All the Kings’ Men (4/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

*****

I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)

IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe

MATCH 4, 26 MAI 2002

Dans le Match 4, Sacramento a pris une avance de 24 points, réduisant au silence la foule du Staples Center. Un panier à trois points désespéré de Samaki Walker en fin de première mi-temps a réduit l’écart à 14 points, redonnant de l’espoir aux Lakers. Les arbitres ont accordé le panier, à la grande frustration de Sacramento. La vidéo – qui n’était pas utilisée par les arbitres à l’époque – prouvera que le tir avait été pris après la sirène.

Voisin : Tout laissait penser que les Kings allaient prendre les devants dans cette série. Ce qui signifiait, en gros, qu’ils allaient aller en finale.

Christie : On avait vingt points d’avance en première mi-temps.

Napear : Je commentais le match à la radio. À un moment, j’ai dit : « On a l’impression d’être à la bibliothèque publique de Los Angeles. » C’est dire à quel point l’ambiance était calme.

Albert : Je me souviens avoir affirmé que [le panier de Samaki Walker] avait été trop tardif, mais ils l’ont accordé pour une raison quelconque.

Walker : Je n’avais aucune intention de tirer. J’ai dû prendre deux tirs à trois points en tout et pour tout dans ma carrière. Et je crois les avoir réussis tous les deux ! C’était un coup de chance.

Phil Jackson : Nous avions besoin de quelque chose qui nous redonnerait confiance.

Walker : Techniquement, le ballon était peut-être encore dans ma main. En fait, je [n’ai] revu l’action qu’environ trois ans plus tard. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi on en faisait toute une histoire. Une fois que j’ai eu la chance de le voir, j’ai compris. Un peu.

Christie : Le panier n’aurait pas dû être accordé. Ça les a complètement remis en selle. Ils allaient rentrer au vestiaire sur une action positive, alors que nous étions en train de les écraser.

Walker : Je pense qu’il a tout à fait raison. Dans un match comme celui-là, lorsqu’on est en retard au score et que les choses ne se passent pas comme on veut, on s’accroche à tout ce qui peut desserrer le nœud autour de son cou.

Adande : Et s’il ne met pas ce panier, bien entendu, celui de Robert Horry ne compte plus.

*****

Les Lakers ont continué à se rapprocher en seconde période pendant que Sacramento perdait en adresse, avec seulement 34 points marqués après la mi-temps. Kobe et Shaq avaient marqué 52 points à eux deux dans le Match 4, mais Horry (qui a terminé avec 18 points, 14 rebonds et 5 passes décisives) était le joueur le plus complet des Lakers. À ce stade de sa carrière, personne ne l’appelait encore « Big Shot Rob ». Tout cela allait changer sur la dernière possession, alors que les Lakers avaient deux points de retard.

Heisler : Ils avaient réussi à revenir dans le match et ils se rapprochaient de plus en plus.

Mitch Richmond (arrière des Lakers) : J’ai beaucoup appris avec Phil. Quand il ne restait plus que quatre secondes à jouer, il disait que tout allait bien, qu’on avait le temps. Pendant treize ans, j’avais pensé que quatre secondes, ce n’était pas beaucoup. Tout le monde était calme quand nous avions le ballon avec seulement quatre, cinq ou six secondes à jouer. C’était une éternité pour notre équipe. Tout se déroulait au ralenti. Phil nous donnait confiance.

Horry : Je suis du genre à prendre le tir à trois points gagnant, quelles que soient les circonstances. Mais la tactique était de mettre Kobe en isolation contre Doug Christie.

Christie : Quand nous jouions contre les Lakers, je disais généralement à mes coéquipiers : « Je me charge de lui. » Je n’allais pas arrêter [Kobe] par la seule force de mon imagination, mais je ne voulais pas de prise à deux. Shaq était inarrêtable sous le panier. Kobe ratait un tir sur deux à l’extérieur, et c’était suffisant pour moi. J’essayais juste de le coller et de lui faire rater son tir. J’ai réussi, mais Vlade s’est souvenu de ce qu’avait fait Magic Johnson contre Portland, et il a essayé d’envoyer la balle à l’autre bout du terrain.

Divac : En 1991, je jouais les finales de la Conférence Ouest avec les Lakers. C’était ma deuxième année en NBA. Nous avions un point d’avance et [Terry] Porter a tenté un tir. Magic a attrapé le rebond, et il a simplement balancé le ballon à l’autre bout du terrain, le temps que le chronomètre s’écoule.

O’Neal : J’avais le ballon de l’égalisation. J’ai essayé de marquer rapidement pour que Vlade ne fasse pas faute sur moi – ce qu’il a fait, soit dit en passant – et j’ai raté mon coup.

Divac : Avec Shaq sur le dos et Kobe qui partait en double-pas, j’ai bloqué le tir, mais le ballon m’avait échappé. Je ne pouvais pas l’atteindre. J’ai essayé de le balancer au loin pour que le temps s’écoule.

Bobby Jackson (arrière des Sacramento Kings) : Je pensais : « Attrapez ce putain de rebond. Ne paniquez pas. Prenez le rebond. Il est à votre portée. Prenez la faute. La seule chose qui peut nous battre est un tir à trois points. Shaq ne peut qu’égaliser. »

Pollard : Sur un tir à la dernière seconde, il faut éloigner le ballon du cercle. Ne pas laisser l’adversaire gagner sur une claquette au rebond. Avec Shaq, Vlade luttait contre le pire adversaire possible. On ne peut pas laisser Shaquille O’Neal prendre le ballon dans cette situation, ou on va probablement se prendre un dunk et une faute en prime. Il faut sortir le ballon.

O’Neal : Il a essayé de l’éloigner et l’a envoyé directement à Robert.

Divac : En gros, j’ai fait une bonne passe à Robert Horry.

Reynolds : Je continue à croire que c’était très mal joué de la part de Horry. Les Lakers avaient deux points de retard, et leur ailier fort se trouvait à huit mètres du panier. Il aurait dû garer ses fesses sous le panier. Que voulait-il faire ? Protéger la zone arrière ?

Horry : Je voulais être là-bas parce que je recherche toujours le trois points gagnant. Je déteste ces conneries de match nul et de prolongations.

Phil Jackson : Il traînait toujours autour de la ligne à trois points dans des situations comme celle-là. On lui avait demandé de rester dans les coins et face au panier. Et il était là. Son tir a sauvé la série. Nous avions besoin de ce rush d’énergie pour notre équipe.

Turner : C’est comme si Horry avait eu un aimant. Le ballon est venu directement vers lui. S’il avait été 1,50 m plus loin, un de nos joueurs l’aurait récupéré.

Horry : Le ballon est arrivé jusqu’à moi de manière parfaite.

George : C’était la plus belle des passes. Je ne pense pas qu’une passe à deux mains aurait été meilleure.

Heisler : Neuf joueurs sous le panier et Rob était derrière l’arc, comme si Dieu allait lui donner le ballon.

Christie : Vlade pourrait tenter de refaire cette passe cent fois qu’il n’y arriverait pas.

Pollard : Il n’a pas eu à se pencher ni à tendre la main. Le ballon était directement sur lui, et tout ce qu’il avait à faire était de tirer. C’était la passe parfaite.

Christie : J’aurais probablement dû courir vers lui, mais j’ai vu « Webb » et je me suis dit qu’il avait plus de chances parce qu’il était plus proche que moi.

Reynolds : Il faut le reconnaître : Webber a réagi au quart de tour une fois que le ballon est sorti de la raquette. Il a vraiment contesté le tir.

Christie : Quand on court vers un joueur, si on sent qu’on ne pourra pas contester le tir en levant la main, il vaut mieux s’abstenir et simplement passer devant lui. Cela va le perturber un peu plus. Lorsqu’on lève la main, cela lui donne un peu le temps de se régler.

Richmond : Dès que le tir est parti, on pouvait voir qu’il était réussi.

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Gerald Wallace (ailier des Kings) : Le ballon a mis une éternité à atteindre le cercle.

Fox : Le ballon est rentré, et là… On avait la tête sous l’eau, et c’était comme si on avait trouvé une bouteille d’oxygène.

Reynolds : J’ai eu l’impression que mon fils aîné avait eu un accident de voiture ou quelque chose comme ça.

Richmond : Je pense que j’ai été le premier à rejoindre Horry. Je me précipité du banc pour sauter dans ses bras.

George : Ils nous ont offert le match. S’ils l’avaient gagné, ça aurait été terminé. Il n’y aurait pas eu de Match 7 sans ce tir.

Divac : Après coup, j’ai essayé leur mettre la pression, à lui et aux Lakers, en disant qu’ils avaient eu de la chance. Mais il est clair que Robert est un grand shooteur.

Steve « Snapper » Jones (analyste sur NBC) : Les Kings ont fait tout ce qu’il fallait faire. Ils se sont massés sous le panier, le ballon a rebondi, ils l’ont repoussé et les Kings vont battre les Lakers, et ils vont aller en finale, et le ballon va à Horry et il est en rythme parfait et le ballon rentre. Voilà comment il a obtenu le surnom de « Big Shot Rob ».

Christie : Mon fils est un grand fan de Kobe. Il y a des trucs sur lui et sur les Lakers partout dans ma maison. Je lui ai acheté la photo de Robert Horry en train de tirer par-dessus Chris – elle est signée et elle est sur son mur. Je regarde cette photo tous les jours dans la chambre de mon fils. Webb lève son bras et sa main le plus haut possible, il essaie de toucher le ballon, mais la passe de Vlade était trop parfaite.

Cleamons : Pour gagner, il faut être bon et avoir de la chance. Et si on a un peu de malchance ou de déveine, on peut perdre. À ce niveau-là, la différence entre un titre et une finale perdue est minime.

Jones : La chance fait partie du monde des sports. Il faut avoir un minimum de chance pour remporter un titre… Les Kings ont tout fait à la perfection, et ça s’est mal terminé. À cause de la malchance.

Bibby : Quand le panier est rentré, on a pris un bon coup sur la tête. Cela dit, on retournait chez nous, dans la meilleure salle de la ligue à ce moment-là. Je pensais que nous allions gagner la finale à domicile.

Divac : Dans une série éliminatoire, tout ce qui compte, c’est d’avancer. Quand un match est perdu, on ne peut plus rien y faire.

Reynolds : Un jour, j’ai dit à Horry : « Tu m’as fait perdre un sacré paquet de fric. » Il a répondu : « Qu’est-ce tu veux que ça me fasse ? » Il avait raison.

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V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (3/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)

III. L’affaire du bœuf de Kobe

MATCH 2, 20 MAI 2002, et MATCH 3, 24 MAI 2002

Kobe Bryant a été victime d’une intoxication alimentaire et a souffert de déshydratation extrême entre les Matchs 1 et 2. Il en a attribué la cause à un cheeseburger au bacon qu’il avait commandé au service d’étage de l’hôtel Hyatt Regency de Sacramento. Affaibli, Bryant a quand même marqué 22 points dans le Match 2, et les Lakers ont été dans le coup jusqu’au bout grâce aux grosses performances de O’Neal (35 points) et de Horry (20 rebonds). Bobby Jackson – qui a largement contribué au succès de son équipe avec 17 points – a été le seul à bien jouer pour les Kings, mais un total étrange de 38 lancers francs à 25 a permis à Sacramento de décrocher la victoire, 96 à 90. « Pour nous battre, il n’y a qu’une seule solution : être meilleur que nous, sans discussion possible, a déclaré Shaq aux journalistes après coup. Sinon, il n’y a qu’une seule autre possibilité : ça commence par un t et se termine par un r. »

Gary Vitti (préparateur physique des Lakers) : Kobe m’a dit qu’il avait commencé à se sentir mal vers une heure du matin. Il ne m’a pas appelé avant trois heures. À ce moment-là, il souffrait de crampes abdominales, de vomissements et de diarrhée. Son ventre était si douloureux qu’il se recroquevillait sur lui-même. Si j’avais pu le voir plus tôt, nous aurions peut-être pu lui donner des médicaments pour le soulager, mais il avait voulu surmonter ça tout seul.

Phil Jackson : Nous ne pensions pas à une grippe intestinale, juste à une indigestion. Nous n’étions pas trop inquiets. Il n’a plus jamais fait confiance au service d’étage de cet hôtel.

Adande : Les fans des Lakers étaient persuadés que c’était intentionnel. Les gens refusaient de croire qu’il s’agissait d’une simple intoxication alimentaire. C’était forcément un acte malveillant. Pourquoi pas ?

Howard-Cooper : C’était une théorie conspirationniste made in Sacramento, comme celle selon laquelle l’homme n’a pas marché sur la Lune. À l’époque, tout le monde en discutait sans arrêt et ça a continué les années suivantes. On fait des blagues là-dessus encore aujourd’hui.

Kobe Bryant (arrière des Lakers) : Je n’ai pas aimé le cheeseburger. Je n’en ai mangé que la moitié… Une conspiration ? Je ne sais pas, je ne pense pas.

Vitti : J’ai du mal à croire que quelqu’un oserait faire ça. J’ai confiance en mon prochain. Mais je suis presque sûr que Kobe pense toujours que c’était fait exprès.

Jerry Westenhaver (directeur général du Hyatt Regency Sacramento) : Les différends entre les Kings et les Lakers doivent être réglés sur le terrain, pas dans notre hôtel.

George : J’étais bouleversé et en colère. Et en même temps, j’avais peur. Je me demandais si les gens avaient pris tout cela au sérieux au point d’empoisonner un adversaire. Je me rappelle l’avoir vu vomir pendant qu’on le mettait sous perfusion. Ce n’était pas beau à voir. Son visage était couvert de sueur. C’était horrible.

Brown : Je pense que que ça pourrait arriver. Quand on joue à l’extérieur, il faut faire attention à ce qu’on mange. Quand je jouais, j’allais manger loin de l’endroit où nous étions logés, là où je pensais qu’on ne me connaîtrait pas.

Madsen : Quand nous sommes revenus jouer à Sacramento par la suite, nous avons changé d’hôtel à cause de cet incident. Pas par suspicion, mais on ne pouvait pas s’empêcher de se poser des questions.

Marv Albert (commentateur pour NBC) : Nous logions toujours au Hyatt et je ne me souviens pas d’y avoir mangé un cheeseburger après cet événement. Je me rappelle à quel point le directeur de l’hôtel était bouleversé. Mais j’ai découvert par la suite que le cheeseburger était devenu un plat du menu très populaire.

Pollard : Nous pensions tous que c’était de l’intox. Dès que [Kobe] est arrivé sur le terrain, on s’est dit qu’il avait juste eu besoin de faire parler de lui.

Vitti : Une personne normale n’aurait pas pu jouer dans de telles conditions, mais Kobe Bryant n’est pas n’importe qui. Sur un champ de bataille, la guerre ne s’arrête pas parce que vous êtes malade. C’est comme ça que Bryant voyait les choses. Le match ne s’est pas arrêté pour lui, il a donc dû faire avec.

Christie : Il paraissait en bonne santé. Je n’ai jamais été ému par ce genre de truc. Quand on est vraiment malade, on ne joue pas. Et sinon, on ne s’en sert pas comme excuse. C’était l’un des joueurs que je respectais le plus. Il allait marquer des paniers, peu importe la manière dont vous défendiez. À gauche, à droite, à mi-distance, partout. Tout le monde plaignait Kobe en disant qu’il était malade. Je m’en foutais. Je n’écoutais rien.

Horry : Nous n’étions pas inquiets. Si Shaq avait été malade, cela aurait été un plus gros problème. Sans vouloir manquer de respect envers Kobe, on pouvait le remplacer par B-Shaw [Brian Shaw], Rick ou un autre de nos gars. En revanche, l’absence d’une force de la nature comme Shaq aurait rendu les choses très difficiles. Mais nous savions que Kobe idolâtrait Michael Jordan, [et Jordan] aurait surmonté sa maladie et serait allé jouer. Cela ne nous inquiétait donc pas vraiment.

Bryant : C’était l’une des épreuves les plus difficiles que j’ai eu à traverser.

Fox : Je pensais que ça le rendrait meilleur. Il allait se concentrer à fond et réussir un grand match. Ça ne s’est pas passé comme ça et Shaq a accumulé les fautes trop rapidement. C’était donc un double coup dur : d’abord l’intoxication alimentaire, et ensuite ce problèmes de fautes. Nous sommes passés trop rapidement sur le fait qu’ils étaient assez bons pour nous battre dans une série. Nous avions montré qui nous étions dans le premier match, et notre excès de confiance nous a valu d’être écrasés comme eux lors du match précédent.

Cleamons : À l’époque, Shaquille n’avait aucun adversaire à sa mesure. C’est alors que Divac a vraiment commencé à jouer la corde sensible. Il s’effondrait au moindre contact, essayant de provoquer la faute offensive. Shaquille le harcelait au poste bas et il [disait] : « Comment suis-je censé défendre sur ce monstre ? Si je lui tiens tête, il va me renverser ou pire ! » Alors il a commencé à « flopper » comme un fou, essayant d’obtenir la compassion des arbitres.

Phil Jackson : L’écart entre ce qui s’est passé lorsque Shaq avait commis des fautes à Sacramento [et] ce qui s’est passé à L.A. était vraiment intéressant. Regardez les statistiques. Divac a reçu les faveurs des arbitres. Les contres étaient devenus des passages en force. Les arbitres ne sont pas à l’abri de l’influence de la foule. Ils aiment être objectifs et ils essaient de l’être, mais ces choses font partie du jeu.

*****

Les Lakers ont beaucoup parlé de la différence de lancers francs lors du deuxième match et de la nouvelle tactique de Divac. « Nous avions un joueur capable de marquer 50 points et qui était en route pour le faire, a déclaré Phil Jackson aux médias. Il est complètement sorti de son match à cause de ces fautes bidon… Vlade sait choisir le bon moment pour pleurer et se créer de bonnes situations. » Les Kings ont balayé la citation de O’Neal relative à leur triche. « S’ils sont vraiment les champions en titre, ils n’ont pas besoin de dire quoi que ce soit de ce genre », a répondu Adelman. Pendant ce temps, les problèmes gastriques de Bryant l’ont empêché de s’entraîner avant le troisième match à Los Angeles, et Sacramento était toujours privé de Stojakovic, victime d’une entorse à la cheville contre Dallas au tour précédent. Mais Sacramento a surpris les Lakers avec une impressionnante victoire 103-90, allant jusqu’à mener de 27 points alors que les Lakers peinaient avec un pourcentage de réussite au tir de 36 %. Webber et Bibby ont marqué 50 points à eux deux. Christie a récolté 17 points, 12 rebonds, 6 passes décisives et 3 interceptions. Et Turkoglu a brillamment suppléé Peja en marquant 14 points.

Phil Jackson : Ils ont tiré avec une incroyable précision lors de la première mi-temps du Match 3. Ils ont joué avec une grosse confiance. Turkoglu était vraiment un atout. Nous étions habitués à Stojakovic, pas à Turkoglu. Il jouait avec une grosse énergie et courait partout. Il a été très bon au tir ; on lui avait donné la liberté de tenter sa chance. C’est comme ça que [Rick Adelman] fait jouer son équipe, et je pense qu’il fait de l’excellent travail.

Turkoglu : Même si c’était ma première et ma deuxième année, les autres ont vraiment aimé mes performances à ce moment-là, et ils me soutenaient en toutes circonstances. Donc, tout ce que j’avais à faire était d’aller sur le terrain et de me battre comme un fou pour rendre les choses plus faciles. Et je m’exécutais.

Christie : Ma défense était trop importante pour être aussi efficace à l’offensive que j’aurais dû l’être. J’ai été agressif et bien entendu, j’ai obtenu les stats qui vont avec : à peu près vingt points, huit rebonds et six ou sept passes décisives. Je m’en remettais souvent à mes équipiers ; avec le recul, j’aurais probablement dû jouer tout le temps comme au troisième match.

Shaquille O’Neal (pivot des Lakers) : Chris Webber faisait ce qu’il voulait au poste 4.

Samaki Walker (ailier des Lakers) : Webber avait amélioré son tir en suspension, ce qui le rendait plus redoutable. C’était un excellent passeur, et l’attaque des Kings était incroyable. Ils savaient comment lui donner le ballon dans des zones où il était très difficile de défendre sur lui.

Turner : C’était un véritable plaisir d’entraîner [Webber], et son style de jeu nous a donné, à nous les entraîneurs et aux fans, des moments extraordinaires. Tout le monde voulait jouer avec lui parce qu’il faisait de superbes passes. Tout le monde veut jouer avec un bon passeur.

Phil Jackson : Rien que le fait de devoir tenir la cadence était compliqué. Nous sommes rentrés au vestiaire à la mi-temps complètement assommés. Nous étions débordés.

George : S’ils prenaient de l’avance, ils étaient vraiment durs à battre. Mais si le match était serré, s’ils étaient un peu en retard au score, ils jouaient de manière totalement différente. Si on les laissait s’échapper, ils étaient vraiment difficiles à rejoindre.

Bryant : On n’est pas encore fatigués.

Madsen : Parfois, je me disais qu’ils étaient vraiment bons. Et je me demandais si on pouvait les battre.

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IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (2/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)

II. La trilogie en marche

MATCH 1, 18 MAI 2002

Au fur et à mesure que le troisième acte d’une trilogie Kings-Lakers en play-offs devenait probable, les fans de basket-ball se sont pris à rêver à un nouveau « Thrilla in Manilla ». La guerre sans merci entre les deux équipes avait commencé lieu deux ans plus tôt. En 2000, les Lakers ont mené 2 victoires à 0 au premier tour des play-offs ; ils se sont rendus à Sacramento en pensant que la série était terminée. Mais les Kings ont brûlé un maillot des Lakers lors de la célébration d’avant-match et ont remporté les Matchs 3 et 4, avant de finalement s’incliner au Match 5. Le copropriétaire des Kings, Joe Maloof, a déclaré à Bloomberg que Phil Jackson avait été « arrogant » pendant la série et qu’il s’était « caché dans un coin » lors des défaites à Sacramento.

C’est ainsi que les hostilités ont commencé. Jackson, qui aimait montrer des extraits de films à ses joueurs pour les motiver, a juxtaposé le meneur de jeu des Kings de l’époque (Jason Williams) avec le personnage joué par Edward Norton dans American History X, et l’entraîneur des Kings Rick Adelman avec Adolf Hitler. Les Kings se sont indignés, et Adelman a commenté : « Cela dépasse toutes les bornes. » Ensuite, Jackson s’est mis à dos toute la ville de Sacramento en qualifiant ses habitants de « ploucs » et en ajoutant : « Quand j’étais entraîneur à Porto Rico, lorsqu’on gagnait à l’extérieur, on nous crevait les pneus et on nous chassait de la ville à coups de pierres, mais c’était un environnement complètement différent. Les gens de Sacramento sont à peine civilisés. Ils ne valent pas mieux que des péquenauds. » Au cours des play-offs de 2001, les Lakers se sont moqués des Kings pour avoir trop célébré leur victoire au premier tour ; Shaq a dénigré les techniques défensives de Divac ; et les Lakers ont humilié leurs adversaires avec un sweep. Ils ne semblaient plus considérer Sacramento comme des rivaux sérieux. Mais la tension ne faisait que monter. En 2002, comme l’admet aujourd’hui Rick Fox, « c’est devenu une vraie rivalité ».

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Howard Beck (journaliste couvrant les Lakers pour le Los Angeles Daily News) : C’était une vraie mise en scène. Shaq se dénigrait tous les jours les Kings, et Phil Jackson faisait de même : il se moquait d’eux, de leurs fans ou de toute la ville de Sacramento. Ils n’étaient pas les seuls. Je me souviens que Rick Fox avait déclaré que les Kings avaient peur d’eux.

Christie : En 2000, quand nous sommes arrivés en play-offs pour la première fois, je crois qu’ils ont commencé à nous prendre au sérieux. Ils nous ont sentis venir. Personne dans la ligue, [pas] même les Spurs, ne pouvait rivaliser avec eux comme nous le faisions.

Adande : Phil et les citations des médias étaient presque aussi intéressants que l’action sur le terrain.

Mark Madsen (ailier des Lakers) : Je me disais que Phil n’avait pas peur de lancer des citations controversées.

Beck : Il y a très peu de franchises NBA que Phil n’a pas insultées. Il a traité Orlando de « ville plastique ». Il s’est moqué du River Walk [à San Antonio]. Il voulait mettre un astérisque sur le championnat remporté par les Spurs lors de l’année du « lock-out » en 1999. C’est dans la nature de Phil de se moquer et de provoquer. Il aime ça. Il adore faire ça.

Phil Jackson : Il y avait des gars près du banc [à Sacramento] avec lesquels j’entretenais de bonnes relations. Ils agitaient des cloches, comme celles qu’on accroche au cou des vaches. Ils ont même amené une cloche électrique attachée à une batterie pour leur permettre d’avoir un son amplifié. La salle était assez bruyante, même pendant un temps mort. Je devais éloigner les joueurs du banc pour leur parler. Ils voulaient détourner l’attention de Shaq ou de certains joueurs en les harcelant. Mais c’était très amusant. Les habitants de Sacramento pensaient la même chose.

Gary Gerould (commentateur radio des Kings) : Je pense qu’ils avaient gagné le droit de se sentir supérieurs. Je n’y trouve rien à redire. Ça leur donnait encore plus d’éclat. Ils étaient allés en finale, ils avaient fait leur travail, ils avaient gagné plusieurs titres. Ils avaient les bagues, l’attitude, le talent. Ils étaient bons et ils le savaient.

Christie : On n’y faisait pas vraiment attention. En termes de talent individuel, nous savions que nous pouvions rivaliser avec eux et probablement les battre. Mais en y repensant, j’aurais aimé qu’on leur réponde. Certains de nos gars avaient de la répartie, nous aurions probablement pu jouer à ça avec eux tout en assurant sur le terrain. Cela nous aurait peut-être un peu mieux réussi. Cela dit, ils avaient le Maître Zen.

Devean George (ailier des Lakers) : Phil est un grand entraîneur car il cache nos faiblesses et expose celles de l’autre équipe. Et il sait parfaitement communiquer avec les médias et détourner leur attention. Il sait très bien dissimuler ce qu’il veut vraiment.

Grant Napear (annonceur des Kings) : Je peux vous assurer que ça leur a posé problème. Je me souviens parfaitement que cela dérangeait les joueurs des Kings. En tout cas, ça a provoqué un sacré tumulte en ville.

Howard-Cooper : Ils étaient fous furieux. Phil savait exactement ce qu’il faisait. Sacramento avait un énorme complexe d’infériorité par rapport au palmarès des Lakers, et aux grandes villes comme Los Angeles et, dans une certaine mesure, San Francisco. Phil le savait, évidemment, et c’était là tout le problème. Je ne pense pas qu’il détestait vraiment les habitants de Sacramento ; il aimait juste faire mettre de l’huile sur le feu et faire de la provocation.

Elston Turner (entraîneur adjoint des Kings) : L’heure de la vengeance avait sonné.

Robert Horry (ailier des Lakers) : Ils voulaient nous dépouiller de ce que nous avions. Rick prenait la chose plus à cœur que quiconque. Il s’est laissé entraîner. C’était assez drôle. Mais pour la plupart d’entre nous, il s’agissait simplement d’essayer d’accomplir quelque chose d’unique. (Horry a passé près de la moitié de l’entretien à faire valoir que la plupart des séquences de cette histoire orale se sont déroulées à des années différentes. Il a gagné trop de championnats pour pouvoir faire la différence.)

Gerould : [La rivalité] a vraiment échauffé les fans des Kings de Californie du Nord. Chaque fois qu’ils battaient les Lakers, même lors des matchs pré-saison, Sacramento se réjouissait.

Howard-Cooper : Pour des propriétaires, les Maloof étaient très présents. Ils étaient à fond derrière leur équipe. Parfois, ils allaient s’asseoir sous le panier simplement parce qu’ils ne supportaient pas de regarder le match depuis la touche. C’étaient des enragés. Et pendant ce temps, [le propriétaire des Lakers] Jerry Buss était invisible, assis à des kilomètres du terrain dans les gradins du Staples Center. Cela faisait partie du contraste.

Pollard : Les rivalités entre deux équipes naissent lorsqu’elles se jouent souvent. Quand tout est fini, on se dit que si on détestait le gars d’en face, c’est parce qu’il aurait fait un excellent coéquipier. J’aurais adoré jouer avec Shaq. Mais à l’époque, mon travail consistait à le ralentir et à m’opposer à lui autant que je le pouvais.

Fox : On n’a pas vraiment fait attention à eux avant cette troisième année. Nous les respections, sans plus. En termes d’envie et de talent, c’étaient nos adversaires les plus redoutables.

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Après s’être battus toute la saison pour obtenir l’avantage du terrain, les Kings l’ont perdu en moins de trois heures dans le premier match de la finale de la Conférence Ouest de 2002. Les Lakers menaient 36-22 à la fin du premier quart-temps et ont remporté leur 12ème victoire consécutive à l’extérieur en play-offs, 106 à 99. À eux deux, Kobe et Shaq ont marqué 56 points, surpassant la solide performance de Webber (28 points et 14 rebonds).

Mike Breen (commentateur pour NBC) : Ça a été un choc. Les Lakers étaient là et bien là. Avec tout le battage médiatique autour de Sacramento, les gens avaient commencé à croire qu’ils étaient invincibles. C’était prématuré.

Horry : Quand on remporte le premier match, cela met beaucoup de doute dans l’esprit de certains joueurs sur leurs capacités. Tout le monde veut gagner et porter le premier coup.

Brown : Le premier match a été extrêmement physique. Les Lakers nous ont écrasés. Je pense que nous n’avions pas vraiment compris à quoi cela ressemblerait.

Pollard : C’était une mauvaise journée pour tout le monde, et on a pris conscience qu’il fallait se réveiller. On n’allait pas nous offrir le titre NBA, même avec le meilleur bilan de la ligue.

Napear : Personnellement, je pensais que c’était fini. L’équipe avait travaillé très dur pour être tête de série n°1, pas seulement à l’Ouest mais dans toute la ligue, et elle avait perdu le premier match contre son plus grand rival. J’étais très pessimiste.

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III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)