#9 : La tragique histoire de Maurice Stokes

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Un Maurice Stokes en pleine santé avec les Cincinnati Royals.

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Pour un récit complet de la vie de Maurice Stokes, cliquez ici.

L’histoire de Maurice Stokes est l’une des plus tristes de l’histoire de la NBA, et peut-être même du sport en général. Heureusement, c’est aussi l’une de celles qui redonne espoir en l’humanité. Un article largement détaillé y sera consacré plus tard. Pour l’instant, nous allons simplement voir à quel point la NBA aurait été différente si la carrière de Maurice Stokes ne s’était pas brutalement arrêtée un jour de 1958.

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Maurice Stokes naît le 17 juin 1933 à Pittsburgh. Issu d’une famille modeste, il débute le basket très jeune et remporte deux titres locaux consécutifs avec son lycée. Ses performances lui ouvrent les portes de la prestigieuse université de Saint Francis et de son équipe de basket. S’il ne remporte pas de titre national avec le « Red Flash », Stokes impressionne par son jeu et ses capacités : en quatre ans, il marque 2 282 points et prend 1 819 rebonds. Encore aujourd’hui, aucun étudiant de Saint Francis n’a jamais fait mieux. C’est donc sans surprise que les Rochester Royals sélectionnent le jeune homme en deuxième position à la draft de 1955 (1).

Dès son arrivée en NBA, Stokes démontre à tous qu’il est un ailier en avance sur son temps. C’était un joueur à la Charles Barkley, en plus grand et plus costaud (2,01 m et 105 kg), qui nettoyait les planches, maniait parfaitement le ballon, et déployait autour du panier une panoplie de mouvements très variés (scoop shots, finger rolls, etc.). Pour sa première saison, Stokes remporte le trophée de rookie de l’année et finit dans le top 10 des meilleurs rebondeurs, marqueurs et passeurs. L’année suivante, il termine deuxième meilleur rebondeur, et troisième meilleur passeur.

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Trois ans après ses débuts, à seulement 25 ans, Stokes est déjà au sommet. En trois saisons, il a affiché des moyennes successives de 17 points et 16 rebonds, 16 points et 17 rebonds, puis 17 points et 18 rebonds. Au cours de cette période, il a pris 3 492 rebonds, plus que tout autre joueur. Plus impressionnant encore, il a adressé 1 062 passes décisives, ce qui fait de lui le second meilleur passeur de la NBA sur les trois dernières années, derrière le légendaire meneur des Celtics Bob Cousy. Une performance incroyable pour un ailier fort. Depuis qu’il est arrivé en NBA, Stokes a également été sélectionné chaque année pour le All Star Game, et a fait partie de la deuxième meilleure équipe-type. Il est donc bien parti pour faire une grande carrière.

Jusqu’à ce jour maudit de mars 1958.

Le 12 mars 1958, les Royals se rendent à Minneapolis pour affronter les Lakers. Il s’agit de la dernière rencontre de saison régulière avant les play-offs. Au cours du match, Stokes retombe sur la tête après un contact en montant vers le panier. Il reste inconscient quelques minutes avant d’être réanimé avec des sels et de terminer le match. Après quoi l’équipe repart vers Cincinnati pour préparer les play-offs et le premier match qui doit avoir lieu à Detroit.

Durant les trois jours qui suivent, Stokes n’est ni soigné, ni même examiné ; il prend l’avion pour Detroit et, s’il apparaît très lent, il parvient tout de même à marquer 12 points et prendre 15 rebonds contre les Pistons. Puis, dans l’avion du retour, Stokes se plaint de maux de tête, s’évanouit et tombe dans le coma. À son réveil, il est couché sur un lit d’hôpital, entièrement paralysé.

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Par la suite, on découvre que Stokes a contracté une encéphalite, une maladie rare qui ne se développe que si une infection bactérienne ou un traumatisme du cerveau non diagnostiqué n’est pas traité. La combinaison improbable de plusieurs facteurs – de mauvais soins médicaux, plusieurs vols en avion (la dernière chose à faire avec un traumatisme crânien) et le pauvre Stokes s’échinant dans un match de play-offs alors qu’il allait très mal – avait provoqué des lésions cérébrales, et Stokes passa le reste de sa vie dans un fauteuil roulant. Sans assurance et dans l’incapacité de payer ses soins médicaux, il aurait pu mourir misérablement sans l’intervention de son ancien coéquipier aux Rochester Royals, Jack Twyman, qui devint son tuteur légal et prit soin de lui jusqu’à sa mort, en 1970.

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S’il n’avait pas pris du poids dans la trentaine (on ne sait jamais avec ce genre de choses), Stokes aurait fait partie à coup sûr des meilleurs joueurs du cinquantenaire de la NBA. Comme Oscar Robertson a été territorial pick pour les Royals, on peut supposer qu’un duo Robertson-Stokes aurait changé le cours d’une ou deux finales des années 60. D’un point de vue plus large, la NBA a perdu sa vedette noire des années 50 et 60 la plus charismatique. C’est vraiment dommage. Il n’y a rien de bon à tirer de tout ça, en dehors d’une histoire humaine aussi exceptionnelle que rafraîchissante, qui vous est racontée ici.


(1) Les St. Louis Hawks, qui avaient le premier choix de draft, ont préféré sélectionner un joueur du nom de Dick Ricketts. Celui-ci n’a été choisi que parce qu’il était déjà sous contrat en amateur avec l’équipe de base-ball des St. Louis Cardinals, et que c’était donc plus pratique. En 1957, Ricketts et Stokes seront coéquipiers au sein des Royals ; le tragique accident de Stokes affectera beaucoup Ricketts et il se retirera de la NBA la saison suivante, avec des statistiques personnelles modestes, mais pas insignifiantes.