#14 : Robertson, les Royals et… des problèmes géographiques

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La vie d’Oscar Robertson n’a pas été facile. Déjà traité comme un citoyen de seconde zone en raison de sa couleur de peau (on en reparlera plus tard), sa carrière de joueur a été influencée par un facteur qui n’a strictement aucun rapport avec lui ou son équipe. Une décision aberrante, en apparence mineure, qui a eu un impact impossible à quantifier. Voici laquelle.

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En 1962, quatre équipes faisaient partie de la Conférence Est : Boston, New York, Philadelphie et Syracuse. Cinq faisaient partie de la Conférence Ouest : Los Angeles, St. Louis, Chicago, Detroit et Cincinnati. Lorsque Philadelphie a déménagé à San Francisco après la saison 1962, les conférences sont devenues déséquilibrées et une équipe de l’Ouest a dû être transférée à l’Est. Le choix de la Ligue s’est porté sur les Cincinnati Royals (l’équipe de Robertson), ce qui est logique car la ville est située plus à l’est que les autres. Ça se comprend. Mais un an plus tard, la franchise de Chicago a déménagé à Baltimore, et les Baltimore Bullets sont restés dans la Conférence Ouest.

Regardez bien la carte ci-dessus. Cherchez la ville de Cincinnati, puis cherchez la ville de Baltimore.

Vous avez trouvé ? Alors, répondez maintenant à la question suivante : comment Baltimore a pu rester dans la Conférence Ouest alors que la ville était située près de 1 500 km plus à l’est de Cincinnati ? Comment ?

En laissant l’équipe de Robertson dans la Conférence la plus difficile, les dirigeants de la NBA ont privé le public de moments historiques en play-offs, dont trois ou quatre rencontres à élimination directe entre Robertson et West à leur sommet, et au moins une finale entre les Celtics et les Royals. Pourtant, faire revenir les Royals à l’Ouest était une simple question de bon sens. Mais il faut croire qu’aucun des exécutants de la NBA ne savait lire une carte.

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À cause de cette décision stupide, les Royals n’ont jamais été en mesure de remporter le titre. En 1963, ils ont emmené jusqu’au Match 7 une équipe de Boston composée de sept Hall of Famers, puis ont atteint leur sommet lors des trois saisons suivantes (55, 48 et 45 victoires), mais ils n’ont jamais été en mesure de surpasser les Celtics de Russell (et, plus tard, les Sixers de Wilt).

Voilà comment le plus grand meneur de trente-cinq premières années de la NBA et l’un des dix meilleurs joueurs de tous les temps n’a jamais été en finale au pinacle de sa carrière simplement parce que son équipe a changé de conférence au pire moment possible. En jouant à l’Ouest, les Royals auraient pu faire cinq finales de suite (de 1963 à 1967) ; dans le pire des cas, ils seraient au moins allés en finale en 1965 parce que Baylor a raté les play-offs.

Nous rappellerions-nous d’Oscar Robertson différemment s’il avait étalé son talent chaque année en finale ? Et s’il avait remporté un titre en battant les Celtics ? L’élan qu’aurait pris sa carrière aurait-il été le même que celui de Jordan après son premier titre, comme si une barrière invisible s’était renversée ? Nous rappellerions-nous d’Oscar comme le plus grand ou le deuxième plus grand joueur de l’histoire au lieu de l’un des dix meilleurs ?

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Deux petites anecdotes pour terminer :

Lorsque les Bulls ont rejoint la ligue en 1967 suite à l’expansion, ils ont été placés dans la Conférence Ouest et Baltimore a finalement été déplacé à l’Est (ouf !), bien qu’il fut brièvement considéré de garder Chicago à l’Est, puis déplacer Boston à l’Ouest.

D’autre part, la ligue réussira à faire encore plus fort en matière d’aberration géographique. Après la fusion de l’ABA et de la NBA, Denver et Indiana ont été envoyés en Conférence Ouest tandis que San Antonio et les Nets rejoignaient l’Est. Pour la saison 1977, Houston et San Antonio ont joué dans la Conférence Est et Milwaukee, Detroit, Kansas City et Indiana ont joué dans la Conférence Ouest. Examinez une nouvelle fois la carte ci-dessus et expliquez-moi la logique de tout ça. Je vous paye des prunes si vous y arrivez.