Most Valuable Player (4/4) : Catégorie 3 : les injustices totales

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

Les nombres cités après le nom d’un joueur dans cet article représentent le nombre de votes obtenus pour la première, seconde, troisième, et éventuellement quatrième et cinquième place. Dans le cas de Magic Johnson, par exemple, les nombres 27-38-15-7-4 signifient qu’il avait été voté 27 fois premier, 38 fois deuxième, 15 fois troisième, 7 fois quatrième et 4 fois cinquième.

Source des photos : http://www.nba.com

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Il y a huit injustices en tout. Nous les classerons en commençant par la moins scandaleuse.

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8. Kobe Bryant (2008)

Il a râlé pour être échangé et a critiqué ses coéquipiers avant le début de la saison. Il a joué les premières semaines en mode croisière avant de se « réconcilier » avec ses coéquipiers, puis s’est engagé complètement avec l’arrivée de Gasol. À partir de là, tout le monde a passé les deux mois suivants à parler de l’année de Kobe, qu’il avait finalement « compris », qu’il n’avait jamais joué un basket aussi complet, qu’il était devenu un leader sur et en dehors du terrain, et qu’il allait jusqu’à dîner avec ses équipiers et prendre son chèque en personne.

Ce conte de fées révisionniste a pris de l’ampleur après les trois premiers tours de play-offs avant de tomber en flammes lors de la finale, quand Kobe n’a pas fait un seul excellent match et a complètement raté le Match 6 décisif (perdu avec un surprenant manque de combativité). Les Lakers ont volé en éclats dès que les choses ont commencé à se corser, prouvant que cette histoire de « Kobe est un leader » était de la foutaise totale.

Le trophée aurait dû revenir à Chris Paul. Aucune équipe et aucune ville n’avait un joueur plus important. Sinon, ç’aurait dû être Garnett, sauveur du basket à Boston, qui a appris à tout le monde à défendre, a porté son équipe avec une intensité folle pendant 82 matchs, et a même convaincu James Posey, Eddie House et PJ Brown de réduire leur salaire pour jouer avec lui. Mais tout le monde s’est laissé entraîner par le ramdam autour de Kobe. Passons là-dessus.

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7. Steve Nash (2005)

Un choix déroutant et de plus en plus déconcertant à mesure que le temps passe. Quand les règles ont été changées pour limiter l’usage des mains en défense, inaugurant le retour d’un basketball palpitant, Nash s’est imposé comme le leader du formidable jeu offensif de Phoenix. Tout le monde était captivé en voyant que quelqu’un avait revitalisé la position de meneur en lui redonnant un aspect à la Cousy ; à un moment donné, les choses ont exagéré et les journalistes ont commencé à citer Nash comme candidat pour le MVP, ce qui semblait une idée saugrenue, car cela aurait été la première fois : (a) qu’un joueur qui s’appuyait sur ses coéquipiers allait remporter le prix ; (b) qu’un joueur incapable de porter une franchise allait remporter le prix ; et (c), qu’un joueur qui ne savait pas défendre allait remporter le prix. Trois énormes révolutions.

Ceux qui ont rejoint le comité de soutien à Nash pour le MVP l’ont-ils fait pour des raisons raciales ? D’une certaine manière, oui. À la base, voter pour Nash, c’était amusant. C’était un Canadien aux cheveux longs bourré d’énergie qui faisait des gestes longtemps oubliés (comme le running hook, sa marque de fabrique), savait comment gérer les contre-attaques, rendait ses coéquipiers meilleurs et se comportait toujours avec classe. Son style (unique et passionnant) et sa couleur de peau (blanc dans une ligue à prédominance noire) le faisait ressortir plus que quiconque en match. Au-delà de ça, il a été la nouvelle grande mode de la ligue, et les journaux et radios ont commencé à s’interroger : « Steve Nash est sympa à voir jouer, pourquoi ne serait-il pas élu MVP (1) ? »

À partir de là, ça a fait boule de neige. Lorsque Shaquille O’Neal a eu de petites blessures et que Dwyane Wade a intensifié son jeu à la hauteur d’un Jordan du pauvre, il y avait juste assez de défauts dans la campagne MVP de Shaq pour que la porte s’ouvre pour Nash, soutenu par une flopée de commentaires médiatiques (dans les journaux ou à la radio) du genre : « Ça fait vraiment plaisir de voir un joueur si altruiste et avec autant de classe », une jolie façon de dire : « Je suis content que ce ne soit pas un de ces Noirs égoïstes pleins de tatouages, qui martèlent leur poitrine après chaque belle action. » Le soutien à Nash est alors devenu frénétique. Ajoutez l’intérêt qu’avait la NBA à ce que Nash soit élu (rappelez-vous, le joueur considéré comme la tête d’affiche de la ligue avait été aux prises avec un procès pour viol à peine douze mois plus tôt) et au moment des récompenses, il y avait juste assez de personnes atteints par la logique du « vote par défaut » pour que le pauvre Shaq se fasse voler.

Les résultats du vote en 2005 : Nash : 1 066 (65-54-7-1-0) ; Shaq : 1 032 (58-61-3-3-1) ; Nowitzki : 349 (0-4-43-30-16) ; Duncan: 328 (1-0-40-13-19) ; Iverson : 240 (2-4-20-20-55). (Au passage, un idiot a donné un vote de première place à Amar’e Stoudemire, dont la carrière avait été relancée et réinventée par Nash. C’est comme donner un vote pour le Prix Nobel de Médecine au monstre de Frankenstein à la place du Dr Frankenstein.)

Le vote aurait dû être remporté par Shaq, en raison d’un simple exercice mathématique s’articulant autour de deux faits indiscutables :

  1. Les Lakers ont remporté 57 matchs en 2004 et 34 matchs en 2005.
  2. Miami a remporté 42 matchs en 2004 et 59 matchs en 2005.

Pas besoin d’être une bête en stats pour comprendre ces chiffres. Shaq a fait pencher la balance sur 40 matchs, a redonné sa supériorité à la Conférence Est, et aurait remporté le titre si Wade ne s’était pas blessé alors que Miami menait 3-2 en finale de la Conférence Est. Cette année a été particulière pour lui car les gens avaient fini par le comprendre. Sa saison a été exceptionnelle, mais moins au niveau de son jeu que de sa personnalité. Il n’y avait aucun athlète plus apprécié, plus charismatique et plus amusant. Quand on pense à la saison 2004-2005, on pense d’abord à Shaq, et c’est la définition même d’un MVP. En tout cas, c’est la mienne.

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6. Magic Johnson (1990)

Cette année-là, les trois postulants au titre étaient :

Magic (22 points, 12 rebonds, 7 passes décisives de moyenne en 79 matchs et 2 937 minutes jouées pour 63 victoires) : à cette époque, le pire défenseur du monde. On lui a attribué le mérite d’avoir gardé les Lakers sur de bons rails en l’absence d’Abdul-Jabbar, même s’ils étaient meilleurs avec le duo Vlade Divac / Mychal Thompson. Ses quatre meilleurs équipiers : James Worthy, Byron Scott, AC Green et Divac. Moyenne en play-offs (9 matchs, défaite au second tour) : 25 points, 6 rebonds, et 13 passes décisives, 49 % de réussite au tir. La plus faible des trois années où il a été élu MVP.

Barkley (25 points, 12 rebonds, 4 passes décisives et 1,9 interceptions de moyenne, plus 60 % de réussite au tir en 79 matchs et 3 085 minutes jouées pour 53 victoires) : une défense en-dessous de la moyenne. Ses quatre meilleurs coéquipiers : Johnny Dawkins, Rick Mahorn, Hersey Hawkins et Mike Gminski. Moyenne en play-offs (10 matchs, défaite au second tour) : 25 points, 11 rebonds et 6 passes décisives, 54 % de réussite au tir. A été le joueur le plus complet cette année-là et a obtenu le plus de votes de première place au scrutin du MVP.

Jordan (34 points, 7 rebonds, 6 passes décisives et 2,8 interceptions de moyenne, plus 53 % de réussite au tir en 82 matchs et 3 197 minutes pour 55 victoires) : meilleur marqueur et meilleur intercepteur du championnat. Dans le cinq défensif majeur de la NBA. Ses quatre meilleurs coéquipiers : Scottie Pippen, Horace Grant, Bill Cartwright et John Paxson. Moyenne en play-offs (18 matchs, défaite en finale de la Conférence Est) : 37 points, 7 rebonds et 7 passes décisives, 51 % de réussite au tir.

Le résultat du vote ? Magic : 636 (27-38-15-7-4) ; Barkley : 614 (38-15-16-14-7) ; Jordan : 571 (21-25-30-8-5).

Tout le monde se souvient de la raclée qu’un Jordan ravagé par la grippe a mise à Barkley. Regardez ses statistiques offensives supérieures et rappelez-vous d’une part qu’il était le meilleur arrière défenseur de la ligue, et d’autre part que Barkley et Magic ne pouvaient pas défendre sur qui que ce soit. (Si les Lakers ont été surpris par Phoenix au cours des play-offs de 1990, c’est principalement parce que Kevin Johnson les a déchirés en lambeaux. Si vous étiez un meneur rapide entre 1987 et 1991, et que vous n’arriviez pas à vous promener contre les Lakers, vous aviez vraiment besoin de réévaluer les choses.)

Pourquoi Jordan n’a-t-il pas remporté le prix ? Tout d’abord, les médias continuaient à répéter les mêmes bêtises selon lesquelles Bird et Magic « savaient comment gagner » et que Jordan « ne savait pas encore gagner ». (Quelle farce.) Deuxièmement, Barkley était un peu devenu le choix à la mode, l’homme fort d’une équipe des Sixers agitée qui a pris part à une mémorable bagarre avec Detroit le dernier jour de la saison. Et troisièmement, Jordan était toujours vu comme un joueur « égoïste », même s’il mettait 53 % de ses tirs. Pourquoi ne pas le laisser tirer autant que possible ?

Quand tout le monde le traitait de croqueur de ballon en 1989 et 1990, Jordan avait une moyenne de 7,2 passes décisives, 23,2 points et 8,5 lancers-francs par match. En 1993, quand tout le monde affirmait qu’il s’était parfaitement intégré dans le triangle, avait la confiance de ses coéquipiers, etc., etc., il affichait en moyenne 5,5 passes décisives, 25,7 points et 7,3 lancers-francs par match. Jordan a commencé à atteindre des sommets vers 1988, et il a fallu à ses coéquipiers médiocres trois années complètes pour arrêter de gâcher son travail une fois l’été venu. C’est le MVP 1990.

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Dave Cowens

5. Dave Cowens (1973)

Une combinaison de quatre facteurs a joué cette saison : Boston a presque battu le record de victoires en saison régulière en alignant 68 victoires pour 14 défaites (de sorte que tout le monde s’est senti obligé de voter pour un Celtic) ; Kareem avait remporté le trophée en 1971 et 1972 (de sorte que tout le monde s’est senti obligé de voter pour quelqu’un d’autre) ; la ligue entrait doucement dans l’ère « les joueurs sont trop payés et s’en foutent » (de sorte qu’un joueur aussi passionné que Cowens se détachait) ; et les joueurs (qui votaient encore) ne se sont pas aperçus que Boston partageait sa division avec Buffalo (21 victoires, 61 défaites) et Philadelphie (9 victoires, 73 défaites, confortant leur record du pire début de saison avec 14 défaites et aucune victoire), tandis que Milwaukee terminait à 60 victoires pour 22 défaites dans une division plus difficile et avait le même différentiel de points que Boston.

En outre, on ne pouvait pas vraiment dire qui était le meilleur joueur des Celtics : Cowens (21 points, 16 rebonds, 4 passes décisives de moyenne, gros travail sous le panier), John Havlicek (24 points, 7 rebonds, 7 passes décisives, régulateur de jeu), et Jo Jo White (19 points, 6 rebonds, 6 passes décisives, maîtrise du ballon) étaient tout aussi indispensables. Difficile de dire si Cowens était plus précieux que Havlicek. Même les résultats le reflètent : Cowens : 444 (67-31-16) ; Kareem : 339 (44-24-27) ; Nate Archibald : 319 (44-24-27) ; Wilt : 123 (16-12-15) ; Havlicek : 88 (16-12-15). Visiblement, le bulletin de vote 1973 avait besoin d’un choix de co-MVP.

Pendant ce temps, le meilleur joueur de la ligue (Abdul-Jabbar) avait une moyenne de 30 points, 16 rebonds et 5 passes décisives, et défendait excellemment bien pour des Bucks aux prises avec une cascade de blessures, la curieuse affaire Wali Jones que son club a fini par libérer (2), et les problèmes de poids de Robertson. En plus de cela, il fut frappé par une tragédie lorsque sept coreligionnaires vivant dans sa maison de Washington furent assassinés par une faction musulmane rivale. (Un article de Sports Illustrated sur Kareem daté du 19 février a même titré « Un pivot dans la tempête ».) Et vous savez quoi ? Les Bucks ont quand même gagné 60 matchs.

En fait, ce qui s’est passé est simple : la candidature de Kareem a été plombée par un soutien douteux apporté à Archibald, premier joueur à être en tête de la ligue au nombre de points marqués et de passes décisives, avec, en plus de cela, le plus grand nombre de minutes jouées (3 681 !), de paniers marqués, de lancers-francs marqués, de tentatives de tir et de tentatives de lancers-francs pour une équipe à 36 victoires qui a raté les play-offs. Peut-on vraiment être le joueur ayant « le plus de valeur » au sein d’une équipe ayant perdu 46 matchs ? Ne parlons même pas du jeu insensé d’un meneur affichant en moyenne près de 27 tirs et 10 tentatives de lancers francs par match. Isiah Thomas aurait pu accaparer la balle de cette manière tout comme Chris Paul, Kevin Johnson ou Tim Hardaway avant sa blessure au genou. Aucun ne l’a fait. Pourquoi ? Parce qu’ils auraient plombé leurs équipes ! C’étaient des meneurs ! L’année 1973 de Tiny est unique dans l’histoire, et c’est sans doute bien mieux comme ça. Bref, tout ça pour dire que Kareem a été volé.

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4. Charles Barkley (1993)

La course au MVP 1987 est sans doute la meilleure de l’ère moderne. Magic a terminé premier avec une remarquable moyenne de 24 points, 12 rebonds et 6 passes décisives, et a enfin supplanté Kareem à la tête des Lakers. Jordan a marqué 37 points par match, est devenu officiellement le grand joueur du futur et a terminé deuxième. Et c’était la meilleure saison de Bird : 28 points, 9 rebonds, 8 passes décisives de moyenne, 53 % de réussite au tir, 40 % de réussite à 3 points, 90 % de réussite au lancer-franc et une superbe permanente blonde. Il a terminé troisième et loin derrière seulement parce que tout le monde en avait assez de voter pour lui. Quand le meilleur ailier et le meilleur meneur de jeu de l’histoire sont à leur sommet et que le plus grand joueur de l’Histoire vient s’intercaler là-dedans, c’est une sacrée course au MVP.

En 1993, la qualité des trois premiers était équivalente à celle des années 1962, 1963 et 1964, ainsi que les rivalités consécutives Bird-Magic-Jordan en 1987 et 1988. Voici les résultats :

Barkley : 835 votes (59-27-10-2-0) : 26 points, 12 rebonds, 5 passes décisives de moyenne, 52 % de réussite au tir, 62 victoires. La saison où il a été le plus complet.

Olajuwon : 647 (22-42-19-12-2) : 26 points, 13 rebonds, 4 passes décisives de moyenne, 53 % de réussite au tir, 150 interceptions, 342 contres (en tête de la ligue), dans le cinq défensif majeur de la NBA, 55 victoires. À l’époque, sa saison la plus complète.

Jordan : 565 (13-21-50-12-2) : 33 points, 7 rebonds, 6 passes décisives de moyenne, 50 % de réussite au tir, 221 interceptions (en tête de la ligue) dans le cinq défensif majeur de la NBA (3), 57 victoires. A conservé son statut de joueur dominant cette saison.

Pensez un peu : vous avez là les meilleures saisons de trois des vingt meilleurs joueurs de tous les temps ! Malheureusement, quatre-vingt-six électeurs ont négligé le fait que Jordan et Olajuwon étaient deux des meilleurs défenseurs de l’histoire et que Barkley n’arrivait pas à stopper Ron Kovic. Normalement, une équipe de basket-ball a deux tâches : marquer et empêcher l’autre équipe de marquer ! Jordan aurait dû terminer premier, Hakeem deuxième et Barkley troisième. Et la finale de 1993, dans laquelle Jordan a carbonisé les Suns, aurait confirmé le bien-fondé de cette décision. Voilà.

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3. Steve Nash (2006)

En 2005, le choix de Nash était sympathique, principalement parce qu’aucun candidat ne se détachait et qu’il y avait nettement de quoi être influencé. C’était comme se dire : « Tiens, j’en ai marre de boire toujours la même bière, je vais en essayer une autre. » Mais en 2006 ? Nash était dans le top 5 des meilleurs joueurs de la ligue, mais pour le choisir comme MVP, il n’y avait que deux possibilités : soit vous ne regardiez pas assez de basket, soit vous vouliez voir un Blanc gagner deux titres de MVP consécutifs.

Le MVP de la saison 2006 était Kobe Bryant. C’était la réponse aux trois questions concernant le MVP. (Et aussi la réponse à la question 4 : aucun fan d’une équipe adverse n’aurait été outré par le choix de Kobe.)

Réponse à la Question N°1 : Kobe a marqué 62 points dans les trois premiers quarts-temps contre Dallas, puis 81 contre Toronto quelques semaines plus tard. Il était sur le point de devenir le cinquième joueur de l’histoire de la NBA avec une moyenne de 35 points par match (avec Wilt Chamberlain, Jordan, Baylor et Rick Barry). Il s’est entendu avec Shaq, avec Phil Jackson et avec Nike. Aucun autre joueur n’a été autant critiqué par les journalistes, les télévisions et les animateurs radio au cours de cette saison, mais Kobe a paru se nourrir de cette énergie négative. Et juste au moment où il semblait que la fatigue allait le rattraper, il marquait 50 points en un match juste pour ne pas être oublié. Kobe a été impitoyable. C’est la meilleure façon de décrire sa saison. Ses stats ? 35,4 points, 5,3 rebonds et 4,5 passes décisives de moyenne, 45 % de réussite au tir à 27,2 tentatives par match et un gros temps de jeu. Et il a remporté 45 victoires avec Smush Parker, Kwame Brown, Brian Cook et Chris Mihm, un quatuor surnommé par les fans des Lakers de l’époque « le Sandwich à Merde ».

Réponse à la Question N°2 : Kobe était le joueur le plus complet de la ligue, le meilleur marqueur, le meilleur compétiteur, et il terrifiait tout le monde. Et si vous ne le choisissez pas, il va personnellement veiller à ce que vous ne voyiez que lui dans l’équipe adverse.

Réponse à la Question N°3 : si vous remplacez Kobe par un bon arrière (par exemple Jamal Crawford), les Lakers auraient gagné en 2006 entre 15 et 20 matchs. C’est absolument certain. Leur équipe était horrible. Lorsque Smush Parker et Kwame Brown sont vos troisième et quatrième meilleurs joueurs, vous ne devriez même pas être autorisé à regarder les play-offs à la télévision. Avec Kobe, les Lakers ont réussi à gagner 45 matchs. Il a donc été responsable de 25 de leurs victoires. Minimum.

Les résultats du vote en 2006 ? Nash : 924 (57-32-20-8-6) ; LeBron James : 688 (16-41-33-23-7) ; Nowitzki : 544 (14-22-25-36-17) ; Kobe : 483 (22-11-18-22-30) ; Chauncey Billups : 430 (15-13-22-18-25).

(J’abandonne.)

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2. Willis Reed (1970)

Après la retraite de Russell, les Celtics se sont trouvés en difficulté et les Knicks ont pris le commandement à l’Est. En 1970, ils ont remporté 60 matchs (record de la ligue), enflammé Manhattan et sont devenus les chouchous des médias. Leurs deux meilleurs joueurs étaient Reed et Frazier : Reed avait une moyenne de 22 points et 14 rebonds par match, tirait à 50 % de réussite et protégeait ses coéquipiers ; Frazier avait une moyenne de 21 points, 6 rebonds et 8 passes décisives, défendait sur le meilleur marqueur adverse et aurait été le meilleur intercepteur de la ligue si la statistique avait été prise en compte à l’époque. Si une saison nécessitait deux MVP, c’était bien celle-là.

Comme tout le monde pensait que les pivots avaient plus de valeur que les autres joueurs, Reed (498 votes, 61-55-28) devança de peu Jerry West (457 votes, 51-59-25). Et plus personne n’en a reparlé.

Eh bien, regardez à nouveau la saison de West. Il avait une moyenne de 31 points, 5 rebonds et 8 passes décisives pour une équipe des Lakers à 46 victoires qui avait perdu Wilt après 12 matchs suite à une déchirure au genou (il n’a plus joué en saison régulière) et dont les deux autres meilleurs joueurs (Baylor et Bonne Hairston) ont raté 55 matchs à eux deux. Les quatre meilleurs joueurs sur la liste après eux ? Mel Counts, Dick Garrett, Keith Erickson et Rick Roberson. Les Lakers ont terminé tant bien que mal deuxièmes à l’Ouest, puis Wilt est revenu pour les play-offs et ils se sont frayés un chemin jusqu’en finale.

Statistiquement, c’était la plus belle année de West : il était meilleur marqueur de la ligue, quatrième meilleur passeur, avait 50 % de réussite au tir et 83 % de réussite au lancers-francs. D’un point de vue plus général, West a porté les Lakers toute la saison et les a faits passer à une victoire du titre. D’un point de vue du joueur dominant, si vous aviez à choisir quelqu’un pour combler l’écart entre la retraite de Russell et l’ascension d’Abdul-Jabbar, vous choisiriez West. Il est l’un des dix meilleurs joueurs de tous les temps et on l’a choisi pour représenter le logo de la NBA, mais il n’a jamais remporté de MVP. Pourquoi ne l’a-t-il pas eu en 1970 ? Parce que les médias de New York étaient trop occupés à faire les louanges des Knicks (qui, admettons-le, était belle à voir). C’était un cercle vicieux débile qui a duré huit mois. Un Knick devait obtenir le MVP, point barre. Le Logo n’avait aucune chance. Et on lui a volé le trophée.

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1. Karl Malone (1997)

Ce n’était pas une course au MVP, mais un vol pur et simple. En 1996, Jordan avait une moyenne de 30 points, 7 rebonds et 4 passes décisives pour une équipe à 72 victoires, a terminé avec 109 votes de première place et aurait été élu MVP à l’unanimité s’il n’y avait pas eu quatre abrutis pour voter Penny Hardaway, Hakeem Olajuwon et Malone (4). En 1997, les références de Jordan ont « chuté » à 69 victoires et une moyenne de 30 points, 6 rebonds et 4 passes décisives. En d’autres termes, il avait fait 98 % aussi bien que la saison précédente. Sauf que Malone a volé le trophée avec une moyenne de 27 points, 10 rebonds et 5 passes décisives pour une équipe du Jazz à 64 victoires. Voici les résultats du vote cette année-là :

Malone : 986 (63–48–4–0–0)
Jordan : 957 (52–61–2–0–0)

Ce qui s’est passé est difficilement explicable, mais voici un début de piste : Malone a tourné autour des électeurs du MVP pendant dix bonnes années et n’a jamais fait mieux que troisième. Pendant ce temps, la NBA était de plus en plus diluée : la ligue était aux prises aux problèmes d’expansion, quelques stars plus jeunes (Shawn Kemp, Penny Hardaway, Larry Johnson, Chris Webber, Kenny Anderson, Derrick Coleman) ne réussissaient pas aussi bien que prévu, et Barkley, Olajuwon, Robinson, Drexler et Ewing étaient sur la pente descendante, ce qui signifiait que Utah, une équipe qui était pire en 1997 qu’ils ne l’étaient en 1988 ou même 1992, est soudain devenu une grande force à l’Ouest.

Il n’y avait pas non plus de bonne histoire en 1997. Tout était phagocyté par Jordan. Les aventures de Shaq à Hollywood et de l’arrivée d’Iverson avaient été rabâchées jusqu’à épuisement. Tout comme celle des trois futurs Hall of Famers dans la même équipe (Olajuwon, Drexler et Barkley). Latrell Sprewell n’avait pas encore étranglé PJ Carlesimo (même s’il y a à coup sûr pensé). Les Grizzlies, les Spurs, les Celtics et les Nuggets ont passé les deux derniers mois à essayer désespérément de gagner la course à la dernière place pour obtenir Tim Duncan. À la mi-mars, dès que tout le monde a compris que les Bulls ne pourraient pas gagner 73 matchs, tout le monde s’est mis à bâiller en attendant les play-offs. Puis Jackie MacMullan, une journaliste de Sports Illustrated, a écrit dans sa chronique du 19 mars un article qui commençait ainsi :

Le Roi du Jazz

Malone, le Roi du Jazz, a l’envergure d’un MVP (au cas où vous ne l’auriez pas remarqué).

L’ailier du Jazz, Karl Malone, sait que Michael Jordan va une nouvelle fois être élu MVP. […]

Vous voyez l’idée. L’article contenait à peu près 800 mots sur la façon dont les performances de Malone avaient été sous-estimées avec les années (ce qui était vrai, à un certain degré). Quelques semaines plus tard, c’est devenu la belle histoire du jour. Pourquoi le « Mailman » ne serait-il pas élu MVP ? Une question stupide, car la réponse était évidente : « Parce qu’il y a Michael Jordan ! C’est insuffisant, comme raison ? » C’était difficile à croire.

Les play-offs sont arrivés et cinquante-trois électeurs ont préféré Malone à Michael Jordan. Et c’est ainsi que Jordan s’est fait voler le MVP 1997. Heureusement pour nous, il a crié vengeance en finale contre (devinez qui ?) Karl Malone et les Utah Jazz ! Dans le Match 1, après que Malone a raté deux lancers-francs pour prendre la tête dans les 20 dernières secondes, Jordan a claqué le panier gagnant au buzzer, s’est retourné et a serré le poing. Et là, tous ceux qui avaient voté pour le « Mailman » ont dû se sentir vraiment, vraiment, vraiment stupides.

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Première partie ici.

Deuxième partie ici.

Troisième partie ici.


 

(1) Ici, la question raciale n’entre pas en compte. S’il avait ressemblé à Earl Boykins, il se serait passé exactement la même chose. Les gens ont toujours tendance à favoriser les outsiders, surtout s’ils ont une coupe de cheveux ridicule.

(2) Les Bucks soupçonnaient Jones de prendre de la drogue. Ils l’ont fait suivre par des détectives privés, l’ont placé sur la liste des joueurs blessés/hors de forme pour « perte de poids et d’endurance », puis l’ont finalement viré. Jones a clamé son innocence et poursuivi les Bucks pour obtenir le reste de son salaire. Il a obtenu son argent quand la défense de Milwaukee s’est basée sur l’argument : « Quand quelqu’un maigrit et agit de façon irrationnelle, c’est qu’il prend de la drogue ». Il a eu à peu près autant de poids juridique que l’argument : « C’est elle qui l’a cherché ».

(3) Probablement le meilleur premier cinq défensif de l’histoire : Pippen, Olajuwon, Rodman, Jordan et Dumars, tous à leur meilleur niveau. Un joli cinq de départ dans les années 90, si vous vouliez tout casser en défense.

(4) Une excellente raison pour laquelle les votes pour le MVP devraient être rendus publics. Ceux qui font des choix aussi imbéciles devraient être obligé de les défendre. Je suis contre l’incompétence anonyme dans toutes ses formes. Il s’est passé la même chose en 1993, lorsque quatre journalistes ont été assez aveugles pour mettre Patrick Ewing en première place. Totalement ridicule.

Most Valuable Player (1/4) : définir le « MVP »

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

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NBA: Stephen Curry MVP Press Conference
Crédits photo : Kelley L Cox – USA TODAY Sports.

Le trophée de « Most Valuable Player » de la NBA est le trophée du monde des sports qui a le plus de valeur et de signification.

Vous ne me croyez pas ? Pouvez-vous citer les dix derniers MVP de la NFL ? Certainement pas. Pouvez-vous citer les dix derniers MVP de chaque ligue de baseball, et déterminer chaque année avec certitude le meilleur joueur ? Non. Connaissez-vous seulement le nom du trophée MVP de la NHL (et je ne parle même pas des dix derniers vainqueurs) ? À moins d’être Canadien, probablement pas (1).

La NBA est la seule ligue qui épouse parfaitement le concept du « Most Valuable Player » : comme toutes les équipes jouent l’une contre l’autre, il est relativement simple de comparer les statistiques, et en regardant les matchs, on peut presque toujours constater quels joueurs se démarquent. Il suffit de suivre la saison. Si vous combinez le vote du MVP avec les équipes All-Star, les résultats des play-offs, et les statistiques individuelles, vous vous retrouvez avec un aperçu raisonnable de ce qui est arrivé au cours d’une saison NBA, tout comme les quatre principaux Oscars sont à peu près le reflet de ce qui arrive à Hollywood d’année en année.

Bien sûr, il y a des exceptions. Charles Barkley a remporté le MVP 1993 alors que Jordan était de loin le meilleur joueur du monde, et il l’a prouvé avec autorité en finale. Mais le nom qui se trouve à côté de « MVP NBA 1993 » pour le reste de l’éternité est celui de Barkley. Parce que ça marche comme ça. Jordan n’a pas gagné le titre de MVP 1993 parce tout le monde en avait marre de voter pour lui. C’est la seule raison. Et c’est une raison stupide.

Ce qui nous ramène au sujet principal : ce n’est pas parce que quelqu’un a gagné un Oscar ou un MVP qu’il l’a nécessairement mérité. Par exemple, les Spurs de 2007 n’auraient jamais gagné sans Tim Duncan, pilier de la défense au poste bas, meilleur défenseur, meilleur rebondeur, meilleur contreur et leader émotionnel. Avec près de huit cents matchs (play-offs compris) au compteur et une opération au genou qui allait devenir nécessaire, Duncan avait appris à se ménager au cours de la saison régulière, en se concentrant sur la défense et les rebonds, et gardant son énergie en attaque pour les matchs à enjeux ainsi que les play-offs.

En saison régulière, il a joué 80 matchs et a terminé avec une moyenne de 20 points, 11 rebonds et 3 contres, le meilleur pourcentage de réussite au tir de sa carrière (54,6 %) et une place dans le premier cinq majeur de la NBA. En play-offs, sa moyenne a été de 22 points et 12 rebonds, et il a contré 62 tirs en 20 matchs. Les Spurs ont balayé Cleveland en finale, et qu’est-il arrivé ? Tony Parker a volé les honneurs du MVP des Finales pour avoir éclipsé les très mauvais de meneurs de Cleveland (Daniel Gibson, Damon Jones et Eric Snow), avec 30 points et 4 rebonds de moyenne, et avec un pourcentage de réussite au tir de 56,8 %.

Supposons que votre arrière-petit-fils jette un œil sur cette saison, 60 ans jour pour jour après l’instant où nous parlons. Dirk Nowitzki est MVP, Tony Parker MVP des Finales… En dehors de sa place dans le premier cinq majeur de la NBA et de ses grosses statistiques en play-offs, comment voulez-vous discerner que Duncan a été de loin le joueur décisif de la meilleure équipe lors de la saison 2006-2007 ? C’est impossible.

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Source : http://www.nba.com.

Trois aspects cruciaux du MVP doivent être mentionnés :

Aspect n°1. Le premier titre de MVP a été décerné lors de la saison 1955-1956. Les joueurs votaient pour le MVP et les journalistes s’occupaient du premier et deuxième cinq majeur de la NBA. (Il n’y avait qu’une seule règle, à savoir que les joueurs ne pouvaient pas voter pour un de leurs coéquipiers.) Je sais que l’on n’en était qu’aux balbutiements au milieu des années 50, et nous parlons d’une ligue à laquelle il a fallu huit ans pour se rendre compte qu’une limite de temps de possession de balle était nécessaire. Mais compte tenu des problèmes raciaux dans les années 50 et de la frilosité générale devant l’afflux massif de joueurs noirs, comment peut-on s’attendre à un vote équitable quand on sait que 85 à 90 % des joueurs étaient blancs ? La popularité d’un joueur ne l’emportait-elle pas sur le reste ?

Si vous appliquez le concept du « meilleur joueur élu par ses pairs » à l’époque moderne, vous pouvez voir les dangers qui y sont liés et le potentiel manque d’objectivité. Les critiques sont appelés des « critiques » pour une bonne raison : c’est leur travail d’évaluer objectivement les choses. On ne peut pas s’attendre à ce que les joueurs deviennent d’un seul coup des juges impartiaux. Supposons par exemple que les joueurs de 2008 aient considéré Kobe comme un individu méprisant, aussi faux qu’égocentrique. S’ils avaient dû voter pour le MVP 2008, Kobe aurait-il eu une chance de devancer Chris Paul, un joueur respecté et aimé de tout le monde ?

En fait, quand on voit la façon dont la NBA fonctionne aujourd’hui (avec des joueurs d’âges différents qui se rapprochent en gravissant les échelons au même moment et, dans certains cas, se connaissent depuis le niveau amateur), il n’est pas absurde de penser que la politique joue un grand rôle dans les rapports entre les personnes. La génération LeBron-Melo-CP s’apprécie énormément. Ces joueurs n’auraient-ils pas fait basculer les votes de 2008 en faveur de Paul ? Les joueurs plus âgés n’auraient-ils pas été plus tentés de choisir Garnett ? Et considérant que les Hornets adoraient Paul et voulaient qu’il gagne, n’auraient-ils pas voté pour quelqu’un sans réelle chance comme LeBron ?

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Aspect n°2. À partir de la saison 1979-1980, les votes ont été donnés à un comité trié sur le volet de journalistes et de journalistes travaillant pour la télévision, ce qui a créé davantage de problèmes pour des raisons évidentes (certains d’entre eux ne suivaient pas toute la ligue, certains étaient influencés par le joueur qu’ils regardaient toutes les nuits, certains ne comprenaient rien à la NBA) et moins évidentes (les stars les plus en vue avaient maintenant un avantage, tout comme en avait un joueur sans trophée face à un joueur l’ayant déjà gagné).

Au début des années 90, une problématique plus subtile a vu le jour : un groupe presque entièrement composé de journalistes blancs d’âge moyen n’est plus parvenu à s’identifier avec la direction prise par la ligue, regrettant les facilités d’accès qu’ils avaient autrefois et méprisant ouvertement la nouvelle génération de stars égocentriques et surpayées, qui se frappaient la poitrine, avaient leur petit cercle personnel, arboraient des tatouages et tournaient des publicités. Malgré cela, ils étaient encore appelés à choisir objectivement un MVP. Je pense que c’est un problème.

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Aspect n°3. Les électeurs actuels avouent ouvertement ne pas bien comprendre les critères de vote, principalement parce que les administrateurs de la NBA ont volontairement facilité cette confusion en ne donnant jamais de définition à la « valeur » d’un joueur. Ils aiment quand les présentateurs radio et les journalistes s’embrouillent là-dessus. Ils veulent que les électeurs se demandent si la récompense est attribuée au meilleur joueur, à celui ayant le plus de valeur, ou les deux. Ou deux tiers de l’un et un tiers de l’autre. Ou un rapport quelconque que quelqu’un finit par définir. Voici ce que nous savons :

  1. Le prix ne concerne que la saison régulière.
  2. Seuls les joueurs ayant participé à au moins 55 matchs sont éligibles.
  3. Et c’est tout.

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Source : http://www.nba.com.

Vous voyez comme c’est compliqué de faire le bon choix chaque année ? Ma définition du MVP repose sur quatre questions rangées par ordre d’importance (de la plus haute à la plus basse) :

Question n°1 : Si l’on remplace chaque candidat au MVP par un bon joueur qui évolue à son poste toute la saison, quels en seraient les effets sur les résultats de l’équipe ?

Il n’y a pas de meilleure façon de définir la « valeur » d’un joueur. Mettons que l’on remplace Chris Paul par Kirk Hinrich à l’été 2007. Comment la saison suivante se serait-elle déroulée pour les Hornets ? Ils ont gagné 57 matchs au sein d’une conférence historiquement difficile avec une offensive axée autour des capacités exceptionnelles de Paul, et pour couronner le tout, Paul était un leader, coéquipier et porte-parole très apprécié. Remplacez-le par Hinrich et l’équipe termine probablement avec 30 victoires et 52 défaites au lieu de 57 victoires et 25 défaites, sans parler de la façon dont Paul a revitalisé le basket-ball à la Nouvelle-Orléans et est devenu l’un des meilleurs ambassadeurs de la NBA.

Question n°2 : Si deux fans ayant de solides connaissances en matière de basket pouvaient choisir cinq joueurs NBA pour former une équipe qui joueraient l’une contre l’autre, et que la vie de ces deux fans dépend de l’issue du match, quel serait le premier joueur à être choisi compte tenu de la forme de chaque joueur durant la saison ?

Traduction : qui a été le joueur dominant au cours de cette saison ? Souvent, les finales permettent de répondre à cette question… mais pas toujours. Tout le monde pensait que Kobe était le joueur dominant en 2008, mais après l’avoir vu « wilter » contre Boston en finale (comparé à la façon dont LeBron avait porté une équipe des Cavs à la ramasse pendant sept matchs contre Boston et a failli faire sauter la banque au Match 7), ce n’est pas sûr. Cette question ramène tout au plus simple : il y a 11 joueurs dans mon équipe, je dois gagner, je ne peux pas me planter avec mon premier choix, et si je ne prends pas tel joueur, il va s’énerver et nous botter le cul pour avoir été pris en deuxième. Je crois que c’est comme ça que se passe le tournoi annuel de la Rucker Ligue à Harlem. Imaginez le regard sur le visage du Jordan de 1997 si quelqu’un prenait le Karl Malone de 1997 avant lui pour disputer un match.

Question n°3 : Dans dix ans, de quel joueur se souviendra-t-on immédiatement en songeant à cette saison ?

Chaque saison est liée à un joueur à des degrés divers. Pourquoi ? Parce que comme les médias politiques peuvent affecter une primaire ou une campagne présidentielle, les médias spécialisés dans le basket-ball peuvent influencer la course au MVP. Ils polissent chaque argument et chaque histoire pendant dix mois, avec pour principal objectif de discuter des côtés potentiellement provocateurs, des histoires ou des controverses qui n’avaient pas encore été décortiquées.

Il n’y a pas de meilleur exemple que la saison 1993 : Jordan était toujours le meilleur, mais le controversé Barkley venait d’être échangé à Phoenix, puis est apparu radicalement différent aux Jeux Olympiques de 1992, émergeant comme la personnalité la plus convaincante de l’équipe et le deuxième meilleur joueur. Catalogué cours de ses dernières années à Philadelphie comme un voyou impulsif et en dehors des clous qui faisait trop la fête, ne fermait jamais son clapet et multipliait les bêtises, tout le monde s’est mis d’un seul coup à applaudir le sens de l’humour et la candeur du « Chuck Wagon ». Et quand il a commencé à faire monter une équipe des Suns déjà douée à un autre niveau, Barkley est devenu la belle histoire de la saison 1992-1993, une sensation légitime sur Madison Avenue et la personnalité la plus charismatique du monde des sports (2).

Cette « transformation » faisait-elle nécessairement de lui le « Most Valuable Player » de 1993 ? Voyons : les Suns de 1992 ont remporté 53 matchs avec un pourcentage de réussite au tir de 49,2 %. Ils affichaient une moyenne par match de 112,7 points marqués et 106,2 encaissés. Les Suns de 1993 ont remporté 62 matchs avec un pourcentage de réussite au tir de 49,3 % ; ils affichaient une moyenne par match de 113,4 points marqués et 106,7 encaissés. Avec Barkley, ils étaient meilleurs au rebond mais leur défense était affaiblie. Leur équipe était peut-être globalement meilleure en 1993, mais l’agent libre Danny Ainge, les rookies Oliver Miller et Richard Dumas, la progression de Cedric Ceballos pour sa troisième année dans la ligue et le nouvel entraîneur Paul Westphal ne sont-ils pas tout autant responsables ?

Ne négligeons pas non plus ce qui est arrivé dans la Conférence Ouest : après une année 1992 particulièrement dense qui a vu quatre équipes à 50 victoires et neuf équipes avec un pourcentage de victoire supérieur à 50 %, seules six équipes ont terminé au-dessus de 50 % en 1993 et la dernière place qualificative pour les play-offs est revenue à une équipe des Lakers à 39 victoires. L’impact en saison régulière de Barkley, d’un point de vue purement basket, n’était pas aussi importante que ce que tout le monde croyait. Bien sûr, il a donné de la fierté à sa franchise, lui a apporté ses qualités de guerrier expérimenté et sa force à l’intérieur, a fait venir les supporters, a contribué à faire de la franchise un favori pour le titre et a fait monter d’un niveau une équipe déjà très bonne. C’était sa saison, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Quand on pense à la saison 1992-1993, on pense en premier à Barkley et aux Suns ; puis on se dit : « Ce n’est pas cette saison-là où Charles Smith s’est fait contrer face à Chicago et que Jordan a détruit à lui tout seul Phoenix en finale ? » Le fait que « c’était la saison d’Untel » ne devrait pas influencer le vote. En 1993, c’est arrivé. C’est un fait.

Question n°4 : Si vous expliquez votre choix de MVP à une personne dont le joueur favori est quelqu’un que vous n’avez pas choisi, dira-t-il (au minimum) quelque chose comme : « Je ne suis pas d’accord, mais je comprends comment vous êtes arrivé à ce choix » ?

J’ai créé cette question après la publication de ma colonne sur le MVP 2008, quand j’ai choisi Garnett et que j’ai reçu une avalanche de courriels de la part de fans d’autres candidats, me reprochant de choisir un joueur de mon équipe favorite. Je m’attendais à une levée de boucliers, mais pas à ce point. Avais-je fait une erreur ? J’ai rabâché mon processus de pensée et réalisé que ma logique n’était pas faussée et (semblait-il) impartiale : j’avais respecté les mêmes raisons pour lesquelles j’avais choisi Shaq en 2005 (à savoir que Garnett avait amélioré la défense et l’attitude des Celtics, avait relancé la franchise, lui avait donné de la vie ainsi qu’un leader et 42 victoires supplémentaires – un record) et inclus quelques exemples de ce que j’avais vu pour appuyer mon raisonnement.

Pourtant, mon raisonnement était biaisé pour une raison : j’avais regardé presque chaque minute de cette saison des Celtics, et seulement quelques minutes de 25 à 30 matchs des Hornets et des Lakers. Mon affection pour les Celtics n’a pas influé sur mon jugement, mais le fait de les regarder tout le temps, oui : je savais parfaitement comment Garnett avait agi sur les Celtics de 2007-2008 parce que j’avais regardé chaque match, lu chaque histoire et que je les avais suivis chaque jour pendant huit mois.

Savais-je exactement ce que Chris Paul avait fait pour les Hornets ? Pas vraiment. Si j’avais été fan des Hornets et que j’avais suivi attentivement leur transformation miraculeuse, j’aurais inévitablement fini par faire valoir les mérites de Paul. La variable essentielle est la suivante : tout fan des Lakers aurait choisi Kobe et non Paul, mais en comprenant au moins la logique de choisir le dernier nommé. Ils n’auraient pas été d’accord, mais ils auraient compris. Et ils n’ont pas compris la sagesse du choix de Garnett. Du tout. Et cela pose un problème. D’où la création de la question n°4.

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Réunissez ces questions ensemble comme de la pâte à modeler, et vous obtenez tout à coup une formule fiable. Dans l’idéal, il faut un joueur qui ne peut pas être remplacé par un autre, puis un joueur dominant, puis quelqu’un qui a fait « sa » saison dans une certaine mesure, puis un choix qui n’a pas besoin d’être défendu bec et ongles face à un contradicteur… Et pour finir, un choix qui justifie son soutien en bottant des culs en play-offs. Bien que cela semble parfait sur le papier, ça ne se produit pas chaque année, comme vous allez le voir.

Certains gagnants du MVP sont des choix logiques qui ne peuvent être débattus, mais pour d’autres, le MVP doit être mis au clair. Nous les séparerons en trois catégories : les choix douteux mais finalement justes, les choix douteux dont la stupidité est aujourd’hui très claire, et les escroqueries pures et simples qui auraient dû aboutir à des arrestations et des condamnations.

La suite, c’est par ici.


(1) C’est le trophée Hart, nommé d’après le Dr David Hart, père de Cecil Hart, coach et directeur général des Canadiens en 1924. Cette année-là, le Dr. Hart a fait don du trophée à la ligue, et ils lui ont donné son nom. Je n’invente rien.

(2) La NBA avait vraiment besoin du charisme de Barkley cette saison. Les vétérans vedette en dehors de Jordan étaient Malone, Stockton, Ewing, Olajuwon, Dumars, Drexler, Mullin, Pippen, Robinson, Brad Daugherty, et Mark Price. Ils sont tous très sympathiques, mais voudriez-vous passer le week-end à Las Vegas avec l’un d’entre eux ?

 

#23 : Chris Paul, occasion perdue

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Chris Paul, meilleur joueur de la draft 2005, a été choisi par les New Orleans Hornets suite à un concours de circonstances particulièrement favorable (1).

Gagner le gros lot à la draft NBA est aléatoire. Une équipe peut être parmi les premières à choisir, miser sur le meilleur joueur disponible, choisir la personne idéale pour renforcer l’équipe, et se retrouver déçue malgré tout. Une blessure, un problème d’adaptation, un mauvais comportement… Autant de facteurs pouvant contribuer à ce qu’un joueur ne soit jamais à la hauteur des espoirs placées en lui.

On peut pardonner un mauvais choix fait par une équipe, si la décision de drafter le joueur était logique à l’époque. Qu’un joueur moins bon soit choisi devant un autre contre l’évidence même est moins pardonnable. Qu’un même joueur soit affecté par plusieurs décisions discutables dans une même draft est assez exceptionnel. C’est ce qui est arrivé à Chris Paul en 2005. Voyons la chose en détail.

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En 2005, la draft NBA a lieu à New York. La loterie a attribué le premier choix aux Milwaukee Bucks, qui sortent d’une saison difficile à 52 défaites et n’ont pas disputé les play-offs pour la première fois en trois ans. Les choix suivants, dans l’ordre, sont attribués à Atlanta, Portland, New Orleans et Charlotte.

À la draft 2005 se présentent plusieurs joueurs de qualité, dont l’un se démarque des autres : Chris Paul. Les observateurs le considèrent comme le meilleur joueur du lot, et celui qui a le plus de chance de réussir en NBA. Quelques heures avant le début de la draft, l’équipe de Portland décide de céder son troisième choix à l’équipe de Utah, contre le sixième choix, le vingt-septième choix et un choix de premier tour en 2006. Une transaction qui aura toute son importance, comme nous allons le constater.

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La draft commence. Avec Michael Redd et Mo Williams, l’équipe des Bucks a une belle ligne arrière. En revanche, elle manque cruellement de poids dans la peinture, comme en témoignent les noms des pivots passés chez les Bucks au cours de la saison 2004-2005 : Daniel Santiago, Zaza Pachulia et Dan Gadzuric. Pas vraiment reluisant. Les Bucks décident sagement d’ignorer Chris Paul et de sélectionner Andrew Bogut, un imposant pivot australien de l’université de Utah qui sort d’une très belle saison à 20,4 points, 12,2 rebonds et 2,3 passes de moyenne. Ses qualités défensives et son adresse balle en main font de lui l’homme de la situation. La décision de le choisir à la place de Paul était tout à fait justifiée de la part des Bucks, et n’a surpris personne à l’époque. Aucune controverse, donc, concernant ce choix.

La prochaine équipe à choisir est Atlanta, qui sort d’une horrible saison à 69 défaites et a désespérément besoin d’un meneur de jeu (ils n’ont sous la main que Tony Delk, Tyronn Lue et Royal Ivey, autant dire de simples bouche-trou). Les Hawks ont les équipiers parfaits pour un joueur comme Paul  : Joe Johnson, qui vient de signer des Suns, Josh Smith et d’autres. L’équipe est faite pour lui. Il n’y a pas de meilleur choix.

Mais pas pour le directeur général des Hawks, Billy Knight, apparemment. En lieu et place de Paul, il choisit un ailier costaud du nom de Marvin Williams. Williams a du potentiel et des aptitudes appréciables – les Bucks avaient même hésité à le prendre à la place de Bogut – mais il n’était même pas titulaire à l’université ! Pourquoi  Knight a-t-il choisi un ailier quelconque dont son équipe aurait pu largement se passer à la place d’un meneur comme Chris Paul dont ils avaient plus que grand besoin ? Sa décision sera critiquée de façon tout à fait justifiée et elle est de plus en plus inexplicable à mesure que les années passent. Avec Paul, Atlanta aurait pu devenir un « top team ». Mais non (2).

Au tour de l’équipe suivante. Utah, qui a hérité du choix de Portland, ne sélectionne pas non plus Chris Paul mais choisit Deron Williams, un meneur capable de porter leur franchise et un futur All-Star. Auraient-il dû prendre Paul au lieu de Williams ? Probablement, car Paul était sans aucun doute meilleur, mais Utah a quand même eu de très bons résultats en construisant leur équipe autour de Williams. On peut leur pardonner cette sélection. Et voilà comment l’équipe avec le quatrième choix, New Orleans, se retrouve avec Paul.

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Parmi les équipes ayant ignoré Paul, Atlanta est donc celle qui a le plus perdu au change. Le destin des Hawks avec Paul aurait pu être radicalement différent. Mais la question la plus intéressante concernant la draft 2005 est probablement celle-ci : Que serait-il arrivé si les Blazers avaient gardé le choix n°3 au lieu de le donner à Utah ?

Voilà sans doute ce qui se serait passé : les Blazers auraient logiquement pris Paul parce qu’après tout, c’était le meilleur joueur de la draft. Le cinq majeur de Portland pour la saison à venir se compose alors de Joel Przybilla, Zach Randolph, Viktor Khryapa, Juan Dixon et Chris Paul à la place de Steve Blake. En sortie de banc, on retrouve Blake, Travis Outlaw, Jarrett Jack et Theo Ratliff. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais avec Paul, la saison des Blazers est un peu moins mauvaise.

Du fait de leur montée au classement, à la draft suivante, ils se retrouvent peut-être avec Rudy Gay (choix numéro huit) au lieu de LaMarcus Aldridge (choix numéro quatre), et obtiennent Brandon Roy dans tous les cas avec leur deuxième choix de haut de tableau. Avec Roy et Paul, l’équipe devient encore meilleure. Elle est peut-être à la limite d’accrocher les play-offs. Du coup, les Blazers évitent Greg Oden à la draft suivante et se retrouvent avec un choix de milieu de tableau (disons le numéro douze, Thaddeus Young).

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À l’aube de la saison 2008-2009, l’équipe de Portland est donc constituée de :

Paul, Roy, Gay, Outlaw, Przybilla, Jack, Young, les droits sur Rudy Fernandez et les millions de Paul Allen

au lieu de :

Oden, Aldridge, Webster, Roy, Outlaw, Jack, Przybilla, les droits sur Rudy Fernandez et les millions de Paul Allen

Laquelle de ces deux équipes est meilleure ? À coup sûr, la première, même si cela se discute. Paul et Roy auraient-ils pu jouer ensemble, sachant qu’ils ont tous les deux besoin d’avoir la balle en main ? Auraient-ils pu rivaliser en terme de taille ? Auraient-ils joué davantage en « wide-open » ? Cela aurait-il marché ? Autant de questions sans vraie réponse, mais auxquelles on a tendance à répondre « oui » (sauf peut-être pour la taille). Quoi qu’il en soit, si Portland prend Paul, une réaction en chaîne complètement dingue se déclenche :

  • New Orleans se retrouve avec Deron Williams au lieu de Paul ;
  • Utah n’obtient jamais de meneur capable de porter une franchise et s’enfonce pour les prochaines années ;
  • Oden et Aldridge atterrissent ailleurs ;
  • Roy, qui doit partager le ballon avec Paul, ne devient jamais la star qu’il est devenue ;
  • Et pour finir, la cote de Paul baisse car dans la vie réelle, il a été tellement vexé d’avoir été ignoré par trois équipes qu’ils s’est tué au travail pour atteindre son niveau actuel. Ce qui n’arrive peut-être pas s’il est choisi par les Blazers en troisième position.

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Bref, les grands perdants de cette draft sont Atlanta et Portland. En parlant de Portland, on vient d’apprendre cette semaine que Greg Oden a annoncé sa retraite, à seulement 28 ans. Les blessures auront pourri sa carrière, comme celle de Brandon Roy. Pauvres Blazers. Ils méritent vraiment le titre de plus gros poissards de la NBA.


(1) Source : http://www.nydailynews.com/

(2) Billy Knight prendra à la draft suivante Shelden Williams au lieu de Brandon Roy. Il démissionnera de son poste de directeur général des Hawks deux ans plus tard, en prétendant le plus sérieusement du monde laisser l’équipe « en bien meilleur état que lorsqu’il l’avait prise en main ». On peut légitimement en douter.