All the Kings’ Men (8/8)

« Grantland.com » était un site internet journalistique sur lequel étaient publiés des articles consacrés essentiellement au sport. Il a fermé définitivement ses portes le 30 octobre 2015. Quelques-uns de ses articles et portraits consacrés à la NBA (traduits en français) sont repris sur ce site. Les droits sur les textes, bien entendu, appartiennent à leurs auteurs.

Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)

VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche »

Les Lakers sont allés en Finales NBA et ont gagné le titre 2002 en balayant les Nets à l’issue d’une série sans éclat. Ensuite, ils ont continué leur joute verbale contre Sacramento durant tout l’été. Lors d’un spectacle comique dont la cible était Emmitt Smith, Shaq a hurlé de rire en entendant le comédien Guy Torry se moquer des Kings alors que les Maloofs étaient présents, un sourire forcé aux lèvres. Lors de la pré-saison 2002-2003, Rick Fox et Doug Christie se sont bagarrés dans le tunnel du Staples Center, et la tristement célèbre épouse de Christie elle-même s’est impliquée dans la bataille. Shaq a résumé ainsi les sentiments des Lakers : « Nous ne sommes pas inquiets pour les Queens de Sacramento. Pas du tout. Je ne vais pas passer l’année à faire des échanges verbaux avec eux. Le titre de l’année dernière, c’est déjà du passé. Concentrez-vous sur l’année à venir. Je ne suis pas inquiet pour les Queens de Sacramento. Écrivez-le. Prenez une photo. Envoyez-la-leur. Je m’en fiche. »

Personne n’aurait imaginé que la rivalité entre les deux équipes avait déjà atteint son apogée. Les Spurs ont détrôné les Lakers au deuxième tour des séries éliminatoires de 2003, et Dallas a créé la surprise en battant Sacramento au même niveau. Webber s’est déchiré le cartilage du genou gauche au cours de cette même série, une blessure qui le ralentira pour le reste de sa carrière et qui fera aussi dérailler les Kings, qui lui avaient accordé de manière invraisemblable une prolongation de contrat de 122 millions de dollars le même été. Coincés par le contrat onéreux de Webber, les Kings se sont débarrassés de lui en l’expédiant à Philadelphie contre trois joueurs médiocres (Brian Skinner, Kenny Thomas et Corliss Williamson). Puis ils ont échangé Stojakovic contre Ron Artest un peu plus d’un an après qu’Artest ait commencé la plus grande bagarre de l’histoire récente de la NBA. Les Kings ont renvoyé Adelman en 2006 et ne sont pas retournés en play-offs depuis.

Pendant ce temps, la crise économique de 2008 a gravement nui aux Maloof et à l’organisation, les transformant en une équipe de petit marché avec une faible masse salariale. Des rumeurs ont couru que les Maloof voulaient déplacer la franchise vers une ville à plus gros marché plutôt que de simplement la vendre à un propriétaire déterminé à rester à Sacramento. Lorsque les habitants se sont retournés contre eux, les Maloof, devenus impopulaires, ont tenté de déplacer l’équipe à Anaheim et à Seattle, pour en être empêchés à plusieurs reprises par la ligue. L’été dernier, les Maloof ont finalement vendu la franchise à un groupe dirigé par le milliardaire Vivek Ranadivé, qui a immédiatement lancé un projet pour construire une nouvelle arène. De manière amusante, Shaquille O’Neal a acheté une part minoritaire, surnommant la ville « Shaqramento ».

Il semble que la ville puisse finalement oublier les Maloof et de tout ce qui s’est passé en 2002. Bien sûr, la légende de la série 2002 perdure. Après les séries éliminatoires, le militant politique Ralph Nader a appelé à une enquête sur l’arbitrage du sixième match. En 2008, l’arbitre Tim Donaghy, qui avait été très critiqué, a rouvert la blessure en affirmant que la ligue avait truqué le sixième match controversé, bien que peu aient pris les affirmations de Donaghy très au sérieux. « Nous sommes prêts pour un examen minutieux, a répondu le commissaire David Stern aux journalistes. C’est quelque chose qui mérite qu’on s’y arrête. »

Ralph Nader (militant politique) : Je n’avais jamais rien vu de tel. C’était presque comme si les arbitres et les officiels avaient eu le cerveau lavé par les Lakers. On spéculait énormément sur le fait que la ligue voulait un septième match parce que cela rapportait plus d’argent. J’ai donc appelé Stern et je lui ai écrit une lettre.

Delaney : Les arbitres veulent bien faire les choses, les fans veulent un match équitable, et bien entendu, les joueurs et les entraîneurs le veulent aussi. Nous faisons de notre mieux pour nous améliorer et atteindre un niveau proche de la perfection. Bien que les gens comprennent que le facteur humain entre en ligne de compte à un certain point, tout cela n’a plus d’importance quand quelqu’un comme Ralph Nader qui s’en mêle. Si vous demandez à la plupart des joueurs de NBA, je pense qu’ils préfèrent que j’arbitre le match plutôt que Ralph Nader.

Madsen : Quand j’ai vu le nom de Ralph Nader circuler, je me suis dit : « Mince ! Ralph est un fan des Sacramento Kings ? »

Nader : J’ai donc dit à Stern qu’il devait faire une enquête. C’est déjà déjà assez que les Lakers aient plus d’argent que les Kings pour acheter de bons joueurs. Ils allaient en plus truquer le système ? Il n’a pas apprécié.

Howard-Cooper : Les gens utilisent la [lettre] de Donaghy comme preuve ultime du trucage du Match 6. Soudain, Tim Donaghy était la raison crédible de croire à toute théorie folle. En Tim Donaghy, ils avaient leur preuve, ce qui, bien sûr, est risible.

Delaney : Mes antécédents sont bien documentés et je travaille avec des criminels depuis longtemps. Les criminels balanceront n’importe qui pour sauver leur peau. Cela ne m’a pas surpris, et tout à fait honnêtement cela ne me concerne pas, car je sais qui je suis et je suis droit dans mes bottes. Mon CV est plus que un peu plus reluisant que celui de Tim Donaghy. (Avant de devenir arbitre, Delaney a été un officier de police pendant de nombreuses années ; il a même un jour infiltré la mafia du New Jersey.)

O’Neal : Voilà pourquoi je ne parlerai jamais de l’affaire Donaghy. Chaque équipe de la ligue avait l’habitude de mettre dans le journal : « Ouais, on va le forcer à tirer des lancers francs. Hack-a-Shaq. On va l’envoyer sur la ligne. » Alors…

Bernhardt : Je ne comprends pas du tout pourquoi on en fait tout un plat. Je viens de l’Indiana. Il y a de vrais problèmes dans le monde. C’est un match de basket, un divertissement. Pourquoi un tel battage médiatique ?

Delaney : J’adorerais amener les fans sur le terrain avec moi et leur demander d’arbitrer un quart-temps ou deux, pour qu’ils comprennent ce qu’on ressent. Parce que je pense qu’ils nous donnent beaucoup plus d’importance que nous ne le méritons. Il est déjà assez difficile de siffler une faute ; en plus de ça, il faut être certain de celui qui l’a commise et de ce qui s’est passé sur l’action. On ne peut pas réfléchir à tout ça pour prendre la décision la plus juste. Voici la façon la plus simple de décrire ce qui se passe lorsqu’on arbitre un match de NBA : c’est comme avoir dix joueurs dans un mixeur qui tourne à toute vitesse. Et vous voulez me faire croire que je suis assez fort pour juger une action, puis de penser au joueur qui le fait, et changer instantanément ma décision parce que c’est un Michael Jordan et pas un autre joueur ? Je devrais léguer mon cerveau à la science.

Madsen : Un type de Los Angeles a fait une chanson de rap qui parlait de Vlade et de ses flops. C’était une période merveilleuse et excitante pour faire partie des Lakers et vivre à L.A.

Adande : Shaq s’est rendu à un déjeuner l’année où il avait des problèmes à un orteil. Et il a dit : « Mon pied va mieux. J’ai demandé à la femme de Doug Christie de le masser. »

Christie : [Le combat de pré-saison avec Rick Fox] est l’une de ces images indélébiles qui vous restent dans la tête. C’était plus que lui et moi. C’était dirigé contre eux, qui nous battaient année après année, et nous devions nous défendre.

Fox : Ils devaient donner le ton. C’était un peu une loi tacite de la pré-saison, en particulier lors du dernier match. Les vétérans jouent généralement quelques minutes pour se dérouiller pendant un quart-temps, puis ils passent le reste du match sur le banc. Et ils sont arrivés comme si c’était le Match 8 de la série.

Adande : Personne ne se bat dans un match de pré-saison. C’est dire à quel point cette série a été passionnée et à quel point les rancœurs ont persisté. C’est pour cela qu’aujourd’hui, au Staples Center, il y a des rideaux qui séparent les deux équipes et deux zones séparées dans les couloirs. C’est à cause de cette série.

Fox : La règle de Rick Fox.

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Beck : On considère les Lakers de cette époque comme étant une équipe surpuissante, une dynastie importante, parce qu’ils ont remporté trois championnats d’affilée. Mais les gens oublient à quel point ils avaient été proches de tout perdre lors de la première et de la troisième fois. Il n’y a que l’équipe de 2001 qui était au-dessus des autres. Mais cette série contre les Kings était un exemple de la fragilité de leur emprise sur la NBA, car ils ont été plusieurs fois à quelques centimètres de perdre, et de ne pas revenir en finale.

Derek Fisher (arrière des Lakers) : C’est épuisant de gagner un championnat et de faire une saison complète. Pour retourner plusieurs fois en finale et gagner des titres, il faut être très chanceux. Vos stars doivent être en bonne santé. Le sort doit souvent vous être favorable, et ce n’est pas facile. Très peu d’équipes sont parvenues à le faire, et ces équipes resteront dans l’histoire de la NBA comme les rares équipes qui ont réussi.

Madsen : Personne ne pouvait arrêter Shaq. Personne ne pouvait arrêter Kobe. Et personne ne pouvait arrêter les deux en même temps. Ajoutez de grands joueurs comme Robert Horry, Rick Fox, Derek Fisher, et vous comprendrez à quel point c’était formidable de s’entraîner tous les jours et de participer aux matchs avec ces gars-là.

Beck : [La rupture] était en marche depuis des années à certains égards, et au cours de [l’année 2004], elle s’est produite pour de nombreuses raisons. D’abord, Shaq et Kobe se disputaient à nouveau. C’était un numéro auquel ils s’étaient déjà souvent livrés : ils se battaient, s’expliquaient, se réconciliaient, remportaient un titre. Puis ils se disputaient à nouveau avant de se rabibocher et de remporter un autre titre. C’étaient les montagnes russes depuis déjà quelques années. Mais je pense que le point de non-retour entre eux a fini par être atteint [en 2004]. Et entre-temps, la relation de Shaq avec l’organisation avait également atteint le point de non-retour, car il était intransigeant sur la prolongation de contrat qu’il voulait obtenir.

Wilbon : [Sacramento] aurait peut-être gagné l’année suivante. Mais les genoux de Chris ont lâché.

Adande : C’est dommage que nous n’ayons pas eu une dernière série entre les Lakers et les Kings, mais quand Webber s’est blessé, la cause était entendue. Ils étaient finis.

Stojakovic : Notre période dorée a commencé à prendre fin après 2004. On ne pouvait pas faire mieux, je suppose, que ces trois à cinq ans passés ensemble.

Phil Jackson : Je compatis – je ne sais pas si c’est le bon mot – avec Rick pour ce qu’il a vécu dans cette série, car je sais à quel point c’est difficile. Il avait été l’entraîneur de Portland lorsque nous avions remporté la série contre les Blazers en 1992. Rick et moi avions donc une certaine habitude d’entraîner l’un contre l’autre. J’avais vraiment du respect pour ses talents d’entraîneur.

*****

Joe Maloof (copropriétaire des Kings) : Quand Robert Horry a marqué ce fameux tir, je pense l’avoir revu dans ma tête au moins dix fois par jour. Perdre cette série au profit des Lakers était… Il n’y a pas de mots pour le décrire. J’en étais malade. Jerry Tarkanian m’a appelé après la série et je lui ai demandé : « Est-ce que mon frère [Gavin] et moi oublierons jamais ça ? » Il a dit : « Vous n’oublierez jamais. Croyez-moi. Vous devrez vivre avec. »

Brian Shaw (arrière des Lakers) : Je m’entends plutôt bien avec Chris Webber. Aujourd’hui encore, il répète qu’ils auraient dû nous battre.

Napear : Les retombées sont toujours présentes. Elles ne disparaîtront que lorsque les Kings battront les Lakers en play-offs. Si vous interrogez un fan des Red Sox de Boston sur toutes leurs défaites les plus difficiles contre les Yankees, ils vous citera le home run de Bucky Dent ou le home run d’Aaron Boone, qui n’ont jamais été oubliés. Mais le titre de 2004 a tout effacé. Et jusqu’à ce que les Kings remportent une série de play-offs significative contre les Lakers, ils ressentiront toujours ce manque.

Wilbon : Tout le monde se rappellerait différemment de Chris Webber s’ils n’avaient pas été baisés. Ils allaient battre les Nets cette année-là. Tout le monde savait que la Finale de la Conférence Ouest était la finale du championnat. Toute la carrière de Webber serait différente. Toute la carrière de Vlade serait différente. Un titre change la perception que le public a de vous.

Cohn : À mon avis, [un titre] aurait été le plus grand événement survenu à Sacramento depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Bibby : Ce sera toujours une grande ville de basket-ball. J’ai été surpris quand ils ont essayé de transférer l’équipe. Je croise tout le temps des gens qui me disent : « Je suis de Sacramento et j’ai adoré cette équipe. »

Richmond : Je pense que les Kings et leurs fans méritaient vraiment un titre, mais je ne voulais tout simplement pas que ce soit contre moi. Je pense que cela aurait été très dur pour moi si les Kings avaient gagné.

Kevin Johnson (ancien All-Star de la NBA et actuel maire de Sacramento) : Chaque fois que vous vous approchez d’une Finale NBA et que vous échouez, vous avez des regrets. Jusqu’à ce que Sacramento atteigne la finale, les fans vont toujours penser à cette série et se demander : « Et si ? »

Christie : Quand je retourne à Sacramento, je m’aperçois que les gens aiment toujours cette équipe. Ils aiment tout ce qu’elle représentait. S’ils remportent un jour un titre, ce sentiment disparaîtra. Mais quand on est tellement proche, qu’on sait qu’on le mérite, et qu’il suffit simplement de battre une équipe pour ça, c’est quelque chose de vraiment difficile à avaler.

Johnson : Je ne pense pas que les événements survenus après cette série aient eu un impact quelconque sur le sort de la franchise. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles, pendant des années, nous n’avons pas pu faire construire une nouvelle salle à Sacramento. Heureusement, tout cela est maintenant derrière nous et je suis impatient que les Kings accrochent une bannière de champion dans la nouvelle arène de Sacramento qui ouvrira en 2016.

Cohn : La mise en place [d’un vote pour une nouvelle arène] aurait vraisemblablement été plus rapide [si les Kings avaient remporté un titre en 2002]. Mais je ne pense pas que les Maloof étaient capables d’élaborer un plan pour financer une arène et de s’y tenir. Tôt ou tard, il y aurait eu des problèmes.

Johnson : Depuis près de vingt-huit ans, cette communauté a une histoire avec les Kings. Pendant une bonne partie de ces années, les supporters des Kings étaient parmi les plus nombreux de la ligue, alors que la plupart du temps, ils perdaient plus qu’ils ne gagnaient et ne participaient même pas aux play-offs. C’est pourquoi je n’ai pas été le moins du monde surpris lorsque nos fans se sont levés et se sont battus pour garder cette équipe à Sacramento alors que les Kings étaient sur le point de déménager.

Cohn : À long terme, c’était peut-être le bon côté de notre défaite. Nous avons dû traverser une période horrible au cours de ces dernières années juste pour pouvoir obtenir de nouveaux propriétaires avec lesquels il serait possible de construire un avenir plus durable. Je ne pense tout simplement pas que nous aurions eu un avenir durable avec les Maloof en tant que propriétaires.

Pollard : Si les Kings avaient remporté le titre, peut-être que les Maloof n’auraient pas essayé de relocaliser la franchise et qu’ils auraient déjà une nouvelle arène ? Il y a beaucoup de choses qui auraient pu arriver et des choses qui auraient pu être différentes. Combien de carrières de joueurs auraient été différentes ?

O’Neal : Ouais, c’est un peu [bizarre de posséder une part des Kings]. Chaque fois que je vais là-bas, on m’en fait la remarque. Mais je pense qu’une fois que les gens me voient échanger avec la communauté et apprennent à me connaître, ils comprennent que je ne faisais que plaisanter.

Cohn : Il est difficile d’être encore en colère contre [O’Neal]. C’est un personnage tellement sympathique.

Vivek Ranadivé (principal propriétaire des Kings) : Nous adorons Shaq. Il a eu beaucoup de succès. C’est une icône mondiale, il est très, très intelligent, très charismatique. Il était assailli partout où il allait. Il a été très bien accueilli par le gouverneur, par l’Assemblée nationale et le Sénat, par les fans, par le public. Il a eu un énorme succès à Sacramento.

Fox : C’est un peu bizarre, c’est clair. Mais c’est tout à fait normal, parce que c’est Shaq. Shaq se fera toujours aimer du public… Cela en dit long sur son charisme et sa manière de penser.

Voisin : Je pense qu’ils ont changé d’opinion sur lui. Le temps guérit tout et il y a tellement de choses qui se sont produites. Il y a le fait que l’équipe reste et ne parte pas. Je pense que les gens sont soulagés et reconnaissants. Il est aussi populaire que lorsqu’il était joueur. Il y a un élément là-dedans qui est bon pour Sacramento et bon pour les Kings.

Ranadivé : Nous pensons être sur la bonne voie. Pour notre première saison, on ne va pas nous parler de victoires et de défaites, on va nous demander si nous avons une culture, un système, si on joue défensif. Ce que je veux faire, c’est créer un groupe de jazz. Le modèle du vingtième siècle était une fanfare, où tout le monde marchait robotiquement au rythme d’un tambour. Ce que j’essaie de faire, c’est de créer un groupe de jazz, où chacun peut faire son propre truc, être celui qu’il veut et improviser, mais en faisant de la belle musique. Nous allons créer ce groupe de jazz.

Shaw : Sacramento aurait pu avoir une histoire différente si les Lakers n’avaient pas été composés de Kobe, Phil et Shaq. C’était une bonne équipe qui est arrivée au mauvais moment. La place des Kings dans la légende de la NBA est toujours vide à cause des Lakers.

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Chris Webber, Rick Adelman et la famille Maloof ont refusé les demandes d’interview répétées pour cette histoire.

All the Kings’ Men (7/8)

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Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)

VII. Le quinzième round

Naturellement, nous en sommes arrivés à l’un des Matchs 7 les plus mémorables de tous les temps. Ce n’était que le deuxième Match 7 d’une Finale de Conférence à aller en prolongation depuis 1993. Le match, très serré, a vu 16 égalités, 19 changements de leader et, très probablement, plusieurs tympans percés à cause du bruit assourdissant de la foule de l’Arco Arena. Les Lakers tentaient de devenir la première équipe à remporter le septième match d’une finale de Conférence à l’extérieur, depuis que Philadelphie avait surpris les Celtics au Boston Garden en 1982.

Howard-Cooper : Ils sont revenus à Sacramento, et c’est là qu’ils ont vraiment ressenti le contrecoup. C’était pire que de perdre le premier match à domicile, pire encore que quand Horry leur a collé ce panier à la dernière seconde. Ils avaient perdu le Match 6, étaient rentrés à la maison, et ils avaient cette sensation dont les gens parleraient plus tard, cette sensation d’avoir laissé passer leur chance.

Voisin : Avant le match, je suis allé dans les vestiaires. Ce qui m’a marqué, c’est que les joueurs se plaignaient toujours du Match 6 et de la façon dont ils s’étaient fait voler. Tout le monde, de Rick Adelman à Geoff Petrie. Ils n’avaient toujours pas digéré le Match 6.

George : Quarante minutes avant le début du match, tous les sièges de la salle étaient remplis. Les supporters portaient des T-shirts blancs, agiraient des serviettes blanches, applaudissaient très fort. Et ce n’était que l’échauffement. Le match n’avait même pas encore commencé. Je me souviens que le titre de James Brown « The Payback » passait en boucle, comme si leur temps était venu.

Napear : C’était une chance pour la communauté, la ville, l’équipe de faire quelque chose que personne ne pensait jamais voir : aller en finale NBA.

Brown : Ce dont je me souviens, c’est que nous avions travaillé les lancers francs toute l’année. Nous n’avons pas tenté beaucoup de lancers francs avant le septième match.

Pollard : Les gens me demandent si le basket me manque. Je suis à la retraite depuis cinq ans. Quand je leur dis que non, ils me demandent pourquoi. Je regrette mon salaire, mais pas ce que je devais faire pour l’obtenir. La seule chose qui me manque, c’est cette poussée d’adrénaline. Entrer sur le terrain et faire hurler 20 000 personnes. Les stars du rock font de la scène jusqu’à 70 ans pour ressentir ça. Les joueurs prolongent leur carrière juste à cause de ça.

Fox : Nous étions l’équipe la plus expérimentée. J’ai essayé de me concentrer là-dessus. J’ai essayé de me concentrer sur le fait que nous avions joué un Match 7 à Portland quelques années plus tôt.

Christie : Je n’avais jamais eu affaire à quelque chose comme ça. J’étais ému. Je n’avais pas compris ce que je traversais. Quand vous êtes déjà arrivé à ce stade, vous savez à quoi vous attendre. Donc j’étais sûr qu’à l’autre bout du terrain, ils étaient tranquilles comme Baptiste.

O’Neal : Pendant l’hymne national, j’aime regarder les gens dans les yeux. Je garde la tête baissée pendant la majeure partie du chant jusqu’à « l’éclat rouge des fusées ». C’est là que je lève la tête et que je regarde les gens, et quand je les regarde dans les yeux et qu’ils baissent la tête, je sais qu’ils ont peur.

Fox : Nous savions à quel point un Match 7 pouvait être émotionnellement et physiquement épuisant. Nous savions, au fur et à mesure du match, combien les possessions devenaient intenses et combien la pression pesait. Je savais que nous savions ce que ça faisait. Et je savais que les Kings ne savaient pas à quoi cela ressemblait.

Christie : J’étais ému. C’était un Match 7 contre les Lakers. Dans mon esprit, c’était ça. Si nous les battons, nous allions écraser les New Jersey Nets. Ce fut un moment fort à plusieurs points de vue. Toute votre vie, vous travaillez pour ça.

Brown : Je n’ai pas vraiment vu qui que ce soit être nerveux. Je sais que Webb et les autres voulaient gagner. Je n’ai pas vu Doug avoir peur. Je n’ai pas vu ça. Je ne l’ai pas vu. Je sais que Bobby Jackson a joué un rôle important dans le Match 7.

Rambis : Je me souviens d’avoir dit à Phil : « Ils ont peur de tirer. » Les joueurs étaient libres de tout marquage et ils ne rentraient rien, à l’exception de Bibby.

Heisler : En fin de partie, [Webber] a eu le ballon dans ses mains et c’était comme s’il avait attrapé une grenade. Il l’a secoué dans tous les sens, sans même songer à le passer à Mike Bibby.

Richmond : J’avais une peur bleue de perdre contre les Kings. Je pensais que ces sept années de succès allaient prendre fin et que les Kings iraient en finale. J’avais beaucoup de choses en tête. Quand j’étais sur le banc, je transpirais, alors que je ne jouais même pas.

Christie : Vers la fin du temps réglementaire, je pensais que le toit allait tomber. Ça tremblait de partout. Les supporters faisaient sonner leurs cloches, mais on ne les entendait même pas. Les gens étaient devenus fous. Le sol tremblait et en me dirigeant vers l’un des arbitres, je me suis dit que c’était incroyable.

Howard-Cooper : Comme un grand mur de son, de chaleur et de stress.

Wallace : On était assis sur le banc avec des boules Quiès.

*****

Dans les dernières secondes, alors que le score était à égalité, Stojakovic a complètement raté un tir à trois points qui aurait pu envoyer les Kings en finale. En prolongation, Christie a nettement raté un tir à trois points crucial. Finalement, ce sont ces deux tirs dont on se souvient le mieux. À part Bibby et Jackson, tous les autres Kings semblaient timides et écrasés par la pression. Sacramento a raté 14 lancers francs sur 30 et 18 tirs à trois points sur 20. Pendant ce temps, Shaquille O’Neal, Derek Fisher et Kobe Bryant ont marqué leurs huit lancers francs en prolongation. Les Lakers ont gagné 112-106.

Voisin : La plupart des joueurs étaient tendus, à l’exception de Bobby Jackson. Mais il était sur le banc, Dieu sait pour quelle raison. Rick avait remis les titulaires. Il a fait rentrer Peja, qui était blessé à la cheville, et Doug Christie.

Pollard : Au quatrième quart-temps, personne ne pouvait rentrer un tir. Cela m’a énervé parce que je faisais un bon match, peut-être l’un des meilleurs matchs de ma carrière en play-offs. Et je n’ai pas mis un pied sur le terrain au quatrième quart-temps. Après ce match, j’étais assez énervé parce que j’avais l’impression de contribuer, de faire quelque chose et de libérer mes coéquipiers.

Christie : Nous étions l’une des meilleures équipes de la ligue au lancer franc. Et puis, Peja a fait ce tir qui n’a même pas touché le panier. Ça ne lui arrive jamais. Pas même exprès.

Napear : Je ne sais pas si Bobby aurait réussi le dernier tir, mais je sais qu’il aurait au moins touché le panier. Bobby savait être décisif. Il ne ressentait jamais la pression, quelle que soit la situation.

Bobby Jackson : On suit les consignes de l’entraîneur. On respecte ses instructions et on fait ce qu’il dit. Au début de ma carrière, j’aurais probablement protesté, mais nous avions une si bonne alchimie, nous comptions en quelque sorte les uns sur les autres et nous avons respecté ce que l’entraîneur voulait en terme de temps de jeu et de prise de décision. Et nous ne l’avons pas remis en question.

Fox : Le seul joueur que je n’avais pas laissé seul durant toute la série s’est retrouvé seul pendant une seconde. J’étais parti en aide sur une pénétration, le ballon est ressorti pour Stojakovic, et s’il avait rentré ce tir qu’il met toujours habituellement, la série aurait été différente.

Divac : Peja était blessé, il avait un problème à la jambe. Mais bon, quand vous savez que votre tir peut vous envoyer en finale, et que celui qui va en finale gagne…

Stojakovic : Parfois, je me fais des reproches. Je pense que beaucoup de joueurs pensent à cette série et à ce que chacun d’entre nous aurait pu faire mieux. Personnellement, je pense encore à ce tir raté. Cela aurait peut-être pu faire la différence. C’est toujours dans ma tête.

Fox : Il a complètement raté son tir. Probablement parce qu’il était surpris d’être aussi seul.

Stojakovic : Maintenant que j’y pense, je me rappelle de ce tir et ça ne me fait pas du bien. Hedo me l’a ressorti dans le coin et je me suis peut-être un peu précipité. Il est bien parti, mais j’ai mal visé. J’ai simplement mal visé.

Turkoglu : Il était blessé à ce moment-là. Il avait pris la décision d’aller sur le terrain et d’essayer de faire de son mieux pour aider l’équipe. S’il n’avait pas été blessé, j’aurais mis tout mon argent sur le fait qu’il allait rentrer ce tir.

Christie : J’ai moi-même raté le panier sur un tir [en prolongation]. Il était bien parti. En y repensant maintenant, quand Bib m’a passé le ballon, je pense que j’avais encore quelques secondes. J’aurais pu me ruer vers le panier. Dans l’ensemble, c’était un match bizarre.

Wilbon : Le [tir] de Doug était en courbe, comme s’il avait lancé un boomerang ou quelque chose comme ça.

Voisin : Doug n’y arrivait pas. Il ne rentrait aucun tir.

Pollard : Je pense que [Doug] était psychologiquement cuit. Il avait eu des difficultés toute la série. Il n’a pas bien tiré, en particulier lors du septième match, mais personne n’a vraiment bien tiré lors du septième match. On a vraiment été mauvais.

Fox : Je savais que certains d’entre eux allaient être tendus, mais je ne savais pas qui. Je savais que les douze joueurs ne seraient pas aussi libérés et fluides qu’ils l’étaient probablement dans les six premiers matchs.

George : Quand nous étions assis sur leur banc, leurs fans pouvaient littéralement nous taper sur l’épaule en tendant la main. Ils étaient juste derrière nous. Et ils faisaient du bruit. Ils faisaient sonner leurs cloches de vaches et je me souviens que lorsque nous étions pratiquement sûrs d’avoir la victoire en poche, tout est devenu très calme. Les cloches se sont arrêtées et je me souviens que l’entraîneur s’est adressé au gars derrière le banc en disant : « Je croyais que tu allais sonner cette cloche toute la journée ? Je ne l’entends plus. » Et le gars s’est remis à faire sonner sa cloche, en nous perçant les tympans.

Adande : Le Match 7 était si intense que j’en ai attrapé mal à la tête. Mes oreilles bourdonnaient. Mon estomac était noué.

Adelman : Si vous voulez écrire qu’ils ont été meilleurs, faites-le. Mais je ne suis pas d’accord.

Christie : Nous les avons regardés droit dans les yeux et nous avons rivalisé avec eux. À mon avis, ils savaient que le vainqueur de cette rencontre allait gagner le titre. Quand ils nous ont battus, c’était plié.

O’Neal : La salle était très, très bruyante. Si nous pouvons surmonter ça, alors nous pouvons surmonter n’importe quel adversaire de la Conférence Est. C’était bien de jouer là. Vous arrivez dans une arène hostile et on s’attend à ce qu’ils gagnent, et vous gagnez en faisant le boulot dans un Match 7. J’aime ça.

Pollard : On peut parfaitement mettre la défaite du Match 6 sur le compte des arbitres. Mais il y avait toujours le Match 7. On a craqué et on a perdu. Nous aurions dû gagner. Même si ça fait mal, j’ai l’impression que je devrais avoir une bague.

Adande : Si votre arrière titulaire est terrifié avant le Match 7 à domicile, vous n’êtes pas prêt et vous ne méritez pas de gagner ce match ou la série. Les Lakers ont remporté un Match 7 à l’extérieur. Vous rendez-vous compte à quel point c’est rare ? Un Match 7 à l’extérieur après prolongation ? Les Kings n’étaient pas tout à fait prêts. Ils ont perdu le premier match à domicile. Ils ont perdu le Match 7 à domicile. Ce sont deux choses qui ne devraient pas arriver.

Gerould : L’expérience des Lakers dans les gros matchs a vraiment payé. Les Kings étaient trop conscients de l’opportunité qui se présentait dans le septième match, et en prolongation. Je pense que la pression a fait des ravages.

Phil Jackson : Vous ne pouviez rien demander de mieux dans le septième match d’une série.

Adelman : Je suis extrêmement déçu pour notre équipe. Ils ont joué avec leur cœur et on dirait qu’on leur a arraché. Nous avons fait tout ce que nous pouvions… Je ne sais pas comment nous avons fait pour perdre cette série.

Webber : Il y a tant de choses dans cette série qui auraient pu tourner en notre faveur. C’est stupide de passer tout son temps à y penser. Ça ne sert à rien.

Pollard: J’ai l’impression que ma carrière se serait peut-être déroulée différemment si nous avions gagné cette année-là. Mais c’est arrivé comme ça.

Divac : En gros, les lancers francs nous ont coûté la partie.

Howard-Cooper : Les Kings ont raté leurs lancers francs. C’est ce qu’il y a à retenir. On ne pouvait pas rattraper ça.

Phil Jackson : Ce sont finalement les lancers francs qui ont fait la différence. Ils étaient trop tendus. Les gens s’interrogent souvent sur les joueurs qui n’arrivent pas à tirer des lancers francs, ces grands gaillards qui arrivent sur la ligne. Ils marquent 80 % d’entre eux à l’entraînement et 50 % en match. Ils se demandent pourquoi ces joueurs, qui sont des professionnels, n’y arrivent pas. C’est à cause de la pression. C’est ce qui arrive dans un match comme celui-là, et nous avions l’expérience d’un septième match, et cette équipe avait été dans une position où elle avait connu des échecs. Ils avaient été balayés deux fois en séries éliminatoires deux ans avant que je vienne les entraîner en 1999 et en 2000. Ils en étaient donc vraiment conscients.

Bobby Jackson : Nous nous sommes battus nous-mêmes. Revoyez le match, regardez toutes les erreurs que nous avons faites, tous les lancers francs que nous avons ratés. Nous étions une très bonne équipe aux lancers francs. Nous nous sommes tirés une balle dans le pied.

Brown : Les gars étaient un peu abattus. Mais c’était une équipe assez jeune, alors on se disait qu’on avait eu un petit avant-goût. Il faut ramper avant de savoir marcher.

Phil Jackson : Je me souviens du moment où Shaq a chambré les supporters adverses alors que nous sortions du parking. Ils nous avaient chambrés en entrant.

Adande : Ce dont je me souviens en particulier est que Kobe est sorti de la salle avec moi après le Match 7, et j’ai posé des questions sur leur rivalité. Il a dit : « Attends. Ils doivent d’abord nous battre pour qu’on puisse en parler. C’est comme ça que ça se passe. »

Devin Blankenship (coordinateur du contenu Web, Kings) : Après avoir perdu le Match 7, on est restés au centre d’entraînement jusque tard dans la nuit. Après la conférence de presse, on retourne dans un petit espace ouvert où on parle avec les médias. Mon patron à l’époque était Troy Hanson, qui était directeur des relations publiques. Dans le reste du département, nous avions toujours entendu des histoires selon lesquelles l’équipe devait d’abord encaisser des défaites difficiles avant de remporter la mise. Donc, dans notre esprit, nous nous disions que ce n’était que le début. Troy nous a surpris en train de parler et il s’est dit : « Et si on avait laissé passer notre unique chance ? »

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VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)