#89 : Arvydas Sabonis

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Arvydas_Sabonis

ARVYDAS SABONIS

7 ans de carrière dont 1 de qualité.
Jamais All-Star.
Pic de forme d’un an en saison régulière : 16 points, 10 rebonds et 3 passes décisives de moyenne.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 11 points, 8 rebonds et 2 passes décisives de moyenne (29 matchs).
33 % de réussite à 3 points en carrière (135 tirs réussis sur 415 tentés).
Meilleur joueur d’une équipe championne olympique (URSS, 1988).
4 fois Joueur Européen de l’Année.

*****

Côté face :

Arvydas Sabonis est né dix ans trop tôt. Et au mauvais endroit. S’il avait rejoint la NBA plus jeune et si ses jambes ne l’avaient pas trahi, il serait certainement devenu l’un des plus grands pivots de l’histoire. À condition de rester en bonne santé suffisamment longtemps (les joueurs de plus de 2,20 m qui disputent 82 matchs par an depuis leurs vingt-deux ans sans compter les play-offs finissent toujours par être rattrapés par les blessures). Pour Sabonis, les chances de devenir une star de la NBA étaient compromises dès le départ : Portland a pris une option sur lui au premier tour de la draft en 1986, puis a passé une éternité à essayer de l’attirer en NBA. Mais comme les autorités soviétiques lui interdisaient de quitter le pays, Sabonis ne put rien faire d’autre que de poursuivre sa carrière dans son club de Kaunas, et laisser les médecins soviétiques flinguer davantage ses genoux et ses pieds par des soins mal adaptés.

Lorsque l’URSS fut fragmentée en 1989 et qu’il eut finalement l’autorisation de quitter le pays, Sabonis surprit tout le monde en signant en Espagne au lieu de rejoindre les Blazers. Quand Portland parvint enfin à l’obtenir en 1995, le physique vieillissant de Sabonis et ses blessures mal soignées avaient complètement sapé sa rapidité, et le pauvre « Saba » se déplaçait sur le terrain comme un zombie. En Amérique, les fans occasionnels de NBA se rappellent de lui pour deux choses : sa tête énorme qui le faisait ressembler à un catcheur professionnel, et les deux arrestations de sa femme pour conduite en état d’ivresse pendant l’ère des « Jail Blazers », ce qui a permis à tout le monde de faire la blague : « Dans cette équipe, même les épouses des joueurs ont des problèmes ! »

Côté pile :

Dieu merci, grâce à YouTube, nous pouvons voir un « Saba » jeune et en bonne santé fracasser allègrement les panneaux, enquiller des tirs à trois points et faire des passes aveugles ; ce n’est pas pour rien que tout le monde le comparait à Bill Walton avec une envergure de 7,50 m. Vous vous souvenez peut-être d’un Sabonis de vingt-trois ans conduire les Soviétiques jusqu’à l’or olympique en 1988 (même s’il se remettait d’une rupture du tendon d’Achille), dominer David Robinson en demi-finale, contrôler le jeu aux deux extrémités et amener tout le monde à réaliser à quel point les rumeurs sur son compte étaient sérieuses. Dino Radja témoignait en 1995 : « Sans ses blessures, [Saba] aurait été meilleur que David Robinson. J’en suis sûr. Il avait le talent pour. En 1985, il était énorme. Il remontait le terrain comme Ralph Sampson, il savait tirer à trois points, dunker… Il aurait été All-Star dix années de suite. »

Même en boitant sur le terrain comme s’il portait des Nike en béton, Sabonis a joué un rôle clé dans une équipe des Blazers de 2000 qui aurait pu gagner un titre s’ils n’avaient pas craqué en route. Comme il ne pouvait ni courir ou sauter mais restait efficace, imaginez ce qu’il aurait pu être à son apogée. Rappelez-vous, Portland est arrivé en finale en 1990 et 1992, et l’équipe de 1991 a remporté 63 matchs avec Kevin Duckworth en pivot titulaire. Imaginez ce qui se serait passé si, à la place de « Duck », Portland avait eu l’un des meilleurs pivots de l’époque. S’il faut intégrer dans ce classement de grands joueurs en fonction de ce qui aurait pu arriver, Sabonis doit y figurer. Sa carrière raccourcie l’empêche d’être plus haut, mais tout de même.

#90 : Shawn Kemp

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

shawn_kemp

SHAWN KEMP

14 ans de carrière dont 8 de qualité.
6 fois All-Star.
Parmi les 10 meilleurs joueurs de la NBA en 1994, 1995 et 1996.
Pic de forme de 3 ans en saison régulière : 19 points, 11 rebonds, 2 passes décisives et 2 contres de moyenne.
Play-offs 1996 : 21 points, 10 rebonds, 2 passes décisives et 2 contres de moyenne à 57 % de réussite au tir.
Finales NBA 1996 : 23 points et 10 rebonds de moyenne à 55 % de réussite au tir.
Meilleur joueur d’une équipe vice-championne NBA (Seattle SuperSonics, 1996).

*****

Côté pile :

Si vous mentionnez le nom de Kemp à la plupart des fans de la NBA de ces trente dernières années, ils se souviendront de la manière dont il dunkait dans le trafic, de ses problèmes personnels (drogues, alcool et cures de désintoxication) qui l’ont privé d’une carrière digne d’un « Hall of Famer », et du fait qu’il avait eu sept enfants de six femmes différentes avant d’avoir 30 ans (une révélation qui à l’époque avait eu l’effet d’une bombe, et qui a donné et donne encore lieu à des milliers de blagues). Voici ce dont ils ne se souviennent pas :

  1. Après Moses Malone, il a fallu attendre quatorze ans avant qu’un autre lycéen n’ayant pas joué à l’université ne réussisse en NBA. Moses a passé une année en ABA ; Kemp s’est inscrit en premier cycle d’études universitaires, mais trop tard pour être éligible dans l’équipe de basket. On pourrait dire que Kemp a ouvert la voie à Garnett, Bryant, LeBron James et les autres.
  2. À l’exception de Dwight Howard et du jeune Shaquille O’Neal, il n’y a jamais eu de force de la nature comme le jeune Kemp : il remontait le terrain comme aucun big man ne l’avait jamais fait, réussissait des alley-oops de tous les angles possibles et imaginables (et d’autres que personne n’avait jamais tentés) et dunkait sur tout ce qui bougeait (ses dunks sur Alton Lister et Chris Gatling au cours des play-offs de 1992 sont parmi les meilleurs de l’Histoire). Il n’y a eu personne comme lui avant, et il n’y en a pas eu depuis.
  3. Kemp était l’homme fort des Sonics lorsque ceux-ci alignaient en moyenne 58 victoires par an entre 1993 et 1997. En 1993, Seattle a perdu le Match 7 de la Finale de Conférence (dans lequel Phoenix a obtenu un nombre suspect de… 68 lancers francs !), et l’équipe de 1996 a remporté 64 matchs pour perdre en finale face à Chicago. Au cours des play-offs de 1996, Kemp a surpassé Hakeem pour un sweep contre Houston, a battu le Jazz et Karl Malone, et a été supérieur en finale à Dennis Rodman.
  4. Regardez un match des Finales de 1996. Pendant la période de titres de Michael Jordan (1991-1993 puis 1996-1998), Kemp a gagné de l’importance à mesure que les séries avançaient (rappelez-vous, en 1996, Seattle avait remporté les Matchs 4 et 5), ce qui fit dire plus tard à l’entraîneur des Sonics, George Karl : « C’était le meilleur joueur sur le terrain. Personne ne peut dire le contraire. »

Côté face :

À ce stade, donc, tout le monde pensait que la carrière de Kemp allait être marquée par une trentaine de posters. Puis Seattle a fait signer un pivot à moitié raide du nom de Jim McIlvaine, pour la somme aussi indécente qu’incompréhensible de 33 millions de dollars. Kemp avait un contrat minable et il avait littéralement explosé au cours des play-offs ; au lieu d’utiliser le plafond salarial restant pour faire une meilleure offre à Kemp, Seattle a donné à un pivot remplaçant le double de son salaire. Kemp, amer, s’est mis à défoncer jour après jour à l’entraînement un McIlvaine pourtant mieux payé, pour finalement tomber dans une spirale de drogue, de prise de poids et d’attitude négative qui a incité Seattle à l’échanger à Cleveland contre Vin Baker. Une véritable catastrophe qui se poursuivra à Portland trois ans plus tard, où Kemp finira de s’enfoncer, se montrant complètement perdu sur le terrain.

Le contrat de McIlvaine n’est probablement pas la seule cause de la dégringolade de Kemp, mais il est certain que ça n’a pas aidé. Kemp est devenu le symbole d’une époque à oublier, définie par des superstars noires surpayées et surcotées, qui attrapaient leur entrejambe après les dunks, ricanaient après les contres, imposaient leur loi aux entraîneurs, laissaient tomber leurs équipes, avaient plusieurs enfants de plusieurs femmes différentes et n’avaient pas l’air d’en avoir quelque chose à foutre. (Attention : nous parlons ici de la perception générale, qui était injuste, et pas de la réalité. Même si la génération de Kemp a vraiment eu le chic pour faire fuir les fans occasionnels.)

Mais bon ! Si nous accordons aux joueurs comme Bill Walton le bénéfice du doute quant à « ce qui aurait pu se passer », le « Reign Man » (l’un des meilleurs surnoms de ces trente dernières années) mérite les mêmes honneurs, même s’il était sans doute prédisposé à perdre le Nord. Les Sonics de la fin des années 90 auraient dû contrôler la Conférence Ouest tout comme les Rockets de Sampson et Hakeem auraient dû contrôler la fin des années 80. Puis le contrat de McIlvaine a fait tomber Kemp en chute libre, les équipes de Houston avec Barkley et Olajuwon ne se sont jamais totalement soudées, les Lakers de Shaq n’étaient pas encore au point… et d’un coup, l’équipe de Stockton et Malone est devenue prétendante au titre. Franchement, Kemp et Payton auraient dû jouer ensemble quatre ou cinq Finales de suite. Ils ne l’ont pas fait. C’est la triste réalité, pour eux comme pour leur équipe et leurs coéquipiers.