#11 : Comment les Hawks et les Knicks sont passés à côté de Julius Erving

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Une image extrêmement rare : Julius Erving portant le maillot des Hawks (et un numéro 54 inédit) lors d’un match de pré-saison de 1972.

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Non content d’être l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, Julius Erving était également l’un des plus révolutionnaires de son temps. Pas étonnant, donc, que plusieurs équipes se soient battues pour l’avoir. Dans cet article, nous allons voir comment deux équipes sont malheureusement passées tout près de l’avoir, ce qui aurait sans doute fortement modifié le destin de ces deux franchises.

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Commençons par le commencement. Vous ne le savez peut-être pas, mais Julius Erving a failli jouer avec… Pete Maravich.

« Erving et Maravich dans la même équipe ? Les deux joueurs les plus révolutionnaires de leur époque auraient pu jouer dans la même équipe ? »

Eh bien oui, et c’est même arrivé ! Juste pour deux matchs d’exhibition, mais quand même. Revenons quelques années en arrière, avant le début de la saison 1972-1973. À cette époque, Julius Erving sort d’une grosse saison en ABA avec les Virginia Squires, sa première en tant que joueur professionnel. Il décide l’année suivante de faire le grand saut en NBA. Ses droits ont été gagné à la draft par les Milwaukee Bucks, mais les Atlanta Hawks de Pete Maravich ont passé outre et ont fait signer « Dr. J », provoquant une bataille juridique qui a vu les Squires et les Bucks poursuivre séparément les Hawks.

(Si vous avez des difficultés à bien comprendre ce qui précède, je vous conseille de lire ou relire l’article suivant.)

Les choses n’ont pas avancé pendant près d’un an (même si, en attendant, l’ABA a obtenu gain de cause et a forcé Erving à jouer une autre saison avec les Squires). Finalement, le propriétaire des New York Nets, Roy Boe, a fini par payer les Hawks et les Squires pour que « Dr. J » débarque à New York. Erving ne rejoindra donc jamais les rangs d’Atlanta, et n’aura joué que deux petits matchs d’exhibition en pré-saison avec Maravich et les Hawks avant d’être forcé à retourner chez les Squires.

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Tout ceci nous amène à méditer sur quatre questions :

Que serait devenue l’ABA si Erving n’avait pas été là lors de ses trois dernières saisons ? Le réponse tient en un seul mot : une catastrophe.

Que serait devenue la NBA si Erving avait été là ? Les trois saisons NBA les plus ennuyeuses de ces soixante dernières années étaient celles de 1974, 1975 et 1976. Disons simplement que Erving aurait contribué à changer ça.

Que se serait-il passé si Erving avait ignoré Atlanta et fait en sorte de rejoindre Milwaukee ? C’était tout à fait possible puisque Erving n’était pas encore une superstar et que d’autres stars de l’ABA comme Charlie Scott et Mel Daniels ont pu changer de ligue en pleine saison 1973 sans avoir d’ennuis. Les seules ressources juridiques que possédait l’ABA était de choisir l’endroit où les joueurs allaient et de bloquer les plus grandes stars comme Rick Barry. Si Erving avait rejoint les Bucks, Erving et Kareem Abdul-Jabbar auraient pu être coéquipiers avant leurs vingt-six ans. Et ce n’est pas tout : il auraient eu avec eux un Robertson vieillissant et Bobby Dandridge. Et la NBA de 1973 à 1976 n’aurait pas seulement été modifiée ; avec Erving, les Bucks de 1974 auraient gagné plus de 70 matchs dans une NBA diluée.

Que se serait-il passé si Erving était allé à Atlanta ? Si tout avait fonctionné et que Doc avait fait le grand saut jusqu’aux Hawks de 1973, il serait allé dans une équipe qui a remporté 46 matchs avec Maravich, Lou Hudson et Walt Bellamy. Imaginez Erving là-dedans avec Pete Maravich, tous deux dans l’éclat de leur jeunesse. Leur alliance aurait transformé la carrière de Maravich et fait d’Atlanta l’équipe la plus populaire de la ligue avec le plus gros taux d’affluence. En outre, l’ABA aurait disparu dans les deux ans et n’aurait jamais fusionné avec la NBA. Et nous aurions de grandes quantités de film avec Dr. J planant à haute altitude à la place de simple témoignages et d’histoires avec un côté apocryphe. Quelle tristesse.

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Bref, Julius Erving a rejoint les Nets, New York et l’ABA, qui n’ont pas eu à s’en plaindre, loin de là. Quelques années plus tard, après la fusion entre la NBA et l’ABA, les Nets ont fait une offre intéressante à leurs voisins Knickerbockers : ils leurs céderaient Julius Erving si les Knicks payaient leur amende pour transgression des droits territoriaux (480 000 $ par an pendant dix ans). Déjà aux prises avec le contrat onéreux de Haywood, les Knicks rejetèrent l’offre. Philadelphie acheta donc Erving pour 3 millions de dollars et le pauvre « Doc », trop digne et trop altruiste pour demander des tirs, a dû se débattre pendant trois ans avec des joueurs trop bien considérés, des accapareurs de ballon, des cas difficiles et des joueurs n’ayant jamais atteint leur potentiel.

En voyant le montant démesuré de l’amende des Nets, la décision des Knicks peut paraître raisonnable. Sauf qu’une fois la saison commencée, ils ont acheté Bob McAdoo à Buffalo après 20 matchs et ils lui ont donné la même somme d’argent qu’ils auraient donnée à Erving. En plus, Wilt Chamberlain a failli sortir de sa retraite pour rejoindre les Knicks le même été. Les Knicks auraient donc pu aligner un cinq majeur composé de Wilt, Haywood, Erving, Frazier et Monroe. Mais rien de tout cela n’est arrivé et les Knicks ont eu droit à la place à sept ans de galère avant de se remettre en selle.

Une dernière chose : les Nets se sont mis en règle avec la taxe territoriale deux ans plus tard en échangeant leur quatrième choix de draft en 1978 (Micheal Ray Richardson) et leur premier choix en 1979 (qui sera Larry Demic, pris en neuvième) contre le treizième choix en 1978 (Winford Boynes), Phil Jackson et un arrangement financier. Techniquement, la chose a eu un double impact, parce qu’avant la saison 1983, les Knicks ont signé Bernard King pour cinq ans et 4 500 000 $, une offre sur laquelle Golden State s’aligna avant de finalement accepter d’envoyer King aux Knicks contre… Micheal Ray Richardson !

Alors peut-être que les Knicks se sont bien plantés en n’obtenant pas Erving, mais ils ont eu droit à trois ans agités avec Richardson et toute la poudre qu’il s’envoyait, une très très bonne saison avec Bernard, puis un an et demi avec un Bernard diminué. Ce n’est pas si mal, non ?