All the Kings’ Men (6/8)

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Copyright Notice: Copyright 2002 NBAE (Photo by Catherine Steenkeste/NBAE/Getty Images)

Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)
III. L’affaire du bœuf de Kobe (3/8)
IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)

VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens

MATCH 6, 31 MAI 2002

Le Match 6 a été l’un des plus controversés de l’histoire de la NBA, avec un résultat final que Sacramento n’a toujours pas digéré. Les Lakers se sont montrés agressifs, en donnant continuellement le ballon à Shaquille O’Neal. O’Neal a marqué 41 points, pris 17 rebonds, et a provoqué les sorties pour six fautes de Divac et Pollard. Lorsque Webber a pris sa cinquième faute au quatrième quart-temps, les Kings ont été forcés de faire rentrer Lawrence Funderburke, un ailier au temps de jeu très limité, pour défendre sur Shaq. Les Lakers ont tiré 40 lancers francs en tout, dont un incroyable total de 27 lancers au quatrième quart-temps (O’Neal a terminé avec un remarquable 13 sur 17). Bien qu’ils aient passé près de la moitié du quatrième quart-temps sans marquer sur une action de jeu, les Lakers ont marqué 18 lancers francs au cours des six dernières minutes pour arracher une victoire 106-102. Tout allait se jouer au Match 7. Mais les Kings étaient furieux de l’issue du Match 6. La sixième faute de Divac, la grosse faute de O’Neal sur Funderburke et le coup de coude de Kobe Bryant dans le visage de Mike Bibby avaient été jugés de manière incompréhensible. Leur fureur a éclipsé la grosse performance de Shaq, inspirée par une source inattendue.

O’Neal : Je dormais, avec ma fille à côté de moi. On était serrés l’un contre l’autre, puis le téléphone a sonné aux alentours de 2h30. C’était Kobe. Il m’a dit quelque chose comme : « Mon gars, demain, j’ai besoin de toi. On va marquer l’histoire. »

Phil Jackson : C’est comme ça que fonctionne Kobe. Il ne dort pas beaucoup. J’ai déjà eu des joueurs similaires. Michael Jordan ne dormait pas beaucoup non plus pendant les play-offs. Il y a une telle intensité que votre cerveau fait des heures supplémentaires. C’est quelque chose que Kobe arrivait bien à faire avec ses équipiers. Il n’était pas un ami proche de Shaq, mais il entretenait une bonne relation professionnelle avec lui.

Jones : Je crois qu’à ce moment-là, tous les habitants de Sacramento avaient l’impression d’avoir la meilleure équipe et qu’ils ne pouvaient pas perdre le match. Tout le monde pensait que c’était leur chance de remporter un titre.

Bob Delaney (arbitre NBA lors du Match 6) : Quand on est arbitre, on arrive dans les vestiaires en espérant faire le match parfait. Mais lorsqu’on quitte les vestiaires pour aller sur le terrain, il est clair que quel que soit le match – et j’en ai arbitré plus de 1 800 – il y aura toujours de coups de sifflet que vous auriez voulu donner et d’autres vous souhaiteriez ne pas avoir donnés.

Heisler : Vlade donnait beaucoup de mal à Shaquille avec son « flopping ». Il l’a perturbé ainsi pendant près de quatre matchs, puis Shaquille a finalement compris son petit jeu. Il a complètement changé sa manière de jouer. Il allait rester à distance pour que Vlade puisse pas flopper.

O’Neal : Quand mes adversaires floppent, cela veut dire qu’ils ont peur de moi. Quand je ressens leur peur, j’attaque et c’est ce que Vlade et Scot et tous les autres ont essayé de faire. Ils ont essayé de me mettre en difficulté.

Divac : [Pollard] essayait de le bloquer sous le panier et j’essayais [de] courir et de le fatiguer. Comme cela, il serait un peu fatigué en attaque et il ne marquerait pas à chaque fois.

Pollard : De temps en temps, j’essayais de m’écarter de Shaq, mais il me suivait partout, me renversait à chaque fois et finissait toujours par un dunk. Ce n’était donc pas une bonne tactique. Il valait mieux essayer de jouer dur ou de le repousser.

Richmond : À un moment donné, Shaq nous a dit : « Donnez-moi le ballon. Appuyez-vous sur moi et tirez-en tout ce que vous pouvez. » Et c’est ce qu’on a fait. On a fait tourner et on a commencé à donner le ballon à Shaq au poste bas.

O’Neal : Tout le temps. Je le leur répétais tout le temps.

Divac : On ne peut pas vraiment défendre sur lui. Il peut marquer à tout moment. Tenter de rivaliser physiquement avec Shaq, c’est c’est du suicide. J’ai essayé de remonter le terrain rapidement, de prendre des fautes offensives et de faire pression sur lui pour qu’il soit en difficulté. J’ai parfois forcé les arbitres à siffler des fautes, puis ils ont commencé à dire que c’était du flopping. C’est la seule façon de défendre sur lui.

Delaney : Nous savions tous que Vlade floppait. Nous avions regardé suffisamment de vidéos pour ne plus être dupes. Lorsque le « flop » est arrivé pour la première fois dans la ligue, on s’est souvent fait avoir. Mais à mesure que le temps passait, on finissait par ne plus se laisser prendre à ce petit jeu car nous pouvions faire la différence après l’avoir vu souvent en vidéo. On pouvait faire la différence entre une simulation et une vraie faute.

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Pollard : Dans les vestiaires, à la mi-temps, on s’est répétés ce qu’on s’était dit durant toute la série : « Hé, les gars, ils ne vont pas nous donner la victoire. Nous devons gagner. Nous devons battre le cinq des Lakers et apparemment, les trois autres gars en uniforme, les arbitres, sont contre nous aussi, mais nous devons tous les battre. N’y pensons pas. Faisons-le. »

Richmond : Nous essayions de provoquer des fautes, de faire siffler les arbitres et de ralentir le jeu. Ils voulaient aller un peu plus vite que nous.

Voisin : Le sixième match a été le match important le moins bien arbitré que j’ai jamais couvert, et je suis la ligue depuis 1981. Je pense que les arbitres ont été mauvais, tout simplement. Il y a eu quelques fautes vraiment ridicules sifflées contre Pollard et Divac au quatrième quart-temps, qui les ont tout simplement sortis du match.

Divac : Je me sentais mal, mais que pouvais-je y faire ? Scot et moi, on s’est fait sortir très rapidement pour cinq fautes, mais que pouvait-on y faire ?

Delaney : Shaq aurait dû aller sur la ligne beaucoup plus souvent, parce qu’il passait en force là où d’autres joueurs auraient laissé échapper la balle, ou n’auraient pas pu passer. Donc, quand il prenait des coups, les autres arbitres et moi ne pensions pas qu’il avait été touché – c’était accidentel parce qu’il défonçait tout. Mais en réalité, quand on revoit les images, on se dit : « Il a vraiment été touché. » Ce dont il se plaignait était vrai.

Ted Bernhardt (arbitre NBA, Match 6) : Quand [O’Neal] se retournait et pivotait, ça faisait du dégât. Souvent, [il était difficile] de juger si c’était une faute offensive, s’il avait été victime d’une faute ou s’il n’y avait rien du tout. Il y avait tellement de choses qui pouvaient arriver à chaque fois qu’il se retournait.

Delaney : Je sais que l’expulsion de Divac a fait beaucoup parler. Mais d’après la vidéo, la faute aurait dû être sifflée à Webber sur la première action offensive de Horry. Il attrape son poignet, ce qui lui fait perdre la balle. J’ai raté cette faute, et si j’avais été parfait, j’aurais sifflé la première faute, et je pense que cela aurait été la sixième faute de Webber. Je ne savais pas que c’était la sixième faute de [Divac]. Robert va au rebond, et quand Vlade entre en collision avec lui, il perd le ballon à nouveau. Donc à mon avis, c’est une faute, que ce soit sa première ou sa sixième. Quand quelqu’un perd la possession du ballon à cause d’un contact, c’est qu’il y a faute. J’ai manqué la première [faute], pas la deuxième, et c’était la sixième de Divac, ce qui a provoqué tout ce battage.

Pollard : Lorsque vous comptez les fautes sifflées en faveur de Shaq et celles qu’il a commises, vous vous rendez compte que quelque chose ne va pas. Il est normal que trois de nos joueurs commettent plus de fautes que Shaq. Mais trois ou quatre de ses adversaires directs se sont fait expulser. Nous ne marquions pas et il ne se faisait pas expulser pour six fautes. Et Samaki Walker non plus.

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Bernhardt : L’action la plus difficile à juger était celle de Kobe en fin de match [contre Bibby à 12 secondes de la fin], quand il va vers le ballon. J’aurais pu siffler ou non. Comme mes deux autres confrères.

Gerould : Il a carrément renversé Mike Bibby, juste devant nous. J’ai regardé Bob Delaney. Il n’y avait pas de coup de sifflet, pas de faute. Et je me demandais ce qu’il fallait faire pour qu’on nous en siffle une.

Delaney : Je vois Mike Bibby défendre sur Kobe Bryant, je vois son bras enroulé autour de sa taille, et pour moi, c’est une faute. Je suis en train de mettre le sifflet à ma bouche, me préparant à siffler une faute antisportive car le ballon n’est pas encore en jeu. Si une faute a lieu avant que le ballon ne soit remis en jeu, elle est considérée comme une faute d’anti-jeu, ce qui signifie un lancer franc et la possession. N’importe quel joueur pouvait tirer le lancer franc pour les Lakers, puis les Lakers conserveraient la possession à l’endroit de la faute.

Bernhardt : On pouvait siffler une faute avant le coup de coude au visage.

Delaney : Pendant que je réfléchis à tout cela, Kobe essaie de se libérer, le ballon est remis en jeu puis une faute est commise. Et il devient [clair] pour moi que d’une manière ou d’une autre, Mike a été touché au visage, de toute évidence lorsque Kobe levait les bras. Tout cela en quelques microsecondes.

Bernhardt : [Kobe] essayait vraiment de se dégager après que le défenseur l’a saisi. C’était une action difficile à juger. Point final. Quand on voit ça, on peut avoir deux opinions contraires, mais tout à fait valables.

Delaney : J’avais déjà vu des coups de coude ; pour moi, celui-ci n’en était pas un. Mais si j’avais fait le match parfait, j’aurais sifflé une faute d’anti-jeu, ce qui signifie que les Lakers auraient tiré un lancé franc et a conservé la possession ; puis j’aurais sifflé une faute technique contre Kobe. Sacramento aurait tiré un lancer franc pour faute technique, Los Angeles aurait fait de même, et les Lakers auraient remis le ballon en jeu au même endroit.

Bibby : Cela m’a énervé parce que quand je me suis levé, je pensais qu’ils avaient sifflé contre lui. Je ne savais pas ce qui s’était passé. Je me souviens avoir demandé : « Vous avez sifflé contre moi ? » J’avais le nez qui saignait. J’ai craché un peu de sang sur le terrain juste pour leur montrer.

Pollard : On en rigolait tellement c’était ridicule. Sur chaque lancer franc, Shaq allait au-delà de la ligne, et on avait beau hurler, ils ne faisaient rien. Vlade défendait sur Shaq comme il l’avait fait toute l’année et ils n’ont pas arrêté de le saquer. Je prenais des coups d’épaule qui me faisaient bouger de cinquante centimètres, puis Shaq me donnait un coup de coude dans le menton en allant au panier et c’est moi qui prenais la faute. Lawrence Funderburke faisait tout ce qu’il pouvait contre quelqu’un qui pesait cinquante kilos de plus que lui, car nous n’avions plus que lui et Chris Webber. Mike Bibby se fait éclater le visage par Kobe, et la faute est sifflée contre lui. Et on ne pouvait rien faire d’autre que de regarder ça en rigolant.

Adelman : Tout ce que j’ai à dire, c’est qu’en saison régulière, le coup de coude de Kobe dans la bouche de Mike et la faute de Shaq sur Lawrence Funderburke auraient été jugées comme des fautes flagrantes.

Chris Webber (ailier des Kings) : C’était un drôle de match. Pas un match drôle.

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Rambis : Même si les arbitres disent qu’ils arbitrent les matchs de play-offs comme ceux de saison régulière, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que le jeu devient de plus en plus physique et que les arbitres permettent plus de choses.

Phil Jackson : Ce n’était pas aussi ridicule que, par exemple, la série entre Miami et Dallas de 2006, lorsque Dwyane Wade tirait une vingtaine de lancers francs par match.

Michael Wilbon (chroniqueur au Washington Post) : Je pense que les arbitres sont les personnes les plus injustement critiquées du monde des sports. Je pense qu’ils ne suivent les directives de personne, et j’inclus là-dedans des arbitres de NBA que je connais. Je pense qu’ils sont de loin les personnes les plus impartiales dans le domaine du sport et qu’ils n’ont pas de préférence. Je pense que les scouts et les arbitres sont les personnes les plus honnêtes dans le domaine du sport. Mais ce match était une abomination.

Brown : On nous a volé ce match. Je ne pensais pas du tout que nous allions commettre toutes ces fautes. Notre équipe jouait en finesse.

O’Neal : Tout le monde veut m’envoyer sur la ligne des lancers francs. Tout le monde veut faire faute sur moi. Donc, tout ce truc avec les fautes, ça faisait partie de leur stratégie. C’est ce qu’ils ont fait. Il y avait peut-être un ou deux coups de sifflet injustes, mais ça arrive à chaque match, chaque année depuis que je joue en NBA. Leur stratégie était de commettre tout le temps des fautes.

Brown : Les arbitres peuvent parfois se tromper, comme sur un ballon qui sort des limites du terrain. Ce genre de chose arrive. Mais avec les fautes, c’est un peu différent.

Wilbon : Je ne crois pas que David Stern ait appelé qui que ce soit, ou que mes patrons du réseau aient appelé qui que ce soit. Je ne crois rien de tout cela, car quelqu’un aurait forcément fini par lâcher le morceau. Je pense juste que certaines personnes ont eu une mauvaise nuit.

Bernhardt : Ed Rush, mon patron à l’époque, m’a appelé et m’a demandé ce que je pensais du match. J’ai dit : « Je préfère ne rien dire. » Il a dit : « Dis-le-moi quand même, Ted. » J’ai dit : « Vous me connaissez bien, Ed. Je préfère ne rien dire. » Il a dit : « Ted, dis-moi. » J’ai dit : « Eh bien, je pense que mes confrères ont été très mauvais. » Il a dit : « O.K., merci. J’étais sûr que tu dirais ça. » Et il a raccroché. C’est pour ça que je déteste en parler, parce que j’ai vraiment beaucoup d’estime pour Delaney et [le troisième arbitre Dick] Bavetta.

Reynolds : Ce quart-temps en particulier était tout simplement incroyable. Il y a toujours des éléments qui sont avec vous et contre vous. Je l’ai vu pendant de nombreuses années. Mais là, c’était frappant. Je n’avais jamais vu autant de fautes sifflées contre une seule équipe de manière aussi constante.

Bernhardt : Je n’étais pas content du match. Je n’étais pas content de mes partenaires dans leur ensemble. Dans l’ensemble, je ne pense pas que quelqu’un a été acheté ou quelque chose du genre. C’était un match difficile.

Christie : Shaq a été très bon. Nous étions sans arrêt sur lui. Bien sûr, il a eu des coups de sifflet en sa faveur, mais ça n’enlève rien à sa valeur. Quand on joue contre un type avec des statistiques aussi monstrueuses – 40 points et 20 rebonds tous les soirs – il y a quand même de quoi être époustouflé. On a fait tout ce qu’on pouvait contre lui et on n’a pas réussi à l’arrêter.

Heisler : Il n’y a pas eu un seul coup de sifflet scandaleux. Les Lakers l’ont servi sous le panier et il a attaqué le panier sans arrêt. Shaq marquait généralement des dizaines de lancers francs par match.

Bobby Jackson : C’était ridicule. 27 lancers francs en un quart-temps ? Ça n’avait jamais eu lieu dans toute l’histoire de la NBA. À la fin de la journée, nous avions un peu l’impression de nous être fait avoir.

Wallace : Nous étions à un arbitre d’aller en finale.

Pollard : On était complètement découragés. On s’était battus, on était revenus après une grosse désillusion et ce tir au Match 4 avant la mi-temps, et nous avions toujours l’impression d’avoir gagné ce match. En gros, nous avons gagné ce match et nous avons manqué de temps.

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VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)

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