpital Presbytérien. Il a failli mourir d’un rétrécissement de l’aorte subi lors de l’accident, et avait d’autres blessures à soigner comme une main cassée, un ligament du genou déchiré et de nombreuses coupures et ecchymoses. Il a eu de la chance d’avoir survécu. « Bien sûr, quand j’ai découvert l’identité de l’autre conducteur, j’ai commencé à douter de moi. Je me demandais si j’avais fait quelque chose de mal. Et la réponse était non. Les semaines qui ont suivi ont été difficiles. Beaucoup de journalistes venaient me parler. Certains étaient gentils et pleins de compassion. D’autres étaient plus agressifs et j’ai refusé de leur répondre. Et puis, j’ai fini par passer à autre chose. Je ne peux pas remonter le temps et je suis très triste qu’il ait perdu la vie comme ça. »

AP Photo/Chuck Burton

Le jour de l’accident, George Shinn, alors propriétaire des Hornets, s’apprêtait à quitter une réunion lorsqu’il a reçu un coup de fil de Paul Silas, qui lui a simplement dit : « Bobby est mort. » « J’ai peut-être mal compris », pensa Shinn, essayant de prendre la mesure de ce qu’il avait entendu. En faisant le court trajet jusqu’au lieu de l’accident, Shinn n’arrêtait pas de penser : « Peut-être que j’ai mal compris. » Il a malheureusement vu ses pires craintes confirmées. Lorsque les Hornets ont poursuivi leur saison, Shinn est entré au vestiaire avant un match peu de temps après l’accident. Les joueurs ne bavardaient pas comme ils le faisaient habituellement. Tout le monde était silencieux. « Comme pour un enterrement », indique Shinn. Seuls deux de ses joueurs n’avaient jamais refusé de se rendre à des événements caritatifs : Bobby Phills et Muggsy Bogues. « On m’a toujours dit : ne vous attachez pas à vos chevaux – en parlant des joueurs. Mais je me suis vraiment attaché à ces deux-là. »

Hugh Wallace considérait la compétitivité de Phills comme l’une des plus grandes forces du joueur. Phills était arrivé au lycée de Southern Lab après que son père fut devenu doyen de l’école d’agriculture et des sciences de la consommation de l’université. Wallace était professeur et entraîneur de basket au lycée, et Kendall avait été l’une de ses élèves. « Elle avait un gros béguin pour Bobby », se souvient Wallace. Wallace exigeait de tous ses joueurs qu’ils apprennent à jouer au poste. Phills a passé la majeure partie de sa carrière au lycée dans la peinture, où il était souvent sous-dimensionné mais rarement surpassé. Il a atteint une moyenne de 26 points et 13 rebonds lors de sa dernière année, et a aidé l’équipe à remporter le championnat d’État.

Wallace pensait que Phills avait assez de talent pour jouer en NBA, mais seulement si sa carrière partait dans le bon sens. Il a conseillé à Phills de se lancer dans le basket-ball professionnel pendant quelques années et, si cela ne fonctionnait pas, de retourner à l’école. Lorsque Wallace a appris la mort de Phills, il a repensé aux bons moments qu’ils avaient passés ensemble, comme lorsque Phills et ses coéquipiers du lycée avaient soulevé et déplacé la voiture de Wallace après un match. Wallace avait soupçonné qu’une équipe rivale avait volé son véhicule, avant de réaliser que ses joueurs lui avaient fait une farce. Ou les fois où Phills l’avait appelé – lui, un entraîneur de lycée – pour avoir des conseils sur la façon de défendre sur Michael Jordan. « Si vous aviez un fils, a déclaré Wallace, vous voudriez qu’il soit comme Bobby Phills. » Wallace a mis un terme à sa carrière d’entraîneur peu de temps après la mort de Phills. « J’ai tenu le coup pendant les deux années qui ont suivi, mais finalement, j’ai tout arrêté, a-t-il déclaré. J’étais dévasté. »

Bobby Phills veillait sur toute l’équipe et sur toute l’organisation des Hornets. À sa mort, Brad Miller et Baron Davis commençaient tous les deux leur carrière en NBA. Leur parcours était radicalement différent. Miller n’avait pas été drafté après la fin de ses études à l’Université de Purdue et avait brièvement joué en Italie avant de rebondir à Charlotte. Les Hornets avaient choisi Davis avec le troisième choix de draft de 1999. Il était l’avenir de la franchise – un meneur impétueux qui s’attendait à un célébrité immédiate. « Dès que je suis arrivé [en ligue d’été], [Phills] m’a incité à m’entraîner sérieusement, se souvient Davis. JE devais prendre du muscle. Je devais travailler. »

Phills était dur avec les recrues, mais il les aimait et leur donnait de bons conseils pour les aider à devenir titulaires en NBA. Ses conseils étaient précieux pour Miller, qui admirait Phills et Wesley, des joueurs qui avaient été snobés au premier tour de draft mais qui avaient réussi à faire une brillante carrière dans la ligue. « [Ils discutaient de] beaucoup de petites choses auxquelles vous ne pensez pas lorsque vous êtes un jeune entrant dans la ligue. » Miller, qui rejoignait souvent Phills et Wesley pour manger des crêpes et des pancakes avant le match, a maintenu cette habitude pendant ses quatorze ans de carrière. Davis a également appliqué ce que lui avait enseigné Phills au cours de ses treize saisons passées en NBA. « C’était un père et un mari aimant. Il comptait beaucoup pour la communauté. Pour un rookie comme moi, c’était le vétéran dont il fallait s’inspirer. Plus on vieillit, plus on apprécie les gens comme lui. Je suis heureux d’avoir rencontré quelqu’un comme lui si tôt dans ma carrière. »

Le jour de l’accident, Miller était resté au centre d’entraînement pour soulever des poids. Il a entendu la nouvelle à peu près dix minutes plus tard. Il ne savait pas quoi faire. Il n’avait jamais connu la mort d’un proche, quelqu’un de jeune et dynamique et qui semblait destiné à une vie longue et heureuse. « On espère que personne n’aura jamais à ressentir cela », a déclaré Miller. Davis était dans sa voiture lorsque l’accident s’est produit. Il était derrière Phills et Wesley sur Tyvola, à moins d’une minute. Il s’était arrêté à un feu rouge, avait tourné à gauche, puis s’était approché de la scène. Il avait inspecté l’épave, conclu que Phills n’avait pas survécu et s’était dirigé vers Wesley, qui était debout, sans voix, les mains sur la tête. « Je m’en rappelle encore aujourd’hui », affirme Davis.

(AP Photo/Chuck Burton)

Kendall Phills était allée courir avec une amie le matin de la mort de Bobby. Après son jogging matinal, elle est rentrée chez elle et a emmené leur fils à l’école, où elle est restée environ une heure à bavarder avec d’autres parents. De retour à la maison, Bobby était parti pour l’entraînement. Elle l’a appelé peu de temps après, se demandant si elle devait préparer des crêpes ou si elle devait le retrouver pour manger dehors. Bobby n’a pas répondu, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Puis la fiancée de David Wesley, Shannon, a appelé. Il y avait eu un accident. Kendall devait se rendre à Tyvola. Elle est montée dans sa voiture. Venue de nulle part, une voix souffla dans sa tête : Bobby est mort. Elle a répondu à la voix : « Non, ce n’est pas possible. »

Elle a appelé Wesley. Il lui a répondu, en larmes. Elle s’est rapprochée et a vu la police et le personnel d’urgence. Elle s’est garée derrière la voiture de George Shinn. Si le propriétaire s’était déplacé, ce n’était pas bon signe. Elle sortit de sa voiture pour voir les coéquipiers de Bobby, Elden Campbell et Anthony Mason, en train de pleurer. Elle a vu des ambulanciers sur les lieux et a craint le pire en se tournant vers la Porsche de son mari. Un corps recouvert d’un drap blanc reposait à l’intérieur. Quelques-uns des entraîneurs ont essayé de la retenir. Elle s’est libérée. « J’ai soulevé le drap, dit Kendall. Il était dans sa voiture, sans vie. » Elle a prié pour lui, lui a dit qu’elle l’aimait et a promis de prendre soin de leurs enfants.

Kendall a appelé Dwayne Phills, le frère de Bobby, qui était chez sa mère, Mary, à Baton Rouge. « Rob a eu un accident, dit-elle en utilisant le nom par lequel sa famille avait toujours appelé Bobby. Je suis en route, et c’est très sérieux. » Dwayne a décidé de ne rien dire à sa mère jusqu’à ce qu’il en sache plus. Le fait que son frère n’ait pas survécu ne lui traversa pas l’esprit jusqu’à ce que Kendall appelle à nouveau et qu’il entende les mots : « Il est mort. » « Ce moment est resté dans mon esprit, a déclaré Dwayne. Honnêtement, je ne sais pas ce qui s’est passé après ça. C’est tout ce dont je me souviens : Il est mort. C’est à peu près tout. » Le père de Bobby Phills se souvient avoir reçu un appel de Dwayne. « Qu’est-ce que tu fais ? demanda Dwayne. Est-ce que tu es assis ? » Bobby Phills Sr. savait que quelque chose n’allait pas. « J’ai de mauvaises nouvelles, a dit Dwayne à son père. Bobby a eu un accident, et il n’a pas survécu. » Phills Sr. ne se souvient pas avoir crié, mais les gens ont dit plus tard qu’ils l’avaient entendu hurler depuis son bureau.

À Noël, le père de Phills avait rendu visite à son fils à Charlotte, quelques semaines à peine avant l’accident. Là-bas, il avait glissé d’un pont et est tombé dans un lac près de la maison de Bobby. Il pense que sa tête aurait pu facilement frapper le pont. « Je me demande souvent, ou je demande à Dieu : pourquoi m’a-t-Il épargné et trois semaines plus tard, a-t-Il pris la vie de mon fils ? » confie Phills Sr. « Je crois que j’ai pleuré tous les jours pendant les deux années qui ont suivi, déclare Dwayne Phills. Quand je conduisais, je versais une larme, juste à cause des souvenirs… Et on se demande pourquoi. Il avait une famille, il faisait le bien dans la communauté, dans la ligue, [pour sa] famille, tout. Vous vous dites : Pourquoi lui et pas moi ? Une erreur, un accident. Qui sait ce qui s’est vraiment passé ? Je ne sais pas qui était en faute. Seuls Rob, David et Dieu savent ce qui s’est vraiment produit. »

AP Photo/Nell Redmond

« Le matin, on est allés prendre le petit-déjeuner, raconte David Wesley. Chaque jour de match, à l’extérieur ou à domicile, on allait à l’Original Pancake House, juste en sortant de la salle. » C’est ce qu’ils ont fait le matin de l’accident. « Il est monté dans sa Porsche et moi dans la mienne. On arrive devant l’entrée de la salle, on s’arrête au feu rouge, et j’appelle ma femme pour qu’on se retrouve à la crêperie. Il fait pareil avec sa femme. Le feu devient vert, j’avance, et je crois qu’il passe au rouge juste après que je suis passé. Bobby était assez loin derrière et je n’étais pas sûr qu’il m’ait suivi, mais il l’a fait. » Wesley déclare qu’ils avaient tous les deux accéléré : « On est allés un peu plus vite, mais pas tant que ça. Ce n’était pas planifié. On n’a jamais roulé côte à côte en se défiant d’aller plus vite. La route était assez droite. On n’irait pas à toute vitesse, mais on serait tenté de le faire. »

Wesley a pris un virage et a regardé dans son rétroviseur. « Je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé, mais quand j’ai regardé dans mon rétroviseur, sa voiture tournoyait sur place. Elle est partie au milieu du trafic en sens inverse et a heurté une autre voiture. Je me suis arrêté au milieu de la rue. J’étais au téléphone avec ma femme à ce moment-là et je lui ai dit que Bobby venait d’avoir un accident. J’ai fait demi-tour. J’avais un peu d’avance sur lui, et [quand je suis revenu], il n’était plus avec nous. »

Phills et Wesley avaient tous deux signé de longs contrats avec les Hornets à l’été 1997. Tous deux avaient joué en ligue mineure avant de gagner leur place en NBA, et ils avaient une revanche à prendre. « On croit toujours avoir quelque chose à prouver, déclare Wesley, qui a fait sa carrière en tant que meneur de jeu fort et réfléchi. Les deux se sont rapidement liés d’amitié. « Il vous donnait l’impression d’être l’un de ses meilleurs amis, alors que vous n’étiez peut-être qu’un simple camarade, a déclaré Wesley. Je pense que c’est la raison pour laquelle nous nous sommes toujours si bien entendus. »

Le jour de l’accident, la NBA a reporté le match des Hornets contre Chicago. Deux jours plus tard, des membres des Hornets et des Knicks ont assisté au service commémoratif en l’honneur de Phills. (Le match de Charlotte contre les Knicks ce soir-là a également été reporté.) Peu de temps après que le fils de Phills s’est adressé aux personnes en deuil, Wesley est monté sur le podium. « C’était mon acolyte, a-t-il déclaré. Il pensait être capable de tout faire. Il devait toujours gagner. Et quand il ne gagnait pas, il en disait assez pour vous faire croire qu’il avait gagné. Nous avons eu de très bonnes discussions et de bons moments. C’est le Bobby que je connais. » Les Hornets sont revenus au tribunal le 15 janvier, trois jours après la mort de Phills, avec une défaite contre les Knicks à New York. « Écoutez, je comprends ce que vous ressentez, a déclaré Silas à son équipe assommée. Mais Bobby Phills voudrait que nous jouions à fond, et il voudrait qu’on gagne. » Wesley a été titulaire contre les Knicks cette nuit-là et a raté neuf de ses onze tirs. Ensuite, l’équipe a affrété un avion à Charlotte, avant de s’envoler pour Baton Rouge pour les funérailles de Phills.

Le mois suivant, Wesley a été chargé de deux chefs d’accusation : course de vitesse sur l’autoroute et conduite imprudente. Le Charlotte Observer a rapporté que Phills et Wesley avaient déjà été pris en excès de vitesse. Wesley avait été arrêté à deux reprises dans le comté de Mecklenburg, où se trouve la ville de Charlotte. Au moment de l’accident de Phills, Wesley conduisait illégalement sans permis, après avoir omis de se conformer aux termes d’une citation qu’il avait reçue plusieurs mois plus tôt en Alabama. Quelques jours après avoir été inculpé, Wesley a fait sa première déclaration publique concernant l’incident. Il a dit que la mort de Phills le hanterait pour le reste de sa vie. « Chaque jour, chaque nuit, a-t-il déclaré aux journalistes. J’ai parlé à des gens qui m’ont dit que ça ne disparaît pas. La douleur diminue, mais il n’y aura probablement pas un jour où je n’y penserai pas. »

Wesley avait toujours utilisé le basket-ball comme thérapie ; quand quelque chose le dérangeait, il pouvait se plonger dans le jeu. « Je savais que si je pouvais simplement aller sur le terrain après que cela se soit produit, cela me donnerait un moment de paix, même si ce n’était que cinq minutes », a déclaré Wesley. Mais dès que Wesley a commencé à parler de l’accident, les journalistes n’arrêtaient pas de lui demander de revivre le pire matin de sa vie. Chaque ville dans laquelle les Hornets jouaient signifiait que Wesley était invité à raconter la tragédie, pour qu’un autre journal local puisse raconter la façon dont Wesley et son équipe faisaient face à la mort de Phills. « Une fois que j’ai ouvert la vanne, dit Wesley, je devais le dire à une personne, puis une autre, et encore une autre. » Les performances sportives de Wesley en ont souffert. « David ne voulait tout simplement plus jouer, se souvient Silas. Il pensait que c’était sa faute si c’était arrivé. »

Silas a dit à Wesley que l’équipe ne pourrait pas fonctionner s’il ne jouait pas au mieux de ses moyens, et celui-ci s’est finalement repris. Charlotte a terminé la saison avec 49 victoires et 33 défaites, mais a perdu contre Philadelphie au premier tour des play-offs. Dans cette série, Silas a senti que ses joueurs n’avaient plus rien à donner. Les Hornets s’étaient réunis et avaient fait preuve d’une résilience admirable après la mort de Phills, mais à l’arrivée des play-offs, leur réservoir était vide. « Nous ne pouvions tout simplement plus jouer à fond, a déclaré Silas. Je n’ai rien dit là-dessus à mes joueurs. Je savais qu’ils avaient déjà fait tout ce qu’ils pouvaient [juste] pour que nous puissions participer aux play-offs. » En juillet, Wesley a témoigné dans un procès sans jury pour statuer sur les accusations criminelles contre lui. « Faisiez-vous la course avec Bobby Phills ce jour-là ? » a demandé son avocat. « Absolument pas, » a répondu Wesley. Il a été reconnu coupable de conduite imprudente et condamné à des travaux d’intérêt général, mais un juge a décidé qu’il existait un doute suffisant pour l’acquitter de l’autre chef d’accusation.

Le jour du premier anniversaire de l’accident, Wesley a marqué un long tir à trois points à 3,5 secondes de la fin pour donner à Charlotte une victoire sur les Bulls, 86-85. Wesley est resté avec la franchise lorsque les Hornets ont déménagé de Charlotte à la Nouvelle-Orléans en 2002. Il a passé ses dernières années de carrière avec les Houston Rockets et les Cleveland Cavaliers avant de prendre sa retraite en 2007, et il travaille maintenant comme analyste pour les Pelicans. « Pendant longtemps, il n’y avait pas un moment où je ne pensais pas à lui, a déclaré Wesley. Au fil du temps, c’est devenu moins fréquent, mais cela reste. Et il y a toujours de bons souvenirs. »

Kendall a décidé de rester à Charlotte après la mort de Phills. Elle n’a jamais vraiment envisagé de retourner en Louisiane. Elle est restée impliquée dans la communauté et a créé un fonds boursier au nom de son mari. Lorsque Malik Sealy, le joueur de Minnesota, est décédé dans un accident de voiture la même année que Phills, elle a offert à la veuve de Sealy, Lisa, un soutien financier et émotionnel. « Vous êtes entrée dans ma vie comme un ange le 20 mai 2000, a écrit Lisa Sealy dans une note pour un événement marquant le premier anniversaire de la mort de Phills. Peut-être que Malik vous a envoyé vers moi parce qu’il savait que vous seriez mon soutien en son absence. »

Toutes ces activités ont donné à Kendall un but et l’ont aidée à survivre à la perte de son mari, mais il y avait des moments où la tristesse la submergeait. « Je dois choisir les moments où je dois pleurer, a-t-elle déclaré à ESPN à l’approche du premier anniversaire de l’accident. Je vais regarder une vidéo de Bobby. Je vais parcourir les albums photo. Quand je suis seule, je pleure. Parce que je dois être forte pour mes enfants… L’autre jour, je remplissais un formulaire, et il y avait une question où je devais choisir entre célibataire, veuve ou mariée. Et j’ai réalisé que je n’étais plus mariée. Ce sont des choses comme ça. » Elle n’a jamais blâmé Wesley. « Beaucoup de gens ont accusé David, mais Bobby a fait le choix de conduire à une vitesse élevée, a déclaré Kendall. Je sais qu’il y a pour tout le monde a un jour où Dieu va vous rappeler à Lui, et le 12 janvier 2000 a été le jour que Dieu a choisi pour Bobby. Donc, peu importe s’il courait ou marchait dans la rue. Son heure était venue. Je ne pense pas que l’on puisse éviter cela. »

Derrick Brewer voyait que le joueur de onze ans n’était pas prêt à entrer dans son équipe en AAU. Après le match, il s’est approché de Kendall Phills, la mère du garçon. « Vous devez me laisser l’entraîner, a déclaré Brewer. Nous venons de perdre et ça ne l’affecte guère. Il est content. Il devrait être en colère. Les autres enfants pleurent. Trey n’est pas encore prêt. » Kendall a décidé de laisser Brewer entraîner Bobby Phills, troisième du nom, surnommé Trey par ses coéquipiers. Trey adorait le basket, mais sa mère pouvait voir qu’il manquait de confiance. « Personne n’était là pour le valoriser. C’est une chose pour moi de lui dire qu’il était bon. Mais quand on avait un père joueur de NBA… Certains des [anciens coéquipiers de Bobby] jouaient encore, et s’ils m’appelaient régulièrement, personne n’a eu le temps de prendre mon fils sous son aile. »

Que Trey et sa sœur Kerstie se soient tournés vers le basket-ball n’avait rien de surprenant. Mais c’était comme si Trey essayait de suivre une ombre, comme s’il cherchait son chemin dans le noir sans que son père soit là pour l’aider à y voir clair. « Tout le monde pensait que j’allais être aussi bon que mon père, a déclaré Trey, maintenant âgé de dix-huit ans. Mais à un moment, je n’étais vraiment pas terrible. » C’est finalement Stephen Silas qui a aidé Trey à développer sa confiance et son jeu. Silas avait été ami avec Phills avant sa mort, et il est entré dans la famille quand il a épousé la sœur de Kendall, Keryl, en 2002. Trey et Silas ont travaillé dur pour améliorer le tir de Trey. Il a dû serrer son coude, de la même manière que son père avait appris à tirer avec Ben Jobe à Southern, des décennies plus tôt. « Nous y avons passé de très longues journées, et j’ai parfois eu droit à des regards noirs [de la part de Trey], mais nous avons fini par corriger son tir, raconte Silas. C’est un peu comme mon père et moi – nous avons passé beaucoup de temps sur le terrain. Le basket-ball était notre façon de nous connecter, et c’est ce qui s’est passé avec Trey et moi. »

D’autres facteurs ont contribué à améliorer la confiance naissante de Trey. Né en juillet, Trey avait toujours été parmi les plus jeunes de sa classe ; Kendall a alors décidé de lui faire redoubler sa quatrième. Elle a remarqué son changement sur le terrain peu de temps après. Brewer l’a également remarqué : « Il travaillait assez pour être bon. Avec une année en plus, il n’était plus un petit garçon maigre. Ses adversaires ne pouvaient plus le maltraiter. Il ne les laissait plus faire. » Trey, arrière d’1,80 m, a récemment terminé sa carrière au lycée à Charlotte Christian, la même école que Steph et Seth Curry. « Trey est un bourreau de statistiques, a déclaré l’entraîneur Shonn Brown. Il prend des rebonds, fait des déviations, intercepte, fait des passes décisives. » Pour sa dernière année d’études, Trey a mené Charlotte Christian à un record de 20 victoires et 9 défaites, dont le point culminant a été un tir gagnant à couper le souffle que Trey a marqué contre Charlotte Country Day.

Trey ne se souvient pas d’avoir parlé aux funérailles de son père, mais regarder la vidéo le réconforte. Il a encore de vagues souvenirs de son père en train de le jeter dans les airs. « Il semblait être quelqu’un de formidable sur et en dehors du terrain, a déclaré Trey. Il faisait toujours de son mieux pour être un bon mari et un bon père. Il était toujours décontracté, avec un sourire sur son visage, en train de plaisanter. Et il était déterminé. Il avait une passion pour ce qu’il faisait, et il disait qu’il voulait être vétérinaire si le basket-ball ne fonctionnait pas. J’ai donc l’impression qu’il savait qu’il y avait plus dans la vie que le sport. En même temps, il a profité au maximum de ses opportunités et cela l’a vraiment poussé à devenir quelqu’un. »

Trey s’est lancé ans des rêves tout aussi grands. A Charlotte Christian, il suivait des cours supplémentaires et sa moyenne approchait le 20/20. Princeton, Stanford, Harvard et d’autres collèges d’élite lui ont fait une offre de recrutement. Il a choisi Yale, où il commencera sa première année à l’automne. « Il a un grand sens du jeu, il sait utiliser ses capacités physiques et son sang-froid sur le terrain, a déclaré l’entraîneur de Yale James Jones. [Ce] sont quelques-uns des éléments qui ont attiré notre attention. » Sa sœur cadette Kerstie suit la même voie. Elle vient de terminer son avant-dernière année et elle est suivie par plusieurs grandes universités. « Pour être honnête, a déclaré Trey, elle est peut-être plus dure que moi sur le terrain. » Aussi prometteuse que soit la carrière des enfants Phills, Jobe, l’entraîneur universitaire de leur père, espère les voir honorer l’héritage de ce dernier en dehors du terrain. « Peu importe s’il ne marque aucun point, a déclaré Jobe à propos de Trey. L’important est qu’il aille là-bas, qu’il obtienne son diplôme et qu’il fasse les choses que son père n’a pas faites. »

Les Hornets ont déménagé dans la Louisiane natale de Phills, où il n’a jamais joué en tant que pro. Les Charlotte Hornets avaient retiré son maillot peu de temps après sa mort. À la Nouvelle-Orléans, l’organisation a accroché son n°13 au centre d’entraînement, mais pas au Smoothie King Center. Kendall espérait voir l’héritage de son mari revenir dans une arène de la NBA lorsque la Nouvelle-Orléans a changé son nom pour les Pélicans la saison dernière. Peu de temps après, le propriétaire des Charlotte Bobcats, Michael Jordan, a annoncé que la franchise avait demandé à redonner le nom des Hornets à Charlotte. Le conseil des propriétaires de la NBA a approuvé la demande à l’unanimité, donnant aux nouveaux Hornets l’occasion d’honorer une fois de plus Phills en accrochant son maillot à Charlotte, ce qu’ils ont fait à la mi-temps d’un match en novembre dernier. « Il comptait beaucoup pour cette ville, a déclaré Jordan lors d’une conférence de presse avant la cérémonie. Évidemment, j’ai joué contre lui. Il est devenu celui qu’il était quand il est arrivé à Charlotte… Il avait une excellente relation avec les fans. Ils ont grandi avec lui et ils ont compris ce qu’il apportait à cette ville. Et ramener son maillot et leur permettre de profiter de ce moment, ce que ces souvenirs de Bobby Phills représentaient pour eux, signifie beaucoup pour l’organisation. »

Les anciens coéquipiers de Phills Todd Fuller, Chucky Brown et David Wesley ont assisté à la cérémonie. Wesley a regardé Trey cette nuit-là et a presque semblé surpris de devoir lever les yeux pour dévisager le fils de son ami. Kendall est entrée sur le terrain, accompagné de Trey, Kerstie et Brittany Dixon (la fille de Bobby issue d’une autre union). Bobby Phills Sr., Mary Phills et Dwayne Phills étaient également présents. Les fans ont offert à la famille une ovation prolongée. L’émotion était présente dans la voix de Kendall Phills alors qu’elle s’adressait à la foule. Elle a remercié les fans pour les appels téléphoniques et les vœux de bonne chance. Elle était reconnaissante du soutien de l’organisation des Hornets. Elle a déclaré que Bobby Phills avait toujours voulu être un All-Star, mais que pour elle, l’héritage qu’il avait laissé à Charlotte était plus important. Il comprenait à la fois les contributions de Bobby pour la communauté et sur le terrain.

Un joueur des Hornets était sorti des vestiaires pour assister à la cérémonie. Gerald Henderson avait été repêché par Charlotte en 2009, et au cours de ses cinq saisons en NBA, il était devenu proche de la famille Phills. Trey leva les yeux vers Henderson ; il raconta avoir observé des aspects du jeu du swingman qui lui rappelaient celui de son père. Henderson a vu Kendall éprouver une telle fierté et un tel chagrin sur le terrain que lorsqu’elle eut fini de parler, il se dirigea vers elle et l’embrassa.

Kendall avait terminé son discours. Elle a quitté le terrain toujours privée d’une partie d’elle-même, mais en sachant que son mari n’avait pas été oublié. Le n°13 était là où il devait être.

#72 : Chris Webber

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Chris_Webber

CHRIS WEBBER

14 ans de carrière dont 6 de qualité.
5 fois All-Star.
Rookie de l’année en 1994.
Parmi les 5 meilleurs joueurs de la NBA en 2001, top 10 en 1999, 2002 et 2003.
Pic de forme de 3 ans en saison régulière : 25 points, 11 rebonds et 5 passes décisives de moyenne.
Un titre de meilleur rebondeur de la saison.
Play-offs 2002 : 24 points, 11 rebonds et 5 passes décisives de moyenne (16 matchs).
A joué 70 matchs ou moins pendant 9 saisons (294 matchs manqués au total).

*****

Côté pile :

Sur le papier, Chris Webber avait tout ce que l’on peut souhaiter chez un ailier fort : des qualités athlétiques supérieures à la normale, un excellent placement en-dessous du panier, de bonnes mains, un instinct naturel au rebond, et même un instinct de passeur. En dehors du terrain, son environnement était favorable : il venait d’une famille de classe moyenne, vivait avec son père et sa mère, avait fréquenté une école préparatoire respectable de Detroit, et a rapidement appris à cultiver son image de célébrité tout en étant bien plus simple dans l’intimité. À l’université du Michigan, Webber a eu la carrière la plus brillante que l’on puisse espérer, et a contribué à créer l’emblématique équipe du « Fab Five », dont les joueurs sont devenus de véritables figures de mode avec leur habitude de se frapper la poitrine, leurs cris, leurs shorts « baggy » et tout le reste. Tout ce qui s’est passé durant les vingt premières années de la vie de Webber laissait entrevoir une carrière professionnelle influente et pleine de succès, une valeur sûre dans la lignée des O’Neal, Ewing et Robinson.

Alors, que lui est-il arrivé ? On ne peut pas dire que Webber a eu une carrière lamentable ou mauvaise. Il a été cinq fois All-Star, a fait une fois partie du premier cinq majeur de la NBA et a été trois fois dans le deuxième cinq. Il a remporté le titre de Rookie de l’Année et un titre de meilleur rebondeur de la saison en 1999. Avec la formidable équipe de Sacramento du début des années 2000 dont le jeu restera dans les mémoires, il était le deuxième meilleur ailier fort de la ligue et a eu un pic de forme de trois ans à 25 points, 11 rebonds et 5 passes décisives de moyenne. Il a également gagné une quantité d’argent phénoménale ; ensemble, les Warriors, les Bullets, les Kings et les Sixers lui ont donné plus de 185 000 000 dollars, un total dépassé seulement par Jordan, O’Neal et Kevin Garnett. Mais on se demandera toujours pourquoi sa carrière n’a pas été différente.

Côté face :

Car, parmi tous les grands talents n’ayant jamais tenu leurs promesses, Webber est le seul joueur NBA sans excuse légitime. Bien sûr, son manque de réussite s’explique : durant ses meilleures années de carrière (de 1994 à 2004), il n’a joué qu’une fois plus de 70 matchs en saison régulière, a raté 283 matchs sur 850 et a dû combattre une longue série de blessures, la pire étant une déchirure du genou survenue à Sacramento qui lui a volé son explosivité et l’a forcé à changer de style (tout en restant relativement efficace). Ensuite, Webber a intégré la NBA juste au moment où elle commençait à laisser bêtement aux jeunes joueurs trop de champ libre pour négocier, avant que les pouvoirs en place ne se réveillent et ne mettent en place une échelle de salaire pour les rookies. De nombreuses carrières prometteuses en furent affectées, mais Webber reste la plus grande victime et celle pour qui on peut nourrir le plus de regrets. Lorsque Webber, mécontent de son entraîneur, a menacé de casser son contrat avec Golden State et de signer ailleurs, les Warriors l’ont échangé en panique contre Tom Gugliotta et trois choix de premier tour. Au lieu d’être le leader d’une équipe candidate au titre pendant pour plusieurs années, qui mettait ses talents en valeur, Webber s’est retrouvé en train de mener une équipe des Bullets trop jeune, s’est renfrogné et a développé de mauvaises habitudes, s’est blessé au genou, a raté 116 matchs en quatre ans et a été gentiment envoyé à Sacramento contre Mitch Richmond et Otis Thorpe. Quand il a finalement trouvé une autre équipe qui jouait l’offensive en roue libre, il était âgé de vingt-six ans.

En fin de compte, une grande partie de la carrière de Webber s’est jouée sur un mauvais timing : sept ans plus tôt ou plus tard, un contrat de rookie classique l’aurait contraint de rester aux Warriors (à qui il n’avait jamais cessé d’appartenir). On peut aussi regretter que les Kings de l’époque aient eu la malchance d’atteindre leur pic en même temps que ceux de O’Neal, Duncan et Garnett (dans cette ordre). Ils ont subi de cruelles défaites en Match 7 en 2002, 2003 et 2004. Mais si l’on peut reprocher quelque chose à Webber, c’est bien ceci : il ne voulait pas avoir le ballon dans les moments importants. Lorsque l’on regarde attentivement ce qui s’est passé en finale de la Conférence Ouest 2002, avec une équipe des Kings supérieure à des Lakers qui s’entendaient de plus en plus mal, on se rend compte que la série s’est jouée sur trois matchs : le Match 4 (lorsque Horry a rentré un tir à trois points gagnant parce qu’aucun joueur des Kings n’a pris l’un des deux rebonds décisifs), le Match 6 (le match le plus scandaleux et le plus injustement arbitré de cette décennie), et le Match 7 (quand les Kings ont eu plusieurs chances de tuer le match et n’en ont rien fait). La perte du Match 6 ne peut être imputable à Webber, car il n’aurait rien pu faire à part étrangler les arbitres, mais il n’a pas vraiment été au-dessus dans les autres moments décisifs. Il avait la chance de donner enfin de l’éclat à sa carrière et ne l’a pas saisie. Ce n’était tout simplement pas en lui.

Dans cette série contre les Lakers, Webber a officiellement repris le flambeau de Karl Malone, Patrick Ewing, Ralph Sampson et Elvin Hayes en tant que superstar à prix d’or qu’il est formidable d’avoir dans son équipe, sauf s’il reste trois minutes à jouer dans un match important. Voir Webber tenter de s’éloigner de l’action lors des possessions les plus importantes était fascinant. Il recevait une passe au poste haut, faisait un demi-tour à 180 degrés pour que son dos soit face au panier (indiquant à tout le monde qu’il n’allait pas tirer) puis cherchait désespérément à balancer la balle au King disponible le plus proche. Personne n’avait encore jamais vu ça. Webber avait-il perdu confiance dans les matchs importants après le temps-mort illégal qu’il avait posé à un moment crucial en finale du championnat universitaire ? Son passage malheureux parmi les Bullets l’avait-il empêché de développer le sang-froid nécessaire dans les moments décisifs ? N’avait-il tout simplement pas l’instinct du tueur ? On ne le saura jamais.

Alors, comment allons-nous nous rappeler de Webber ? Nous nous souviendrons de lui comme l’un des soixante-quinze meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA, mais nous nous rappellerons aussi qu’il aurait pu faire beaucoup mieux. Webber n’a jamais pris les choses en main quand il le fallait vraiment, même s’il en était plus que capable. C’est son héritage. Et il est normal qu’aujourd’hui, après sa retraite, les gens en soient toujours à s’interroger sur le potentiel de Chris Webber.

#74 : Joe Dumars

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

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JOE DUMARS

14 ans de carrière dont 7 de qualité.
6 fois All-Star.
MVP des Finales 1989.
Parmi les 10 meilleurs joueurs de la NBA en 1993, top 15 en 1990 et 1991.
Cinq fois dans le meilleur cinq défensif de la NBA.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 21 points, 2 rebonds et 5 passes décisives de moyenne.
Deuxième meilleur joueur d’une équipe deux fois championne (Detroit Pistons, 1989 et 1990).

*****

Côté pile :

Choisi à une (trop) lointaine 18ème position à la draft de 1985, Dumars était le seul type bien de l’escadron des « Bad Boys » de Detroit, un magnifique joueur altruiste, respecté par ses adversaires, qui auraient tous adoré jouer avec lui. Il élevait son niveau de jeu quand il le fallait et pouvait être décisif dans les moments chauds. C’était aussi un grand défenseur ; en dehors de John Starks, personne n’a été aussi efficace pour marquer Michael Jordan. Au milieu des années 90, Dumars s’est également distingué par sa classe et son professionnalisme, à une époque où la NBA était aux prises avec de gros problèmes de comportement. Et après sa carrière, il est resté sous les projecteurs en construisant l’équipe de Detroit championne en 2004, avec toujours la même classe et en jouant avec les médias mieux que personne.

Côté face :

Ceci étant dit, Dumars n’a jamais été un joueur transcendant ou capable de porter une franchise. Il a été écarté de la « Dream Team » de 1992 et son titre de MVP des Finales de 1989 a été obtenu après un sweep en quatre matchs contre une équipe des Lakers vieillissante qui a perdu Magic Johnson et Byron Scott au milieu de la série. Durant les derniers instants de certains matchs de play-offs cruciaux (le Match 5 de la finale de 1990, par exemple), Dumars restait sur le banc, laissant sa place à Vinnie Johnson. Et lorsque le temps a fait son effet sur les Pistons après les play-offs de 1992, Dumars est devenu le joueur dominant d’une équipe qui a remporté les saisons suivantes 40, 20 et 28 matchs. Il est totalement impossible, selon ces critères, que quelqu’un puisse prouver que Dumars était meilleur que Sidney Moncrief ou Dennis Johnson. C’est probablement le moins bon des trois. Mais il mérite largement sa place dans ce classement.

#75 : Chris Mullin

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Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Chris_Mullin

CHRIS MULLIN

16 ans de carrière dont 8 de qualité.
5 fois All-Star.
Parmi les 5 meilleurs joueurs de la NBA en 1992, top 10 en 1989 et 1991, top 15 en 1990.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 26 points, 5 rebonds et 4 passes décisives de moyenne à 52 % de réussite au tir et 88 % de réussite aux lancers-francs.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 27 points, 7 rebonds et 4 passes décisives de moyenne à 54 % de réussite au tir (16 matchs).
Deux fois en tête au nombre de minutes jouées en une saison, une fois meilleur tireur à trois points de la saison.
Membre de la « Dream Team » de 1992.

*****

Côté face :

Chris Mullin était un Larry Bird en moins bon, gaucher, avec une coupe en brosse typiquement militaire, une peau un peu plus pâle, et un accent qui le faisait ressembler à un croisement entre Bruce Springsteen et Mike Francesa. Il a gâché ses trois premières années en NBA en raison de problèmes d’alcool et de poids, et il a été ralenti cinq ans plus tard par toute une série de blessures. Il était aussi complètement à la rue défensivement. S’il fallait désigner le pire défenseur des années 90, il est sans doute tout en haut de la liste avec Charles Barkley.

Côté pile :

Mais même s’il a atteint son pic de forme un peu tard, peu de joueurs modernes étaient plus divertissants ou intelligents à l’offensive que Mullin. Il est membre de l’équipe des joueurs modernes avec qui tout le monde aurait adoré jouer un match de basketball. En défense, malgré ses grosses lacunes, il faisait des ravages dans les angles morts et sautait sur les lignes de passe (comme Larry Bird), avec trois saisons à plus de deux interceptions par match. Et après avoir surmonté ses différentes addictions, Mullin s’est mis dans une forme monstre et ses cinq « bonnes » années de carrière ont été vraiment incroyables. La preuve ? Après sa nomination au poste d’entraîneur de la Dream Team, Chuck Daly a fait une présélection qui ressemblait à ceci (dans l’ordre) : Jordan, Magic, Robinson, Ewing, Pippen, Malone, Mullin. Donc, le meilleur entraîneur de la NBA du moment a classé Mullin derrière Jordan et Pippen en tant que troisième meilleur joueur de périmètre, alors que la NBA n’avait jamais eu dans l’histoire autant de joueurs de talent évoluant en même temps. Tout ça pour dire que Chris Mullin était vraiment sacrément bon.

#85 : Robert Horry

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Robert_Horry

ROBERT HORRY

16 ans de carrière dont aucune de qualité.
Jamais All-Star.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 10 points, 5 rebonds et 3 passes décisives de moyenne.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 13 points, 7 rebonds et 3 passes décisives de moyenne, 40 % de réussite à 3 points, 78 tirs à trois points marqués (45 matchs).
Sept titres de champion (1994 et 1995 avec les Rockets, 2000, 2001 et 2002 avec les Lakers, 2005 et 2007 avec les Spurs).
Troisième au classement des joueurs ayant disputé le plus grand nombre de matchs en play-offs de l’histoire (244).
A joué pour dix équipes à 55 victoires en une saison et huit équipes avec un pourcentage de victoires supérieur à 70 %.
A joué pour une équipe ayant remporté moins de 47 victoires en une saison (Phoenix Suns, 1993, 40 victoires pour 42 défaites).

*****

Côté face :

Celle-là, peu de gens devaient s’y attendre. Et pourtant, Robert Horry est bien l’un des cent meilleurs joueurs de l’Histoire du basket. Pourquoi ? Eh bien, en fait, c’est très simple. La carrière de Horry constitue un excellent un test de compréhension du basket-ball. Presque tous ses points forts ne sont pas des choses que les fans occasionnels remarquent, et il serait inutile parmi les « And1 ». Il n’a jamais fait de grosse saison. Il n’a jamais été le deuxième, ni même le troisième meilleur joueur de son équipe. Il a souvent démarré sur le banc, parfois en septième ou huitième homme. Ses statistiques lors de son pic de forme (voir plus haut) sont très moyennes. Il a gagné sept titres, mais il est très loin du niveau de Charles Barkley ou Karl Malone. Et même là, on peut mettre en avant le facteur chance : durant sa carrière, Horry a avancé sans faire de bruit, mais a toujours fini dans de bonnes situations (il a eu la chance de tomber trois fois dans la bonne équipe au bon moment).

(On peut presque faire une analogie entre Horry et Rasheed Wallace : si Wallace n’avait pas atterri aux Pistons, il serait resté dans les mémoires pour sa saison à 41 fautes techniques, pour avoir été le symbole des « Jail Blazers », et un autre des ces joueurs « qui aurait dû être meilleur ». Et si les Pistons n’avaient pas gagné en 2004, il serait resté dans les mémoires pour avoir laissé Horry tout seul – mais on y reviendra.)

Côté pile :

Sauf qu’on ne peut pas laisser Horry en dehors de ce top 100. Ce n’est pas possible. Et voici pourquoi. Robert Horry est comme un jambon-beurre : personne n’en parle jamais, mais il est toujours là quand on en a besoin. Il faudrait que quelqu’un passe en revue tous les matchs de play-offs de Horry, en retire toutes les actions et tirs importants qu’il a réussi, puis les mette à la suite pour en faire un montage de dix minutes. Au fil des ans, Horry a rentré entre vingt et vingt-cinq tirs faramineux. Si ce n’est pas plus. Il y en a trop pour les citer, aussi nous contenterons-nous de revenir sur ce qui a été le chef-d’œuvre de « Big Shot Rob » (ou « Bob ») : le Match 5 de la finale de 2005 avec les Spurs contre les Pistons.

Même avant qu’il ne décide de sortir de sa boîte, tout le monde se serait rappelé de « Big Shot Bob » (ou « Rob »). Mais la façon dont il a porté à bout de bras une équipe des Spurs chahutée à Detroit en rentrant, comme dire ? « D’énormes tirs à trois points » ou « un nombre incroyable d’actions cruciales » ? Ce serait presque rabaisser ce qui est arrivé. Lorsque l’on voit la situation (un effondrement imminent des Spurs qui semblait étrangement rappeler la série de 2004 contre les Lakers), les circonstances (aucun de ses coéquipiers n’osait prendre les choses en main) et l’adversaire (une équipe à la défense formidable qui jouait à domicile), le Match 5 de Horry se classe au même niveau que le Match 6 de Jordan en 1998, le Match 7 de Frazier en 1970 et toutes les autres performances décisives en finale. Si Horry n’avait pas marqué 21 des 35 derniers points de son équipe, les Spurs seraient rentrés comme des zombies à San Antonio. Au lieu de ça, ils ont remporté le match, puis ont remporté le titre.

Voici comment le match s’est terminé : les Spurs paraissaient sans cesse à une erreur de tout perdre, puis Horry les maintenait à flot, encore et encore. Il a planté un tir à trois points pour donner l’avantage à son équipe à la fin du troisième quart-temps. Puis, lorsqu’il a écrasé un incroyable dunk de la main gauche en prolongation, tout le monde savait que Horry allait en quelque sorte avoir le sort du match en main. Tout le monde, sauf Rasheed Wallace. La décision de Wallace de laisser tout seul un Horry à la main chaude pour faire une prise à deux sur Ginobili dans les neuf dernières secondes de la prolongation a été la décision la plus stupide de l’histoire des finales NBA. On ne laisse pas Robert Horry seul dans un grand match. On ne peut pas. Horry a rentré son tir et a donné un point d’avance aux Spurs, suffisant pour leur permettre de remporter le match.

Non content d’avoir sauvé la saison des Spurs, Horry a également modifié le destin de Tim Duncan. Il n’y a que dans les finales de 2005 que le meilleur joueur de l’équipe gagnante (Duncan) a joué très moyennement, même si la défense de Detroit (et les Wallace) avaient quelque chose à y voir. Si les Spurs avaient laissé échapper ce match, ils auraient perdu la série et tout le monde en aurait fait le reproche à Duncan tout l’été, principalement à cause d’un horrible tir facile manqué à un moment décisif, qui rappelait Karl Malone et Elvin Hayes. Aujourd’hui, ce n’est qu’un autre grand joueur qui a joué un match atroce au mauvais moment. C’est dire la puissance de « Big Shot Brob » (voilà, comme ça, tout le monde est content).

De manière générale, Horry était un excellent auxiliaire en défense, qui couvrait en permanence ses coéquipiers. Il était assez grand pour marquer efficacement des ailiers forts et assez rapide pour défendre sur des ailiers. Il ne faisait que ce qu’il savait faire et n’élevait son jeu que dans les situations importantes, quand son équipe avait vraiment besoin de lui. Les statistiques n’avaient pour lui aucune importance. Aucune. Comme peut-être 2 % des joueurs de la ligue. Et il devenait meilleur quand il le fallait. Qu’attendre de plus d’un joueur dont le rôle est d’aider ses coéquipiers ?

Dans une ligue chargée de joueurs qui se croient meilleurs qu’ils le sont, Horry connaissait ses points forts et ses limites mieux que personne. C’est pour cela qu’il est un grand. C’est celui qui est assis à une table de poker avec une grosse pile de jetons, qui ne suit jamais une mauvaise main, qui vous prend aux tripes quand il vous regarde. Un bon joueur qui joue petit bras pendant une heure, puis met d’un seul coup une pile de jetons au milieu. Vous voyez le coup venir. Vous ne vous rappelez jamais des mains qu’il a perdues, mais toujours de celles qu’il a gagné. Et quand il prend ses gains et se lève de la table, vous espérez ne jamais le revoir.

Posez-vous la question : préféreriez-vous avoir la carrière de Horry (beaucoup d’argent et sept bagues) ou la carrière de Barkley ou Malone (énormément d’argent et aucune bague) ? Jouer dans sept équipes championnes, avoir un joli surnom, se faire 50 millions de dollars, et gagner le respect éternel de tous ceux qui ont joué un jour avec ou contre vous sans avoir à faire face à ce statut de superstar à la con ! Faites un grand match, on vous remarque. Faites-en un mauvais, tout le monde s’en fiche. Une vie de rêve. La concordance ultime. Même lessivé, Horry pouvait changer le cours d’une série : il a fait basculer la série de 2007 entre les Suns et les Spurs pour avoir balancé Nash dans la table de presse à la fin du Match 4, ce qui a conduit aux suspensions de Amar’e Stoudemire et de Boris Diaw (pour s’être levés du banc).

Horry entrera-t-il un jour au Hall of Fame ? Impossible à dire. Mais si une chaîne rediffuse le Match 5 de la finale de 2005 et que vous en parlerez à un connaisseur en disant : « Ce soir, ils montrent le match où Robert Horry a été décisif », il est presque certain qu’il va vous répondre : « Lequel ? »

#87 : Mark Price

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Mark_Price

MARK PRICE

12 ans de carrière dont 6 de qualité.
4 fois All-Star.
Parmi les 5 meilleurs joueurs de la NBA en 1993, top 15 en 1989, 1992 et 1994.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 18 points, 3 rebonds et 8 passes décisives de moyenne, 48 % de réussite au tir, 40 % de réussite à 3 points, 93 % de réussite au lancer-franc.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 16 points, 2 rebonds et 7 passes décisives de moyenne, 47 % de réussite au tir, 34 % de réussite à 3 points, 93 % de réussite au lancer-franc.
Une saison à au moins 40 % à 3 points, 50 % aux tirs et 90 % aux lancers-francs.
Meilleur pourcentage de réussite au lancer-franc de l’histoire de la NBA (90,4 %).

*****

Côté pile :

Avant Stephen Curry, il y eut Mark Price. Il est assez étonnant de voir à quel point les trajectoires des deux joueurs sont similaires. Ils ont tous les deux été jugés trop petits (1,83 m pour Price, 1,91 m pour Curry) et physiquement trop faibles pour jouer en NBA. Ils ont tous les deux surmonté les obstacles (des chevilles fragiles pour Curry, un manque d’intensité pour Price) et démontré qu’ils avaient leur place au plus haut niveau. Ils ont  tous les deux porté leurs équipes respectives à des sommets inattendus. Peu de joueurs ont été plus efficaces qu’eux en matière de réussite au tir (47 % de réussite au tir en carrière pour Price, l’un des meilleurs pourcentages pour un meneur de jeu « moderne »). En fait, la seule différence – et qui donne peut-être encore du mérite supplémentaire à Price – réside que dans le fait que Curry s’était présenté à la draft avec un certain potentiel, alors que personne ne croyait en Price (il a été drafté en 25ème position par Dallas et transféré à Cleveland dans la foulée).

En dehors des chiffres exceptionnels alignés par Price au cours de ses meilleures années, la première chose à mettre en avant quand on parle de lui est ce qu’il est parvenu à faire avec les Cavaliers. Il a contribué à faire d’eux une puissance à l’Est, au milieu des Bulls de Jordan et des « Bad Boys » de Detroit, et les a amenés à deux matchs de la finale en 1992, en échouant seulement face aux Bulls avec un duo Jordan-Pippen au sommet de sa forme. Price a aussi révolutionné la façon d’attaquer le panier sur pick-and-roll, en se faufilant entre les défenseurs qui montaient rapidement sur le meneur lors de la pose d’écran, rendant leurs tentatives d’interception inefficaces. Il méritait donc bien une place dans ce classement.

Côté face :

Quoique. Aussi bon qu’ait été Price, il y avait vraiment de quoi hésiter avant de le faire entrer dans ce top 100. Le gros problème le concernant, c’est que Price, un peu à l’image les trois joueurs précédents, n’a pas réussi à faire de carrière complète. Il s’est blessé au genou au milieu des années 90, juste après son pic de forme, et n’a finalement jamais récupéré. Les Cavaliers se sont d’ailleurs empressés de le refiler au Bullets, en les entubant au passage (un premier choix de draft contre un joueur lessivé : une véritable affaire !) et Price a tristement quitté la NBA moins de quatre ans plus tard, sans tambours ni trompettes. C’est bien dommage. Il mérite quand même le titre de joueur le plus sous-coté des années 90.

#89 : Arvydas Sabonis

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Arvydas_Sabonis

ARVYDAS SABONIS

7 ans de carrière dont 1 de qualité.
Jamais All-Star.
Pic de forme d’un an en saison régulière : 16 points, 10 rebonds et 3 passes décisives de moyenne.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 11 points, 8 rebonds et 2 passes décisives de moyenne (29 matchs).
33 % de réussite à 3 points en carrière (135 tirs réussis sur 415 tentés).
Meilleur joueur d’une équipe championne olympique (URSS, 1988).
4 fois Joueur Européen de l’Année.

*****

Côté face :

Arvydas Sabonis est né dix ans trop tôt. Et au mauvais endroit. S’il avait rejoint la NBA plus jeune et si ses jambes ne l’avaient pas trahi, il serait certainement devenu l’un des plus grands pivots de l’histoire. À condition de rester en bonne santé suffisamment longtemps (les joueurs de plus de 2,20 m qui disputent 82 matchs par an depuis leurs vingt-deux ans sans compter les play-offs finissent toujours par être rattrapés par les blessures). Pour Sabonis, les chances de devenir une star de la NBA étaient compromises dès le départ : Portland a pris une option sur lui au premier tour de la draft en 1986, puis a passé une éternité à essayer de l’attirer en NBA. Mais comme les autorités soviétiques lui interdisaient de quitter le pays, Sabonis ne put rien faire d’autre que de poursuivre sa carrière dans son club de Kaunas, et laisser les médecins soviétiques flinguer davantage ses genoux et ses pieds par des soins mal adaptés.

Lorsque l’URSS fut fragmentée en 1989 et qu’il eut finalement l’autorisation de quitter le pays, Sabonis surprit tout le monde en signant en Espagne au lieu de rejoindre les Blazers. Quand Portland parvint enfin à l’obtenir en 1995, le physique vieillissant de Sabonis et ses blessures mal soignées avaient complètement sapé sa rapidité, et le pauvre « Saba » se déplaçait sur le terrain comme un zombie. En Amérique, les fans occasionnels de NBA se rappellent de lui pour deux choses : sa tête énorme qui le faisait ressembler à un catcheur professionnel, et les deux arrestations de sa femme pour conduite en état d’ivresse pendant l’ère des « Jail Blazers », ce qui a permis à tout le monde de faire la blague : « Dans cette équipe, même les épouses des joueurs ont des problèmes ! »

Côté pile :

Dieu merci, grâce à YouTube, nous pouvons voir un « Saba » jeune et en bonne santé fracasser allègrement les panneaux, enquiller des tirs à trois points et faire des passes aveugles ; ce n’est pas pour rien que tout le monde le comparait à Bill Walton avec une envergure de 7,50 m. Vous vous souvenez peut-être d’un Sabonis de vingt-trois ans conduire les Soviétiques jusqu’à l’or olympique en 1988 (même s’il se remettait d’une rupture du tendon d’Achille), dominer David Robinson en demi-finale, contrôler le jeu aux deux extrémités et amener tout le monde à réaliser à quel point les rumeurs sur son compte étaient sérieuses. Dino Radja témoignait en 1995 : « Sans ses blessures, [Saba] aurait été meilleur que David Robinson. J’en suis sûr. Il avait le talent pour. En 1985, il était énorme. Il remontait le terrain comme Ralph Sampson, il savait tirer à trois points, dunker… Il aurait été All-Star dix années de suite. »

Même en boitant sur le terrain comme s’il portait des Nike en béton, Sabonis a joué un rôle clé dans une équipe des Blazers de 2000 qui aurait pu gagner un titre s’ils n’avaient pas craqué en route. Comme il ne pouvait ni courir ou sauter mais restait efficace, imaginez ce qu’il aurait pu être à son apogée. Rappelez-vous, Portland est arrivé en finale en 1990 et 1992, et l’équipe de 1991 a remporté 63 matchs avec Kevin Duckworth en pivot titulaire. Imaginez ce qui se serait passé si, à la place de « Duck », Portland avait eu l’un des meilleurs pivots de l’époque. S’il faut intégrer dans ce classement de grands joueurs en fonction de ce qui aurait pu arriver, Sabonis doit y figurer. Sa carrière raccourcie l’empêche d’être plus haut, mais tout de même.

#90 : Shawn Kemp

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

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SHAWN KEMP

14 ans de carrière dont 8 de qualité.
6 fois All-Star.
Parmi les 10 meilleurs joueurs de la NBA en 1994, 1995 et 1996.
Pic de forme de 3 ans en saison régulière : 19 points, 11 rebonds, 2 passes décisives et 2 contres de moyenne.
Play-offs 1996 : 21 points, 10 rebonds, 2 passes décisives et 2 contres de moyenne à 57 % de réussite au tir.
Finales NBA 1996 : 23 points et 10 rebonds de moyenne à 55 % de réussite au tir.
Meilleur joueur d’une équipe vice-championne NBA (Seattle SuperSonics, 1996).

*****

Côté pile :

Si vous mentionnez le nom de Kemp à la plupart des fans de la NBA de ces trente dernières années, ils se souviendront de la manière dont il dunkait dans le trafic, de ses problèmes personnels (drogues, alcool et cures de désintoxication) qui l’ont privé d’une carrière digne d’un « Hall of Famer », et du fait qu’il avait eu sept enfants de six femmes différentes avant d’avoir 30 ans (une révélation qui à l’époque avait eu l’effet d’une bombe, et qui a donné et donne encore lieu à des milliers de blagues). Voici ce dont ils ne se souviennent pas :

  1. Après Moses Malone, il a fallu attendre quatorze ans avant qu’un autre lycéen n’ayant pas joué à l’université ne réussisse en NBA. Moses a passé une année en ABA ; Kemp s’est inscrit en premier cycle d’études universitaires, mais trop tard pour être éligible dans l’équipe de basket. On pourrait dire que Kemp a ouvert la voie à Garnett, Bryant, LeBron James et les autres.
  2. À l’exception de Dwight Howard et du jeune Shaquille O’Neal, il n’y a jamais eu de force de la nature comme le jeune Kemp : il remontait le terrain comme aucun big man ne l’avait jamais fait, réussissait des alley-oops de tous les angles possibles et imaginables (et d’autres que personne n’avait jamais tentés) et dunkait sur tout ce qui bougeait (ses dunks sur Alton Lister et Chris Gatling au cours des play-offs de 1992 sont parmi les meilleurs de l’Histoire). Il n’y a eu personne comme lui avant, et il n’y en a pas eu depuis.
  3. Kemp était l’homme fort des Sonics lorsque ceux-ci alignaient en moyenne 58 victoires par an entre 1993 et 1997. En 1993, Seattle a perdu le Match 7 de la Finale de Conférence (dans lequel Phoenix a obtenu un nombre suspect de… 68 lancers francs !), et l’équipe de 1996 a remporté 64 matchs pour perdre en finale face à Chicago. Au cours des play-offs de 1996, Kemp a surpassé Hakeem pour un sweep contre Houston, a battu le Jazz et Karl Malone, et a été supérieur en finale à Dennis Rodman.
  4. Regardez un match des Finales de 1996. Pendant la période de titres de Michael Jordan (1991-1993 puis 1996-1998), Kemp a gagné de l’importance à mesure que les séries avançaient (rappelez-vous, en 1996, Seattle avait remporté les Matchs 4 et 5), ce qui fit dire plus tard à l’entraîneur des Sonics, George Karl : « C’était le meilleur joueur sur le terrain. Personne ne peut dire le contraire. »

Côté face :

À ce stade, donc, tout le monde pensait que la carrière de Kemp allait être marquée par une trentaine de posters. Puis Seattle a fait signer un pivot à moitié raide du nom de Jim McIlvaine, pour la somme aussi indécente qu’incompréhensible de 33 millions de dollars. Kemp avait un contrat minable et il avait littéralement explosé au cours des play-offs ; au lieu d’utiliser le plafond salarial restant pour faire une meilleure offre à Kemp, Seattle a donné à un pivot remplaçant le double de son salaire. Kemp, amer, s’est mis à défoncer jour après jour à l’entraînement un McIlvaine pourtant mieux payé, pour finalement tomber dans une spirale de drogue, de prise de poids et d’attitude négative qui a incité Seattle à l’échanger à Cleveland contre Vin Baker. Une véritable catastrophe qui se poursuivra à Portland trois ans plus tard, où Kemp finira de s’enfoncer, se montrant complètement perdu sur le terrain.

Le contrat de McIlvaine n’est probablement pas la seule cause de la dégringolade de Kemp, mais il est certain que ça n’a pas aidé. Kemp est devenu le symbole d’une époque à oublier, définie par des superstars noires surpayées et surcotées, qui attrapaient leur entrejambe après les dunks, ricanaient après les contres, imposaient leur loi aux entraîneurs, laissaient tomber leurs équipes, avaient plusieurs enfants de plusieurs femmes différentes et n’avaient pas l’air d’en avoir quelque chose à foutre. (Attention : nous parlons ici de la perception générale, qui était injuste, et pas de la réalité. Même si la génération de Kemp a vraiment eu le chic pour faire fuir les fans occasionnels.)

Mais bon ! Si nous accordons aux joueurs comme Bill Walton le bénéfice du doute quant à « ce qui aurait pu se passer », le « Reign Man » (l’un des meilleurs surnoms de ces trente dernières années) mérite les mêmes honneurs, même s’il était sans doute prédisposé à perdre le Nord. Les Sonics de la fin des années 90 auraient dû contrôler la Conférence Ouest tout comme les Rockets de Sampson et Hakeem auraient dû contrôler la fin des années 80. Puis le contrat de McIlvaine a fait tomber Kemp en chute libre, les équipes de Houston avec Barkley et Olajuwon ne se sont jamais totalement soudées, les Lakers de Shaq n’étaient pas encore au point… et d’un coup, l’équipe de Stockton et Malone est devenue prétendante au titre. Franchement, Kemp et Payton auraient dû jouer ensemble quatre ou cinq Finales de suite. Ils ne l’ont pas fait. C’est la triste réalité, pour eux comme pour leur équipe et leurs coéquipiers.

#97 : Kevin Johnson

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Kevin_Johnson

KEVIN JOHNSON

12 ans de carrière, dont 7 de qualité.
3 fois All-Star.
Parmi les 10 meilleurs joueurs de la NBA en 1989, 1990, 1991 et 1994, top 15 en 1992.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 22 points, 4 rebonds et 11 passes décisives de moyenne à 50 % de réussite au tir et 85 % de réussite aux lancers-francs.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 22 points, 4 rebonds et 11 passes décisives de moyenne (28 matchs).
Deuxième meilleur joueur d’une équipe vice-championne NBA (Phoenix Suns, 1993).
Cinquième meilleur passeur de l’histoire en play-offs (8,9 passes décisives de moyenne en 115 matchs).

*****

Côté pile :

Lorsqu’il a débuté en NBA en tant que rookie, Kevin Johnson ressemblait à un collégien terrifié qui aurait subitement atterri à l’université. Comme il avait été choisi en septième position à la draft, il était stupéfiant de voir la faiblesse dont il semblait faire preuve en comparaison avec son coéquipier Mark Price (qui figure un peu plus haut dans ce classement). Quelques mois plus tard, tout le monde s’est dit que Cleveland avait bien roulé Phoenix en échangeant Johnson contre Larry Nance au cours d’une méga-transaction. Comment un avorton comme Kevin Johnson aurait-il pu remplir le vide laissé par Larry Nance ?

La même année, « KJ » a transformé Phoenix en une équipe susceptible de gagner en play-offs, en les amenant en demi-finale de la Conférence Ouest de 1989 et en finale de la Conférence Ouest de 1990. Il jouait avec classe, contrôlait le tempo de chaque action et se déplaçait où il voulait. Et il montra pourquoi il ne faut jamais juger trop rapidement les jeunes meneurs (ce que l’entraîneur des Celtics Rick Pitino aurait du savoir quand il a échangé le rookie Chauncey Billups après seulement cinquante matchs).

Aucun meneur n’a attaqué le panier aussi effrontément, autant dunké sur des joueurs plus grands et détruit ses adversaires sur un dribble que Kevin Johnson au sommet de son art ; il n’était pas impossible à marquer, mais ses adversaires reculaient instinctivement chaque fois qu’il amorçait un mouvement. Si « KJ » avait atteint son apogée après 2004 (quand on a commencé à siffler l’utilisation illicite des mains et cessé de siffler les écrans en mouvement, ce qui a permis aux meneurs de rentrer dans la peinture comme dans du beurre), il aurait eu 30 points et 15 passes décisives de moyenne par match, et outrepassé Steve Nash pour obtenir deux titres de MVP consécutifs.

*****

Côté face :

Enfin, si ses cuisses avaient tenu. Car deux choses ont plombé la carrière de KJ. D’abord, il était tout le temps blessé : il avait des cuisses en papier mâché et il a manqué cinq fois plus de quinze matchs en onze saisons pour des problèmes musculaires. S’il y avait un Hall of Fame des joueurs les plus frustrants, il serait meneur titulaire. Et ensuite, il a plus que contribué à la défaite des Suns en finale de 1993, en perdant ses moyens de façon si mémorable lors des deux premiers matchs à domicile de Phoenix que l’entraîneur des Suns, Paul Westphal, a dû le remplacer par Frankie Johnson dans les instants décisifs du Match 2. Le temps que KJ se remette les idées en place dans le Match 3, les Suns avaient dilapidé leur avantage de terrain et n’avaient aucune chance réelle de pouvoir revenir. Sur une série de cinq matchs, personne ne battait quatre fois Jordan lorsqu’il était à son apogée.

Bien sûr, beaucoup de joueurs ont perdu leurs moyens en finale (John Starks en 1994, Nick Anderson en 1995, Magic en 1984, Elvin Hayes en 1975, Nowitzki en 2006, etc.), mais personne ne s’est jamais liquéfié à ce point. On aurait dit que « KJ » faisait exprès de jouer mal. C’est dire à quel point il avait été affreux. Comme la chose s’est passée durant l’une des ces instants qui définissent un joueur, il doit être pénalisé. Et voilà pourquoi il se retrouve à notre point de « cut » pour les meneurs.