All the Kings’ Men (8/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)

VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche »

Les Lakers sont allés en Finales NBA et ont gagné le titre 2002 en balayant les Nets à l’issue d’une série sans éclat. Ensuite, ils ont continué leur joute verbale contre Sacramento durant tout l’été. Lors d’un spectacle comique dont la cible était Emmitt Smith, Shaq a hurlé de rire en entendant le comédien Guy Torry se moquer des Kings alors que les Maloofs étaient présents, un sourire forcé aux lèvres. Lors de la pré-saison 2002-2003, Rick Fox et Doug Christie se sont bagarrés dans le tunnel du Staples Center, et la tristement célèbre épouse de Christie elle-même s’est impliquée dans la bataille. Shaq a résumé ainsi les sentiments des Lakers : « Nous ne sommes pas inquiets pour les Queens de Sacramento. Pas du tout. Je ne vais pas passer l’année à faire des échanges verbaux avec eux. Le titre de l’année dernière, c’est déjà du passé. Concentrez-vous sur l’année à venir. Je ne suis pas inquiet pour les Queens de Sacramento. Écrivez-le. Prenez une photo. Envoyez-la-leur. Je m’en fiche. »

Personne n’aurait imaginé que la rivalité entre les deux équipes avait déjà atteint son apogée. Les Spurs ont détrôné les Lakers au deuxième tour des séries éliminatoires de 2003, et Dallas a créé la surprise en battant Sacramento au même niveau. Webber s’est déchiré le cartilage du genou gauche au cours de cette même série, une blessure qui le ralentira pour le reste de sa carrière et qui fera aussi dérailler les Kings, qui lui avaient accordé de manière invraisemblable une prolongation de contrat de 122 millions de dollars le même été. Coincés par le contrat onéreux de Webber, les Kings se sont débarrassés de lui en l’expédiant à Philadelphie contre trois joueurs médiocres (Brian Skinner, Kenny Thomas et Corliss Williamson). Puis ils ont échangé Stojakovic contre Ron Artest un peu plus d’un an après qu’Artest ait commencé la plus grande bagarre de l’histoire récente de la NBA. Les Kings ont renvoyé Adelman en 2006 et ne sont pas retournés en play-offs depuis.

Pendant ce temps, la crise économique de 2008 a gravement nui aux Maloof et à l’organisation, les transformant en une équipe de petit marché avec une faible masse salariale. Des rumeurs ont couru que les Maloof voulaient déplacer la franchise vers une ville à plus gros marché plutôt que de simplement la vendre à un propriétaire déterminé à rester à Sacramento. Lorsque les habitants se sont retournés contre eux, les Maloof, devenus impopulaires, ont tenté de déplacer l’équipe à Anaheim et à Seattle, pour en être empêchés à plusieurs reprises par la ligue. L’été dernier, les Maloof ont finalement vendu la franchise à un groupe dirigé par le milliardaire Vivek Ranadivé, qui a immédiatement lancé un projet pour construire une nouvelle arène. De manière amusante, Shaquille O’Neal a acheté une part minoritaire, surnommant la ville « Shaqramento ».

Il semble que la ville puisse finalement oublier les Maloof et de tout ce qui s’est passé en 2002. Bien sûr, la légende de la série 2002 perdure. Après les séries éliminatoires, le militant politique Ralph Nader a appelé à une enquête sur l’arbitrage du sixième match. En 2008, l’arbitre Tim Donaghy, qui avait été très critiqué, a rouvert la blessure en affirmant que la ligue avait truqué le sixième match controversé, bien que peu aient pris les affirmations de Donaghy très au sérieux. « Nous sommes prêts pour un examen minutieux, a répondu le commissaire David Stern aux journalistes. C’est quelque chose qui mérite qu’on s’y arrête. »

Ralph Nader (militant politique) : Je n’avais jamais rien vu de tel. C’était presque comme si les arbitres et les officiels avaient eu le cerveau lavé par les Lakers. On spéculait énormément sur le fait que la ligue voulait un septième match parce que cela rapportait plus d’argent. J’ai donc appelé Stern et je lui ai écrit une lettre.

Delaney : Les arbitres veulent bien faire les choses, les fans veulent un match équitable, et bien entendu, les joueurs et les entraîneurs le veulent aussi. Nous faisons de notre mieux pour nous améliorer et atteindre un niveau proche de la perfection. Bien que les gens comprennent que le facteur humain entre en ligne de compte à un certain point, tout cela n’a plus d’importance quand quelqu’un comme Ralph Nader qui s’en mêle. Si vous demandez à la plupart des joueurs de NBA, je pense qu’ils préfèrent que j’arbitre le match plutôt que Ralph Nader.

Madsen : Quand j’ai vu le nom de Ralph Nader circuler, je me suis dit : « Mince ! Ralph est un fan des Sacramento Kings ? »

Nader : J’ai donc dit à Stern qu’il devait faire une enquête. C’est déjà déjà assez que les Lakers aient plus d’argent que les Kings pour acheter de bons joueurs. Ils allaient en plus truquer le système ? Il n’a pas apprécié.

Howard-Cooper : Les gens utilisent la [lettre] de Donaghy comme preuve ultime du trucage du Match 6. Soudain, Tim Donaghy était la raison crédible de croire à toute théorie folle. En Tim Donaghy, ils avaient leur preuve, ce qui, bien sûr, est risible.

Delaney : Mes antécédents sont bien documentés et je travaille avec des criminels depuis longtemps. Les criminels balanceront n’importe qui pour sauver leur peau. Cela ne m’a pas surpris, et tout à fait honnêtement cela ne me concerne pas, car je sais qui je suis et je suis droit dans mes bottes. Mon CV est plus que un peu plus reluisant que celui de Tim Donaghy. (Avant de devenir arbitre, Delaney a été un officier de police pendant de nombreuses années ; il a même un jour infiltré la mafia du New Jersey.)

O’Neal : Voilà pourquoi je ne parlerai jamais de l’affaire Donaghy. Chaque équipe de la ligue avait l’habitude de mettre dans le journal : « Ouais, on va le forcer à tirer des lancers francs. Hack-a-Shaq. On va l’envoyer sur la ligne. » Alors…

Bernhardt : Je ne comprends pas du tout pourquoi on en fait tout un plat. Je viens de l’Indiana. Il y a de vrais problèmes dans le monde. C’est un match de basket, un divertissement. Pourquoi un tel battage médiatique ?

Delaney : J’adorerais amener les fans sur le terrain avec moi et leur demander d’arbitrer un quart-temps ou deux, pour qu’ils comprennent ce qu’on ressent. Parce que je pense qu’ils nous donnent beaucoup plus d’importance que nous ne le méritons. Il est déjà assez difficile de siffler une faute ; en plus de ça, il faut être certain de celui qui l’a commise et de ce qui s’est passé sur l’action. On ne peut pas réfléchir à tout ça pour prendre la décision la plus juste. Voici la façon la plus simple de décrire ce qui se passe lorsqu’on arbitre un match de NBA : c’est comme avoir dix joueurs dans un mixeur qui tourne à toute vitesse. Et vous voulez me faire croire que je suis assez fort pour juger une action, puis de penser au joueur qui le fait, et changer instantanément ma décision parce que c’est un Michael Jordan et pas un autre joueur ? Je devrais léguer mon cerveau à la science.

Madsen : Un type de Los Angeles a fait une chanson de rap qui parlait de Vlade et de ses flops. C’était une période merveilleuse et excitante pour faire partie des Lakers et vivre à L.A.

Adande : Shaq s’est rendu à un déjeuner l’année où il avait des problèmes à un orteil. Et il a dit : « Mon pied va mieux. J’ai demandé à la femme de Doug Christie de le masser. »

Christie : [Le combat de pré-saison avec Rick Fox] est l’une de ces images indélébiles qui vous restent dans la tête. C’était plus que lui et moi. C’était dirigé contre eux, qui nous battaient année après année, et nous devions nous défendre.

Fox : Ils devaient donner le ton. C’était un peu une loi tacite de la pré-saison, en particulier lors du dernier match. Les vétérans jouent généralement quelques minutes pour se dérouiller pendant un quart-temps, puis ils passent le reste du match sur le banc. Et ils sont arrivés comme si c’était le Match 8 de la série.

Adande : Personne ne se bat dans un match de pré-saison. C’est dire à quel point cette série a été passionnée et à quel point les rancœurs ont persisté. C’est pour cela qu’aujourd’hui, au Staples Center, il y a des rideaux qui séparent les deux équipes et deux zones séparées dans les couloirs. C’est à cause de cette série.

Fox : La règle de Rick Fox.

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Beck : On considère les Lakers de cette époque comme étant une équipe surpuissante, une dynastie importante, parce qu’ils ont remporté trois championnats d’affilée. Mais les gens oublient à quel point ils avaient été proches de tout perdre lors de la première et de la troisième fois. Il n’y a que l’équipe de 2001 qui était au-dessus des autres. Mais cette série contre les Kings était un exemple de la fragilité de leur emprise sur la NBA, car ils ont été plusieurs fois à quelques centimètres de perdre, et de ne pas revenir en finale.

Derek Fisher (arrière des Lakers) : C’est épuisant de gagner un championnat et de faire une saison complète. Pour retourner plusieurs fois en finale et gagner des titres, il faut être très chanceux. Vos stars doivent être en bonne santé. Le sort doit souvent vous être favorable, et ce n’est pas facile. Très peu d’équipes sont parvenues à le faire, et ces équipes resteront dans l’histoire de la NBA comme les rares équipes qui ont réussi.

Madsen : Personne ne pouvait arrêter Shaq. Personne ne pouvait arrêter Kobe. Et personne ne pouvait arrêter les deux en même temps. Ajoutez de grands joueurs comme Robert Horry, Rick Fox, Derek Fisher, et vous comprendrez à quel point c’était formidable de s’entraîner tous les jours et de participer aux matchs avec ces gars-là.

Beck : [La rupture] était en marche depuis des années à certains égards, et au cours de [l’année 2004], elle s’est produite pour de nombreuses raisons. D’abord, Shaq et Kobe se disputaient à nouveau. C’était un numéro auquel ils s’étaient déjà souvent livrés : ils se battaient, s’expliquaient, se réconciliaient, remportaient un titre. Puis ils se disputaient à nouveau avant de se rabibocher et de remporter un autre titre. C’étaient les montagnes russes depuis déjà quelques années. Mais je pense que le point de non-retour entre eux a fini par être atteint [en 2004]. Et entre-temps, la relation de Shaq avec l’organisation avait également atteint le point de non-retour, car il était intransigeant sur la prolongation de contrat qu’il voulait obtenir.

Wilbon : [Sacramento] aurait peut-être gagné l’année suivante. Mais les genoux de Chris ont lâché.

Adande : C’est dommage que nous n’ayons pas eu une dernière série entre les Lakers et les Kings, mais quand Webber s’est blessé, la cause était entendue. Ils étaient finis.

Stojakovic : Notre période dorée a commencé à prendre fin après 2004. On ne pouvait pas faire mieux, je suppose, que ces trois à cinq ans passés ensemble.

Phil Jackson : Je compatis – je ne sais pas si c’est le bon mot – avec Rick pour ce qu’il a vécu dans cette série, car je sais à quel point c’est difficile. Il avait été l’entraîneur de Portland lorsque nous avions remporté la série contre les Blazers en 1992. Rick et moi avions donc une certaine habitude d’entraîner l’un contre l’autre. J’avais vraiment du respect pour ses talents d’entraîneur.

*****

Joe Maloof (copropriétaire des Kings) : Quand Robert Horry a marqué ce fameux tir, je pense l’avoir revu dans ma tête au moins dix fois par jour. Perdre cette série au profit des Lakers était… Il n’y a pas de mots pour le décrire. J’en étais malade. Jerry Tarkanian m’a appelé après la série et je lui ai demandé : « Est-ce que mon frère [Gavin] et moi oublierons jamais ça ? » Il a dit : « Vous n’oublierez jamais. Croyez-moi. Vous devrez vivre avec. »

Brian Shaw (arrière des Lakers) : Je m’entends plutôt bien avec Chris Webber. Aujourd’hui encore, il répète qu’ils auraient dû nous battre.

Napear : Les retombées sont toujours présentes. Elles ne disparaîtront que lorsque les Kings battront les Lakers en play-offs. Si vous interrogez un fan des Red Sox de Boston sur toutes leurs défaites les plus difficiles contre les Yankees, ils vous citera le home run de Bucky Dent ou le home run d’Aaron Boone, qui n’ont jamais été oubliés. Mais le titre de 2004 a tout effacé. Et jusqu’à ce que les Kings remportent une série de play-offs significative contre les Lakers, ils ressentiront toujours ce manque.

Wilbon : Tout le monde se rappellerait différemment de Chris Webber s’ils n’avaient pas été baisés. Ils allaient battre les Nets cette année-là. Tout le monde savait que la Finale de la Conférence Ouest était la finale du championnat. Toute la carrière de Webber serait différente. Toute la carrière de Vlade serait différente. Un titre change la perception que le public a de vous.

Cohn : À mon avis, [un titre] aurait été le plus grand événement survenu à Sacramento depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Bibby : Ce sera toujours une grande ville de basket-ball. J’ai été surpris quand ils ont essayé de transférer l’équipe. Je croise tout le temps des gens qui me disent : « Je suis de Sacramento et j’ai adoré cette équipe. »

Richmond : Je pense que les Kings et leurs fans méritaient vraiment un titre, mais je ne voulais tout simplement pas que ce soit contre moi. Je pense que cela aurait été très dur pour moi si les Kings avaient gagné.

Kevin Johnson (ancien All-Star de la NBA et actuel maire de Sacramento) : Chaque fois que vous vous approchez d’une Finale NBA et que vous échouez, vous avez des regrets. Jusqu’à ce que Sacramento atteigne la finale, les fans vont toujours penser à cette série et se demander : « Et si ? »

Christie : Quand je retourne à Sacramento, je m’aperçois que les gens aiment toujours cette équipe. Ils aiment tout ce qu’elle représentait. S’ils remportent un jour un titre, ce sentiment disparaîtra. Mais quand on est tellement proche, qu’on sait qu’on le mérite, et qu’il suffit simplement de battre une équipe pour ça, c’est quelque chose de vraiment difficile à avaler.

Johnson : Je ne pense pas que les événements survenus après cette série aient eu un impact quelconque sur le sort de la franchise. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles, pendant des années, nous n’avons pas pu faire construire une nouvelle salle à Sacramento. Heureusement, tout cela est maintenant derrière nous et je suis impatient que les Kings accrochent une bannière de champion dans la nouvelle arène de Sacramento qui ouvrira en 2016.

Cohn : La mise en place [d’un vote pour une nouvelle arène] aurait vraisemblablement été plus rapide [si les Kings avaient remporté un titre en 2002]. Mais je ne pense pas que les Maloof étaient capables d’élaborer un plan pour financer une arène et de s’y tenir. Tôt ou tard, il y aurait eu des problèmes.

Johnson : Depuis près de vingt-huit ans, cette communauté a une histoire avec les Kings. Pendant une bonne partie de ces années, les supporters des Kings étaient parmi les plus nombreux de la ligue, alors que la plupart du temps, ils perdaient plus qu’ils ne gagnaient et ne participaient même pas aux play-offs. C’est pourquoi je n’ai pas été le moins du monde surpris lorsque nos fans se sont levés et se sont battus pour garder cette équipe à Sacramento alors que les Kings étaient sur le point de déménager.

Cohn : À long terme, c’était peut-être le bon côté de notre défaite. Nous avons dû traverser une période horrible au cours de ces dernières années juste pour pouvoir obtenir de nouveaux propriétaires avec lesquels il serait possible de construire un avenir plus durable. Je ne pense tout simplement pas que nous aurions eu un avenir durable avec les Maloof en tant que propriétaires.

Pollard : Si les Kings avaient remporté le titre, peut-être que les Maloof n’auraient pas essayé de relocaliser la franchise et qu’ils auraient déjà une nouvelle arène ? Il y a beaucoup de choses qui auraient pu arriver et des choses qui auraient pu être différentes. Combien de carrières de joueurs auraient été différentes ?

O’Neal : Ouais, c’est un peu [bizarre de posséder une part des Kings]. Chaque fois que je vais là-bas, on m’en fait la remarque. Mais je pense qu’une fois que les gens me voient échanger avec la communauté et apprennent à me connaître, ils comprennent que je ne faisais que plaisanter.

Cohn : Il est difficile d’être encore en colère contre [O’Neal]. C’est un personnage tellement sympathique.

Vivek Ranadivé (principal propriétaire des Kings) : Nous adorons Shaq. Il a eu beaucoup de succès. C’est une icône mondiale, il est très, très intelligent, très charismatique. Il était assailli partout où il allait. Il a été très bien accueilli par le gouverneur, par l’Assemblée nationale et le Sénat, par les fans, par le public. Il a eu un énorme succès à Sacramento.

Fox : C’est un peu bizarre, c’est clair. Mais c’est tout à fait normal, parce que c’est Shaq. Shaq se fera toujours aimer du public… Cela en dit long sur son charisme et sa manière de penser.

Voisin : Je pense qu’ils ont changé d’opinion sur lui. Le temps guérit tout et il y a tellement de choses qui se sont produites. Il y a le fait que l’équipe reste et ne parte pas. Je pense que les gens sont soulagés et reconnaissants. Il est aussi populaire que lorsqu’il était joueur. Il y a un élément là-dedans qui est bon pour Sacramento et bon pour les Kings.

Ranadivé : Nous pensons être sur la bonne voie. Pour notre première saison, on ne va pas nous parler de victoires et de défaites, on va nous demander si nous avons une culture, un système, si on joue défensif. Ce que je veux faire, c’est créer un groupe de jazz. Le modèle du vingtième siècle était une fanfare, où tout le monde marchait robotiquement au rythme d’un tambour. Ce que j’essaie de faire, c’est de créer un groupe de jazz, où chacun peut faire son propre truc, être celui qu’il veut et improviser, mais en faisant de la belle musique. Nous allons créer ce groupe de jazz.

Shaw : Sacramento aurait pu avoir une histoire différente si les Lakers n’avaient pas été composés de Kobe, Phil et Shaq. C’était une bonne équipe qui est arrivée au mauvais moment. La place des Kings dans la légende de la NBA est toujours vide à cause des Lakers.

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Chris Webber, Rick Adelman et la famille Maloof ont refusé les demandes d’interview répétées pour cette histoire.

All the Kings’ Men (7/8)

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Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)

VII. Le quinzième round

Naturellement, nous en sommes arrivés à l’un des Matchs 7 les plus mémorables de tous les temps. Ce n’était que le deuxième Match 7 d’une Finale de Conférence à aller en prolongation depuis 1993. Le match, très serré, a vu 16 égalités, 19 changements de leader et, très probablement, plusieurs tympans percés à cause du bruit assourdissant de la foule de l’Arco Arena. Les Lakers tentaient de devenir la première équipe à remporter le septième match d’une finale de Conférence à l’extérieur, depuis que Philadelphie avait surpris les Celtics au Boston Garden en 1982.

Howard-Cooper : Ils sont revenus à Sacramento, et c’est là qu’ils ont vraiment ressenti le contrecoup. C’était pire que de perdre le premier match à domicile, pire encore que quand Horry leur a collé ce panier à la dernière seconde. Ils avaient perdu le Match 6, étaient rentrés à la maison, et ils avaient cette sensation dont les gens parleraient plus tard, cette sensation d’avoir laissé passer leur chance.

Voisin : Avant le match, je suis allé dans les vestiaires. Ce qui m’a marqué, c’est que les joueurs se plaignaient toujours du Match 6 et de la façon dont ils s’étaient fait voler. Tout le monde, de Rick Adelman à Geoff Petrie. Ils n’avaient toujours pas digéré le Match 6.

George : Quarante minutes avant le début du match, tous les sièges de la salle étaient remplis. Les supporters portaient des T-shirts blancs, agiraient des serviettes blanches, applaudissaient très fort. Et ce n’était que l’échauffement. Le match n’avait même pas encore commencé. Je me souviens que le titre de James Brown « The Payback » passait en boucle, comme si leur temps était venu.

Napear : C’était une chance pour la communauté, la ville, l’équipe de faire quelque chose que personne ne pensait jamais voir : aller en finale NBA.

Brown : Ce dont je me souviens, c’est que nous avions travaillé les lancers francs toute l’année. Nous n’avons pas tenté beaucoup de lancers francs avant le septième match.

Pollard : Les gens me demandent si le basket me manque. Je suis à la retraite depuis cinq ans. Quand je leur dis que non, ils me demandent pourquoi. Je regrette mon salaire, mais pas ce que je devais faire pour l’obtenir. La seule chose qui me manque, c’est cette poussée d’adrénaline. Entrer sur le terrain et faire hurler 20 000 personnes. Les stars du rock font de la scène jusqu’à 70 ans pour ressentir ça. Les joueurs prolongent leur carrière juste à cause de ça.

Fox : Nous étions l’équipe la plus expérimentée. J’ai essayé de me concentrer là-dessus. J’ai essayé de me concentrer sur le fait que nous avions joué un Match 7 à Portland quelques années plus tôt.

Christie : Je n’avais jamais eu affaire à quelque chose comme ça. J’étais ému. Je n’avais pas compris ce que je traversais. Quand vous êtes déjà arrivé à ce stade, vous savez à quoi vous attendre. Donc j’étais sûr qu’à l’autre bout du terrain, ils étaient tranquilles comme Baptiste.

O’Neal : Pendant l’hymne national, j’aime regarder les gens dans les yeux. Je garde la tête baissée pendant la majeure partie du chant jusqu’à « l’éclat rouge des fusées ». C’est là que je lève la tête et que je regarde les gens, et quand je les regarde dans les yeux et qu’ils baissent la tête, je sais qu’ils ont peur.

Fox : Nous savions à quel point un Match 7 pouvait être émotionnellement et physiquement épuisant. Nous savions, au fur et à mesure du match, combien les possessions devenaient intenses et combien la pression pesait. Je savais que nous savions ce que ça faisait. Et je savais que les Kings ne savaient pas à quoi cela ressemblait.

Christie : J’étais ému. C’était un Match 7 contre les Lakers. Dans mon esprit, c’était ça. Si nous les battons, nous allions écraser les New Jersey Nets. Ce fut un moment fort à plusieurs points de vue. Toute votre vie, vous travaillez pour ça.

Brown : Je n’ai pas vraiment vu qui que ce soit être nerveux. Je sais que Webb et les autres voulaient gagner. Je n’ai pas vu Doug avoir peur. Je n’ai pas vu ça. Je ne l’ai pas vu. Je sais que Bobby Jackson a joué un rôle important dans le Match 7.

Rambis : Je me souviens d’avoir dit à Phil : « Ils ont peur de tirer. » Les joueurs étaient libres de tout marquage et ils ne rentraient rien, à l’exception de Bibby.

Heisler : En fin de partie, [Webber] a eu le ballon dans ses mains et c’était comme s’il avait attrapé une grenade. Il l’a secoué dans tous les sens, sans même songer à le passer à Mike Bibby.

Richmond : J’avais une peur bleue de perdre contre les Kings. Je pensais que ces sept années de succès allaient prendre fin et que les Kings iraient en finale. J’avais beaucoup de choses en tête. Quand j’étais sur le banc, je transpirais, alors que je ne jouais même pas.

Christie : Vers la fin du temps réglementaire, je pensais que le toit allait tomber. Ça tremblait de partout. Les supporters faisaient sonner leurs cloches, mais on ne les entendait même pas. Les gens étaient devenus fous. Le sol tremblait et en me dirigeant vers l’un des arbitres, je me suis dit que c’était incroyable.

Howard-Cooper : Comme un grand mur de son, de chaleur et de stress.

Wallace : On était assis sur le banc avec des boules Quiès.

*****

Dans les dernières secondes, alors que le score était à égalité, Stojakovic a complètement raté un tir à trois points qui aurait pu envoyer les Kings en finale. En prolongation, Christie a nettement raté un tir à trois points crucial. Finalement, ce sont ces deux tirs dont on se souvient le mieux. À part Bibby et Jackson, tous les autres Kings semblaient timides et écrasés par la pression. Sacramento a raté 14 lancers francs sur 30 et 18 tirs à trois points sur 20. Pendant ce temps, Shaquille O’Neal, Derek Fisher et Kobe Bryant ont marqué leurs huit lancers francs en prolongation. Les Lakers ont gagné 112-106.

Voisin : La plupart des joueurs étaient tendus, à l’exception de Bobby Jackson. Mais il était sur le banc, Dieu sait pour quelle raison. Rick avait remis les titulaires. Il a fait rentrer Peja, qui était blessé à la cheville, et Doug Christie.

Pollard : Au quatrième quart-temps, personne ne pouvait rentrer un tir. Cela m’a énervé parce que je faisais un bon match, peut-être l’un des meilleurs matchs de ma carrière en play-offs. Et je n’ai pas mis un pied sur le terrain au quatrième quart-temps. Après ce match, j’étais assez énervé parce que j’avais l’impression de contribuer, de faire quelque chose et de libérer mes coéquipiers.

Christie : Nous étions l’une des meilleures équipes de la ligue au lancer franc. Et puis, Peja a fait ce tir qui n’a même pas touché le panier. Ça ne lui arrive jamais. Pas même exprès.

Napear : Je ne sais pas si Bobby aurait réussi le dernier tir, mais je sais qu’il aurait au moins touché le panier. Bobby savait être décisif. Il ne ressentait jamais la pression, quelle que soit la situation.

Bobby Jackson : On suit les consignes de l’entraîneur. On respecte ses instructions et on fait ce qu’il dit. Au début de ma carrière, j’aurais probablement protesté, mais nous avions une si bonne alchimie, nous comptions en quelque sorte les uns sur les autres et nous avons respecté ce que l’entraîneur voulait en terme de temps de jeu et de prise de décision. Et nous ne l’avons pas remis en question.

Fox : Le seul joueur que je n’avais pas laissé seul durant toute la série s’est retrouvé seul pendant une seconde. J’étais parti en aide sur une pénétration, le ballon est ressorti pour Stojakovic, et s’il avait rentré ce tir qu’il met toujours habituellement, la série aurait été différente.

Divac : Peja était blessé, il avait un problème à la jambe. Mais bon, quand vous savez que votre tir peut vous envoyer en finale, et que celui qui va en finale gagne…

Stojakovic : Parfois, je me fais des reproches. Je pense que beaucoup de joueurs pensent à cette série et à ce que chacun d’entre nous aurait pu faire mieux. Personnellement, je pense encore à ce tir raté. Cela aurait peut-être pu faire la différence. C’est toujours dans ma tête.

Fox : Il a complètement raté son tir. Probablement parce qu’il était surpris d’être aussi seul.

Stojakovic : Maintenant que j’y pense, je me rappelle de ce tir et ça ne me fait pas du bien. Hedo me l’a ressorti dans le coin et je me suis peut-être un peu précipité. Il est bien parti, mais j’ai mal visé. J’ai simplement mal visé.

Turkoglu : Il était blessé à ce moment-là. Il avait pris la décision d’aller sur le terrain et d’essayer de faire de son mieux pour aider l’équipe. S’il n’avait pas été blessé, j’aurais mis tout mon argent sur le fait qu’il allait rentrer ce tir.

Christie : J’ai moi-même raté le panier sur un tir [en prolongation]. Il était bien parti. En y repensant maintenant, quand Bib m’a passé le ballon, je pense que j’avais encore quelques secondes. J’aurais pu me ruer vers le panier. Dans l’ensemble, c’était un match bizarre.

Wilbon : Le [tir] de Doug était en courbe, comme s’il avait lancé un boomerang ou quelque chose comme ça.

Voisin : Doug n’y arrivait pas. Il ne rentrait aucun tir.

Pollard : Je pense que [Doug] était psychologiquement cuit. Il avait eu des difficultés toute la série. Il n’a pas bien tiré, en particulier lors du septième match, mais personne n’a vraiment bien tiré lors du septième match. On a vraiment été mauvais.

Fox : Je savais que certains d’entre eux allaient être tendus, mais je ne savais pas qui. Je savais que les douze joueurs ne seraient pas aussi libérés et fluides qu’ils l’étaient probablement dans les six premiers matchs.

George : Quand nous étions assis sur leur banc, leurs fans pouvaient littéralement nous taper sur l’épaule en tendant la main. Ils étaient juste derrière nous. Et ils faisaient du bruit. Ils faisaient sonner leurs cloches de vaches et je me souviens que lorsque nous étions pratiquement sûrs d’avoir la victoire en poche, tout est devenu très calme. Les cloches se sont arrêtées et je me souviens que l’entraîneur s’est adressé au gars derrière le banc en disant : « Je croyais que tu allais sonner cette cloche toute la journée ? Je ne l’entends plus. » Et le gars s’est remis à faire sonner sa cloche, en nous perçant les tympans.

Adande : Le Match 7 était si intense que j’en ai attrapé mal à la tête. Mes oreilles bourdonnaient. Mon estomac était noué.

Adelman : Si vous voulez écrire qu’ils ont été meilleurs, faites-le. Mais je ne suis pas d’accord.

Christie : Nous les avons regardés droit dans les yeux et nous avons rivalisé avec eux. À mon avis, ils savaient que le vainqueur de cette rencontre allait gagner le titre. Quand ils nous ont battus, c’était plié.

O’Neal : La salle était très, très bruyante. Si nous pouvons surmonter ça, alors nous pouvons surmonter n’importe quel adversaire de la Conférence Est. C’était bien de jouer là. Vous arrivez dans une arène hostile et on s’attend à ce qu’ils gagnent, et vous gagnez en faisant le boulot dans un Match 7. J’aime ça.

Pollard : On peut parfaitement mettre la défaite du Match 6 sur le compte des arbitres. Mais il y avait toujours le Match 7. On a craqué et on a perdu. Nous aurions dû gagner. Même si ça fait mal, j’ai l’impression que je devrais avoir une bague.

Adande : Si votre arrière titulaire est terrifié avant le Match 7 à domicile, vous n’êtes pas prêt et vous ne méritez pas de gagner ce match ou la série. Les Lakers ont remporté un Match 7 à l’extérieur. Vous rendez-vous compte à quel point c’est rare ? Un Match 7 à l’extérieur après prolongation ? Les Kings n’étaient pas tout à fait prêts. Ils ont perdu le premier match à domicile. Ils ont perdu le Match 7 à domicile. Ce sont deux choses qui ne devraient pas arriver.

Gerould : L’expérience des Lakers dans les gros matchs a vraiment payé. Les Kings étaient trop conscients de l’opportunité qui se présentait dans le septième match, et en prolongation. Je pense que la pression a fait des ravages.

Phil Jackson : Vous ne pouviez rien demander de mieux dans le septième match d’une série.

Adelman : Je suis extrêmement déçu pour notre équipe. Ils ont joué avec leur cœur et on dirait qu’on leur a arraché. Nous avons fait tout ce que nous pouvions… Je ne sais pas comment nous avons fait pour perdre cette série.

Webber : Il y a tant de choses dans cette série qui auraient pu tourner en notre faveur. C’est stupide de passer tout son temps à y penser. Ça ne sert à rien.

Pollard: J’ai l’impression que ma carrière se serait peut-être déroulée différemment si nous avions gagné cette année-là. Mais c’est arrivé comme ça.

Divac : En gros, les lancers francs nous ont coûté la partie.

Howard-Cooper : Les Kings ont raté leurs lancers francs. C’est ce qu’il y a à retenir. On ne pouvait pas rattraper ça.

Phil Jackson : Ce sont finalement les lancers francs qui ont fait la différence. Ils étaient trop tendus. Les gens s’interrogent souvent sur les joueurs qui n’arrivent pas à tirer des lancers francs, ces grands gaillards qui arrivent sur la ligne. Ils marquent 80 % d’entre eux à l’entraînement et 50 % en match. Ils se demandent pourquoi ces joueurs, qui sont des professionnels, n’y arrivent pas. C’est à cause de la pression. C’est ce qui arrive dans un match comme celui-là, et nous avions l’expérience d’un septième match, et cette équipe avait été dans une position où elle avait connu des échecs. Ils avaient été balayés deux fois en séries éliminatoires deux ans avant que je vienne les entraîner en 1999 et en 2000. Ils en étaient donc vraiment conscients.

Bobby Jackson : Nous nous sommes battus nous-mêmes. Revoyez le match, regardez toutes les erreurs que nous avons faites, tous les lancers francs que nous avons ratés. Nous étions une très bonne équipe aux lancers francs. Nous nous sommes tirés une balle dans le pied.

Brown : Les gars étaient un peu abattus. Mais c’était une équipe assez jeune, alors on se disait qu’on avait eu un petit avant-goût. Il faut ramper avant de savoir marcher.

Phil Jackson : Je me souviens du moment où Shaq a chambré les supporters adverses alors que nous sortions du parking. Ils nous avaient chambrés en entrant.

Adande : Ce dont je me souviens en particulier est que Kobe est sorti de la salle avec moi après le Match 7, et j’ai posé des questions sur leur rivalité. Il a dit : « Attends. Ils doivent d’abord nous battre pour qu’on puisse en parler. C’est comme ça que ça se passe. »

Devin Blankenship (coordinateur du contenu Web, Kings) : Après avoir perdu le Match 7, on est restés au centre d’entraînement jusque tard dans la nuit. Après la conférence de presse, on retourne dans un petit espace ouvert où on parle avec les médias. Mon patron à l’époque était Troy Hanson, qui était directeur des relations publiques. Dans le reste du département, nous avions toujours entendu des histoires selon lesquelles l’équipe devait d’abord encaisser des défaites difficiles avant de remporter la mise. Donc, dans notre esprit, nous nous disions que ce n’était que le début. Troy nous a surpris en train de parler et il s’est dit : « Et si on avait laissé passer notre unique chance ? »

*****

VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (6/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

*****

I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)

VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens

MATCH 6, 31 MAI 2002

Le Match 6 a été l’un des plus controversés de l’histoire de la NBA, avec un résultat final que Sacramento n’a toujours pas digéré. Les Lakers se sont montrés agressifs, en donnant continuellement le ballon à Shaquille O’Neal. O’Neal a marqué 41 points, pris 17 rebonds, et a provoqué les sorties pour six fautes de Divac et Pollard. Lorsque Webber a pris sa cinquième faute au quatrième quart-temps, les Kings ont été forcés de faire rentrer Lawrence Funderburke, un ailier au temps de jeu très limité, pour défendre sur Shaq. Les Lakers ont tiré 40 lancers francs en tout, dont un incroyable total de 27 lancers au quatrième quart-temps (O’Neal a terminé avec un remarquable 13 sur 17). Bien qu’ils aient passé près de la moitié du quatrième quart-temps sans marquer sur une action de jeu, les Lakers ont marqué 18 lancers francs au cours des six dernières minutes pour arracher une victoire 106-102. Tout allait se jouer au Match 7. Mais les Kings étaient furieux de l’issue du Match 6. La sixième faute de Divac, la grosse faute de O’Neal sur Funderburke et le coup de coude de Kobe Bryant dans le visage de Mike Bibby avaient été jugés de manière incompréhensible. Leur fureur a éclipsé la grosse performance de Shaq, inspirée par une source inattendue.

O’Neal : Je dormais, avec ma fille à côté de moi. On était serrés l’un contre l’autre, puis le téléphone a sonné aux alentours de 2h30. C’était Kobe. Il m’a dit quelque chose comme : « Mon gars, demain, j’ai besoin de toi. On va marquer l’histoire. »

Phil Jackson : C’est comme ça que fonctionne Kobe. Il ne dort pas beaucoup. J’ai déjà eu des joueurs similaires. Michael Jordan ne dormait pas beaucoup non plus pendant les play-offs. Il y a une telle intensité que votre cerveau fait des heures supplémentaires. C’est quelque chose que Kobe arrivait bien à faire avec ses équipiers. Il n’était pas un ami proche de Shaq, mais il entretenait une bonne relation professionnelle avec lui.

Jones : Je crois qu’à ce moment-là, tous les habitants de Sacramento avaient l’impression d’avoir la meilleure équipe et qu’ils ne pouvaient pas perdre le match. Tout le monde pensait que c’était leur chance de remporter un titre.

Bob Delaney (arbitre NBA lors du Match 6) : Quand on est arbitre, on arrive dans les vestiaires en espérant faire le match parfait. Mais lorsqu’on quitte les vestiaires pour aller sur le terrain, il est clair que quel que soit le match – et j’en ai arbitré plus de 1 800 – il y aura toujours de coups de sifflet que vous auriez voulu donner et d’autres vous souhaiteriez ne pas avoir donnés.

Heisler : Vlade donnait beaucoup de mal à Shaquille avec son « flopping ». Il l’a perturbé ainsi pendant près de quatre matchs, puis Shaquille a finalement compris son petit jeu. Il a complètement changé sa manière de jouer. Il allait rester à distance pour que Vlade puisse pas flopper.

O’Neal : Quand mes adversaires floppent, cela veut dire qu’ils ont peur de moi. Quand je ressens leur peur, j’attaque et c’est ce que Vlade et Scot et tous les autres ont essayé de faire. Ils ont essayé de me mettre en difficulté.

Divac : [Pollard] essayait de le bloquer sous le panier et j’essayais [de] courir et de le fatiguer. Comme cela, il serait un peu fatigué en attaque et il ne marquerait pas à chaque fois.

Pollard : De temps en temps, j’essayais de m’écarter de Shaq, mais il me suivait partout, me renversait à chaque fois et finissait toujours par un dunk. Ce n’était donc pas une bonne tactique. Il valait mieux essayer de jouer dur ou de le repousser.

Richmond : À un moment donné, Shaq nous a dit : « Donnez-moi le ballon. Appuyez-vous sur moi et tirez-en tout ce que vous pouvez. » Et c’est ce qu’on a fait. On a fait tourner et on a commencé à donner le ballon à Shaq au poste bas.

O’Neal : Tout le temps. Je le leur répétais tout le temps.

Divac : On ne peut pas vraiment défendre sur lui. Il peut marquer à tout moment. Tenter de rivaliser physiquement avec Shaq, c’est c’est du suicide. J’ai essayé de remonter le terrain rapidement, de prendre des fautes offensives et de faire pression sur lui pour qu’il soit en difficulté. J’ai parfois forcé les arbitres à siffler des fautes, puis ils ont commencé à dire que c’était du flopping. C’est la seule façon de défendre sur lui.

Delaney : Nous savions tous que Vlade floppait. Nous avions regardé suffisamment de vidéos pour ne plus être dupes. Lorsque le « flop » est arrivé pour la première fois dans la ligue, on s’est souvent fait avoir. Mais à mesure que le temps passait, on finissait par ne plus se laisser prendre à ce petit jeu car nous pouvions faire la différence après l’avoir vu souvent en vidéo. On pouvait faire la différence entre une simulation et une vraie faute.

*****

Pollard : Dans les vestiaires, à la mi-temps, on s’est répétés ce qu’on s’était dit durant toute la série : « Hé, les gars, ils ne vont pas nous donner la victoire. Nous devons gagner. Nous devons battre le cinq des Lakers et apparemment, les trois autres gars en uniforme, les arbitres, sont contre nous aussi, mais nous devons tous les battre. N’y pensons pas. Faisons-le. »

Richmond : Nous essayions de provoquer des fautes, de faire siffler les arbitres et de ralentir le jeu. Ils voulaient aller un peu plus vite que nous.

Voisin : Le sixième match a été le match important le moins bien arbitré que j’ai jamais couvert, et je suis la ligue depuis 1981. Je pense que les arbitres ont été mauvais, tout simplement. Il y a eu quelques fautes vraiment ridicules sifflées contre Pollard et Divac au quatrième quart-temps, qui les ont tout simplement sortis du match.

Divac : Je me sentais mal, mais que pouvais-je y faire ? Scot et moi, on s’est fait sortir très rapidement pour cinq fautes, mais que pouvait-on y faire ?

Delaney : Shaq aurait dû aller sur la ligne beaucoup plus souvent, parce qu’il passait en force là où d’autres joueurs auraient laissé échapper la balle, ou n’auraient pas pu passer. Donc, quand il prenait des coups, les autres arbitres et moi ne pensions pas qu’il avait été touché – c’était accidentel parce qu’il défonçait tout. Mais en réalité, quand on revoit les images, on se dit : « Il a vraiment été touché. » Ce dont il se plaignait était vrai.

Ted Bernhardt (arbitre NBA, Match 6) : Quand [O’Neal] se retournait et pivotait, ça faisait du dégât. Souvent, [il était difficile] de juger si c’était une faute offensive, s’il avait été victime d’une faute ou s’il n’y avait rien du tout. Il y avait tellement de choses qui pouvaient arriver à chaque fois qu’il se retournait.

Delaney : Je sais que l’expulsion de Divac a fait beaucoup parler. Mais d’après la vidéo, la faute aurait dû être sifflée à Webber sur la première action offensive de Horry. Il attrape son poignet, ce qui lui fait perdre la balle. J’ai raté cette faute, et si j’avais été parfait, j’aurais sifflé la première faute, et je pense que cela aurait été la sixième faute de Webber. Je ne savais pas que c’était la sixième faute de [Divac]. Robert va au rebond, et quand Vlade entre en collision avec lui, il perd le ballon à nouveau. Donc à mon avis, c’est une faute, que ce soit sa première ou sa sixième. Quand quelqu’un perd la possession du ballon à cause d’un contact, c’est qu’il y a faute. J’ai manqué la première [faute], pas la deuxième, et c’était la sixième de Divac, ce qui a provoqué tout ce battage.

Pollard : Lorsque vous comptez les fautes sifflées en faveur de Shaq et celles qu’il a commises, vous vous rendez compte que quelque chose ne va pas. Il est normal que trois de nos joueurs commettent plus de fautes que Shaq. Mais trois ou quatre de ses adversaires directs se sont fait expulser. Nous ne marquions pas et il ne se faisait pas expulser pour six fautes. Et Samaki Walker non plus.

*****

Bernhardt : L’action la plus difficile à juger était celle de Kobe en fin de match [contre Bibby à 12 secondes de la fin], quand il va vers le ballon. J’aurais pu siffler ou non. Comme mes deux autres confrères.

Gerould : Il a carrément renversé Mike Bibby, juste devant nous. J’ai regardé Bob Delaney. Il n’y avait pas de coup de sifflet, pas de faute. Et je me demandais ce qu’il fallait faire pour qu’on nous en siffle une.

Delaney : Je vois Mike Bibby défendre sur Kobe Bryant, je vois son bras enroulé autour de sa taille, et pour moi, c’est une faute. Je suis en train de mettre le sifflet à ma bouche, me préparant à siffler une faute antisportive car le ballon n’est pas encore en jeu. Si une faute a lieu avant que le ballon ne soit remis en jeu, elle est considérée comme une faute d’anti-jeu, ce qui signifie un lancer franc et la possession. N’importe quel joueur pouvait tirer le lancer franc pour les Lakers, puis les Lakers conserveraient la possession à l’endroit de la faute.

Bernhardt : On pouvait siffler une faute avant le coup de coude au visage.

Delaney : Pendant que je réfléchis à tout cela, Kobe essaie de se libérer, le ballon est remis en jeu puis une faute est commise. Et il devient [clair] pour moi que d’une manière ou d’une autre, Mike a été touché au visage, de toute évidence lorsque Kobe levait les bras. Tout cela en quelques microsecondes.

Bernhardt : [Kobe] essayait vraiment de se dégager après que le défenseur l’a saisi. C’était une action difficile à juger. Point final. Quand on voit ça, on peut avoir deux opinions contraires, mais tout à fait valables.

Delaney : J’avais déjà vu des coups de coude ; pour moi, celui-ci n’en était pas un. Mais si j’avais fait le match parfait, j’aurais sifflé une faute d’anti-jeu, ce qui signifie que les Lakers auraient tiré un lancé franc et a conservé la possession ; puis j’aurais sifflé une faute technique contre Kobe. Sacramento aurait tiré un lancer franc pour faute technique, Los Angeles aurait fait de même, et les Lakers auraient remis le ballon en jeu au même endroit.

Bibby : Cela m’a énervé parce que quand je me suis levé, je pensais qu’ils avaient sifflé contre lui. Je ne savais pas ce qui s’était passé. Je me souviens avoir demandé : « Vous avez sifflé contre moi ? » J’avais le nez qui saignait. J’ai craché un peu de sang sur le terrain juste pour leur montrer.

Pollard : On en rigolait tellement c’était ridicule. Sur chaque lancer franc, Shaq allait au-delà de la ligne, et on avait beau hurler, ils ne faisaient rien. Vlade défendait sur Shaq comme il l’avait fait toute l’année et ils n’ont pas arrêté de le saquer. Je prenais des coups d’épaule qui me faisaient bouger de cinquante centimètres, puis Shaq me donnait un coup de coude dans le menton en allant au panier et c’est moi qui prenais la faute. Lawrence Funderburke faisait tout ce qu’il pouvait contre quelqu’un qui pesait cinquante kilos de plus que lui, car nous n’avions plus que lui et Chris Webber. Mike Bibby se fait éclater le visage par Kobe, et la faute est sifflée contre lui. Et on ne pouvait rien faire d’autre que de regarder ça en rigolant.

Adelman : Tout ce que j’ai à dire, c’est qu’en saison régulière, le coup de coude de Kobe dans la bouche de Mike et la faute de Shaq sur Lawrence Funderburke auraient été jugées comme des fautes flagrantes.

Chris Webber (ailier des Kings) : C’était un drôle de match. Pas un match drôle.

*****

Rambis : Même si les arbitres disent qu’ils arbitrent les matchs de play-offs comme ceux de saison régulière, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que le jeu devient de plus en plus physique et que les arbitres permettent plus de choses.

Phil Jackson : Ce n’était pas aussi ridicule que, par exemple, la série entre Miami et Dallas de 2006, lorsque Dwyane Wade tirait une vingtaine de lancers francs par match.

Michael Wilbon (chroniqueur au Washington Post) : Je pense que les arbitres sont les personnes les plus injustement critiquées du monde des sports. Je pense qu’ils ne suivent les directives de personne, et j’inclus là-dedans des arbitres de NBA que je connais. Je pense qu’ils sont de loin les personnes les plus impartiales dans le domaine du sport et qu’ils n’ont pas de préférence. Je pense que les scouts et les arbitres sont les personnes les plus honnêtes dans le domaine du sport. Mais ce match était une abomination.

Brown : On nous a volé ce match. Je ne pensais pas du tout que nous allions commettre toutes ces fautes. Notre équipe jouait en finesse.

O’Neal : Tout le monde veut m’envoyer sur la ligne des lancers francs. Tout le monde veut faire faute sur moi. Donc, tout ce truc avec les fautes, ça faisait partie de leur stratégie. C’est ce qu’ils ont fait. Il y avait peut-être un ou deux coups de sifflet injustes, mais ça arrive à chaque match, chaque année depuis que je joue en NBA. Leur stratégie était de commettre tout le temps des fautes.

Brown : Les arbitres peuvent parfois se tromper, comme sur un ballon qui sort des limites du terrain. Ce genre de chose arrive. Mais avec les fautes, c’est un peu différent.

Wilbon : Je ne crois pas que David Stern ait appelé qui que ce soit, ou que mes patrons du réseau aient appelé qui que ce soit. Je ne crois rien de tout cela, car quelqu’un aurait forcément fini par lâcher le morceau. Je pense juste que certaines personnes ont eu une mauvaise nuit.

Bernhardt : Ed Rush, mon patron à l’époque, m’a appelé et m’a demandé ce que je pensais du match. J’ai dit : « Je préfère ne rien dire. » Il a dit : « Dis-le-moi quand même, Ted. » J’ai dit : « Vous me connaissez bien, Ed. Je préfère ne rien dire. » Il a dit : « Ted, dis-moi. » J’ai dit : « Eh bien, je pense que mes confrères ont été très mauvais. » Il a dit : « O.K., merci. J’étais sûr que tu dirais ça. » Et il a raccroché. C’est pour ça que je déteste en parler, parce que j’ai vraiment beaucoup d’estime pour Delaney et [le troisième arbitre Dick] Bavetta.

Reynolds : Ce quart-temps en particulier était tout simplement incroyable. Il y a toujours des éléments qui sont avec vous et contre vous. Je l’ai vu pendant de nombreuses années. Mais là, c’était frappant. Je n’avais jamais vu autant de fautes sifflées contre une seule équipe de manière aussi constante.

Bernhardt : Je n’étais pas content du match. Je n’étais pas content de mes partenaires dans leur ensemble. Dans l’ensemble, je ne pense pas que quelqu’un a été acheté ou quelque chose du genre. C’était un match difficile.

Christie : Shaq a été très bon. Nous étions sans arrêt sur lui. Bien sûr, il a eu des coups de sifflet en sa faveur, mais ça n’enlève rien à sa valeur. Quand on joue contre un type avec des statistiques aussi monstrueuses – 40 points et 20 rebonds tous les soirs – il y a quand même de quoi être époustouflé. On a fait tout ce qu’on pouvait contre lui et on n’a pas réussi à l’arrêter.

Heisler : Il n’y a pas eu un seul coup de sifflet scandaleux. Les Lakers l’ont servi sous le panier et il a attaqué le panier sans arrêt. Shaq marquait généralement des dizaines de lancers francs par match.

Bobby Jackson : C’était ridicule. 27 lancers francs en un quart-temps ? Ça n’avait jamais eu lieu dans toute l’histoire de la NBA. À la fin de la journée, nous avions un peu l’impression de nous être fait avoir.

Wallace : Nous étions à un arbitre d’aller en finale.

Pollard : On était complètement découragés. On s’était battus, on était revenus après une grosse désillusion et ce tir au Match 4 avant la mi-temps, et nous avions toujours l’impression d’avoir gagné ce match. En gros, nous avons gagné ce match et nous avons manqué de temps.

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VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (5/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)

V. Avantage psychologique ?

MATCH 5, 28 MAI 2002

Au milieu du tapage concernant l’arbitrage dans cette série, on ne parle curieusement jamais ou presque de ce qui s’est passé dans le cinquième match. Comme le dit aujourd’hui Christie, c’est « un match que presque tout le monde a oublié ». Webber a encore une fois été magnifique (29 points et 13 rebonds) et Mike Bibby (23 points) a été décisif, mais Shaq (qui n’a joué que 32 minutes) a été pénalisé par ses fautes tout au long du match et a fini par être exclu ; plus étonnant, il n’a tenté qu’un seul lancer franc de toute la nuit. Et Bibby a rentré un tir en suspension gagnant à 8,2 secondes de la fin après une série d’actions controversées. Tout d’abord, Webber a paru sortir le ballon des limites du terrain, mais les arbitres ont jugé que Robert Horry l’avait dévié. Ensuite, Webber a semblé faire tomber Derek Fisher en remettant le ballon à Bibby, le laissant tout seul pour le tir gagnant. Sur la dernière action, Bobby Jackson a touché Kobe Bryant sur sa tentative de tir gagnant, mais aucun coup de sifflet n’a retenti et Sacramento a arraché la victoire 92-91. Divac a envoyé des baisers à la foule après la victoire et le copropriétaire Gavin Maloof a sauté sur la table de marque, les poings levés. La série avait de nouveau basculé.

Turner : Vlade jouait bien. Il était intelligent et rusé. Il savait se coller à Shaq, le retenir et le lâcher au bon moment, en jouant le jeu. La plupart du temps, cela fonctionnait. Vlade tenait bon. Ce n’était pas un joueur imposant. Il avait de l’expérience et il était intelligent.

O’Neal : J’essayais d’être agressif, de jouer dur. On m’a sifflé des fautes stupides.

Beck : Tout le monde oublie les autres matchs où l’arbitrage était controversé. Quand Webber a sorti le ballon hors des limites du terrain, mais qu’ils ont dit que c’était Horry et l’ont rendu aux Kings, c’était un moment-clé.

Phil Jackson : Nous pensions que le ballon était à nous, qu’ils l’avaient sorti. Et Jack Nies le leur a donné juste devant nous. On a cru qu’il s’était trompé. Tout le monde était en colère.

Howard-Cooper : Il est clair que les Kings ont eu de grosses décisions en leur faveur. Personne à Sacramento ne parle jamais de ça. Il y avait des actions litigieuses qui allaient dans les deux sens. Ce n’étaient pas seulement les Lakers qui en bénéficiaient à chaque match.

Phil Jackson : On s’est rassemblés et on a essayé de se calmer, en se disant qu’on menait toujours au score et ainsi de suite.

Reynolds : [Bibby] adorait prendre de gros tirs; [il] devenait meilleur dans les moments cruciaux.

Pollard : À l’université, quand j’étais en dernière année, Mike faisait partie des Wildcats de l’Arizona et j’étais avec la tête de série n°1, les Kansas Jayhawks. Nous étions les meilleurs ; nous dominons tout le monde. Puis on a joué contre les Wildcats et Mike nous a dézingués. J’avais ça en tête quand je suis devenu son équipier. Il a toujours réussi de gros tirs.

Christie : En donnant le ballon à Webb à la remise en jeu, Adelman a été extrêmement intelligent. Il pensait que les Lakers croiraient qu’il allait prendre le dernier tir. Donc, après avoir fait la passe, Bibs allait avoir un peu de champ libre. Et c’est arrivé.

Bibby : J’ai dit à Webb que s’il ne voulait pas tenter le tir, je le ferais. Webb était assez bon pour m’ouvrir le terrain. Presque tout le monde pensait qu’il allait tenter le panier. Il a fait un écran solide, qui m’a laissé complètement seul.

Christie : Nos tactiques n’étaient pas élaborées pour un seul joueur. Nous essayions à chaque fois de lire la défense. Nous prenions ce que la défense nous donnait.

Reynolds : Les Kings ont probablement effectué un écran illégal pour donner le champ libre à Bibby. À mon avis, Webber avait l’air de vouloir empêcher ses adversaires de passer par n’importe quel moyen. Mais ce n’était pas flagrant.

Adande : J’ai commencé à spéculer sur l’arbitrage dès la fin du Match 5, avant même que les choses ne s’aggravent.

Christie : Bib a réussi l’un des plus gros tirs de l’histoire des Sacramento Kings et il nous a donnés un gros coup de pouce.

Bibby : J’avais passé des heures et des heures au gymnase à m’entraîner pour ce tir. J’étais donc à l’aise pour le tenter.

Breen : C’était la soirée de Mike Bibby. Il a été sensationnel. Au moment critique, on aurait dit qu’il était le seul à vouloir prendre le tir gagnant pour Sacramento.

Reynolds : Mike était un excellent tireur, très précis. Il adorait ce genre d’occasion. Chris était bon aussi dans ce domaine, mais je pense qu’il avait une très grande confiance en Mike.

Cleamons : On a fait gagner beaucoup d’argent à Bibby. Il devrait nous remercier. Il s’est fait un nom dans ces matchs.

Adande : Bibby a marqué son tir et nous a fait passer en tête. Sur l’action suivante, c’est Kobe qui s’y est collé. Au départ, son maillot était rentré dans son short. À la fin de l’action, il ne l’était plus. Bobby Jackson l’avait marqué à la culotte. Kobe a raté son tir. Aucune faute n’a été sifflée. Les Kings ont gagné le cinquième match.

Bobby Jackson : Je suis à peu près sûr d’avoir fait faute sur lui. Mais en fin de compte, c’était plutôt une bonne défense. Je lui ai fait prendre un tir difficile. Je pense que c’était une très bonne défense.

Bryant : Si je suis en parfaite santé, peut-être que je marque tous ces tirs. Qui sait ? S’il y a faute ? Vous avez vu les images ; ce n’est pas évident. Shaq était sorti pour six fautes. C’était à moi de créer quelque chose, de marquer ou d’aller sur la ligne des lancers francs.

Phil Jackson : Bibby a réussi de gros tirs. Il a marqué un gros panier et, en gros, a sauvé leur série. Ils devaient gagner ce match. Cette défaite nous a fait vraiment mal, mais nos joueurs étaient bons. Nos joueurs étaient toujours très confiants quant à leur manière de jouer.

Bibby : Je pensais que la série était terminée, à voir la façon dont nous jouions et comment les choses se déroulaient. Au début du Match 6, nous étions vraiment imbattables.

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VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (4/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)

IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe

MATCH 4, 26 MAI 2002

Dans le Match 4, Sacramento a pris une avance de 24 points, réduisant au silence la foule du Staples Center. Un panier à trois points désespéré de Samaki Walker en fin de première mi-temps a réduit l’écart à 14 points, redonnant de l’espoir aux Lakers. Les arbitres ont accordé le panier, à la grande frustration de Sacramento. La vidéo – qui n’était pas utilisée par les arbitres à l’époque – prouvera que le tir avait été pris après la sirène.

Voisin : Tout laissait penser que les Kings allaient prendre les devants dans cette série. Ce qui signifiait, en gros, qu’ils allaient aller en finale.

Christie : On avait vingt points d’avance en première mi-temps.

Napear : Je commentais le match à la radio. À un moment, j’ai dit : « On a l’impression d’être à la bibliothèque publique de Los Angeles. » C’est dire à quel point l’ambiance était calme.

Albert : Je me souviens avoir affirmé que [le panier de Samaki Walker] avait été trop tardif, mais ils l’ont accordé pour une raison quelconque.

Walker : Je n’avais aucune intention de tirer. J’ai dû prendre deux tirs à trois points en tout et pour tout dans ma carrière. Et je crois les avoir réussis tous les deux ! C’était un coup de chance.

Phil Jackson : Nous avions besoin de quelque chose qui nous redonnerait confiance.

Walker : Techniquement, le ballon était peut-être encore dans ma main. En fait, je [n’ai] revu l’action qu’environ trois ans plus tard. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi on en faisait toute une histoire. Une fois que j’ai eu la chance de le voir, j’ai compris. Un peu.

Christie : Le panier n’aurait pas dû être accordé. Ça les a complètement remis en selle. Ils allaient rentrer au vestiaire sur une action positive, alors que nous étions en train de les écraser.

Walker : Je pense qu’il a tout à fait raison. Dans un match comme celui-là, lorsqu’on est en retard au score et que les choses ne se passent pas comme on veut, on s’accroche à tout ce qui peut desserrer le nœud autour de son cou.

Adande : Et s’il ne met pas ce panier, bien entendu, celui de Robert Horry ne compte plus.

*****

Les Lakers ont continué à se rapprocher en seconde période pendant que Sacramento perdait en adresse, avec seulement 34 points marqués après la mi-temps. Kobe et Shaq avaient marqué 52 points à eux deux dans le Match 4, mais Horry (qui a terminé avec 18 points, 14 rebonds et 5 passes décisives) était le joueur le plus complet des Lakers. À ce stade de sa carrière, personne ne l’appelait encore « Big Shot Rob ». Tout cela allait changer sur la dernière possession, alors que les Lakers avaient deux points de retard.

Heisler : Ils avaient réussi à revenir dans le match et ils se rapprochaient de plus en plus.

Mitch Richmond (arrière des Lakers) : J’ai beaucoup appris avec Phil. Quand il ne restait plus que quatre secondes à jouer, il disait que tout allait bien, qu’on avait le temps. Pendant treize ans, j’avais pensé que quatre secondes, ce n’était pas beaucoup. Tout le monde était calme quand nous avions le ballon avec seulement quatre, cinq ou six secondes à jouer. C’était une éternité pour notre équipe. Tout se déroulait au ralenti. Phil nous donnait confiance.

Horry : Je suis du genre à prendre le tir à trois points gagnant, quelles que soient les circonstances. Mais la tactique était de mettre Kobe en isolation contre Doug Christie.

Christie : Quand nous jouions contre les Lakers, je disais généralement à mes coéquipiers : « Je me charge de lui. » Je n’allais pas arrêter [Kobe] par la seule force de mon imagination, mais je ne voulais pas de prise à deux. Shaq était inarrêtable sous le panier. Kobe ratait un tir sur deux à l’extérieur, et c’était suffisant pour moi. J’essayais juste de le coller et de lui faire rater son tir. J’ai réussi, mais Vlade s’est souvenu de ce qu’avait fait Magic Johnson contre Portland, et il a essayé d’envoyer la balle à l’autre bout du terrain.

Divac : En 1991, je jouais les finales de la Conférence Ouest avec les Lakers. C’était ma deuxième année en NBA. Nous avions un point d’avance et [Terry] Porter a tenté un tir. Magic a attrapé le rebond, et il a simplement balancé le ballon à l’autre bout du terrain, le temps que le chronomètre s’écoule.

O’Neal : J’avais le ballon de l’égalisation. J’ai essayé de marquer rapidement pour que Vlade ne fasse pas faute sur moi – ce qu’il a fait, soit dit en passant – et j’ai raté mon coup.

Divac : Avec Shaq sur le dos et Kobe qui partait en double-pas, j’ai bloqué le tir, mais le ballon m’avait échappé. Je ne pouvais pas l’atteindre. J’ai essayé de le balancer au loin pour que le temps s’écoule.

Bobby Jackson (arrière des Sacramento Kings) : Je pensais : « Attrapez ce putain de rebond. Ne paniquez pas. Prenez le rebond. Il est à votre portée. Prenez la faute. La seule chose qui peut nous battre est un tir à trois points. Shaq ne peut qu’égaliser. »

Pollard : Sur un tir à la dernière seconde, il faut éloigner le ballon du cercle. Ne pas laisser l’adversaire gagner sur une claquette au rebond. Avec Shaq, Vlade luttait contre le pire adversaire possible. On ne peut pas laisser Shaquille O’Neal prendre le ballon dans cette situation, ou on va probablement se prendre un dunk et une faute en prime. Il faut sortir le ballon.

O’Neal : Il a essayé de l’éloigner et l’a envoyé directement à Robert.

Divac : En gros, j’ai fait une bonne passe à Robert Horry.

Reynolds : Je continue à croire que c’était très mal joué de la part de Horry. Les Lakers avaient deux points de retard, et leur ailier fort se trouvait à huit mètres du panier. Il aurait dû garer ses fesses sous le panier. Que voulait-il faire ? Protéger la zone arrière ?

Horry : Je voulais être là-bas parce que je recherche toujours le trois points gagnant. Je déteste ces conneries de match nul et de prolongations.

Phil Jackson : Il traînait toujours autour de la ligne à trois points dans des situations comme celle-là. On lui avait demandé de rester dans les coins et face au panier. Et il était là. Son tir a sauvé la série. Nous avions besoin de ce rush d’énergie pour notre équipe.

Turner : C’est comme si Horry avait eu un aimant. Le ballon est venu directement vers lui. S’il avait été 1,50 m plus loin, un de nos joueurs l’aurait récupéré.

Horry : Le ballon est arrivé jusqu’à moi de manière parfaite.

George : C’était la plus belle des passes. Je ne pense pas qu’une passe à deux mains aurait été meilleure.

Heisler : Neuf joueurs sous le panier et Rob était derrière l’arc, comme si Dieu allait lui donner le ballon.

Christie : Vlade pourrait tenter de refaire cette passe cent fois qu’il n’y arriverait pas.

Pollard : Il n’a pas eu à se pencher ni à tendre la main. Le ballon était directement sur lui, et tout ce qu’il avait à faire était de tirer. C’était la passe parfaite.

Christie : J’aurais probablement dû courir vers lui, mais j’ai vu « Webb » et je me suis dit qu’il avait plus de chances parce qu’il était plus proche que moi.

Reynolds : Il faut le reconnaître : Webber a réagi au quart de tour une fois que le ballon est sorti de la raquette. Il a vraiment contesté le tir.

Christie : Quand on court vers un joueur, si on sent qu’on ne pourra pas contester le tir en levant la main, il vaut mieux s’abstenir et simplement passer devant lui. Cela va le perturber un peu plus. Lorsqu’on lève la main, cela lui donne un peu le temps de se régler.

Richmond : Dès que le tir est parti, on pouvait voir qu’il était réussi.

*****

Gerald Wallace (ailier des Kings) : Le ballon a mis une éternité à atteindre le cercle.

Fox : Le ballon est rentré, et là… On avait la tête sous l’eau, et c’était comme si on avait trouvé une bouteille d’oxygène.

Reynolds : J’ai eu l’impression que mon fils aîné avait eu un accident de voiture ou quelque chose comme ça.

Richmond : Je pense que j’ai été le premier à rejoindre Horry. Je me précipité du banc pour sauter dans ses bras.

George : Ils nous ont offert le match. S’ils l’avaient gagné, ça aurait été terminé. Il n’y aurait pas eu de Match 7 sans ce tir.

Divac : Après coup, j’ai essayé leur mettre la pression, à lui et aux Lakers, en disant qu’ils avaient eu de la chance. Mais il est clair que Robert est un grand shooteur.

Steve « Snapper » Jones (analyste sur NBC) : Les Kings ont fait tout ce qu’il fallait faire. Ils se sont massés sous le panier, le ballon a rebondi, ils l’ont repoussé et les Kings vont battre les Lakers, et ils vont aller en finale, et le ballon va à Horry et il est en rythme parfait et le ballon rentre. Voilà comment il a obtenu le surnom de « Big Shot Rob ».

Christie : Mon fils est un grand fan de Kobe. Il y a des trucs sur lui et sur les Lakers partout dans ma maison. Je lui ai acheté la photo de Robert Horry en train de tirer par-dessus Chris – elle est signée et elle est sur son mur. Je regarde cette photo tous les jours dans la chambre de mon fils. Webb lève son bras et sa main le plus haut possible, il essaie de toucher le ballon, mais la passe de Vlade était trop parfaite.

Cleamons : Pour gagner, il faut être bon et avoir de la chance. Et si on a un peu de malchance ou de déveine, on peut perdre. À ce niveau-là, la différence entre un titre et une finale perdue est minime.

Jones : La chance fait partie du monde des sports. Il faut avoir un minimum de chance pour remporter un titre… Les Kings ont tout fait à la perfection, et ça s’est mal terminé. À cause de la malchance.

Bibby : Quand le panier est rentré, on a pris un bon coup sur la tête. Cela dit, on retournait chez nous, dans la meilleure salle de la ligue à ce moment-là. Je pensais que nous allions gagner la finale à domicile.

Divac : Dans une série éliminatoire, tout ce qui compte, c’est d’avancer. Quand un match est perdu, on ne peut plus rien y faire.

Reynolds : Un jour, j’ai dit à Horry : « Tu m’as fait perdre un sacré paquet de fric. » Il a répondu : « Qu’est-ce tu veux que ça me fasse ? » Il avait raison.

*****

V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (3/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

*****

I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)

III. L’affaire du bœuf de Kobe

MATCH 2, 20 MAI 2002, et MATCH 3, 24 MAI 2002

Kobe Bryant a été victime d’une intoxication alimentaire et a souffert de déshydratation extrême entre les Matchs 1 et 2. Il en a attribué la cause à un cheeseburger au bacon qu’il avait commandé au service d’étage de l’hôtel Hyatt Regency de Sacramento. Affaibli, Bryant a quand même marqué 22 points dans le Match 2, et les Lakers ont été dans le coup jusqu’au bout grâce aux grosses performances de O’Neal (35 points) et de Horry (20 rebonds). Bobby Jackson – qui a largement contribué au succès de son équipe avec 17 points – a été le seul à bien jouer pour les Kings, mais un total étrange de 38 lancers francs à 25 a permis à Sacramento de décrocher la victoire, 96 à 90. « Pour nous battre, il n’y a qu’une seule solution : être meilleur que nous, sans discussion possible, a déclaré Shaq aux journalistes après coup. Sinon, il n’y a qu’une seule autre possibilité : ça commence par un t et se termine par un r. »

Gary Vitti (préparateur physique des Lakers) : Kobe m’a dit qu’il avait commencé à se sentir mal vers une heure du matin. Il ne m’a pas appelé avant trois heures. À ce moment-là, il souffrait de crampes abdominales, de vomissements et de diarrhée. Son ventre était si douloureux qu’il se recroquevillait sur lui-même. Si j’avais pu le voir plus tôt, nous aurions peut-être pu lui donner des médicaments pour le soulager, mais il avait voulu surmonter ça tout seul.

Phil Jackson : Nous ne pensions pas à une grippe intestinale, juste à une indigestion. Nous n’étions pas trop inquiets. Il n’a plus jamais fait confiance au service d’étage de cet hôtel.

Adande : Les fans des Lakers étaient persuadés que c’était intentionnel. Les gens refusaient de croire qu’il s’agissait d’une simple intoxication alimentaire. C’était forcément un acte malveillant. Pourquoi pas ?

Howard-Cooper : C’était une théorie conspirationniste made in Sacramento, comme celle selon laquelle l’homme n’a pas marché sur la Lune. À l’époque, tout le monde en discutait sans arrêt et ça a continué les années suivantes. On fait des blagues là-dessus encore aujourd’hui.

Kobe Bryant (arrière des Lakers) : Je n’ai pas aimé le cheeseburger. Je n’en ai mangé que la moitié… Une conspiration ? Je ne sais pas, je ne pense pas.

Vitti : J’ai du mal à croire que quelqu’un oserait faire ça. J’ai confiance en mon prochain. Mais je suis presque sûr que Kobe pense toujours que c’était fait exprès.

Jerry Westenhaver (directeur général du Hyatt Regency Sacramento) : Les différends entre les Kings et les Lakers doivent être réglés sur le terrain, pas dans notre hôtel.

George : J’étais bouleversé et en colère. Et en même temps, j’avais peur. Je me demandais si les gens avaient pris tout cela au sérieux au point d’empoisonner un adversaire. Je me rappelle l’avoir vu vomir pendant qu’on le mettait sous perfusion. Ce n’était pas beau à voir. Son visage était couvert de sueur. C’était horrible.

Brown : Je pense que que ça pourrait arriver. Quand on joue à l’extérieur, il faut faire attention à ce qu’on mange. Quand je jouais, j’allais manger loin de l’endroit où nous étions logés, là où je pensais qu’on ne me connaîtrait pas.

Madsen : Quand nous sommes revenus jouer à Sacramento par la suite, nous avons changé d’hôtel à cause de cet incident. Pas par suspicion, mais on ne pouvait pas s’empêcher de se poser des questions.

Marv Albert (commentateur pour NBC) : Nous logions toujours au Hyatt et je ne me souviens pas d’y avoir mangé un cheeseburger après cet événement. Je me rappelle à quel point le directeur de l’hôtel était bouleversé. Mais j’ai découvert par la suite que le cheeseburger était devenu un plat du menu très populaire.

Pollard : Nous pensions tous que c’était de l’intox. Dès que [Kobe] est arrivé sur le terrain, on s’est dit qu’il avait juste eu besoin de faire parler de lui.

Vitti : Une personne normale n’aurait pas pu jouer dans de telles conditions, mais Kobe Bryant n’est pas n’importe qui. Sur un champ de bataille, la guerre ne s’arrête pas parce que vous êtes malade. C’est comme ça que Bryant voyait les choses. Le match ne s’est pas arrêté pour lui, il a donc dû faire avec.

Christie : Il paraissait en bonne santé. Je n’ai jamais été ému par ce genre de truc. Quand on est vraiment malade, on ne joue pas. Et sinon, on ne s’en sert pas comme excuse. C’était l’un des joueurs que je respectais le plus. Il allait marquer des paniers, peu importe la manière dont vous défendiez. À gauche, à droite, à mi-distance, partout. Tout le monde plaignait Kobe en disant qu’il était malade. Je m’en foutais. Je n’écoutais rien.

Horry : Nous n’étions pas inquiets. Si Shaq avait été malade, cela aurait été un plus gros problème. Sans vouloir manquer de respect envers Kobe, on pouvait le remplacer par B-Shaw [Brian Shaw], Rick ou un autre de nos gars. En revanche, l’absence d’une force de la nature comme Shaq aurait rendu les choses très difficiles. Mais nous savions que Kobe idolâtrait Michael Jordan, [et Jordan] aurait surmonté sa maladie et serait allé jouer. Cela ne nous inquiétait donc pas vraiment.

Bryant : C’était l’une des épreuves les plus difficiles que j’ai eu à traverser.

Fox : Je pensais que ça le rendrait meilleur. Il allait se concentrer à fond et réussir un grand match. Ça ne s’est pas passé comme ça et Shaq a accumulé les fautes trop rapidement. C’était donc un double coup dur : d’abord l’intoxication alimentaire, et ensuite ce problèmes de fautes. Nous sommes passés trop rapidement sur le fait qu’ils étaient assez bons pour nous battre dans une série. Nous avions montré qui nous étions dans le premier match, et notre excès de confiance nous a valu d’être écrasés comme eux lors du match précédent.

Cleamons : À l’époque, Shaquille n’avait aucun adversaire à sa mesure. C’est alors que Divac a vraiment commencé à jouer la corde sensible. Il s’effondrait au moindre contact, essayant de provoquer la faute offensive. Shaquille le harcelait au poste bas et il [disait] : « Comment suis-je censé défendre sur ce monstre ? Si je lui tiens tête, il va me renverser ou pire ! » Alors il a commencé à « flopper » comme un fou, essayant d’obtenir la compassion des arbitres.

Phil Jackson : L’écart entre ce qui s’est passé lorsque Shaq avait commis des fautes à Sacramento [et] ce qui s’est passé à L.A. était vraiment intéressant. Regardez les statistiques. Divac a reçu les faveurs des arbitres. Les contres étaient devenus des passages en force. Les arbitres ne sont pas à l’abri de l’influence de la foule. Ils aiment être objectifs et ils essaient de l’être, mais ces choses font partie du jeu.

*****

Les Lakers ont beaucoup parlé de la différence de lancers francs lors du deuxième match et de la nouvelle tactique de Divac. « Nous avions un joueur capable de marquer 50 points et qui était en route pour le faire, a déclaré Phil Jackson aux médias. Il est complètement sorti de son match à cause de ces fautes bidon… Vlade sait choisir le bon moment pour pleurer et se créer de bonnes situations. » Les Kings ont balayé la citation de O’Neal relative à leur triche. « S’ils sont vraiment les champions en titre, ils n’ont pas besoin de dire quoi que ce soit de ce genre », a répondu Adelman. Pendant ce temps, les problèmes gastriques de Bryant l’ont empêché de s’entraîner avant le troisième match à Los Angeles, et Sacramento était toujours privé de Stojakovic, victime d’une entorse à la cheville contre Dallas au tour précédent. Mais Sacramento a surpris les Lakers avec une impressionnante victoire 103-90, allant jusqu’à mener de 27 points alors que les Lakers peinaient avec un pourcentage de réussite au tir de 36 %. Webber et Bibby ont marqué 50 points à eux deux. Christie a récolté 17 points, 12 rebonds, 6 passes décisives et 3 interceptions. Et Turkoglu a brillamment suppléé Peja en marquant 14 points.

Phil Jackson : Ils ont tiré avec une incroyable précision lors de la première mi-temps du Match 3. Ils ont joué avec une grosse confiance. Turkoglu était vraiment un atout. Nous étions habitués à Stojakovic, pas à Turkoglu. Il jouait avec une grosse énergie et courait partout. Il a été très bon au tir ; on lui avait donné la liberté de tenter sa chance. C’est comme ça que [Rick Adelman] fait jouer son équipe, et je pense qu’il fait de l’excellent travail.

Turkoglu : Même si c’était ma première et ma deuxième année, les autres ont vraiment aimé mes performances à ce moment-là, et ils me soutenaient en toutes circonstances. Donc, tout ce que j’avais à faire était d’aller sur le terrain et de me battre comme un fou pour rendre les choses plus faciles. Et je m’exécutais.

Christie : Ma défense était trop importante pour être aussi efficace à l’offensive que j’aurais dû l’être. J’ai été agressif et bien entendu, j’ai obtenu les stats qui vont avec : à peu près vingt points, huit rebonds et six ou sept passes décisives. Je m’en remettais souvent à mes équipiers ; avec le recul, j’aurais probablement dû jouer tout le temps comme au troisième match.

Shaquille O’Neal (pivot des Lakers) : Chris Webber faisait ce qu’il voulait au poste 4.

Samaki Walker (ailier des Lakers) : Webber avait amélioré son tir en suspension, ce qui le rendait plus redoutable. C’était un excellent passeur, et l’attaque des Kings était incroyable. Ils savaient comment lui donner le ballon dans des zones où il était très difficile de défendre sur lui.

Turner : C’était un véritable plaisir d’entraîner [Webber], et son style de jeu nous a donné, à nous les entraîneurs et aux fans, des moments extraordinaires. Tout le monde voulait jouer avec lui parce qu’il faisait de superbes passes. Tout le monde veut jouer avec un bon passeur.

Phil Jackson : Rien que le fait de devoir tenir la cadence était compliqué. Nous sommes rentrés au vestiaire à la mi-temps complètement assommés. Nous étions débordés.

George : S’ils prenaient de l’avance, ils étaient vraiment durs à battre. Mais si le match était serré, s’ils étaient un peu en retard au score, ils jouaient de manière totalement différente. Si on les laissait s’échapper, ils étaient vraiment difficiles à rejoindre.

Bryant : On n’est pas encore fatigués.

Madsen : Parfois, je me disais qu’ils étaient vraiment bons. Et je me demandais si on pouvait les battre.

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IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (2/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)

II. La trilogie en marche

MATCH 1, 18 MAI 2002

Au fur et à mesure que le troisième acte d’une trilogie Kings-Lakers en play-offs devenait probable, les fans de basket-ball se sont pris à rêver à un nouveau « Thrilla in Manilla ». La guerre sans merci entre les deux équipes avait commencé lieu deux ans plus tôt. En 2000, les Lakers ont mené 2 victoires à 0 au premier tour des play-offs ; ils se sont rendus à Sacramento en pensant que la série était terminée. Mais les Kings ont brûlé un maillot des Lakers lors de la célébration d’avant-match et ont remporté les Matchs 3 et 4, avant de finalement s’incliner au Match 5. Le copropriétaire des Kings, Joe Maloof, a déclaré à Bloomberg que Phil Jackson avait été « arrogant » pendant la série et qu’il s’était « caché dans un coin » lors des défaites à Sacramento.

C’est ainsi que les hostilités ont commencé. Jackson, qui aimait montrer des extraits de films à ses joueurs pour les motiver, a juxtaposé le meneur de jeu des Kings de l’époque (Jason Williams) avec le personnage joué par Edward Norton dans American History X, et l’entraîneur des Kings Rick Adelman avec Adolf Hitler. Les Kings se sont indignés, et Adelman a commenté : « Cela dépasse toutes les bornes. » Ensuite, Jackson s’est mis à dos toute la ville de Sacramento en qualifiant ses habitants de « ploucs » et en ajoutant : « Quand j’étais entraîneur à Porto Rico, lorsqu’on gagnait à l’extérieur, on nous crevait les pneus et on nous chassait de la ville à coups de pierres, mais c’était un environnement complètement différent. Les gens de Sacramento sont à peine civilisés. Ils ne valent pas mieux que des péquenauds. » Au cours des play-offs de 2001, les Lakers se sont moqués des Kings pour avoir trop célébré leur victoire au premier tour ; Shaq a dénigré les techniques défensives de Divac ; et les Lakers ont humilié leurs adversaires avec un sweep. Ils ne semblaient plus considérer Sacramento comme des rivaux sérieux. Mais la tension ne faisait que monter. En 2002, comme l’admet aujourd’hui Rick Fox, « c’est devenu une vraie rivalité ».

*****

Howard Beck (journaliste couvrant les Lakers pour le Los Angeles Daily News) : C’était une vraie mise en scène. Shaq se dénigrait tous les jours les Kings, et Phil Jackson faisait de même : il se moquait d’eux, de leurs fans ou de toute la ville de Sacramento. Ils n’étaient pas les seuls. Je me souviens que Rick Fox avait déclaré que les Kings avaient peur d’eux.

Christie : En 2000, quand nous sommes arrivés en play-offs pour la première fois, je crois qu’ils ont commencé à nous prendre au sérieux. Ils nous ont sentis venir. Personne dans la ligue, [pas] même les Spurs, ne pouvait rivaliser avec eux comme nous le faisions.

Adande : Phil et les citations des médias étaient presque aussi intéressants que l’action sur le terrain.

Mark Madsen (ailier des Lakers) : Je me disais que Phil n’avait pas peur de lancer des citations controversées.

Beck : Il y a très peu de franchises NBA que Phil n’a pas insultées. Il a traité Orlando de « ville plastique ». Il s’est moqué du River Walk [à San Antonio]. Il voulait mettre un astérisque sur le championnat remporté par les Spurs lors de l’année du « lock-out » en 1999. C’est dans la nature de Phil de se moquer et de provoquer. Il aime ça. Il adore faire ça.

Phil Jackson : Il y avait des gars près du banc [à Sacramento] avec lesquels j’entretenais de bonnes relations. Ils agitaient des cloches, comme celles qu’on accroche au cou des vaches. Ils ont même amené une cloche électrique attachée à une batterie pour leur permettre d’avoir un son amplifié. La salle était assez bruyante, même pendant un temps mort. Je devais éloigner les joueurs du banc pour leur parler. Ils voulaient détourner l’attention de Shaq ou de certains joueurs en les harcelant. Mais c’était très amusant. Les habitants de Sacramento pensaient la même chose.

Gary Gerould (commentateur radio des Kings) : Je pense qu’ils avaient gagné le droit de se sentir supérieurs. Je n’y trouve rien à redire. Ça leur donnait encore plus d’éclat. Ils étaient allés en finale, ils avaient fait leur travail, ils avaient gagné plusieurs titres. Ils avaient les bagues, l’attitude, le talent. Ils étaient bons et ils le savaient.

Christie : On n’y faisait pas vraiment attention. En termes de talent individuel, nous savions que nous pouvions rivaliser avec eux et probablement les battre. Mais en y repensant, j’aurais aimé qu’on leur réponde. Certains de nos gars avaient de la répartie, nous aurions probablement pu jouer à ça avec eux tout en assurant sur le terrain. Cela nous aurait peut-être un peu mieux réussi. Cela dit, ils avaient le Maître Zen.

Devean George (ailier des Lakers) : Phil est un grand entraîneur car il cache nos faiblesses et expose celles de l’autre équipe. Et il sait parfaitement communiquer avec les médias et détourner leur attention. Il sait très bien dissimuler ce qu’il veut vraiment.

Grant Napear (annonceur des Kings) : Je peux vous assurer que ça leur a posé problème. Je me souviens parfaitement que cela dérangeait les joueurs des Kings. En tout cas, ça a provoqué un sacré tumulte en ville.

Howard-Cooper : Ils étaient fous furieux. Phil savait exactement ce qu’il faisait. Sacramento avait un énorme complexe d’infériorité par rapport au palmarès des Lakers, et aux grandes villes comme Los Angeles et, dans une certaine mesure, San Francisco. Phil le savait, évidemment, et c’était là tout le problème. Je ne pense pas qu’il détestait vraiment les habitants de Sacramento ; il aimait juste faire mettre de l’huile sur le feu et faire de la provocation.

Elston Turner (entraîneur adjoint des Kings) : L’heure de la vengeance avait sonné.

Robert Horry (ailier des Lakers) : Ils voulaient nous dépouiller de ce que nous avions. Rick prenait la chose plus à cœur que quiconque. Il s’est laissé entraîner. C’était assez drôle. Mais pour la plupart d’entre nous, il s’agissait simplement d’essayer d’accomplir quelque chose d’unique. (Horry a passé près de la moitié de l’entretien à faire valoir que la plupart des séquences de cette histoire orale se sont déroulées à des années différentes. Il a gagné trop de championnats pour pouvoir faire la différence.)

Gerould : [La rivalité] a vraiment échauffé les fans des Kings de Californie du Nord. Chaque fois qu’ils battaient les Lakers, même lors des matchs pré-saison, Sacramento se réjouissait.

Howard-Cooper : Pour des propriétaires, les Maloof étaient très présents. Ils étaient à fond derrière leur équipe. Parfois, ils allaient s’asseoir sous le panier simplement parce qu’ils ne supportaient pas de regarder le match depuis la touche. C’étaient des enragés. Et pendant ce temps, [le propriétaire des Lakers] Jerry Buss était invisible, assis à des kilomètres du terrain dans les gradins du Staples Center. Cela faisait partie du contraste.

Pollard : Les rivalités entre deux équipes naissent lorsqu’elles se jouent souvent. Quand tout est fini, on se dit que si on détestait le gars d’en face, c’est parce qu’il aurait fait un excellent coéquipier. J’aurais adoré jouer avec Shaq. Mais à l’époque, mon travail consistait à le ralentir et à m’opposer à lui autant que je le pouvais.

Fox : On n’a pas vraiment fait attention à eux avant cette troisième année. Nous les respections, sans plus. En termes d’envie et de talent, c’étaient nos adversaires les plus redoutables.

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Après s’être battus toute la saison pour obtenir l’avantage du terrain, les Kings l’ont perdu en moins de trois heures dans le premier match de la finale de la Conférence Ouest de 2002. Les Lakers menaient 36-22 à la fin du premier quart-temps et ont remporté leur 12ème victoire consécutive à l’extérieur en play-offs, 106 à 99. À eux deux, Kobe et Shaq ont marqué 56 points, surpassant la solide performance de Webber (28 points et 14 rebonds).

Mike Breen (commentateur pour NBC) : Ça a été un choc. Les Lakers étaient là et bien là. Avec tout le battage médiatique autour de Sacramento, les gens avaient commencé à croire qu’ils étaient invincibles. C’était prématuré.

Horry : Quand on remporte le premier match, cela met beaucoup de doute dans l’esprit de certains joueurs sur leurs capacités. Tout le monde veut gagner et porter le premier coup.

Brown : Le premier match a été extrêmement physique. Les Lakers nous ont écrasés. Je pense que nous n’avions pas vraiment compris à quoi cela ressemblerait.

Pollard : C’était une mauvaise journée pour tout le monde, et on a pris conscience qu’il fallait se réveiller. On n’allait pas nous offrir le titre NBA, même avec le meilleur bilan de la ligue.

Napear : Personnellement, je pensais que c’était fini. L’équipe avait travaillé très dur pour être tête de série n°1, pas seulement à l’Ouest mais dans toute la ligue, et elle avait perdu le premier match contre son plus grand rival. J’étais très pessimiste.

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III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

All the Kings’ Men (1/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

La tactique du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier acte de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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« Entre les matchs, je n’ai pas beaucoup dormi. J’ai perdu du poids. Il y avait beaucoup de stress. Je n’ai pris aucun plaisir. »

Voilà ce dont Rick Fox se rappelle des époustouflantes Finales de la Conférence Ouest de 2002 contre les Sacramento Kings. La série s’est terminée par une victoire en prolongation de Fox et des Lakers lors du septième match en territoire ennemi, malgré les encouragements des plus fervents supporters de la ligue. Les Kings ne se rapprocheraient plus jamais d’un titre NBA et allaient tomber en miettes avant de devenir la risée de la ligue. Dans le même temps, les Lakers ont facilement disposé des Nets en finale, sans savoir qu’il s’agirait de leur dernier titre avant que les relations conflictuelles entre Kobe Bryant et Shaquille O’Neal ne provoquent le départ du Shaq à Miami. La différence entre les Kings et les Lakers dans leur épique série de matchs de 2002 ? Un tir miraculeux, des lancers francs ratés, des décisions arbitrales discutables et deux paniers offerts gâchés. Rien de plus.

Cette série avait tout pour être spectaculaire : une rivalité grandissante entre la tête de gondole de la ligue et des Kings au jeu plaisant, qui faisaient des passes rapides et coupaient sans arrêt dans la raquette ; des joutes verbales entre les deux camps ; des accusations d’empoisonnement et de conspiration arbitrale ; l’affirmation de la réputation de « Big Shot Rob » ; et même l’intervention d’un improbable ancien candidat à la présidence. Les Lakers et les Kings étaient les deux meilleures équipes de basket-ball du monde ; rien de surprenant, donc, à ce que les quatre derniers matchs de la série se soient décidés dans la dernière minute de jeu. Certaines dynasties se sont implantées, d’autres n’ont jamais pris. Alors que Miami court après son propre triplé en cette année 2014, nous oublions parfois combien il est difficile de remporter trois titres consécutifs. Les Lakers de 2002 ont été la dernière équipe à réussir cette performance. Et personne ne leur a donné autant de fil à retordre que les Kings.

Les Kings n’ont pas remporté de titre depuis 1951, lorsqu’ils s’appelaient encore les Rochester Royals. Depuis, ils ont déménagé de leur lieu d’origine à Cincinnati, puis à Kansas City, puis à Sacramento – et l’année dernière, presque à Seattle. Tous ces changements ont une chose en commun : en soixante-trois ans, aucune équipe des Kings n’a accédé aux Finales NBA. Dans les années 1960, les Royals d’Oscar Robertson ont été continuellement stoppés par les Celtics de Russell et les Sixers de Wilt. En 1981, une équipe des Kings au statut d’outsider a été écrasée par Moses Malone. Et de 2000 à 2002, les Kings ont choisi le pire moment pour atteindre leur apogée, celui où Shaq et Kobe étaient devenus le duo dominant de la NBA. Le fait qu’ils aient joué pour Los Angeles n’a fait qu’aggraver la situation.

« C’était la grande ville californienne contre la petite capitale somnolente de la Californie, déclare Scott Howard-Cooper, qui couvrait la NBA pour le Sacramento Bee pendant la série. Le nord contre le sud. Une franchise au statut établi contre une ambitieuse. Il y avait énormément de choses qui les rapprochaient. »

Elles ont fini par tirer le meilleur les unes des autres. Aucune des deux équipes n’a ensuite été tout à fait la même. L’article qui suit est une histoire orale mettant en vedette de nombreux participants et témoins de cette série. La fonction de chaque personne citée au moment des séries (à l’été 2002) est indiquée entre parenthèses.

I. Avant la bataille

Avant la draft de 1996, les Lakers ont envoyé à Charlotte Vlade Divac, le chouchou des fans, contre le treizième choix, ce qui leur a permis de choisir un lycéen du nom de Kobe Bryant. L’opération a également permis au directeur général Jerry West de disposer d’une marge financière suffisante pour attirer la méga-star Shaquille O’Neal, alors agent libre, avec un contrat de 121 millions de dollars. Quatre ans plus tard, Kobe et Shaq effectuaient leur premier parcours en play-offs sous le même maillot et affrontaient une excitante équipe des Kings, qui avait fait signer Divac (agent libre) et échangé le solide All-Star Mitch Richmond contre l’énigmatique ailier Chris Webber (qui s’est épanoui à Sacramento).

En 2000, les Lakers ont triomphé des Kings au premier tour des play-offs, trois matches à deux, avant de battre Indiana en finale. La saison suivante, les Kings ont remporté 55 matchs dans le sillage d’un énorme Webber (27,1 points, 11,1 rebonds et 4,2 passes décisives de moyenne, un ratio d’efficacité sur le terrain de 24,7% , et une place dans le premier cinq majeur de la NBA), mais ont été balayés lors du deuxième tour par ce qui allait devenir une légendaire équipe des Lakers. Les Lakers de 2001 ont terminé avec un bilan de 15 victoires et 1 défaite en play-offs (un autre record), Shaq et Kobe combinant une incroyable moyenne de 59,9 points en 16 matchs.

Mais leur quête de « three-peat » a commencé à battre de l’aile après que O’Neal se fut présenté hors de forme la saison suivante, et que Bryant a commencé à se disputer avec ses coéquipiers et son entraîneur Phil Jackson. Cela ne s’est pas arrangé lorsque Sacramento a remporté 61 matchs et s’est assuré l’avantage du terrain pour les play-offs. Les Kings avaient deux jeunes stars (Mike Bibby et Peja Stojakovic) et ils faisaient bouger magnifiquement le ballon dans le secteur intérieur grâce aux talents de passeur de Divac et Webber. Dans une saison marquée par un jeu offensif hésitant, un manque de joueurs de talent et trop de un-contre-un, l’altruisme des Kings en faisaient sans conteste la plus belle équipe à voir de la ligue. Tout le monde savait que les Lakers pouvaient redevenir une machine de guerre à n’importe quel moment. Mais parviendraient-ils à réussir à temps ?

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Rick Fox (ailier des Lakers) : Nous étions double champions sortants. Notre confiance était au zénith. Nous étions tous bien dans notre peau, et nous nous soutenions à fond. Nous commencions à croire ce qu’on disait sur nous.

Mark Heisler (journaliste sportif au Los Angeles Times) : Après le premier titre, Shaquille s’était présenté en surpoids la saison suivante. Après le deuxième titre, il avait dit qu’il reviendrait cette fois en pesant dans les 135 kilos. Mais quand il est revenu, il approchait les 180 kilos ! Il faisait facilement entre 160 et 170 kilos. Il a donc passé toute la saison à se remettre en forme.

Phil Jackson (entraîneur des Lakers) : Shaq souffrait d’une blessure à l’orteil qui lui a valu d’être opéré l’été suivant, ou plutôt à l’automne.

Jim Gray (journaliste de terrain pour NBC) : Kobe et Shaq étaient… Je ne dirais pas qu’ils s’entendaient bien, mais ils avaient le même objectif.

Jim Cleamons (entraîneur adjoint des Lakers) : Nous avions un bon effectif avec des joueurs expérimentés. Nous n’avions pas besoin de donner sans arrêt le ballon à Kobe. Quand Kobe demandait le ballon et ne faisait pas ce qui était prévu, nous avions suffisamment de vétérans pour le ralentir, lui faire comprendre le plan de jeu et la nécessité de jouer en équipe. Son heure viendrait.

Phil Jackson : Nous étions un peu en sous-effectif. Nous devions commencer à baisser notre marge salariale et à nous aligner sur les contrats collectifs de la ligue. Robert Horry, qui pesait à peine 105 kilos, était passé ailier fort, et cette année-là, nous n’avions personne pour le suppléer. Nous n’avions personne non plus pour relayer Shaq de manière efficace.

Cleamons : Horry est devenu l’une de nos armes au poste 4. À l’époque, il évoluait un peu en tant que « poste 4 fuyant ». Les big men ne sortaient pas pour défendre sur lui, et cela donnait à Rob l’occasion de tirer de loin. Cela nous permettait aussi d’élargir le terrain pour pouvoir passer le ballon à Shaquille.

Kurt Rambis (entraîneur adjoint des Lakers) : La fatigue peut finir par vous rattraper. Demander à une équipe de disputer chaque match de saison régulière comme s’il s’agissait d’une rencontre décisive, et avoir assez d’énergie pour réussir la saison, se qualifier pour les play-offs et être physiquement prêt, c’est un effort énorme.

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Phil Jackson : Sacramento avait remporté la division Pacifique. Nous étions plutôt confiants, car nous les avions battus deux fois en play-offs.

J.A. Adande (chroniqueur au Los Angeles Times) : Les [Kings] venaient de faire leur meilleure saison. Ils avaient l’avantage du terrain, étaient plus talentueux, avaient plus d’atouts. Tout leur effectif, du premier joueur jusqu’au dernier, était meilleur que celui des Lakers. Aucun joueur des Lakers ne pouvait se créer de bonnes situations de tir, en dehors de Kobe et Shaq.

Chucky Brown (ailier des Kings) : Nous n’avions pas peur de Kobe. Doug [Christie] lui posait plus de problèmes que n’importe quel autre joueur. Nous n’avions pas à faire des prises à deux sur lui. En ce qui concernait l’opposition entre Vlade et Shaq, nous étions optimistes. Shaq était plus grand et plus fort, mais Vlade était malin.

Scot Pollard (pivot des Kings) : Nous avions une équipe très hétéroclite. Il y avait des Européens, des mecs qui ne savaient pas parler anglais, des mecs qui ne voulaient pas parler anglais, et des mecs venus d’une autre planète, comme moi.

Scott Howard-Cooper (journaliste NBA au Sacramento Bee) : Tout le monde dit que Rick Adelman est un entraîneur au style ennuyeux et triste, mais il a eu l’intelligence d’avoir accompagné cette équipe, qui jouait de manière très différente de sa personnalité.

Doug Christie (arrière des Kings) : Dans notre équipe, tout le monde savait dribbler, passer, tirer, faire des écrans, couper dans la raquette. Et ce à tous les postes. Quand on a cinq gars comme ça sur le terrain, on a presque une équipe All-Star.

Pete Carril (coordinateur offensif de Princeton et entraîneur adjoint des Kings) : Une rumeur circulait dans la ligue selon laquelle Chris [Webber] ne voulait pas jouer à Sacramento, ce qui s’est avéré être faux. [En 1999], [le directeur général] Geoff [Petrie] avait pour la première fois de l’argent à dépenser. Il est allé voir Rick et lui a dit : « Je peux avoir Vlade Divac si vous êtes prêt à lui donner tout l’argent que nous avons. »

Rick Adelman (entraîneur des Kings) : Notre tactique, c’était de distribuer le ballon au poste haut. Quand vos deux big men sont capables de faire des passes comme Chris et Vlade, c’est ce qu’il y a de plus logique à faire.

Carril : On profite de l’écran ou on tourne autour, et on se retrouve en deux contre deux avec un joueur au poste. Si celui-ci ne fait pas la passe, il peut ressortir, il peut tirer. On peut travailler à nouveau de l’autre côté, avec un petit écran du côté faible. C’est très efficace. Et dans ce coin-là, Webber réussissait beaucoup de tirs. Ça et passer, c’était ce qu’il réussissait de mieux.

Peja Stojakovic (ailier des Kings) : Tout tournait autour de Chris et Vlade. C’étaient un peu nos meneurs de jeu.

Vlade Divac (pivot des Kings) : Chris est l’un des meilleurs joueurs avec lesquels j’ai eu la chance de jouer. Il était intelligent et désintéressé. Il rendait tout le monde meilleur. C’était le véritable leader de l’équipe.

Pollard : Tout le monde admirait [Divac]. Tout le monde l’adorait et, sur le terrain, il avait une intelligence de jeu naturelle. Il savait défendre et avait tout un arsenal de techniques pour mettre ses adversaires directs en difficulté.

Mike Bibby (meneur des Kings) : C’est évidemment la meilleure équipe avec laquelle j’ai jamais joué. Je ne me suis jamais autant amusé. J’ai appris à aimer le basket-ball et prendre du plaisir sur le terrain.

Christie : À l’entraînement, on n’arrêtait pas de faire des passes, de couper dans la raquette et de tirer. Les jours de matchs, on n’avait donc plus grand-chose à faire. Tout était organisé et fluide. Presque mécanique.

Hedo Turkoglu (ailier des Kings) : C’était ma deuxième année en NBA et j’étais simplement heureux d’être là. J’étais un Européen qui essayait de s’adapter. L’alchimie était incroyable, comme les relations avec les autres joueurs et les entraîneurs. C’est pour cela que nous avons eu autant de succès à l’époque.

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Adelman : Nous rendions hommage à l’équipe créée par Geoff Petrie. On ne change pas les choses du jour au lendemain. Ça nous a pris quatre ans.

Pollard : Un autre entraîneur n’aurait pas réussi à tirer autant de nous. Parfois, nous manquions de concentration, ou nous étions trop sérieux. Son sens de l’équilibre a aidé notre équipe à traverser les hauts et les bas… Adelman étant ce qu’il est, il savait que parfois, nous étions tous déçus de nous-mêmes après une défaite. Il n’avait pas besoin de nous pousser à fond le lendemain à l’entraînement pour nous remettre sur la bonne voie.

Christie : Il comprenait très bien comment gérer l’équipe. Si nous devions jouer deux matchs en deux jours, il nous laissait libres le jour suivant.

Divac : Nos relations sur et en dehors du terrain étaient incroyables. Ce fut l’une des clés de notre succès, car si nous étions bons sur le terrain, nous nous sommes aussi beaucoup amusés en dehors. C’était une joie incroyable. Nous allions ensemble au restaurant, en boîte, aux fêtes de famille, comme une véritable équipe.

Christie : Sur le terrain, nous nous amusions beaucoup, mais nous nous amusions bien davantage à l’extérieur du terrain, et je pense que c’est pour cela que tout a si bien marché. Parfois, nous nous retrouvions lors d’un match avec six ou dix points de retard, mais ce n’était pas grave. Nous étions certains de revenir. Tout le monde pensait que jouer à domicile était indispensable pour nous. Je ne pensais pas que c’était important, car nous savions que nous pouvions battre n’importe qui, n’importe où, à n’importe quel moment.

Divac : En principe, il faut jouer le mieux possible en saison régulière pour avoir l’avantage du terrain. On s’en foutait. Nous savions que nous pouvions battre n’importe qui.

Gray : C’était la plus belle équipe de la NBA. Il n’y avait pas photo.

Divac : Nous avions énormément de fans en dehors des États-Unis. Un jour, nous avons joué contre Minnesota à Tokyo, et il y avait des milliers de supporters qui encourageaient Sacramento, c’était incroyable.

Steve Cohn (membre du conseil municipal de Sacramento) : Même les gens qui ne connaissaient rien au basket-ball adoraient les voir jouer.

Adande : La Conférence Est n’était pas terrible cette année-là. Dallas et Sacramento étaient les équipes les plus spectaculaires. Les Lakers n’étaient pas du tout amusants ou excitants à voir. Ils avaient la meilleure équipe, mais ils étaient meilleurs quand ils s’appuyaient sur Shaq.

Geoff Petrie (président des opérations de basketball des Kings) : Cette équipe a conquis l’admiration non seulement des amateurs de basket-ball américains, mais aussi de tous les amateurs de basket-ball du monde, pour son style de jeu, son altruisme et la solidarité dont elle faisait preuve. C’était probablement l’une des équipes les plus populaires de la planète à cette époque.

Ailene Voisin (journaliste sportive au Sacramento Bee) : Ils étaient connus dans le monde entier. Je me souviens d’être partie en vacances à l’époque, et tous ceux que je rencontrais connaissaient le cinq de départ.

Jerry Reynolds (administrateur des Kings) : Quand on jouait à l’extérieur, c’était un peu comme les grandes équipes des Bulls avec Jordan, ou comme un groupe de rock. On arrivait à Chicago à deux heures du matin et des centaines de fans attendaient pour avoir des autographes. Ce n’était jamais arrivé [aux Kings] auparavant, et ça n’est plus arrivé depuis.

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II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

Most Valuable Player (4/4) : Catégorie 3 : les injustices totales

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

Les nombres cités après le nom d’un joueur dans cet article représentent le nombre de votes obtenus pour la première, seconde, troisième, et éventuellement quatrième et cinquième place. Dans le cas de Magic Johnson, par exemple, les nombres 27-38-15-7-4 signifient qu’il avait été voté 27 fois premier, 38 fois deuxième, 15 fois troisième, 7 fois quatrième et 4 fois cinquième.

Source des photos : http://www.nba.com

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Il y a huit injustices en tout. Nous les classerons en commençant par la moins scandaleuse.

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8. Kobe Bryant (2008)

Il a râlé pour être échangé et a critiqué ses coéquipiers avant le début de la saison. Il a joué les premières semaines en mode croisière avant de se « réconcilier » avec ses coéquipiers, puis s’est engagé complètement avec l’arrivée de Gasol. À partir de là, tout le monde a passé les deux mois suivants à parler de l’année de Kobe, qu’il avait finalement « compris », qu’il n’avait jamais joué un basket aussi complet, qu’il était devenu un leader sur et en dehors du terrain, et qu’il allait jusqu’à dîner avec ses équipiers et prendre son chèque en personne.

Ce conte de fées révisionniste a pris de l’ampleur après les trois premiers tours de play-offs avant de tomber en flammes lors de la finale, quand Kobe n’a pas fait un seul excellent match et a complètement raté le Match 6 décisif (perdu avec un surprenant manque de combativité). Les Lakers ont volé en éclats dès que les choses ont commencé à se corser, prouvant que cette histoire de « Kobe est un leader » était de la foutaise totale.

Le trophée aurait dû revenir à Chris Paul. Aucune équipe et aucune ville n’avait un joueur plus important. Sinon, ç’aurait dû être Garnett, sauveur du basket à Boston, qui a appris à tout le monde à défendre, a porté son équipe avec une intensité folle pendant 82 matchs, et a même convaincu James Posey, Eddie House et PJ Brown de réduire leur salaire pour jouer avec lui. Mais tout le monde s’est laissé entraîner par le ramdam autour de Kobe. Passons là-dessus.

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7. Steve Nash (2005)

Un choix déroutant et de plus en plus déconcertant à mesure que le temps passe. Quand les règles ont été changées pour limiter l’usage des mains en défense, inaugurant le retour d’un basketball palpitant, Nash s’est imposé comme le leader du formidable jeu offensif de Phoenix. Tout le monde était captivé en voyant que quelqu’un avait revitalisé la position de meneur en lui redonnant un aspect à la Cousy ; à un moment donné, les choses ont exagéré et les journalistes ont commencé à citer Nash comme candidat pour le MVP, ce qui semblait une idée saugrenue, car cela aurait été la première fois : (a) qu’un joueur qui s’appuyait sur ses coéquipiers allait remporter le prix ; (b) qu’un joueur incapable de porter une franchise allait remporter le prix ; et (c), qu’un joueur qui ne savait pas défendre allait remporter le prix. Trois énormes révolutions.

Ceux qui ont rejoint le comité de soutien à Nash pour le MVP l’ont-ils fait pour des raisons raciales ? D’une certaine manière, oui. À la base, voter pour Nash, c’était amusant. C’était un Canadien aux cheveux longs bourré d’énergie qui faisait des gestes longtemps oubliés (comme le running hook, sa marque de fabrique), savait comment gérer les contre-attaques, rendait ses coéquipiers meilleurs et se comportait toujours avec classe. Son style (unique et passionnant) et sa couleur de peau (blanc dans une ligue à prédominance noire) le faisait ressortir plus que quiconque en match. Au-delà de ça, il a été la nouvelle grande mode de la ligue, et les journaux et radios ont commencé à s’interroger : « Steve Nash est sympa à voir jouer, pourquoi ne serait-il pas élu MVP (1) ? »

À partir de là, ça a fait boule de neige. Lorsque Shaquille O’Neal a eu de petites blessures et que Dwyane Wade a intensifié son jeu à la hauteur d’un Jordan du pauvre, il y avait juste assez de défauts dans la campagne MVP de Shaq pour que la porte s’ouvre pour Nash, soutenu par une flopée de commentaires médiatiques (dans les journaux ou à la radio) du genre : « Ça fait vraiment plaisir de voir un joueur si altruiste et avec autant de classe », une jolie façon de dire : « Je suis content que ce ne soit pas un de ces Noirs égoïstes pleins de tatouages, qui martèlent leur poitrine après chaque belle action. » Le soutien à Nash est alors devenu frénétique. Ajoutez l’intérêt qu’avait la NBA à ce que Nash soit élu (rappelez-vous, le joueur considéré comme la tête d’affiche de la ligue avait été aux prises avec un procès pour viol à peine douze mois plus tôt) et au moment des récompenses, il y avait juste assez de personnes atteints par la logique du « vote par défaut » pour que le pauvre Shaq se fasse voler.

Les résultats du vote en 2005 : Nash : 1 066 (65-54-7-1-0) ; Shaq : 1 032 (58-61-3-3-1) ; Nowitzki : 349 (0-4-43-30-16) ; Duncan: 328 (1-0-40-13-19) ; Iverson : 240 (2-4-20-20-55). (Au passage, un idiot a donné un vote de première place à Amar’e Stoudemire, dont la carrière avait été relancée et réinventée par Nash. C’est comme donner un vote pour le Prix Nobel de Médecine au monstre de Frankenstein à la place du Dr Frankenstein.)

Le vote aurait dû être remporté par Shaq, en raison d’un simple exercice mathématique s’articulant autour de deux faits indiscutables :

  1. Les Lakers ont remporté 57 matchs en 2004 et 34 matchs en 2005.
  2. Miami a remporté 42 matchs en 2004 et 59 matchs en 2005.

Pas besoin d’être une bête en stats pour comprendre ces chiffres. Shaq a fait pencher la balance sur 40 matchs, a redonné sa supériorité à la Conférence Est, et aurait remporté le titre si Wade ne s’était pas blessé alors que Miami menait 3-2 en finale de la Conférence Est. Cette année a été particulière pour lui car les gens avaient fini par le comprendre. Sa saison a été exceptionnelle, mais moins au niveau de son jeu que de sa personnalité. Il n’y avait aucun athlète plus apprécié, plus charismatique et plus amusant. Quand on pense à la saison 2004-2005, on pense d’abord à Shaq, et c’est la définition même d’un MVP. En tout cas, c’est la mienne.

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6. Magic Johnson (1990)

Cette année-là, les trois postulants au titre étaient :

Magic (22 points, 12 rebonds, 7 passes décisives de moyenne en 79 matchs et 2 937 minutes jouées pour 63 victoires) : à cette époque, le pire défenseur du monde. On lui a attribué le mérite d’avoir gardé les Lakers sur de bons rails en l’absence d’Abdul-Jabbar, même s’ils étaient meilleurs avec le duo Vlade Divac / Mychal Thompson. Ses quatre meilleurs équipiers : James Worthy, Byron Scott, AC Green et Divac. Moyenne en play-offs (9 matchs, défaite au second tour) : 25 points, 6 rebonds, et 13 passes décisives, 49 % de réussite au tir. La plus faible des trois années où il a été élu MVP.

Barkley (25 points, 12 rebonds, 4 passes décisives et 1,9 interceptions de moyenne, plus 60 % de réussite au tir en 79 matchs et 3 085 minutes jouées pour 53 victoires) : une défense en-dessous de la moyenne. Ses quatre meilleurs coéquipiers : Johnny Dawkins, Rick Mahorn, Hersey Hawkins et Mike Gminski. Moyenne en play-offs (10 matchs, défaite au second tour) : 25 points, 11 rebonds et 6 passes décisives, 54 % de réussite au tir. A été le joueur le plus complet cette année-là et a obtenu le plus de votes de première place au scrutin du MVP.

Jordan (34 points, 7 rebonds, 6 passes décisives et 2,8 interceptions de moyenne, plus 53 % de réussite au tir en 82 matchs et 3 197 minutes pour 55 victoires) : meilleur marqueur et meilleur intercepteur du championnat. Dans le cinq défensif majeur de la NBA. Ses quatre meilleurs coéquipiers : Scottie Pippen, Horace Grant, Bill Cartwright et John Paxson. Moyenne en play-offs (18 matchs, défaite en finale de la Conférence Est) : 37 points, 7 rebonds et 7 passes décisives, 51 % de réussite au tir.

Le résultat du vote ? Magic : 636 (27-38-15-7-4) ; Barkley : 614 (38-15-16-14-7) ; Jordan : 571 (21-25-30-8-5).

Tout le monde se souvient de la raclée qu’un Jordan ravagé par la grippe a mise à Barkley. Regardez ses statistiques offensives supérieures et rappelez-vous d’une part qu’il était le meilleur arrière défenseur de la ligue, et d’autre part que Barkley et Magic ne pouvaient pas défendre sur qui que ce soit. (Si les Lakers ont été surpris par Phoenix au cours des play-offs de 1990, c’est principalement parce que Kevin Johnson les a déchirés en lambeaux. Si vous étiez un meneur rapide entre 1987 et 1991, et que vous n’arriviez pas à vous promener contre les Lakers, vous aviez vraiment besoin de réévaluer les choses.)

Pourquoi Jordan n’a-t-il pas remporté le prix ? Tout d’abord, les médias continuaient à répéter les mêmes bêtises selon lesquelles Bird et Magic « savaient comment gagner » et que Jordan « ne savait pas encore gagner ». (Quelle farce.) Deuxièmement, Barkley était un peu devenu le choix à la mode, l’homme fort d’une équipe des Sixers agitée qui a pris part à une mémorable bagarre avec Detroit le dernier jour de la saison. Et troisièmement, Jordan était toujours vu comme un joueur « égoïste », même s’il mettait 53 % de ses tirs. Pourquoi ne pas le laisser tirer autant que possible ?

Quand tout le monde le traitait de croqueur de ballon en 1989 et 1990, Jordan avait une moyenne de 7,2 passes décisives, 23,2 points et 8,5 lancers-francs par match. En 1993, quand tout le monde affirmait qu’il s’était parfaitement intégré dans le triangle, avait la confiance de ses coéquipiers, etc., etc., il affichait en moyenne 5,5 passes décisives, 25,7 points et 7,3 lancers-francs par match. Jordan a commencé à atteindre des sommets vers 1988, et il a fallu à ses coéquipiers médiocres trois années complètes pour arrêter de gâcher son travail une fois l’été venu. C’est le MVP 1990.

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Dave Cowens

5. Dave Cowens (1973)

Une combinaison de quatre facteurs a joué cette saison : Boston a presque battu le record de victoires en saison régulière en alignant 68 victoires pour 14 défaites (de sorte que tout le monde s’est senti obligé de voter pour un Celtic) ; Kareem avait remporté le trophée en 1971 et 1972 (de sorte que tout le monde s’est senti obligé de voter pour quelqu’un d’autre) ; la ligue entrait doucement dans l’ère « les joueurs sont trop payés et s’en foutent » (de sorte qu’un joueur aussi passionné que Cowens se détachait) ; et les joueurs (qui votaient encore) ne se sont pas aperçus que Boston partageait sa division avec Buffalo (21 victoires, 61 défaites) et Philadelphie (9 victoires, 73 défaites, confortant leur record du pire début de saison avec 14 défaites et aucune victoire), tandis que Milwaukee terminait à 60 victoires pour 22 défaites dans une division plus difficile et avait le même différentiel de points que Boston.

En outre, on ne pouvait pas vraiment dire qui était le meilleur joueur des Celtics : Cowens (21 points, 16 rebonds, 4 passes décisives de moyenne, gros travail sous le panier), John Havlicek (24 points, 7 rebonds, 7 passes décisives, régulateur de jeu), et Jo Jo White (19 points, 6 rebonds, 6 passes décisives, maîtrise du ballon) étaient tout aussi indispensables. Difficile de dire si Cowens était plus précieux que Havlicek. Même les résultats le reflètent : Cowens : 444 (67-31-16) ; Kareem : 339 (44-24-27) ; Nate Archibald : 319 (44-24-27) ; Wilt : 123 (16-12-15) ; Havlicek : 88 (16-12-15). Visiblement, le bulletin de vote 1973 avait besoin d’un choix de co-MVP.

Pendant ce temps, le meilleur joueur de la ligue (Abdul-Jabbar) avait une moyenne de 30 points, 16 rebonds et 5 passes décisives, et défendait excellemment bien pour des Bucks aux prises avec une cascade de blessures, la curieuse affaire Wali Jones que son club a fini par libérer (2), et les problèmes de poids de Robertson. En plus de cela, il fut frappé par une tragédie lorsque sept coreligionnaires vivant dans sa maison de Washington furent assassinés par une faction musulmane rivale. (Un article de Sports Illustrated sur Kareem daté du 19 février a même titré « Un pivot dans la tempête ».) Et vous savez quoi ? Les Bucks ont quand même gagné 60 matchs.

En fait, ce qui s’est passé est simple : la candidature de Kareem a été plombée par un soutien douteux apporté à Archibald, premier joueur à être en tête de la ligue au nombre de points marqués et de passes décisives, avec, en plus de cela, le plus grand nombre de minutes jouées (3 681 !), de paniers marqués, de lancers-francs marqués, de tentatives de tir et de tentatives de lancers-francs pour une équipe à 36 victoires qui a raté les play-offs. Peut-on vraiment être le joueur ayant « le plus de valeur » au sein d’une équipe ayant perdu 46 matchs ? Ne parlons même pas du jeu insensé d’un meneur affichant en moyenne près de 27 tirs et 10 tentatives de lancers francs par match. Isiah Thomas aurait pu accaparer la balle de cette manière tout comme Chris Paul, Kevin Johnson ou Tim Hardaway avant sa blessure au genou. Aucun ne l’a fait. Pourquoi ? Parce qu’ils auraient plombé leurs équipes ! C’étaient des meneurs ! L’année 1973 de Tiny est unique dans l’histoire, et c’est sans doute bien mieux comme ça. Bref, tout ça pour dire que Kareem a été volé.

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4. Charles Barkley (1993)

La course au MVP 1987 est sans doute la meilleure de l’ère moderne. Magic a terminé premier avec une remarquable moyenne de 24 points, 12 rebonds et 6 passes décisives, et a enfin supplanté Kareem à la tête des Lakers. Jordan a marqué 37 points par match, est devenu officiellement le grand joueur du futur et a terminé deuxième. Et c’était la meilleure saison de Bird : 28 points, 9 rebonds, 8 passes décisives de moyenne, 53 % de réussite au tir, 40 % de réussite à 3 points, 90 % de réussite au lancer-franc et une superbe permanente blonde. Il a terminé troisième et loin derrière seulement parce que tout le monde en avait assez de voter pour lui. Quand le meilleur ailier et le meilleur meneur de jeu de l’histoire sont à leur sommet et que le plus grand joueur de l’Histoire vient s’intercaler là-dedans, c’est une sacrée course au MVP.

En 1993, la qualité des trois premiers était équivalente à celle des années 1962, 1963 et 1964, ainsi que les rivalités consécutives Bird-Magic-Jordan en 1987 et 1988. Voici les résultats :

Barkley : 835 votes (59-27-10-2-0) : 26 points, 12 rebonds, 5 passes décisives de moyenne, 52 % de réussite au tir, 62 victoires. La saison où il a été le plus complet.

Olajuwon : 647 (22-42-19-12-2) : 26 points, 13 rebonds, 4 passes décisives de moyenne, 53 % de réussite au tir, 150 interceptions, 342 contres (en tête de la ligue), dans le cinq défensif majeur de la NBA, 55 victoires. À l’époque, sa saison la plus complète.

Jordan : 565 (13-21-50-12-2) : 33 points, 7 rebonds, 6 passes décisives de moyenne, 50 % de réussite au tir, 221 interceptions (en tête de la ligue) dans le cinq défensif majeur de la NBA (3), 57 victoires. A conservé son statut de joueur dominant cette saison.

Pensez un peu : vous avez là les meilleures saisons de trois des vingt meilleurs joueurs de tous les temps ! Malheureusement, quatre-vingt-six électeurs ont négligé le fait que Jordan et Olajuwon étaient deux des meilleurs défenseurs de l’histoire et que Barkley n’arrivait pas à stopper Ron Kovic. Normalement, une équipe de basket-ball a deux tâches : marquer et empêcher l’autre équipe de marquer ! Jordan aurait dû terminer premier, Hakeem deuxième et Barkley troisième. Et la finale de 1993, dans laquelle Jordan a carbonisé les Suns, aurait confirmé le bien-fondé de cette décision. Voilà.

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3. Steve Nash (2006)

En 2005, le choix de Nash était sympathique, principalement parce qu’aucun candidat ne se détachait et qu’il y avait nettement de quoi être influencé. C’était comme se dire : « Tiens, j’en ai marre de boire toujours la même bière, je vais en essayer une autre. » Mais en 2006 ? Nash était dans le top 5 des meilleurs joueurs de la ligue, mais pour le choisir comme MVP, il n’y avait que deux possibilités : soit vous ne regardiez pas assez de basket, soit vous vouliez voir un Blanc gagner deux titres de MVP consécutifs.

Le MVP de la saison 2006 était Kobe Bryant. C’était la réponse aux trois questions concernant le MVP. (Et aussi la réponse à la question 4 : aucun fan d’une équipe adverse n’aurait été outré par le choix de Kobe.)

Réponse à la Question N°1 : Kobe a marqué 62 points dans les trois premiers quarts-temps contre Dallas, puis 81 contre Toronto quelques semaines plus tard. Il était sur le point de devenir le cinquième joueur de l’histoire de la NBA avec une moyenne de 35 points par match (avec Wilt Chamberlain, Jordan, Baylor et Rick Barry). Il s’est entendu avec Shaq, avec Phil Jackson et avec Nike. Aucun autre joueur n’a été autant critiqué par les journalistes, les télévisions et les animateurs radio au cours de cette saison, mais Kobe a paru se nourrir de cette énergie négative. Et juste au moment où il semblait que la fatigue allait le rattraper, il marquait 50 points en un match juste pour ne pas être oublié. Kobe a été impitoyable. C’est la meilleure façon de décrire sa saison. Ses stats ? 35,4 points, 5,3 rebonds et 4,5 passes décisives de moyenne, 45 % de réussite au tir à 27,2 tentatives par match et un gros temps de jeu. Et il a remporté 45 victoires avec Smush Parker, Kwame Brown, Brian Cook et Chris Mihm, un quatuor surnommé par les fans des Lakers de l’époque « le Sandwich à Merde ».

Réponse à la Question N°2 : Kobe était le joueur le plus complet de la ligue, le meilleur marqueur, le meilleur compétiteur, et il terrifiait tout le monde. Et si vous ne le choisissez pas, il va personnellement veiller à ce que vous ne voyiez que lui dans l’équipe adverse.

Réponse à la Question N°3 : si vous remplacez Kobe par un bon arrière (par exemple Jamal Crawford), les Lakers auraient gagné en 2006 entre 15 et 20 matchs. C’est absolument certain. Leur équipe était horrible. Lorsque Smush Parker et Kwame Brown sont vos troisième et quatrième meilleurs joueurs, vous ne devriez même pas être autorisé à regarder les play-offs à la télévision. Avec Kobe, les Lakers ont réussi à gagner 45 matchs. Il a donc été responsable de 25 de leurs victoires. Minimum.

Les résultats du vote en 2006 ? Nash : 924 (57-32-20-8-6) ; LeBron James : 688 (16-41-33-23-7) ; Nowitzki : 544 (14-22-25-36-17) ; Kobe : 483 (22-11-18-22-30) ; Chauncey Billups : 430 (15-13-22-18-25).

(J’abandonne.)

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2. Willis Reed (1970)

Après la retraite de Russell, les Celtics se sont trouvés en difficulté et les Knicks ont pris le commandement à l’Est. En 1970, ils ont remporté 60 matchs (record de la ligue), enflammé Manhattan et sont devenus les chouchous des médias. Leurs deux meilleurs joueurs étaient Reed et Frazier : Reed avait une moyenne de 22 points et 14 rebonds par match, tirait à 50 % de réussite et protégeait ses coéquipiers ; Frazier avait une moyenne de 21 points, 6 rebonds et 8 passes décisives, défendait sur le meilleur marqueur adverse et aurait été le meilleur intercepteur de la ligue si la statistique avait été prise en compte à l’époque. Si une saison nécessitait deux MVP, c’était bien celle-là.

Comme tout le monde pensait que les pivots avaient plus de valeur que les autres joueurs, Reed (498 votes, 61-55-28) devança de peu Jerry West (457 votes, 51-59-25). Et plus personne n’en a reparlé.

Eh bien, regardez à nouveau la saison de West. Il avait une moyenne de 31 points, 5 rebonds et 8 passes décisives pour une équipe des Lakers à 46 victoires qui avait perdu Wilt après 12 matchs suite à une déchirure au genou (il n’a plus joué en saison régulière) et dont les deux autres meilleurs joueurs (Baylor et Bonne Hairston) ont raté 55 matchs à eux deux. Les quatre meilleurs joueurs sur la liste après eux ? Mel Counts, Dick Garrett, Keith Erickson et Rick Roberson. Les Lakers ont terminé tant bien que mal deuxièmes à l’Ouest, puis Wilt est revenu pour les play-offs et ils se sont frayés un chemin jusqu’en finale.

Statistiquement, c’était la plus belle année de West : il était meilleur marqueur de la ligue, quatrième meilleur passeur, avait 50 % de réussite au tir et 83 % de réussite au lancers-francs. D’un point de vue plus général, West a porté les Lakers toute la saison et les a faits passer à une victoire du titre. D’un point de vue du joueur dominant, si vous aviez à choisir quelqu’un pour combler l’écart entre la retraite de Russell et l’ascension d’Abdul-Jabbar, vous choisiriez West. Il est l’un des dix meilleurs joueurs de tous les temps et on l’a choisi pour représenter le logo de la NBA, mais il n’a jamais remporté de MVP. Pourquoi ne l’a-t-il pas eu en 1970 ? Parce que les médias de New York étaient trop occupés à faire les louanges des Knicks (qui, admettons-le, était belle à voir). C’était un cercle vicieux débile qui a duré huit mois. Un Knick devait obtenir le MVP, point barre. Le Logo n’avait aucune chance. Et on lui a volé le trophée.

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1. Karl Malone (1997)

Ce n’était pas une course au MVP, mais un vol pur et simple. En 1996, Jordan avait une moyenne de 30 points, 7 rebonds et 4 passes décisives pour une équipe à 72 victoires, a terminé avec 109 votes de première place et aurait été élu MVP à l’unanimité s’il n’y avait pas eu quatre abrutis pour voter Penny Hardaway, Hakeem Olajuwon et Malone (4). En 1997, les références de Jordan ont « chuté » à 69 victoires et une moyenne de 30 points, 6 rebonds et 4 passes décisives. En d’autres termes, il avait fait 98 % aussi bien que la saison précédente. Sauf que Malone a volé le trophée avec une moyenne de 27 points, 10 rebonds et 5 passes décisives pour une équipe du Jazz à 64 victoires. Voici les résultats du vote cette année-là :

Malone : 986 (63–48–4–0–0)
Jordan : 957 (52–61–2–0–0)

Ce qui s’est passé est difficilement explicable, mais voici un début de piste : Malone a tourné autour des électeurs du MVP pendant dix bonnes années et n’a jamais fait mieux que troisième. Pendant ce temps, la NBA était de plus en plus diluée : la ligue était aux prises aux problèmes d’expansion, quelques stars plus jeunes (Shawn Kemp, Penny Hardaway, Larry Johnson, Chris Webber, Kenny Anderson, Derrick Coleman) ne réussissaient pas aussi bien que prévu, et Barkley, Olajuwon, Robinson, Drexler et Ewing étaient sur la pente descendante, ce qui signifiait que Utah, une équipe qui était pire en 1997 qu’ils ne l’étaient en 1988 ou même 1992, est soudain devenu une grande force à l’Ouest.

Il n’y avait pas non plus de bonne histoire en 1997. Tout était phagocyté par Jordan. Les aventures de Shaq à Hollywood et de l’arrivée d’Iverson avaient été rabâchées jusqu’à épuisement. Tout comme celle des trois futurs Hall of Famers dans la même équipe (Olajuwon, Drexler et Barkley). Latrell Sprewell n’avait pas encore étranglé PJ Carlesimo (même s’il y a à coup sûr pensé). Les Grizzlies, les Spurs, les Celtics et les Nuggets ont passé les deux derniers mois à essayer désespérément de gagner la course à la dernière place pour obtenir Tim Duncan. À la mi-mars, dès que tout le monde a compris que les Bulls ne pourraient pas gagner 73 matchs, tout le monde s’est mis à bâiller en attendant les play-offs. Puis Jackie MacMullan, une journaliste de Sports Illustrated, a écrit dans sa chronique du 19 mars un article qui commençait ainsi :

Le Roi du Jazz

Malone, le Roi du Jazz, a l’envergure d’un MVP (au cas où vous ne l’auriez pas remarqué).

L’ailier du Jazz, Karl Malone, sait que Michael Jordan va une nouvelle fois être élu MVP. […]

Vous voyez l’idée. L’article contenait à peu près 800 mots sur la façon dont les performances de Malone avaient été sous-estimées avec les années (ce qui était vrai, à un certain degré). Quelques semaines plus tard, c’est devenu la belle histoire du jour. Pourquoi le « Mailman » ne serait-il pas élu MVP ? Une question stupide, car la réponse était évidente : « Parce qu’il y a Michael Jordan ! C’est insuffisant, comme raison ? » C’était difficile à croire.

Les play-offs sont arrivés et cinquante-trois électeurs ont préféré Malone à Michael Jordan. Et c’est ainsi que Jordan s’est fait voler le MVP 1997. Heureusement pour nous, il a crié vengeance en finale contre (devinez qui ?) Karl Malone et les Utah Jazz ! Dans le Match 1, après que Malone a raté deux lancers-francs pour prendre la tête dans les 20 dernières secondes, Jordan a claqué le panier gagnant au buzzer, s’est retourné et a serré le poing. Et là, tous ceux qui avaient voté pour le « Mailman » ont dû se sentir vraiment, vraiment, vraiment stupides.

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Première partie ici.

Deuxième partie ici.

Troisième partie ici.


 

(1) Ici, la question raciale n’entre pas en compte. S’il avait ressemblé à Earl Boykins, il se serait passé exactement la même chose. Les gens ont toujours tendance à favoriser les outsiders, surtout s’ils ont une coupe de cheveux ridicule.

(2) Les Bucks soupçonnaient Jones de prendre de la drogue. Ils l’ont fait suivre par des détectives privés, l’ont placé sur la liste des joueurs blessés/hors de forme pour « perte de poids et d’endurance », puis l’ont finalement viré. Jones a clamé son innocence et poursuivi les Bucks pour obtenir le reste de son salaire. Il a obtenu son argent quand la défense de Milwaukee s’est basée sur l’argument : « Quand quelqu’un maigrit et agit de façon irrationnelle, c’est qu’il prend de la drogue ». Il a eu à peu près autant de poids juridique que l’argument : « C’est elle qui l’a cherché ».

(3) Probablement le meilleur premier cinq défensif de l’histoire : Pippen, Olajuwon, Rodman, Jordan et Dumars, tous à leur meilleur niveau. Un joli cinq de départ dans les années 90, si vous vouliez tout casser en défense.

(4) Une excellente raison pour laquelle les votes pour le MVP devraient être rendus publics. Ceux qui font des choix aussi imbéciles devraient être obligé de les défendre. Je suis contre l’incompétence anonyme dans toutes ses formes. Il s’est passé la même chose en 1993, lorsque quatre journalistes ont été assez aveugles pour mettre Patrick Ewing en première place. Totalement ridicule.

Most Valuable Player (1/4) : définir le « MVP »

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

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NBA: Stephen Curry MVP Press Conference
Crédits photo : Kelley L Cox – USA TODAY Sports.

Le trophée de « Most Valuable Player » de la NBA est le trophée du monde des sports qui a le plus de valeur et de signification.

Vous ne me croyez pas ? Pouvez-vous citer les dix derniers MVP de la NFL ? Certainement pas. Pouvez-vous citer les dix derniers MVP de chaque ligue de baseball, et déterminer chaque année avec certitude le meilleur joueur ? Non. Connaissez-vous seulement le nom du trophée MVP de la NHL (et je ne parle même pas des dix derniers vainqueurs) ? À moins d’être Canadien, probablement pas (1).

La NBA est la seule ligue qui épouse parfaitement le concept du « Most Valuable Player » : comme toutes les équipes jouent l’une contre l’autre, il est relativement simple de comparer les statistiques, et en regardant les matchs, on peut presque toujours constater quels joueurs se démarquent. Il suffit de suivre la saison. Si vous combinez le vote du MVP avec les équipes All-Star, les résultats des play-offs, et les statistiques individuelles, vous vous retrouvez avec un aperçu raisonnable de ce qui est arrivé au cours d’une saison NBA, tout comme les quatre principaux Oscars sont à peu près le reflet de ce qui arrive à Hollywood d’année en année.

Bien sûr, il y a des exceptions. Charles Barkley a remporté le MVP 1993 alors que Jordan était de loin le meilleur joueur du monde, et il l’a prouvé avec autorité en finale. Mais le nom qui se trouve à côté de « MVP NBA 1993 » pour le reste de l’éternité est celui de Barkley. Parce que ça marche comme ça. Jordan n’a pas gagné le titre de MVP 1993 parce tout le monde en avait marre de voter pour lui. C’est la seule raison. Et c’est une raison stupide.

Ce qui nous ramène au sujet principal : ce n’est pas parce que quelqu’un a gagné un Oscar ou un MVP qu’il l’a nécessairement mérité. Par exemple, les Spurs de 2007 n’auraient jamais gagné sans Tim Duncan, pilier de la défense au poste bas, meilleur défenseur, meilleur rebondeur, meilleur contreur et leader émotionnel. Avec près de huit cents matchs (play-offs compris) au compteur et une opération au genou qui allait devenir nécessaire, Duncan avait appris à se ménager au cours de la saison régulière, en se concentrant sur la défense et les rebonds, et gardant son énergie en attaque pour les matchs à enjeux ainsi que les play-offs.

En saison régulière, il a joué 80 matchs et a terminé avec une moyenne de 20 points, 11 rebonds et 3 contres, le meilleur pourcentage de réussite au tir de sa carrière (54,6 %) et une place dans le premier cinq majeur de la NBA. En play-offs, sa moyenne a été de 22 points et 12 rebonds, et il a contré 62 tirs en 20 matchs. Les Spurs ont balayé Cleveland en finale, et qu’est-il arrivé ? Tony Parker a volé les honneurs du MVP des Finales pour avoir éclipsé les très mauvais de meneurs de Cleveland (Daniel Gibson, Damon Jones et Eric Snow), avec 30 points et 4 rebonds de moyenne, et avec un pourcentage de réussite au tir de 56,8 %.

Supposons que votre arrière-petit-fils jette un œil sur cette saison, 60 ans jour pour jour après l’instant où nous parlons. Dirk Nowitzki est MVP, Tony Parker MVP des Finales… En dehors de sa place dans le premier cinq majeur de la NBA et de ses grosses statistiques en play-offs, comment voulez-vous discerner que Duncan a été de loin le joueur décisif de la meilleure équipe lors de la saison 2006-2007 ? C’est impossible.

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Source : http://www.nba.com.

Trois aspects cruciaux du MVP doivent être mentionnés :

Aspect n°1. Le premier titre de MVP a été décerné lors de la saison 1955-1956. Les joueurs votaient pour le MVP et les journalistes s’occupaient du premier et deuxième cinq majeur de la NBA. (Il n’y avait qu’une seule règle, à savoir que les joueurs ne pouvaient pas voter pour un de leurs coéquipiers.) Je sais que l’on n’en était qu’aux balbutiements au milieu des années 50, et nous parlons d’une ligue à laquelle il a fallu huit ans pour se rendre compte qu’une limite de temps de possession de balle était nécessaire. Mais compte tenu des problèmes raciaux dans les années 50 et de la frilosité générale devant l’afflux massif de joueurs noirs, comment peut-on s’attendre à un vote équitable quand on sait que 85 à 90 % des joueurs étaient blancs ? La popularité d’un joueur ne l’emportait-elle pas sur le reste ?

Si vous appliquez le concept du « meilleur joueur élu par ses pairs » à l’époque moderne, vous pouvez voir les dangers qui y sont liés et le potentiel manque d’objectivité. Les critiques sont appelés des « critiques » pour une bonne raison : c’est leur travail d’évaluer objectivement les choses. On ne peut pas s’attendre à ce que les joueurs deviennent d’un seul coup des juges impartiaux. Supposons par exemple que les joueurs de 2008 aient considéré Kobe comme un individu méprisant, aussi faux qu’égocentrique. S’ils avaient dû voter pour le MVP 2008, Kobe aurait-il eu une chance de devancer Chris Paul, un joueur respecté et aimé de tout le monde ?

En fait, quand on voit la façon dont la NBA fonctionne aujourd’hui (avec des joueurs d’âges différents qui se rapprochent en gravissant les échelons au même moment et, dans certains cas, se connaissent depuis le niveau amateur), il n’est pas absurde de penser que la politique joue un grand rôle dans les rapports entre les personnes. La génération LeBron-Melo-CP s’apprécie énormément. Ces joueurs n’auraient-ils pas fait basculer les votes de 2008 en faveur de Paul ? Les joueurs plus âgés n’auraient-ils pas été plus tentés de choisir Garnett ? Et considérant que les Hornets adoraient Paul et voulaient qu’il gagne, n’auraient-ils pas voté pour quelqu’un sans réelle chance comme LeBron ?

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Aspect n°2. À partir de la saison 1979-1980, les votes ont été donnés à un comité trié sur le volet de journalistes et de journalistes travaillant pour la télévision, ce qui a créé davantage de problèmes pour des raisons évidentes (certains d’entre eux ne suivaient pas toute la ligue, certains étaient influencés par le joueur qu’ils regardaient toutes les nuits, certains ne comprenaient rien à la NBA) et moins évidentes (les stars les plus en vue avaient maintenant un avantage, tout comme en avait un joueur sans trophée face à un joueur l’ayant déjà gagné).

Au début des années 90, une problématique plus subtile a vu le jour : un groupe presque entièrement composé de journalistes blancs d’âge moyen n’est plus parvenu à s’identifier avec la direction prise par la ligue, regrettant les facilités d’accès qu’ils avaient autrefois et méprisant ouvertement la nouvelle génération de stars égocentriques et surpayées, qui se frappaient la poitrine, avaient leur petit cercle personnel, arboraient des tatouages et tournaient des publicités. Malgré cela, ils étaient encore appelés à choisir objectivement un MVP. Je pense que c’est un problème.

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Aspect n°3. Les électeurs actuels avouent ouvertement ne pas bien comprendre les critères de vote, principalement parce que les administrateurs de la NBA ont volontairement facilité cette confusion en ne donnant jamais de définition à la « valeur » d’un joueur. Ils aiment quand les présentateurs radio et les journalistes s’embrouillent là-dessus. Ils veulent que les électeurs se demandent si la récompense est attribuée au meilleur joueur, à celui ayant le plus de valeur, ou les deux. Ou deux tiers de l’un et un tiers de l’autre. Ou un rapport quelconque que quelqu’un finit par définir. Voici ce que nous savons :

  1. Le prix ne concerne que la saison régulière.
  2. Seuls les joueurs ayant participé à au moins 55 matchs sont éligibles.
  3. Et c’est tout.

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Source : http://www.nba.com.

Vous voyez comme c’est compliqué de faire le bon choix chaque année ? Ma définition du MVP repose sur quatre questions rangées par ordre d’importance (de la plus haute à la plus basse) :

Question n°1 : Si l’on remplace chaque candidat au MVP par un bon joueur qui évolue à son poste toute la saison, quels en seraient les effets sur les résultats de l’équipe ?

Il n’y a pas de meilleure façon de définir la « valeur » d’un joueur. Mettons que l’on remplace Chris Paul par Kirk Hinrich à l’été 2007. Comment la saison suivante se serait-elle déroulée pour les Hornets ? Ils ont gagné 57 matchs au sein d’une conférence historiquement difficile avec une offensive axée autour des capacités exceptionnelles de Paul, et pour couronner le tout, Paul était un leader, coéquipier et porte-parole très apprécié. Remplacez-le par Hinrich et l’équipe termine probablement avec 30 victoires et 52 défaites au lieu de 57 victoires et 25 défaites, sans parler de la façon dont Paul a revitalisé le basket-ball à la Nouvelle-Orléans et est devenu l’un des meilleurs ambassadeurs de la NBA.

Question n°2 : Si deux fans ayant de solides connaissances en matière de basket pouvaient choisir cinq joueurs NBA pour former une équipe qui joueraient l’une contre l’autre, et que la vie de ces deux fans dépend de l’issue du match, quel serait le premier joueur à être choisi compte tenu de la forme de chaque joueur durant la saison ?

Traduction : qui a été le joueur dominant au cours de cette saison ? Souvent, les finales permettent de répondre à cette question… mais pas toujours. Tout le monde pensait que Kobe était le joueur dominant en 2008, mais après l’avoir vu « wilter » contre Boston en finale (comparé à la façon dont LeBron avait porté une équipe des Cavs à la ramasse pendant sept matchs contre Boston et a failli faire sauter la banque au Match 7), ce n’est pas sûr. Cette question ramène tout au plus simple : il y a 11 joueurs dans mon équipe, je dois gagner, je ne peux pas me planter avec mon premier choix, et si je ne prends pas tel joueur, il va s’énerver et nous botter le cul pour avoir été pris en deuxième. Je crois que c’est comme ça que se passe le tournoi annuel de la Rucker Ligue à Harlem. Imaginez le regard sur le visage du Jordan de 1997 si quelqu’un prenait le Karl Malone de 1997 avant lui pour disputer un match.

Question n°3 : Dans dix ans, de quel joueur se souviendra-t-on immédiatement en songeant à cette saison ?

Chaque saison est liée à un joueur à des degrés divers. Pourquoi ? Parce que comme les médias politiques peuvent affecter une primaire ou une campagne présidentielle, les médias spécialisés dans le basket-ball peuvent influencer la course au MVP. Ils polissent chaque argument et chaque histoire pendant dix mois, avec pour principal objectif de discuter des côtés potentiellement provocateurs, des histoires ou des controverses qui n’avaient pas encore été décortiquées.

Il n’y a pas de meilleur exemple que la saison 1993 : Jordan était toujours le meilleur, mais le controversé Barkley venait d’être échangé à Phoenix, puis est apparu radicalement différent aux Jeux Olympiques de 1992, émergeant comme la personnalité la plus convaincante de l’équipe et le deuxième meilleur joueur. Catalogué cours de ses dernières années à Philadelphie comme un voyou impulsif et en dehors des clous qui faisait trop la fête, ne fermait jamais son clapet et multipliait les bêtises, tout le monde s’est mis d’un seul coup à applaudir le sens de l’humour et la candeur du « Chuck Wagon ». Et quand il a commencé à faire monter une équipe des Suns déjà douée à un autre niveau, Barkley est devenu la belle histoire de la saison 1992-1993, une sensation légitime sur Madison Avenue et la personnalité la plus charismatique du monde des sports (2).

Cette « transformation » faisait-elle nécessairement de lui le « Most Valuable Player » de 1993 ? Voyons : les Suns de 1992 ont remporté 53 matchs avec un pourcentage de réussite au tir de 49,2 %. Ils affichaient une moyenne par match de 112,7 points marqués et 106,2 encaissés. Les Suns de 1993 ont remporté 62 matchs avec un pourcentage de réussite au tir de 49,3 % ; ils affichaient une moyenne par match de 113,4 points marqués et 106,7 encaissés. Avec Barkley, ils étaient meilleurs au rebond mais leur défense était affaiblie. Leur équipe était peut-être globalement meilleure en 1993, mais l’agent libre Danny Ainge, les rookies Oliver Miller et Richard Dumas, la progression de Cedric Ceballos pour sa troisième année dans la ligue et le nouvel entraîneur Paul Westphal ne sont-ils pas tout autant responsables ?

Ne négligeons pas non plus ce qui est arrivé dans la Conférence Ouest : après une année 1992 particulièrement dense qui a vu quatre équipes à 50 victoires et neuf équipes avec un pourcentage de victoire supérieur à 50 %, seules six équipes ont terminé au-dessus de 50 % en 1993 et la dernière place qualificative pour les play-offs est revenue à une équipe des Lakers à 39 victoires. L’impact en saison régulière de Barkley, d’un point de vue purement basket, n’était pas aussi importante que ce que tout le monde croyait. Bien sûr, il a donné de la fierté à sa franchise, lui a apporté ses qualités de guerrier expérimenté et sa force à l’intérieur, a fait venir les supporters, a contribué à faire de la franchise un favori pour le titre et a fait monter d’un niveau une équipe déjà très bonne. C’était sa saison, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Quand on pense à la saison 1992-1993, on pense en premier à Barkley et aux Suns ; puis on se dit : « Ce n’est pas cette saison-là où Charles Smith s’est fait contrer face à Chicago et que Jordan a détruit à lui tout seul Phoenix en finale ? » Le fait que « c’était la saison d’Untel » ne devrait pas influencer le vote. En 1993, c’est arrivé. C’est un fait.

Question n°4 : Si vous expliquez votre choix de MVP à une personne dont le joueur favori est quelqu’un que vous n’avez pas choisi, dira-t-il (au minimum) quelque chose comme : « Je ne suis pas d’accord, mais je comprends comment vous êtes arrivé à ce choix » ?

J’ai créé cette question après la publication de ma colonne sur le MVP 2008, quand j’ai choisi Garnett et que j’ai reçu une avalanche de courriels de la part de fans d’autres candidats, me reprochant de choisir un joueur de mon équipe favorite. Je m’attendais à une levée de boucliers, mais pas à ce point. Avais-je fait une erreur ? J’ai rabâché mon processus de pensée et réalisé que ma logique n’était pas faussée et (semblait-il) impartiale : j’avais respecté les mêmes raisons pour lesquelles j’avais choisi Shaq en 2005 (à savoir que Garnett avait amélioré la défense et l’attitude des Celtics, avait relancé la franchise, lui avait donné de la vie ainsi qu’un leader et 42 victoires supplémentaires – un record) et inclus quelques exemples de ce que j’avais vu pour appuyer mon raisonnement.

Pourtant, mon raisonnement était biaisé pour une raison : j’avais regardé presque chaque minute de cette saison des Celtics, et seulement quelques minutes de 25 à 30 matchs des Hornets et des Lakers. Mon affection pour les Celtics n’a pas influé sur mon jugement, mais le fait de les regarder tout le temps, oui : je savais parfaitement comment Garnett avait agi sur les Celtics de 2007-2008 parce que j’avais regardé chaque match, lu chaque histoire et que je les avais suivis chaque jour pendant huit mois.

Savais-je exactement ce que Chris Paul avait fait pour les Hornets ? Pas vraiment. Si j’avais été fan des Hornets et que j’avais suivi attentivement leur transformation miraculeuse, j’aurais inévitablement fini par faire valoir les mérites de Paul. La variable essentielle est la suivante : tout fan des Lakers aurait choisi Kobe et non Paul, mais en comprenant au moins la logique de choisir le dernier nommé. Ils n’auraient pas été d’accord, mais ils auraient compris. Et ils n’ont pas compris la sagesse du choix de Garnett. Du tout. Et cela pose un problème. D’où la création de la question n°4.

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Réunissez ces questions ensemble comme de la pâte à modeler, et vous obtenez tout à coup une formule fiable. Dans l’idéal, il faut un joueur qui ne peut pas être remplacé par un autre, puis un joueur dominant, puis quelqu’un qui a fait « sa » saison dans une certaine mesure, puis un choix qui n’a pas besoin d’être défendu bec et ongles face à un contradicteur… Et pour finir, un choix qui justifie son soutien en bottant des culs en play-offs. Bien que cela semble parfait sur le papier, ça ne se produit pas chaque année, comme vous allez le voir.

Certains gagnants du MVP sont des choix logiques qui ne peuvent être débattus, mais pour d’autres, le MVP doit être mis au clair. Nous les séparerons en trois catégories : les choix douteux mais finalement justes, les choix douteux dont la stupidité est aujourd’hui très claire, et les escroqueries pures et simples qui auraient dû aboutir à des arrestations et des condamnations.

La suite, c’est par ici.


(1) C’est le trophée Hart, nommé d’après le Dr David Hart, père de Cecil Hart, coach et directeur général des Canadiens en 1924. Cette année-là, le Dr. Hart a fait don du trophée à la ligue, et ils lui ont donné son nom. Je n’invente rien.

(2) La NBA avait vraiment besoin du charisme de Barkley cette saison. Les vétérans vedette en dehors de Jordan étaient Malone, Stockton, Ewing, Olajuwon, Dumars, Drexler, Mullin, Pippen, Robinson, Brad Daugherty, et Mark Price. Ils sont tous très sympathiques, mais voudriez-vous passer le week-end à Las Vegas avec l’un d’entre eux ?