#72 : Chris Webber

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Chris_Webber

CHRIS WEBBER

14 ans de carrière dont 6 de qualité.
5 fois All-Star.
Rookie de l’année en 1994.
Parmi les 5 meilleurs joueurs de la NBA en 2001, top 10 en 1999, 2002 et 2003.
Pic de forme de 3 ans en saison régulière : 25 points, 11 rebonds et 5 passes décisives de moyenne.
Un titre de meilleur rebondeur de la saison.
Play-offs 2002 : 24 points, 11 rebonds et 5 passes décisives de moyenne (16 matchs).
A joué 70 matchs ou moins pendant 9 saisons (294 matchs manqués au total).

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Côté pile :

Sur le papier, Chris Webber avait tout ce que l’on peut souhaiter chez un ailier fort : des qualités athlétiques supérieures à la normale, un excellent placement en-dessous du panier, de bonnes mains, un instinct naturel au rebond, et même un instinct de passeur. En dehors du terrain, son environnement était favorable : il venait d’une famille de classe moyenne, vivait avec son père et sa mère, avait fréquenté une école préparatoire respectable de Detroit, et a rapidement appris à cultiver son image de célébrité tout en étant bien plus simple dans l’intimité. À l’université du Michigan, Webber a eu la carrière la plus brillante que l’on puisse espérer, et a contribué à créer l’emblématique équipe du « Fab Five », dont les joueurs sont devenus de véritables figures de mode avec leur habitude de se frapper la poitrine, leurs cris, leurs shorts « baggy » et tout le reste. Tout ce qui s’est passé durant les vingt premières années de la vie de Webber laissait entrevoir une carrière professionnelle influente et pleine de succès, une valeur sûre dans la lignée des O’Neal, Ewing et Robinson.

Alors, que lui est-il arrivé ? On ne peut pas dire que Webber a eu une carrière lamentable ou mauvaise. Il a été cinq fois All-Star, a fait une fois partie du premier cinq majeur de la NBA et a été trois fois dans le deuxième cinq. Il a remporté le titre de Rookie de l’Année et un titre de meilleur rebondeur de la saison en 1999. Avec la formidable équipe de Sacramento du début des années 2000 dont le jeu restera dans les mémoires, il était le deuxième meilleur ailier fort de la ligue et a eu un pic de forme de trois ans à 25 points, 11 rebonds et 5 passes décisives de moyenne. Il a également gagné une quantité d’argent phénoménale ; ensemble, les Warriors, les Bullets, les Kings et les Sixers lui ont donné plus de 185 000 000 dollars, un total dépassé seulement par Jordan, O’Neal et Kevin Garnett. Mais on se demandera toujours pourquoi sa carrière n’a pas été différente.

Côté face :

Car, parmi tous les grands talents n’ayant jamais tenu leurs promesses, Webber est le seul joueur NBA sans excuse légitime. Bien sûr, son manque de réussite s’explique : durant ses meilleures années de carrière (de 1994 à 2004), il n’a joué qu’une fois plus de 70 matchs en saison régulière, a raté 283 matchs sur 850 et a dû combattre une longue série de blessures, la pire étant une déchirure du genou survenue à Sacramento qui lui a volé son explosivité et l’a forcé à changer de style (tout en restant relativement efficace). Ensuite, Webber a intégré la NBA juste au moment où elle commençait à laisser bêtement aux jeunes joueurs trop de champ libre pour négocier, avant que les pouvoirs en place ne se réveillent et ne mettent en place une échelle de salaire pour les rookies. De nombreuses carrières prometteuses en furent affectées, mais Webber reste la plus grande victime et celle pour qui on peut nourrir le plus de regrets. Lorsque Webber, mécontent de son entraîneur, a menacé de casser son contrat avec Golden State et de signer ailleurs, les Warriors l’ont échangé en panique contre Tom Gugliotta et trois choix de premier tour. Au lieu d’être le leader d’une équipe candidate au titre pendant pour plusieurs années, qui mettait ses talents en valeur, Webber s’est retrouvé en train de mener une équipe des Bullets trop jeune, s’est renfrogné et a développé de mauvaises habitudes, s’est blessé au genou, a raté 116 matchs en quatre ans et a été gentiment envoyé à Sacramento contre Mitch Richmond et Otis Thorpe. Quand il a finalement trouvé une autre équipe qui jouait l’offensive en roue libre, il était âgé de vingt-six ans.

En fin de compte, une grande partie de la carrière de Webber s’est jouée sur un mauvais timing : sept ans plus tôt ou plus tard, un contrat de rookie classique l’aurait contraint de rester aux Warriors (à qui il n’avait jamais cessé d’appartenir). On peut aussi regretter que les Kings de l’époque aient eu la malchance d’atteindre leur pic en même temps que ceux de O’Neal, Duncan et Garnett (dans cette ordre). Ils ont subi de cruelles défaites en Match 7 en 2002, 2003 et 2004. Mais si l’on peut reprocher quelque chose à Webber, c’est bien ceci : il ne voulait pas avoir le ballon dans les moments importants. Lorsque l’on regarde attentivement ce qui s’est passé en finale de la Conférence Ouest 2002, avec une équipe des Kings supérieure à des Lakers qui s’entendaient de plus en plus mal, on se rend compte que la série s’est jouée sur trois matchs : le Match 4 (lorsque Horry a rentré un tir à trois points gagnant parce qu’aucun joueur des Kings n’a pris l’un des deux rebonds décisifs), le Match 6 (le match le plus scandaleux et le plus injustement arbitré de cette décennie), et le Match 7 (quand les Kings ont eu plusieurs chances de tuer le match et n’en ont rien fait). La perte du Match 6 ne peut être imputable à Webber, car il n’aurait rien pu faire à part étrangler les arbitres, mais il n’a pas vraiment été au-dessus dans les autres moments décisifs. Il avait la chance de donner enfin de l’éclat à sa carrière et ne l’a pas saisie. Ce n’était tout simplement pas en lui.

Dans cette série contre les Lakers, Webber a officiellement repris le flambeau de Karl Malone, Patrick Ewing, Ralph Sampson et Elvin Hayes en tant que superstar à prix d’or qu’il est formidable d’avoir dans son équipe, sauf s’il reste trois minutes à jouer dans un match important. Voir Webber tenter de s’éloigner de l’action lors des possessions les plus importantes était fascinant. Il recevait une passe au poste haut, faisait un demi-tour à 180 degrés pour que son dos soit face au panier (indiquant à tout le monde qu’il n’allait pas tirer) puis cherchait désespérément à balancer la balle au King disponible le plus proche. Personne n’avait encore jamais vu ça. Webber avait-il perdu confiance dans les matchs importants après le temps-mort illégal qu’il avait posé à un moment crucial en finale du championnat universitaire ? Son passage malheureux parmi les Bullets l’avait-il empêché de développer le sang-froid nécessaire dans les moments décisifs ? N’avait-il tout simplement pas l’instinct du tueur ? On ne le saura jamais.

Alors, comment allons-nous nous rappeler de Webber ? Nous nous souviendrons de lui comme l’un des soixante-quinze meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA, mais nous nous rappellerons aussi qu’il aurait pu faire beaucoup mieux. Webber n’a jamais pris les choses en main quand il le fallait vraiment, même s’il en était plus que capable. C’est son héritage. Et il est normal qu’aujourd’hui, après sa retraite, les gens en soient toujours à s’interroger sur le potentiel de Chris Webber.