Most Valuable Player (4/4) : Catégorie 3 : les injustices totales

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

Les nombres cités après le nom d’un joueur dans cet article représentent le nombre de votes obtenus pour la première, seconde, troisième, et éventuellement quatrième et cinquième place. Dans le cas de Magic Johnson, par exemple, les nombres 27-38-15-7-4 signifient qu’il avait été voté 27 fois premier, 38 fois deuxième, 15 fois troisième, 7 fois quatrième et 4 fois cinquième.

Source des photos : http://www.nba.com

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Il y a huit injustices en tout. Nous les classerons en commençant par la moins scandaleuse.

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8. Kobe Bryant (2008)

Il a râlé pour être échangé et a critiqué ses coéquipiers avant le début de la saison. Il a joué les premières semaines en mode croisière avant de se « réconcilier » avec ses coéquipiers, puis s’est engagé complètement avec l’arrivée de Gasol. À partir de là, tout le monde a passé les deux mois suivants à parler de l’année de Kobe, qu’il avait finalement « compris », qu’il n’avait jamais joué un basket aussi complet, qu’il était devenu un leader sur et en dehors du terrain, et qu’il allait jusqu’à dîner avec ses équipiers et prendre son chèque en personne.

Ce conte de fées révisionniste a pris de l’ampleur après les trois premiers tours de play-offs avant de tomber en flammes lors de la finale, quand Kobe n’a pas fait un seul excellent match et a complètement raté le Match 6 décisif (perdu avec un surprenant manque de combativité). Les Lakers ont volé en éclats dès que les choses ont commencé à se corser, prouvant que cette histoire de « Kobe est un leader » était de la foutaise totale.

Le trophée aurait dû revenir à Chris Paul. Aucune équipe et aucune ville n’avait un joueur plus important. Sinon, ç’aurait dû être Garnett, sauveur du basket à Boston, qui a appris à tout le monde à défendre, a porté son équipe avec une intensité folle pendant 82 matchs, et a même convaincu James Posey, Eddie House et PJ Brown de réduire leur salaire pour jouer avec lui. Mais tout le monde s’est laissé entraîner par le ramdam autour de Kobe. Passons là-dessus.

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7. Steve Nash (2005)

Un choix déroutant et de plus en plus déconcertant à mesure que le temps passe. Quand les règles ont été changées pour limiter l’usage des mains en défense, inaugurant le retour d’un basketball palpitant, Nash s’est imposé comme le leader du formidable jeu offensif de Phoenix. Tout le monde était captivé en voyant que quelqu’un avait revitalisé la position de meneur en lui redonnant un aspect à la Cousy ; à un moment donné, les choses ont exagéré et les journalistes ont commencé à citer Nash comme candidat pour le MVP, ce qui semblait une idée saugrenue, car cela aurait été la première fois : (a) qu’un joueur qui s’appuyait sur ses coéquipiers allait remporter le prix ; (b) qu’un joueur incapable de porter une franchise allait remporter le prix ; et (c), qu’un joueur qui ne savait pas défendre allait remporter le prix. Trois énormes révolutions.

Ceux qui ont rejoint le comité de soutien à Nash pour le MVP l’ont-ils fait pour des raisons raciales ? D’une certaine manière, oui. À la base, voter pour Nash, c’était amusant. C’était un Canadien aux cheveux longs bourré d’énergie qui faisait des gestes longtemps oubliés (comme le running hook, sa marque de fabrique), savait comment gérer les contre-attaques, rendait ses coéquipiers meilleurs et se comportait toujours avec classe. Son style (unique et passionnant) et sa couleur de peau (blanc dans une ligue à prédominance noire) le faisait ressortir plus que quiconque en match. Au-delà de ça, il a été la nouvelle grande mode de la ligue, et les journaux et radios ont commencé à s’interroger : « Steve Nash est sympa à voir jouer, pourquoi ne serait-il pas élu MVP (1) ? »

À partir de là, ça a fait boule de neige. Lorsque Shaquille O’Neal a eu de petites blessures et que Dwyane Wade a intensifié son jeu à la hauteur d’un Jordan du pauvre, il y avait juste assez de défauts dans la campagne MVP de Shaq pour que la porte s’ouvre pour Nash, soutenu par une flopée de commentaires médiatiques (dans les journaux ou à la radio) du genre : « Ça fait vraiment plaisir de voir un joueur si altruiste et avec autant de classe », une jolie façon de dire : « Je suis content que ce ne soit pas un de ces Noirs égoïstes pleins de tatouages, qui martèlent leur poitrine après chaque belle action. » Le soutien à Nash est alors devenu frénétique. Ajoutez l’intérêt qu’avait la NBA à ce que Nash soit élu (rappelez-vous, le joueur considéré comme la tête d’affiche de la ligue avait été aux prises avec un procès pour viol à peine douze mois plus tôt) et au moment des récompenses, il y avait juste assez de personnes atteints par la logique du « vote par défaut » pour que le pauvre Shaq se fasse voler.

Les résultats du vote en 2005 : Nash : 1 066 (65-54-7-1-0) ; Shaq : 1 032 (58-61-3-3-1) ; Nowitzki : 349 (0-4-43-30-16) ; Duncan: 328 (1-0-40-13-19) ; Iverson : 240 (2-4-20-20-55). (Au passage, un idiot a donné un vote de première place à Amar’e Stoudemire, dont la carrière avait été relancée et réinventée par Nash. C’est comme donner un vote pour le Prix Nobel de Médecine au monstre de Frankenstein à la place du Dr Frankenstein.)

Le vote aurait dû être remporté par Shaq, en raison d’un simple exercice mathématique s’articulant autour de deux faits indiscutables :

  1. Les Lakers ont remporté 57 matchs en 2004 et 34 matchs en 2005.
  2. Miami a remporté 42 matchs en 2004 et 59 matchs en 2005.

Pas besoin d’être une bête en stats pour comprendre ces chiffres. Shaq a fait pencher la balance sur 40 matchs, a redonné sa supériorité à la Conférence Est, et aurait remporté le titre si Wade ne s’était pas blessé alors que Miami menait 3-2 en finale de la Conférence Est. Cette année a été particulière pour lui car les gens avaient fini par le comprendre. Sa saison a été exceptionnelle, mais moins au niveau de son jeu que de sa personnalité. Il n’y avait aucun athlète plus apprécié, plus charismatique et plus amusant. Quand on pense à la saison 2004-2005, on pense d’abord à Shaq, et c’est la définition même d’un MVP. En tout cas, c’est la mienne.

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6. Magic Johnson (1990)

Cette année-là, les trois postulants au titre étaient :

Magic (22 points, 12 rebonds, 7 passes décisives de moyenne en 79 matchs et 2 937 minutes jouées pour 63 victoires) : à cette époque, le pire défenseur du monde. On lui a attribué le mérite d’avoir gardé les Lakers sur de bons rails en l’absence d’Abdul-Jabbar, même s’ils étaient meilleurs avec le duo Vlade Divac / Mychal Thompson. Ses quatre meilleurs équipiers : James Worthy, Byron Scott, AC Green et Divac. Moyenne en play-offs (9 matchs, défaite au second tour) : 25 points, 6 rebonds, et 13 passes décisives, 49 % de réussite au tir. La plus faible des trois années où il a été élu MVP.

Barkley (25 points, 12 rebonds, 4 passes décisives et 1,9 interceptions de moyenne, plus 60 % de réussite au tir en 79 matchs et 3 085 minutes jouées pour 53 victoires) : une défense en-dessous de la moyenne. Ses quatre meilleurs coéquipiers : Johnny Dawkins, Rick Mahorn, Hersey Hawkins et Mike Gminski. Moyenne en play-offs (10 matchs, défaite au second tour) : 25 points, 11 rebonds et 6 passes décisives, 54 % de réussite au tir. A été le joueur le plus complet cette année-là et a obtenu le plus de votes de première place au scrutin du MVP.

Jordan (34 points, 7 rebonds, 6 passes décisives et 2,8 interceptions de moyenne, plus 53 % de réussite au tir en 82 matchs et 3 197 minutes pour 55 victoires) : meilleur marqueur et meilleur intercepteur du championnat. Dans le cinq défensif majeur de la NBA. Ses quatre meilleurs coéquipiers : Scottie Pippen, Horace Grant, Bill Cartwright et John Paxson. Moyenne en play-offs (18 matchs, défaite en finale de la Conférence Est) : 37 points, 7 rebonds et 7 passes décisives, 51 % de réussite au tir.

Le résultat du vote ? Magic : 636 (27-38-15-7-4) ; Barkley : 614 (38-15-16-14-7) ; Jordan : 571 (21-25-30-8-5).

Tout le monde se souvient de la raclée qu’un Jordan ravagé par la grippe a mise à Barkley. Regardez ses statistiques offensives supérieures et rappelez-vous d’une part qu’il était le meilleur arrière défenseur de la ligue, et d’autre part que Barkley et Magic ne pouvaient pas défendre sur qui que ce soit. (Si les Lakers ont été surpris par Phoenix au cours des play-offs de 1990, c’est principalement parce que Kevin Johnson les a déchirés en lambeaux. Si vous étiez un meneur rapide entre 1987 et 1991, et que vous n’arriviez pas à vous promener contre les Lakers, vous aviez vraiment besoin de réévaluer les choses.)

Pourquoi Jordan n’a-t-il pas remporté le prix ? Tout d’abord, les médias continuaient à répéter les mêmes bêtises selon lesquelles Bird et Magic « savaient comment gagner » et que Jordan « ne savait pas encore gagner ». (Quelle farce.) Deuxièmement, Barkley était un peu devenu le choix à la mode, l’homme fort d’une équipe des Sixers agitée qui a pris part à une mémorable bagarre avec Detroit le dernier jour de la saison. Et troisièmement, Jordan était toujours vu comme un joueur « égoïste », même s’il mettait 53 % de ses tirs. Pourquoi ne pas le laisser tirer autant que possible ?

Quand tout le monde le traitait de croqueur de ballon en 1989 et 1990, Jordan avait une moyenne de 7,2 passes décisives, 23,2 points et 8,5 lancers-francs par match. En 1993, quand tout le monde affirmait qu’il s’était parfaitement intégré dans le triangle, avait la confiance de ses coéquipiers, etc., etc., il affichait en moyenne 5,5 passes décisives, 25,7 points et 7,3 lancers-francs par match. Jordan a commencé à atteindre des sommets vers 1988, et il a fallu à ses coéquipiers médiocres trois années complètes pour arrêter de gâcher son travail une fois l’été venu. C’est le MVP 1990.

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Dave Cowens

5. Dave Cowens (1973)

Une combinaison de quatre facteurs a joué cette saison : Boston a presque battu le record de victoires en saison régulière en alignant 68 victoires pour 14 défaites (de sorte que tout le monde s’est senti obligé de voter pour un Celtic) ; Kareem avait remporté le trophée en 1971 et 1972 (de sorte que tout le monde s’est senti obligé de voter pour quelqu’un d’autre) ; la ligue entrait doucement dans l’ère « les joueurs sont trop payés et s’en foutent » (de sorte qu’un joueur aussi passionné que Cowens se détachait) ; et les joueurs (qui votaient encore) ne se sont pas aperçus que Boston partageait sa division avec Buffalo (21 victoires, 61 défaites) et Philadelphie (9 victoires, 73 défaites, confortant leur record du pire début de saison avec 14 défaites et aucune victoire), tandis que Milwaukee terminait à 60 victoires pour 22 défaites dans une division plus difficile et avait le même différentiel de points que Boston.

En outre, on ne pouvait pas vraiment dire qui était le meilleur joueur des Celtics : Cowens (21 points, 16 rebonds, 4 passes décisives de moyenne, gros travail sous le panier), John Havlicek (24 points, 7 rebonds, 7 passes décisives, régulateur de jeu), et Jo Jo White (19 points, 6 rebonds, 6 passes décisives, maîtrise du ballon) étaient tout aussi indispensables. Difficile de dire si Cowens était plus précieux que Havlicek. Même les résultats le reflètent : Cowens : 444 (67-31-16) ; Kareem : 339 (44-24-27) ; Nate Archibald : 319 (44-24-27) ; Wilt : 123 (16-12-15) ; Havlicek : 88 (16-12-15). Visiblement, le bulletin de vote 1973 avait besoin d’un choix de co-MVP.

Pendant ce temps, le meilleur joueur de la ligue (Abdul-Jabbar) avait une moyenne de 30 points, 16 rebonds et 5 passes décisives, et défendait excellemment bien pour des Bucks aux prises avec une cascade de blessures, la curieuse affaire Wali Jones que son club a fini par libérer (2), et les problèmes de poids de Robertson. En plus de cela, il fut frappé par une tragédie lorsque sept coreligionnaires vivant dans sa maison de Washington furent assassinés par une faction musulmane rivale. (Un article de Sports Illustrated sur Kareem daté du 19 février a même titré « Un pivot dans la tempête ».) Et vous savez quoi ? Les Bucks ont quand même gagné 60 matchs.

En fait, ce qui s’est passé est simple : la candidature de Kareem a été plombée par un soutien douteux apporté à Archibald, premier joueur à être en tête de la ligue au nombre de points marqués et de passes décisives, avec, en plus de cela, le plus grand nombre de minutes jouées (3 681 !), de paniers marqués, de lancers-francs marqués, de tentatives de tir et de tentatives de lancers-francs pour une équipe à 36 victoires qui a raté les play-offs. Peut-on vraiment être le joueur ayant « le plus de valeur » au sein d’une équipe ayant perdu 46 matchs ? Ne parlons même pas du jeu insensé d’un meneur affichant en moyenne près de 27 tirs et 10 tentatives de lancers francs par match. Isiah Thomas aurait pu accaparer la balle de cette manière tout comme Chris Paul, Kevin Johnson ou Tim Hardaway avant sa blessure au genou. Aucun ne l’a fait. Pourquoi ? Parce qu’ils auraient plombé leurs équipes ! C’étaient des meneurs ! L’année 1973 de Tiny est unique dans l’histoire, et c’est sans doute bien mieux comme ça. Bref, tout ça pour dire que Kareem a été volé.

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4. Charles Barkley (1993)

La course au MVP 1987 est sans doute la meilleure de l’ère moderne. Magic a terminé premier avec une remarquable moyenne de 24 points, 12 rebonds et 6 passes décisives, et a enfin supplanté Kareem à la tête des Lakers. Jordan a marqué 37 points par match, est devenu officiellement le grand joueur du futur et a terminé deuxième. Et c’était la meilleure saison de Bird : 28 points, 9 rebonds, 8 passes décisives de moyenne, 53 % de réussite au tir, 40 % de réussite à 3 points, 90 % de réussite au lancer-franc et une superbe permanente blonde. Il a terminé troisième et loin derrière seulement parce que tout le monde en avait assez de voter pour lui. Quand le meilleur ailier et le meilleur meneur de jeu de l’histoire sont à leur sommet et que le plus grand joueur de l’Histoire vient s’intercaler là-dedans, c’est une sacrée course au MVP.

En 1993, la qualité des trois premiers était équivalente à celle des années 1962, 1963 et 1964, ainsi que les rivalités consécutives Bird-Magic-Jordan en 1987 et 1988. Voici les résultats :

Barkley : 835 votes (59-27-10-2-0) : 26 points, 12 rebonds, 5 passes décisives de moyenne, 52 % de réussite au tir, 62 victoires. La saison où il a été le plus complet.

Olajuwon : 647 (22-42-19-12-2) : 26 points, 13 rebonds, 4 passes décisives de moyenne, 53 % de réussite au tir, 150 interceptions, 342 contres (en tête de la ligue), dans le cinq défensif majeur de la NBA, 55 victoires. À l’époque, sa saison la plus complète.

Jordan : 565 (13-21-50-12-2) : 33 points, 7 rebonds, 6 passes décisives de moyenne, 50 % de réussite au tir, 221 interceptions (en tête de la ligue) dans le cinq défensif majeur de la NBA (3), 57 victoires. A conservé son statut de joueur dominant cette saison.

Pensez un peu : vous avez là les meilleures saisons de trois des vingt meilleurs joueurs de tous les temps ! Malheureusement, quatre-vingt-six électeurs ont négligé le fait que Jordan et Olajuwon étaient deux des meilleurs défenseurs de l’histoire et que Barkley n’arrivait pas à stopper Ron Kovic. Normalement, une équipe de basket-ball a deux tâches : marquer et empêcher l’autre équipe de marquer ! Jordan aurait dû terminer premier, Hakeem deuxième et Barkley troisième. Et la finale de 1993, dans laquelle Jordan a carbonisé les Suns, aurait confirmé le bien-fondé de cette décision. Voilà.

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3. Steve Nash (2006)

En 2005, le choix de Nash était sympathique, principalement parce qu’aucun candidat ne se détachait et qu’il y avait nettement de quoi être influencé. C’était comme se dire : « Tiens, j’en ai marre de boire toujours la même bière, je vais en essayer une autre. » Mais en 2006 ? Nash était dans le top 5 des meilleurs joueurs de la ligue, mais pour le choisir comme MVP, il n’y avait que deux possibilités : soit vous ne regardiez pas assez de basket, soit vous vouliez voir un Blanc gagner deux titres de MVP consécutifs.

Le MVP de la saison 2006 était Kobe Bryant. C’était la réponse aux trois questions concernant le MVP. (Et aussi la réponse à la question 4 : aucun fan d’une équipe adverse n’aurait été outré par le choix de Kobe.)

Réponse à la Question N°1 : Kobe a marqué 62 points dans les trois premiers quarts-temps contre Dallas, puis 81 contre Toronto quelques semaines plus tard. Il était sur le point de devenir le cinquième joueur de l’histoire de la NBA avec une moyenne de 35 points par match (avec Wilt Chamberlain, Jordan, Baylor et Rick Barry). Il s’est entendu avec Shaq, avec Phil Jackson et avec Nike. Aucun autre joueur n’a été autant critiqué par les journalistes, les télévisions et les animateurs radio au cours de cette saison, mais Kobe a paru se nourrir de cette énergie négative. Et juste au moment où il semblait que la fatigue allait le rattraper, il marquait 50 points en un match juste pour ne pas être oublié. Kobe a été impitoyable. C’est la meilleure façon de décrire sa saison. Ses stats ? 35,4 points, 5,3 rebonds et 4,5 passes décisives de moyenne, 45 % de réussite au tir à 27,2 tentatives par match et un gros temps de jeu. Et il a remporté 45 victoires avec Smush Parker, Kwame Brown, Brian Cook et Chris Mihm, un quatuor surnommé par les fans des Lakers de l’époque « le Sandwich à Merde ».

Réponse à la Question N°2 : Kobe était le joueur le plus complet de la ligue, le meilleur marqueur, le meilleur compétiteur, et il terrifiait tout le monde. Et si vous ne le choisissez pas, il va personnellement veiller à ce que vous ne voyiez que lui dans l’équipe adverse.

Réponse à la Question N°3 : si vous remplacez Kobe par un bon arrière (par exemple Jamal Crawford), les Lakers auraient gagné en 2006 entre 15 et 20 matchs. C’est absolument certain. Leur équipe était horrible. Lorsque Smush Parker et Kwame Brown sont vos troisième et quatrième meilleurs joueurs, vous ne devriez même pas être autorisé à regarder les play-offs à la télévision. Avec Kobe, les Lakers ont réussi à gagner 45 matchs. Il a donc été responsable de 25 de leurs victoires. Minimum.

Les résultats du vote en 2006 ? Nash : 924 (57-32-20-8-6) ; LeBron James : 688 (16-41-33-23-7) ; Nowitzki : 544 (14-22-25-36-17) ; Kobe : 483 (22-11-18-22-30) ; Chauncey Billups : 430 (15-13-22-18-25).

(J’abandonne.)

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2. Willis Reed (1970)

Après la retraite de Russell, les Celtics se sont trouvés en difficulté et les Knicks ont pris le commandement à l’Est. En 1970, ils ont remporté 60 matchs (record de la ligue), enflammé Manhattan et sont devenus les chouchous des médias. Leurs deux meilleurs joueurs étaient Reed et Frazier : Reed avait une moyenne de 22 points et 14 rebonds par match, tirait à 50 % de réussite et protégeait ses coéquipiers ; Frazier avait une moyenne de 21 points, 6 rebonds et 8 passes décisives, défendait sur le meilleur marqueur adverse et aurait été le meilleur intercepteur de la ligue si la statistique avait été prise en compte à l’époque. Si une saison nécessitait deux MVP, c’était bien celle-là.

Comme tout le monde pensait que les pivots avaient plus de valeur que les autres joueurs, Reed (498 votes, 61-55-28) devança de peu Jerry West (457 votes, 51-59-25). Et plus personne n’en a reparlé.

Eh bien, regardez à nouveau la saison de West. Il avait une moyenne de 31 points, 5 rebonds et 8 passes décisives pour une équipe des Lakers à 46 victoires qui avait perdu Wilt après 12 matchs suite à une déchirure au genou (il n’a plus joué en saison régulière) et dont les deux autres meilleurs joueurs (Baylor et Bonne Hairston) ont raté 55 matchs à eux deux. Les quatre meilleurs joueurs sur la liste après eux ? Mel Counts, Dick Garrett, Keith Erickson et Rick Roberson. Les Lakers ont terminé tant bien que mal deuxièmes à l’Ouest, puis Wilt est revenu pour les play-offs et ils se sont frayés un chemin jusqu’en finale.

Statistiquement, c’était la plus belle année de West : il était meilleur marqueur de la ligue, quatrième meilleur passeur, avait 50 % de réussite au tir et 83 % de réussite au lancers-francs. D’un point de vue plus général, West a porté les Lakers toute la saison et les a faits passer à une victoire du titre. D’un point de vue du joueur dominant, si vous aviez à choisir quelqu’un pour combler l’écart entre la retraite de Russell et l’ascension d’Abdul-Jabbar, vous choisiriez West. Il est l’un des dix meilleurs joueurs de tous les temps et on l’a choisi pour représenter le logo de la NBA, mais il n’a jamais remporté de MVP. Pourquoi ne l’a-t-il pas eu en 1970 ? Parce que les médias de New York étaient trop occupés à faire les louanges des Knicks (qui, admettons-le, était belle à voir). C’était un cercle vicieux débile qui a duré huit mois. Un Knick devait obtenir le MVP, point barre. Le Logo n’avait aucune chance. Et on lui a volé le trophée.

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1. Karl Malone (1997)

Ce n’était pas une course au MVP, mais un vol pur et simple. En 1996, Jordan avait une moyenne de 30 points, 7 rebonds et 4 passes décisives pour une équipe à 72 victoires, a terminé avec 109 votes de première place et aurait été élu MVP à l’unanimité s’il n’y avait pas eu quatre abrutis pour voter Penny Hardaway, Hakeem Olajuwon et Malone (4). En 1997, les références de Jordan ont « chuté » à 69 victoires et une moyenne de 30 points, 6 rebonds et 4 passes décisives. En d’autres termes, il avait fait 98 % aussi bien que la saison précédente. Sauf que Malone a volé le trophée avec une moyenne de 27 points, 10 rebonds et 5 passes décisives pour une équipe du Jazz à 64 victoires. Voici les résultats du vote cette année-là :

Malone : 986 (63–48–4–0–0)
Jordan : 957 (52–61–2–0–0)

Ce qui s’est passé est difficilement explicable, mais voici un début de piste : Malone a tourné autour des électeurs du MVP pendant dix bonnes années et n’a jamais fait mieux que troisième. Pendant ce temps, la NBA était de plus en plus diluée : la ligue était aux prises aux problèmes d’expansion, quelques stars plus jeunes (Shawn Kemp, Penny Hardaway, Larry Johnson, Chris Webber, Kenny Anderson, Derrick Coleman) ne réussissaient pas aussi bien que prévu, et Barkley, Olajuwon, Robinson, Drexler et Ewing étaient sur la pente descendante, ce qui signifiait que Utah, une équipe qui était pire en 1997 qu’ils ne l’étaient en 1988 ou même 1992, est soudain devenu une grande force à l’Ouest.

Il n’y avait pas non plus de bonne histoire en 1997. Tout était phagocyté par Jordan. Les aventures de Shaq à Hollywood et de l’arrivée d’Iverson avaient été rabâchées jusqu’à épuisement. Tout comme celle des trois futurs Hall of Famers dans la même équipe (Olajuwon, Drexler et Barkley). Latrell Sprewell n’avait pas encore étranglé PJ Carlesimo (même s’il y a à coup sûr pensé). Les Grizzlies, les Spurs, les Celtics et les Nuggets ont passé les deux derniers mois à essayer désespérément de gagner la course à la dernière place pour obtenir Tim Duncan. À la mi-mars, dès que tout le monde a compris que les Bulls ne pourraient pas gagner 73 matchs, tout le monde s’est mis à bâiller en attendant les play-offs. Puis Jackie MacMullan, une journaliste de Sports Illustrated, a écrit dans sa chronique du 19 mars un article qui commençait ainsi :

Le Roi du Jazz

Malone, le Roi du Jazz, a l’envergure d’un MVP (au cas où vous ne l’auriez pas remarqué).

L’ailier du Jazz, Karl Malone, sait que Michael Jordan va une nouvelle fois être élu MVP. […]

Vous voyez l’idée. L’article contenait à peu près 800 mots sur la façon dont les performances de Malone avaient été sous-estimées avec les années (ce qui était vrai, à un certain degré). Quelques semaines plus tard, c’est devenu la belle histoire du jour. Pourquoi le « Mailman » ne serait-il pas élu MVP ? Une question stupide, car la réponse était évidente : « Parce qu’il y a Michael Jordan ! C’est insuffisant, comme raison ? » C’était difficile à croire.

Les play-offs sont arrivés et cinquante-trois électeurs ont préféré Malone à Michael Jordan. Et c’est ainsi que Jordan s’est fait voler le MVP 1997. Heureusement pour nous, il a crié vengeance en finale contre (devinez qui ?) Karl Malone et les Utah Jazz ! Dans le Match 1, après que Malone a raté deux lancers-francs pour prendre la tête dans les 20 dernières secondes, Jordan a claqué le panier gagnant au buzzer, s’est retourné et a serré le poing. Et là, tous ceux qui avaient voté pour le « Mailman » ont dû se sentir vraiment, vraiment, vraiment stupides.

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Première partie ici.

Deuxième partie ici.

Troisième partie ici.


 

(1) Ici, la question raciale n’entre pas en compte. S’il avait ressemblé à Earl Boykins, il se serait passé exactement la même chose. Les gens ont toujours tendance à favoriser les outsiders, surtout s’ils ont une coupe de cheveux ridicule.

(2) Les Bucks soupçonnaient Jones de prendre de la drogue. Ils l’ont fait suivre par des détectives privés, l’ont placé sur la liste des joueurs blessés/hors de forme pour « perte de poids et d’endurance », puis l’ont finalement viré. Jones a clamé son innocence et poursuivi les Bucks pour obtenir le reste de son salaire. Il a obtenu son argent quand la défense de Milwaukee s’est basée sur l’argument : « Quand quelqu’un maigrit et agit de façon irrationnelle, c’est qu’il prend de la drogue ». Il a eu à peu près autant de poids juridique que l’argument : « C’est elle qui l’a cherché ».

(3) Probablement le meilleur premier cinq défensif de l’histoire : Pippen, Olajuwon, Rodman, Jordan et Dumars, tous à leur meilleur niveau. Un joli cinq de départ dans les années 90, si vous vouliez tout casser en défense.

(4) Une excellente raison pour laquelle les votes pour le MVP devraient être rendus publics. Ceux qui font des choix aussi imbéciles devraient être obligé de les défendre. Je suis contre l’incompétence anonyme dans toutes ses formes. Il s’est passé la même chose en 1993, lorsque quatre journalistes ont été assez aveugles pour mettre Patrick Ewing en première place. Totalement ridicule.

Most Valuable Player (3/4) : Catégorie 2 : les MVP douteux et finalement injustes

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

Les nombres cités après le nom d’un joueur dans cet article représentent le nombre de votes obtenus pour la première, seconde et troisième place. Dans le cas de Pettit, par exemple, les nombres 59-7-1 signifient qu’il avait été voté 59 fois premier, 7 fois second et 1 fois troisième.

Source des photos : http://www.nba.com

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Bob Pettit (1959)

Quand vous chargez des joueurs majoritairement blancs d’élire le MVP à une époque marquée par le racisme et le ressentiment envers les athlètes noirs, il y a forcément des trucs qui clochent. Dans les années 50, une règle tacite en vigueur dans la ligue limitait le nombre de joueurs noirs à seulement un ou deux par équipe ; même assez tard, en 1958, les Hawks n’avaient pas eu un seul joueur noir. Donc, le fait que Pettit (qui était blanc) ait remporté le MVP en 1959 de manière écrasante devant le MVP en titre et le plus important joueur de la ligue (Russell, un Noir) est assez suspect, surtout quand on sait que 90 % des votants étaient des Blancs.

Examinez les effectifs en 1958 et 1961 (quand Russell a gagné le trophée) et en 1959 (quand Pettit a gagné), prenez en compte leurs capacités défensives (Pettit était médiocre ; Russell était extraordinaire), et aidez-moi à comprendre de façon cohérente comment Pettit a presque obtenu le triple des voix de Russell au vote de 1959 sans mentionner une cagoule blanche. Voici les chiffres :

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Voici les résultats du vote de 1959 : Pettit : 317 (59-7-1) ; Russell : 144 (10-25-29) ; Elgin : 88 (2-20-18) ; Cousy : 71 (4-11-18) ; Paul Arizin : 39 (1-7-13) ; Dolph Schayes : 26 (1-6-3) ; Ken Sears : 12 (1-1-4) ; Cliff Hagan: 7 (1-4-0) ; Jack Twyman : 7 (0-1-4) ; Tom Gola : 3 (0-1-0) ; Dick McGuire : 3 (0-1-0) ; Gene Shue : 1 (0-0-1).

Voici ce qui est arrivé en play-offs : l’équipe des Lakers à 33 victoires de Baylor a surpris les Hawks de Pettit en finale de la Conférence Ouest, avant de se faire balayer par les Celtics en finale. Elgin a gagné le trophée de Rookie de l’Année et a terminé avec une moyenne de 25 points et 15 rebonds par match. Malgré cela, il a eu autant de premières places que le duo Sears-Schayes. Incroyable.

Le vote de cette année-là a certainement été le plus raciste de tous les temps. Il y a eu la victoire écrasante plus que bizarre de Pettit (qui a eu six fois plus de premières places que Russell !), une moitié de la ligue qui a ignoré Elgin, Cousy qui a devancé quatre fois Russell pour la première place et quatre autres joueurs blancs (Arizin, Schayes, Sears et Hagan) qui ont eu des premières places de façon inexplicable. On ne peut même pas jouer la carte du mérite pour Pettit parce qu’il avait déjà remporté le trophée en 1956. Et si vous croyez que la couleur de peau n’a rien à voir là-dedans, n’oubliez pas le contexte de l’époque (avant Martin Luther King, avant JFK, avant Malcolm X, avant les lois anti-ségrégation) et le climat (en base-ball, les Red Sox ont signé leur premier joueur noir en 1959 : l’immortel Pumpsie Green).

Alors, oui, les choses ont fini par changer ; certains de ces changements étaient déjà en vigueur en 1959. Mais Russell et Baylor poussaient le sport dans une meilleure direction et certains de leurs pairs n’étaient pas encore, comment dire… en phase avec ces nouveautés. C’est la seule explication de ce vote déséquilibré. On ne va pas crier au scandale, mais le vote de 1959 a été influencé par la bigoterie et il n’y a rien d’autre à ajouter. Cette saison-là, Russell était le MVP.

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Wes Unseld (1969)

Au cours de sa saison rookie avec les Bullets, Unseld s’est fait un nom en posant des écrans en béton armé et en faisant de magnifiques passes après rebond pour lancer les contre-attaques. Il avait une moyenne par match de 14 points et 18 rebonds, et un pourcentage de réussite au tir de 47 % pour une équipe à 57 victoires. Willis Reed a joué un rôle tout aussi important à New York, avec une moyenne de 22 points et 14 rebonds par match à 52 % de réussite au tir, pour une équipe des Knicks à 54 victoires. Pourtant, le total de voix obtenues par Unseld à l’élection du MVP a été de supérieur au double de celui de Willis (310-137), et Unseld a eu les honneurs du premier cinq majeur de la NBA. Au premier tour des play-offs, Reed et les Knicks ont collé un sweep à Baltimore, et tout le monde a eu l’air idiot (1).

Voici le problème : si vous donnez le titre de MVP au cinquième meilleur rebondeur de la ligue et qu’il ne vous rapporte que 20 points par match (dans le cas présent, 14 points et 3 passes décisives), mieux vaut pour lui qu’il soit en défense un mélange entre Russell et Dikembe Mutombo. Le pauvre Unseld ne mesurait que 2,01 m, ne défendait pas le cercle et n’avait rien d’extraordinaire au contre. Sa valeur ne reposait que sur des qualités subtiles, comme lancer des contre-attaques et poser des écrans. « Big Wes » était un merveilleux role player, le « petit plus » parfait pour un candidat au titre, quelqu’un qui rendait son équipe meilleure. Mais il n’a jamais été un joueur dominant.

Ça n’a pas eu l’air de déranger grand-monde. En fin de saison régulière, tout le monde avait décidé que le jeune Unseld avait quelque chose ; pour faire simple, il se démarquait plus que tous les autres. Ses passes de contre-attaque étaient jolies, ses écrans amusants et ses statistiques au rebond suffisamment bonnes pour qu’il fasse un MVP crédible sans être jeté hors de la salle sous les rires et les huées. Ce qui ne signifie pas qu’il était meilleur candidat que Willis, Billy Cunningham (25 points et 13 rebonds de moyenne pour une sympathique équipe des Sixers qui avait réussi sa saison au-delà de tout espoir), ou même un bouffeur de stats comme Wilt (21 points, 21 rebonds, des contres à la pelle et 59 % de réussite au tir). Comme pour Steve Nash en 2005 et 2006, nous avons eu droit à un vote par défaut : « Personne d’autre n’a l’air de sortir du lot, j’aime beaucoup le jeu de ce gars-là… Pourquoi pas ! »

En votant pour Wes, on avait l’impression de se sentir bien, de connaître son basket-ball et d’apprécier les subtilités du sport. L’année suivante, Unseld a réussi une meilleure saison (16 points et 17 rebonds de moyenne à 52 % de réussite au tir) pour une équipe des Bullets toujours aussi bonne, sauf qu’il ne faisait plus partie de l’équipe All-Star et qu’il n’était dans aucun des deux cinq majeurs de la NBA. En fait, il n’a plus jamais fait partie du premier ou du deuxième cinq majeur de la NBA et n’a joué que quatre autres All-Star Games. Vous savez ce que j’en dis ? J’en dis que les votants se sont rendu compte qu’ils s’étaient un peu emportés lors de l’élection du MVP 1969, un peu comme lorsqu’on envoie à une jeune fille une douzaine de roses après un premier rendez-vous.

Voici les résultats du vote : Unseld : 310 (53-14-8) ; Reed : 137 (18-11-14) ; Cunningham : 130 (15-16-8) ; Russell : 93 (11-8-22).

Je pense que Cunningham méritait le titre de MVP, et voici pourquoi : même après avoir refourgué Wilt à Los Angeles pour 45 % de ce qu’il leur avait coûté, Philadelphie a grappillé 55 victoires et la deuxième place dans une Conférence extrêmement dense. La clé ? Cunningham. Après la blessure au genou du solide rebondeur Luke Jackson au vingt-cinquième match, les Sixers de Jack Ramsey se sont mis à jouer small ball, faisant passer Cunningham en ailier fort avec les arrières Archie Clark, Hal Greer et le swingman Chet Walker. Ils faisaient pression tout-terrain, couraient autant qu’ils le pouvaient et se reposaient entièrement sur Cunningham, qui devait surmonter son déficit de taille (2,01 m), avaler un temps de jeu gargantuesque (il a disputé 82 matchs et joué 3 345 minutes en tout) et lutter tous les soirs contre des joueurs comme Elvin Hayes, Jerry Lucas, Gus Johnson et Dave DeBusschere.

Eh bien, non seulement Cunningham a réussi à s’en sortir, mais il a terminé troisième meilleur marqueur de la ligue et dixième aux rebonds. Dans une saison de transition sans un joueur dominant, cela reste l’exploit individuel le plus impressionnant de l’histoire de la NBA. Pour une raison quelconque, tout le monde était plus intéressé par les écrans et les passes de Wes Unseld. Mon vote va à Cunningham. (Même si le véritable scandale de cette saison est que Russell n’ait pas gagné le trophée d’entraîneur de l’année. Citez-moi un autre entraîneur qui jouait 45 minutes par match.)

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Bob McAdoo (1975)

L’un des vingt-cinq meilleurs joueurs de l’histoire (Rick Barry) a atteint son pinacle durant la saison régulière (31 points, 6 rebonds et 6 passes décisives de moyenne, meilleur intercepteur et meilleur tireur de lancer-francs de la ligue) pour une équipe qui a terminé première à l’Ouest. Il a ensuite porté les Warriors (qui n’étaient pas favoris) jusqu’en finale (où ils ont balayé Washington) en faisant des play-offs monstrueux (28 points, 6 rebonds, 6 passes décisives de moyenne et 50 interceptions en 17 matchs).

L’un des soixante-cinq meilleurs joueurs de l’histoire (McAdoo) a atteint son pinacle au cours de la même saison (35 points et 14 rebonds de moyenne, plus 52 % de réussite au tir en 3 539 minutes) pour une équipe qui a terminé troisième à l’Est, puis a perdu au premier tour en sept matchs à Washington, même s’il faut reconnaître que « Mac » a été monstrueux au cours de cette série, avec 37 points et 13 rebonds de moyenne pour 327 (!) minutes de jeu.

McAdoo a sans doute été un joueur offensif en avance sur son temps et il a fait une excellente année, mais les passes, l’altruisme et l’allure globale de Barry le séparaient de tout le monde. Malheureusement, nous étions encore coincés dans l’ère selon laquelle les big guys avaient plus de valeur que tous les autres, un état d’esprit qui n’a pas été aidé par le manque de titres obtenus par Oscar et West dans les années 60, et qui n’a pas changé jusqu’à l’arrivée de Bird et Magic.

Mais ce n’est pas le plus énervant dans cette course au MVP. Cette fois-là, nous pouvons dire avec certitude que les joueurs ont voté pour leur favori. Regardez le top cinq : McAdoo : 547 (81-38-28) ; Cowens : 310 (32-42-24) ; Hayes : 289 (37-26-25) ; Barry : 254 (16-46-36) ; Kareem : 161 (13-21-33).

Barry était le meilleur joueur de la ligue ; il l’a prouvé en play-offs… et il a terminé quatrième. Pourquoi ? C’est très simple : Barry était le joueur le plus détesté par ses pairs. Il se plaignait à chaque coup de sifflet, adressait constamment à ses équipiers des regards sévères et des haussements d’épaules lorsqu’ils perdaient une balle, et faisait sans vergogne sa propre promotion pour faire avancer sa carrière à la télévision (il a même travaillé au noir pour CBS). Sans oublier les circonstances de son départ pour l’ABA, ainsi que sa réputation de tirer chaque fois qu’il en avait l’occasion et ne pas s’entendre en dehors du terrain avec les joueurs noirs.

Donc, que Barry avait complètement relancé sa carrière, était devenu le capitaine de l’équipe, était le meilleur intercepteur et le meilleur tireur de lancer-francs de la ligue, le deuxième meilleur marqueur, qu’il avait donné plus de passes décisives (492) que tout autre ailier dans l’histoire de la NBA et qu’il était premier au sein de son équipe pour chaque critère statistique pertinent à l’exception des rebonds n’avait pas d’importance. Rick Barry avait autant de chances d’obtenir le trophée qu’une boule de neige de rester solide en enfer. Tous les électeurs le méprisaient. À juste titre, peut-être, mais aucun autre joueur ne méritait plus le trophée en 1975.

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Julius Erving (1981)

La course au MVP cette saison-là n’en fut pas vraiment une, car aucune des deux stars de la ligue (les rivaux de division Erving et Bird) n’était au sommet de son art. Les statistiques d’Erving : 25 points, 8 rebonds et 4 passes décisives de moyenne pour une équipe des Sixers à 62 victoires. Celles de Bird : 21 points, 11 rebonds et 6 passes décisives de moyenne pour une équipe des Celtics à 62 victoires qui a décroché l’avantage du terrain en battant Philadelphie dans le tout dernier match. Erving est devenu la belle histoire des médias cette saison, car Philadelphie était devenue une équipe altruiste. Aussi, tout le monde décida de concert au milieu de la saison que c’était l’année de « Doc ».

Pendant ce temps, Bird montait tranquillement en puissance, avec une série de matchs à plus de 20 unités dans deux catégories statistiques (36 points et 21 rebonds à Philadelphie, 35 points et 20 rebonds à Chicago, 21 points et 20 rebonds à Cleveland, 28 points et 20 rebonds à New York) au cours d’une série de matchs avec un total incroyable de 25 victoires pour une défaite. Après quoi il subit une ecchymose douloureuse à la cuisse, joua malgré la douleur pendant un mois, puis se rétablit à temps pour un voyage en février sur la côte Ouest, où il totalisa 23 points, 17 rebonds, 8 passes décisives et 4 interceptions contre Seattle, puis 36 points, 21 rebonds, 5 passes décisives, 5 interceptions et 3 contres face à Los Angeles moins de vingt-quatre heures plus tard (avec un Magic blessé qui regardait le match sur la ligne de touche).

Lorsque le dernier mois de saison régulière est arrivé, tout le monde aurait dû convenir que : (a) Bird et Erving étaient à égalité parfaite, et (b) : celui dont l’équipe décrochait l’avantage du terrain devrait obtenir le MVP. Ce n’est pas arrivé. Au cours du 82ème match, Bird a contribué à la victoire de son équipe en marquant 24 points et en étant partout sur le terrain (cinq interceptions rien qu’au premier quart-temps) pendant que Erving souffrait pour tenir la comparaison avec seulement 19 points.

Lorsque les Sixers et les Celtics se sont retrouvés en finale de Conférence Est, Philadelphie a gâché un avantage de 3-1 et Bird a enquillé le panier gagnant au septième match. Les statistiques de Bird au cours de cette série : 27 points, 13 rebonds et 5 passes décisives de moyenne. Celles d’Erving : 20 points, 6 rebonds et 4 passes décisives de moyenne. Deux semaines plus tard, les Celtics ont remporté le titre à Houston. Voilà pour « l’année de Doc ».

Cela signifie-t-il que Bird était le meilleur joueur de la ligue ? Pas nécessairement. Il y avait des arguments solides en faveur de Moses Malone, meilleur pivot de la ligue de 1979 à 1983. Sauf que Malone se débattait au milieu d’une médiocre équipe des Rockets qui a terminé à 41 victoires et autant de défaites en 1980, et 40 victoires pour 42 défaites en 1981. Et il est difficile de défendre la valeur d’un joueur quand il n’arrive pas à donner à son équipe un taux de victoires de 50 %, même s’il est coincé dans une équipe qui défendait mal avec des coéquipiers trop jeunes, trop vieux ou simplement trop médiocres : Barry (qui a pris sa retraite après la saison 1980), Calvin Murphy, Rudy Tomjanovich, Allen Leavell, Billy Paultz, Mike Dunleavy, Tom Henderson, ou Bill Willoughby.

Donc, si le titre de MVP doit revenir à quelqu’un qui n’est pas le joueur dominant, il vaut mieux que ce soit un grand joueur avec une année extraordinaire (ce qui n’est pas arrivé en 1981), ce qui signifie, selon la théorie éprouvée par le temps, qu’il s’agit du « meilleur joueur de la meilleure équipe ». Et c’était Bird.

Bien sûr, on pourrait se dire : « On s’en fout. Personne n’était clairement favori pour le MVP cette année-là et tout le monde savait que Bird finirait par en avoir un, alors je suis content que Doc l’ait obtenu parce qu’il comptait beaucoup pour la ligue. » Si c’est ce que vous pensez, vous êtes un imbécile ; la ligue a montré sa reconnaissance à Doc six ans plus tard, quand il s’est fait couvrir de cadeaux lors de sa tournée de retraite. Ensuite, le trophée MVP n’est pas un signe d’affection ; c’est une récompense qui dit avec certitude que la majorité des électeurs pense qu’untel était le joueur le plus important cette saison-là. Et donc, tout le monde s’est planté.

La preuve ? Quatre mois après les play-offs de 1981, Bird a fait la couverture de Sports Illustrated pour un article intitulé : « Le joueur le plus complet de la NBA » (ils ne s’en étaient pas rendus compte lorsqu’il atteignait deux fois les 20 unités statistiques par match ?). Et si Bird était considéré comme le joueur le plus complet de la NBA au cours d’une année sans véritable MVP, que son équipe a remporté le titre, et que le trophée de MVP a été remis à quelqu’un d’autre, c’est qu’il s’agit d’une erreur. Point (2).

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Dirk Nowitzki (2007)

Si vous vous rappelez des quatre questions cruciales pour désigner le MVP, le candidat favori au titre est cité comme réponse à au moins deux des trois premières questions évoquées (et, idéalement, les trois). Les réponses pour la saison 2007 sont : Gilbert Arenas (question 1) ; Kobe Bryant (question 2) ; Nash, Tracy McGrady ou LeBron James (question 3). En se basant là-dessus (3), Nowitzki ne pouvait donc pas prétendre à devenir MVP. Mais il faisait l’unanimité. Et il a obtenu le trophée.

Statistiquement, Nowitzki avait été meilleur en 2005 et 2006. Ses stats de 2007 le classent derrière les neuf meilleures saisons de Larry Bird, les dix meilleures saisons de Charles Barkley et les onze meilleures saisons de Karl Malone. Ses pourcentages de réussite au tir étaient remarquables (50 % de réussite au tir, 90 % aux lancers francs, 42 % à trois points), mais les moyennes les plus importantes (24,6 points, 9 rebonds et 3,4 passes) équivalaient à celles d’un Tom Chambers. Seuls ses points lui permettaient de peser sur les matchs ; il ne rendait pas ses coéquipiers meilleurs et sa défense était au mieux passable. Si vous donnez le MVP à quelqu’un pour son jeu offensif, il vaut mieux que ce soit un joueur offensif de tout premier ordre. On ne peut pas dire ça du Nowitzki du 2007.

Le facteur qui a joué en faveur de l’Allemand est simple : aucun autre joueur de la ligue n’était plus fiable quand il fallait marquer en fin de possession, et il était le meilleur joueur d’une équipe à 66 victoires. Cela dit, quand les Bulls de 1997 ont remporté 69 matchs, on aurait pu décrire Jordan exactement de la même manière… Et il a terminé deuxième derrière Malone. Remarquez, il faudrait peut-être abandonner les comparaisons historiques après les deux trophées consécutifs de Steve Nash qui a fait devenir le prix ce qu’il est aujourd’hui : un concours de popularité. Les gens voulaient que Nowitzki remporte le trophée cette année-là. Et il l’a gagné.

Vous savez comment la débâcle s’est terminée. Golden State a créé l’un des plus grandes surprises de l’histoire de la NBA en battant Dallas au premier tour des play-offs, même si la chose avait cessé de paraître irréaliste quand les Warriors ont pulvérisé les Mavs au Match 3 devant une foule de supporters frénétiques. Malheureusement, le vote pour l’attribution du MVP arrivait juste après la saison régulière, de sorte que les électeurs ne pouvaient pas prendre en compte l’effondrement complet de Dirk contre Golden State. Non seulement il n’est pas parvenu à s’imposer comme un MVP doit le faire, mais il a pleuré et s’est plaint pendant toute la série, déshonorant ses coéquipiers et embarrassant ses fans.

Ironie du sort, Nash a joué sa meilleure saison à un moment où plus personne n’attendait qu’il élève son niveau de jeu, et n’accordait plus d’attention à Nowitzki… Si au lieu de Dirk, les Mavs avaient eu Duncan, Garnett, Bosh, Elton Brand ou n’importe quel autre ailier de très haut niveau, ils auraient quand même gagné entre 55 et 65 matchs. Mais les Suns de 2007 étaient construits comme une voiture de course italienne ultra-perfectionnée, avec des caractéristiques spécifiques adaptées à un certain type de pilote, et Nash s’est avéré être la seule personne de cette planète capable de conduire cette voiture sans s’écraser dans un mur. Le degré de difficulté était hors-catégorie. La saison de Nash prévaut donc sur celle de Nowitzki.

Donc, il faudrait donner à Nash le MVP 2007 parce qu’il n’aurait dû gagner ni en 2005, ni en 2006 (nous y reviendrons). D’accord, c’est un peu stupide de donner le MVP à un joueur qui ne le mérite pas (et qui est complètement passif en défense), mais après 82 matchs inintéressants au cours de l’une des pires saisons de l’histoire de la NBA, il n’y a pas d’autre option. Après tout, Nash et les Suns ont presque fait chuter San Antonio en play-offs, tout en étant pénalisés par des décisions arbitrales douteuses. Par ailleurs, le débat concernant le MVP sur les mérites comparés de Nash et Nowitzki aurait dû être réglé après un match à la mi-mars entre Dallas et Phoenix, quand Nash a émergé en tant que meilleur joueur (32 points, 8 rebonds, 16 passes décisives) et a réussi presque toutes les actions cruciales pour une victoire en double prolongation. Comment Dirk a-t-il réussi pu devenir MVP après ça ? Je n’en ai aucune idée.

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Première partie ici.

Deuxième partie ici.

Quatrième partie ici.


 

(1) Les Bullets étaient affaiblis avant les séries par la blessure au genou de Gus Johnson, mais un MVP ne peut quand même pas prendre un sweep au premier tour, non ? Apparemment, Gene Shue, l’entraîneur des Bullets, a gâché toute la série avec l’idée fort peu brillante de faire remonter le ballon en utilisant Unseld comme un meneur. Le pourcentage de bonnes idées catastrophiques émises par des entraîneurs dans l’histoire de la NBA ne doit pas être loin des 85 %.

(2) Bird s’est aussi fait avoir pour le MVP des Finales en 1981 ; Cedric Maxwell a gagné 6 à 1 dans une situation du type Duncan/Parker. Personnellement, je pense que les gens étaient simplement contents de voter pour un joueur surnommé « cornbread » (« pain de maïs »).

(3) La question 4 n’avait pas encore été créée.

Most Valuable Player (2/4) : Catégorie 1 : les MVP douteux, mais finalement mérités

Ce dossier en quatre parties est la traduction française quasi-exhaustive des réflexions du journaliste sportif américain Bill Simmons. Tous les droits sur ce texte lui sont réservés.

Les nombres cités après le nom d’un joueur dans cet article représentent le nombre de votes obtenus pour la première, seconde et troisième place. Dans le cas de Russell, par exemple, les nombres 51-12-6 signifient qu’il avait été voté 51 fois premier, 12 fois second et 6 fois troisième.

Source des photos : http://www.nba.com

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Bill Russell (1962)

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Déjà détenteur de deux titres de MVP (comme Jordan en 1993), Russell a, comme beaucoup d’autres, aligné ses meilleures statistiques en 1962 : 19 points, 24 rebonds et 5 passes décisives de moyenne pour une équipe de Boston à 60 victoires, tout en assurant une défense pratiquement surhumaine. Si les médias avaient voté, Russell aurait été boudé car il avait déjà gagné et qu’il fallait du changement (comme Jordan en 1993). Les gagnants auraient été Wilt Chamberlain (50 points et 25 rebonds de moyenne, premier cinq majeur de la NBA) ou Oscar Robertson (un triple-double par match pour la première fois en NBA).

En dehors des accomplissements de Wilt et d’Oscar (et des points qui étaient marqués comme au flipper), la meilleure performance de la saison est à mettre à l’actif d’Elgin Baylor. Contraint à ses obligations militaires, Baylor n’a joué que 48 matchs (uniquement le week-end, sans jamais s’entraîner avec les Lakers) et il a quand même réussi à atteindre une moyenne hallucinante de 38 points, 19 rebonds et 5 passes décisives (1).

À mon avis, le 38-19-5 d’Elgin était plus invraisemblable que les 50 points par match de Wilt ou le triple-double d’Oscar. Il ne s’entraînait pas ! Il se transformait en joueur NBA le week-end ! Le 50-25 de Wilt est logique compte tenu de la faible concurrence et de sa tendance à monopoliser le ballon. Le triple-double d’Oscar est logique compte tenu du style de jeu de l’époque. Mais le 38-19-5 de Elgin n’a aucun sens. Aucun. C’est inconcevable.

À l’époque, Elgin était réserviste dans l’armée américaine. Il travaillait dans l’État de Washington la semaine, vivait dans une caserne et ne la quittait que lorsqu’on lui donnait un laissez-passer pour le week-end. Même avec ce document, il devait voyager en deuxième classe sur des vols avec des correspondances multiples pour rejoindre l’endroit où les Lakers jouaient, endossait vite fait un maillot et affrontait les meilleurs joueurs NBA, puis faisait le même trajet compliqué jusqu’à Washington dans les temps pour être présent à l’appel tôt le lundi matin. Il a vécu comme ça pendant six mois (2).

Dans les années 60, la première place d’un vote comptait pour cinq points, la deuxième place trois points et la troisième place un point. On ne pouvait choisir que trois joueurs. Les votes pour le MVP 1962 ont été répartis ainsi :

Russell : 297 (51-12-6) ; Wilt : 152 (9-30-17) ; Oscar : 135 (13-13-31) ; Elgin: 82 (3-18-13) ; West : 60 (6-8-6) ; Pettit : 31 (2-4-9) ; Richie Guerin : 5 (1-0-0) ; Cousy : 3 (0-0-3).

Vous n’allez pas le croire, mais j’ai des remarques à faire :

  • D’abord, la saison d’Elgin était tellement impressionnante qu’il a réussi à terminer quatrième en manquant 40 % de la saison (il a même réussi à être trois fois premier).
  • Deuxièmement, la « légendaire » saison de Wilt a tellement impressionné ses pairs que seuls neuf joueurs (10 % de la ligue) l’ont mis en première place, ce qui prouve à quel point les statistiques de 1962 ne veulent rien dire. (Cela montre aussi à quel point Wilt était égoïste : les Knicks de 1962 ont été scandalisés par le match à 100 points qu’il a joué contre eux, particulièrement la façon dont Wilt a monopolisé le ballon et les le fait que les Warriors faisaient des fautes en fin de match pour qu’il obtienne le ballon. On peut être sûrs qu’il n’a eu aucun de leurs votes.)
  • Troisièmement, West, Pettit, Guerin et Cousy ont eu autant de votes pour la première place que Wilt, et ont volé douze deuxièmes places et quinze troisièmes places. West avait une moyenne de 30 points, 8 rebonds et 5 passes décisives et n’était pas le meilleur joueur de son équipe ; Pettit avait une moyenne de 31 points et 19 rebonds pour une équipe des Hawks à 29 victoires et 51 défaites ; Guerin avait une moyenne de 30 points, 7 rebonds et 6 passes décisives pour une équipe des Knicks à 29 victoires et 51 défaites ; et Cousy avait fait sa pire saison depuis dix ans (16 points, 8 rebonds, 4 passes décisives) et joué seulement 28,2 minutes par match.

Un seul de ces quatre-là aurait-il dû se glisser dans les trois premières places d’un vote ? On peut dire qu’ils se sont partagés le vote de ceux qui détestaient les Noirs et qui trouvaient qu’ils sabotaient la ligue. Quoi qu’il en soit, le choix de Russell me convient très bien : c’était le joueur dominant de l’équipe dominante. Si le vote avait eu lieu trente ans plus tard, Wilt ou Oscar aurait gagné et je serais en train de trépigner et m’indigner à ce sujet. Passons.

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Bill Russell (1963)

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Grosse concurrence entre Russell (17 points, 24 rebonds et 5 passes décisives de moyenne, et une défense surnaturelle pour une équipe de Boston à 60 victoires) et Baylor (34 points, 14 rebonds, 5 passes décisives de moyenne pour une équipe des Lakers à 53 victoires). Les deux légendes étaient à l’apogée de leurs compétences respectives, la valeur de Russell paraissant légèrement supérieure à celle de Baylor à l’époque.

Voici comment les votes ont été répartis : Russell : 341 (56-18-7) ; Elgin : 252 (19-36-18) ; Oscar : 191 (13-34-21) ; Pettit : 84 (3-14-27) ; West : 19 (2-1-6) ; Johnny Kerr : 13 (1-1-5) ; Wilt : 9 (0-2-3) ; Terry Dischinger : 5 (1-0-0) ; John Havlicek : 3 (0-1-0) ; John Barnhill : 1 (0-0-1) ; Walt Bellamy : 1 (0-0-1).

Le logo de la NBA aurait dû porter la cagoule du Ku Klux Klan en 1963. Les votes pour Dischinger (26 points, 8 rebonds et 3 passes décisives de moyenne en seulement 57 matchs pour une équipe de Chicago à 25 victoires) sont épouvantables. Même si certains votes étaient stratégiques à l’époque (aucun joueurs des Lakers ne votait pour Russell, aucun joueur des Celtics ne votait pour Elgin, et les Royals ne devaient sans doute jamais voter aucun des deux), les votes inexplicables semblent toujours être en faveur des Blancs (3).

Revenons à Elgin et Russell. A l’époque moderne, Elgin remporterait le MVP haut la main pour les bêtes raisons habituelles : « Il n’a encore jamais gagné » et « Il a déjà trop attendu, il faut le récompenser ». C’est cette même logique erronée qui a conduit à un grand nombre d’injustices flagrantes concernant le choix du MVP (nous y reviendrons plus tard). Je ne peux donc pas approuver le choix de Elgin. Cela dit, si l’on prend tous les joueurs « ayant trop attendu et qu’il faut récompenser avec un titre de MVP », le Elgin de 1963 est tout en haut de la liste. C’est vraiment plus que dommage qu’il n’ait jamais remporté le prix. (Si les Lakers avaient gagné le titre en 1963, j’aurais plaidé sa cause, mais ça n’a pas été le cas.)

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Kareem Abdul-Jabbar (1972)

Kareem

Nous sommes en présence du joueur dominant de la ligue, élu MVP avec sa meilleure moyenne en carrière : 34,6 points, 16,8 rebonds et 4,6 passes décisives par match pour une équipe à 63 victoires. Entre 1969 et 2016, aucun pivot n’a eu de meilleures statistiques ; le jeune Kareem était aussi le meilleur pivot défensif de cette décennie avec Nate Thurmond. Donc, je ne peux pas désapprouver ce choix.

Mais il convient de mentionner – je dis bien : mentionner – que les Lakers ont battu deux records (69 victoires, dont 33 d’affilée) pour le premier titre de Jerry West. Malheureusement, personne ne pouvait dire quel joueur des Lakers avait le plus contribué : West (26 points, 4 rebonds, 10 passes décisives en moyenne, meilleur passeur de la ligue) ou Wilt (15 points, 19 rebonds, 4 passes dévisives, 65 % de réussite au tir, meilleur rebondeur de la ligue) ? Pour la seule fois où une équipe a placé deux de ses joueurs dans le top trois, les résultats du scrutin sont assez bizarres : Kareem : 581 (81-52-20) ; West : 393 (44-42-47) ; Wilt : 294 (36-25-39).

Cela soulève une question intéressante : un choix spécial de « co-champions » devrait-il être ajouté au scrutin pour chaque saison, quand une équipe inoubliable ne dispose pas d’un joueur clairement dominant ? Les Celtics de 1958 (Cousy et Russell), les Knicks de 1970 (Reed et Frazier), les Lakers de 1972 (West et Wilt), les Celtics de 1973 (Hondo et Cowens), le Jazz de 1997 (Stockton et Malone), les Lakers de 2001 (Shaq et Kobe), le Heat de 2005 (Shaq et Wade), et les Celtics de 2008 (Pierce et Garnett) pourraient tous y prétendre et résoudraient de nombreux problèmes. La saison 1972 en est l’exemple ultime : Kareem était bien « le » MVP et West et Wilt étaient co-MVP. Non ? Bon, d’accord, vous avez raison. C’est une idée stupide.

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Bill Walton (1978)

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Même un observateur impartial admettrait que pendant onze mois, d’avril 1977 à février 1978, « The Mountain Man » était le meilleur joueur du monde et amenait l’équipe de Portland à des sommets surréalistes. Juste au moment où l’équipe atteignait des sommets, le 13 février 1978, Sports Illustrated (dans l’un des numéros qui a marqué mon enfance à cause d’un tomahawk dingue de Sidney Moncrief sur la couverture) publia un long article sur les Blazers, dans lequel Rick Barry les qualifiait de « peut-être l’équipe la plus parfaite jamais montée ». Tout tournait autour de Walton (19 points, 15 rebonds, 5 passes décisives et 3,5 contres de moyenne), le nouveau Russell, un big man altruiste qui rendait ses coéquipiers meilleurs et qui partageait même des pétards avec eux.

Deux semaines après l’histoire (ou la malédiction) de SI, Walton se blessa au pied et ne revint pas avant les play-offs, où il se fractura le même pied au cours du deuxième match, anéantissant les espoirs de titre de Portland et provoquant son départ inévitable et précipité. « Précipité » est un euphémisme : Walton a exigé un trade, a porté plainte pour faute médicale et professionnelle, a perdu des amis et signé avec les Clippers en 1979. L’une des séparations les plus douloureuses de l’histoire du sport.

Il est difficile d’imaginer que quelqu’un puisse être éligible pour le MVP après avoir raté vingt-quatre matchs et encore moins gagner le trophée. Mais la saison dont nous parlons a été particulièrement loufoque, comme en témoignent notre meilleur rebondeur (M. Leonard « Truck » Robinson) et notre meilleur passeur (le seul et unique Kevin Porter). Kareem a balancé un coup de poing en traître sur Kent Benson lors du match d’ouverture, a raté vingt matchs et a eu des problèmes pour le reste de la saison. La saison d’Erving a été décevante (pour un joueur comme lui). Les meilleurs candidats étaient George Gervin (27 points, 5 rebonds, 4 passes décisives de moyenne et 54 % de réussite au tir) et David Thompson (27 points, 5 rebonds, 5 passes décisives de moyenne et 52 % de réussite au tir), tous deux meilleurs scoreurs et champions de leur division, qui n’étaient pas connus pour leur défense.

Sauf que les arrières n’étaient pas supposés gagner le MVP à l’époque ; seuls Cousy et Robertson l’avaient fait, et même si tout le monde aimait bien « Skywalker » et « Ice », ils n’étaient ni Cousy, ni Oscar. Walton a donc obtenu le plus de voix (96), Gervin a terminé deuxième (80,5), Thompson troisième (28,5) et Kareem quatrième (14). (Je n’ai aucune idée de la répartition des votes de cette saison ; nous n’avons eu droit qu’au score final. J’ai l’impression que les joueurs devaient voter juste après s’être envoyé une quantité de cocaïne équivalente au contenant d’un seau de Gatorade.)

Les arguments en faveur de Walton : il a joué 58 des 60 premiers matchs et les Blazers ont amassé pendant cette période 50 victoires et 10 défaites. Il a raté les 22 prochains matchs et les Blazers sont tombés à un ratio de 8 victoires pour 14 défaites, mais ils ont quand même fini avec le meilleur total de victoires de la ligue (58) et obtenu l’avantage du terrain pour les play-offs. Walton a donc raté 24 matchs et a eu un impact profond anormal sur la saison régulière : il a fait gagner 50 matchs à son équipe au cours d’une saison où seules deux autres équipes ont terminé avec 50 victoires et plus : Philly (55) et San Antonio (52).

Les arguments contre Walton : auriez-vous accepté que Les Infiltrés obtienne l’Oscar du Meilleur Film si celui-ci terminait inexplicablement à trente-cinq minutes de la fin, sans savoir ce qui arrive à DiCaprio ou Damon ? Non.

En définitive, tout se résume à une chose : même si Walton et les Blazers n’ont survolé que 70 % de cette saison, ils l’ont quand même survolée. Personne d’autre ne se distingue en dehors de Kareem (pour avoir cogné Benson), Kermit Washington (pour avoir cogné Rudy Tomjanovich), Dawkins (pour avoir fracassé deux panneaux de basket), Thompson et Gervin (pour s’être bagarrés le dernier jour pour le titre de meilleur scoreur) et les Sonics (qui ont commencé avec 5 victoires et 22 défaites avant de faire un gros effort sur le tard pour arriver en finale). Personnellement, ça me suffit. Je préfère 70 % d’une saison extraordinaire que 100 % d’une saison relativement oubliable. Et tant pis pour tous ces matchs manqués. Nous ferons une exception, juste pour cette fois.

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Tim Duncan (2002)

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La saison 2002 a donné lieu à une grosse bataille entre Duncan (la meilleure année de sa carrière : 25 points, 13 rebonds et 4 passes décisives de moyenne, avec en plus 2,5 contres par match et une superbe défense) et Jason Kidd (15 points, 7 rebonds, 10 passes décisives et une superbe défense). Kidd a dominé la saison en raison d’un trade extrêmement discuté de l’été précédent, quand Phoenix a échangé Kidd à New Jersey contre Stephon Marbury quelques mois après que Kidd fut accusé de violences conjugales.

Stimulé par le changement de décor, Kidd a emmené des Nets habituellement en bas de classement à 52 victoires, s’est attiré les faveurs des médias de New York et s’est distingué pour son altruisme et son talent unique pour exécuter des contre-attaques, ainsi que par sa femme, Joumana, qui adorait être le centre d’attention général (4). La saison 2002 de Kidd était peut-être moins reluisante que sa saison 2001 à Phoenix (17 points, 6 rebonds, 10 passes décisives de moyenne avec 41 % de réussite au tir), mais plus par défaut qu’autre chose, Kidd est devenu la sensation d’une conférence Est qui avait toujours été atroce, amenant à l’une des élections de MVP les plus serrées (et les plus ridicules) de tous les temps : Duncan : 952 (57-38-20-5-3) ; Kidd : 897 (45-41-26-9-3) ; Shaq : 696 (15-38-40-25-5) ; McGrady : 390 (7-5-28-45-10).

Pourquoi les joueurs étaient-il tellement proches ? Duncan a dépassé les 3 300 minutes de jeu, les 2 000 points, les 1 000 rebonds, les 300 passes décisives et les 200 contres, porté les Spurs à la deuxième place de la Conférence Ouest, n’a manqué aucun match et a eu un effet plus important sur ses coéquipiers que n’importe quel joueur en dehors de Kidd. Regardez qui il avait autour de lui : Bruce Bowen, Antonio Daniels, Tony Parker, Malik Rose, Danny Ferry, Charles Smith, un David Robinson loin de ses meilleures années, un Steve Smith qui venait finir les siennes, et un Terry Porter qui en était à des années-lumières. Et ils ont gagné 58 matchs ! Si vous aviez échangé Duncan contre quelqu’un comme Stromile Swift, les Spurs aurait gagné 25 matchs. Pas plus.

Pour le titre, les Lakers ont balayé les Nets dans une finale complètement déséquilibrée, et c’est à ce moment-là que tout le monde s’est dit : « On savait que la Conférence Est était mauvaise, mais quand même pas à ce point-là ! » Qu’un joueur avec seulement 39 % de réussite au tir, évoluant dans une équipe à 52 victoires, au sein d’une conférence de faible niveau, ait presque volé le MVP au meilleur ailier fort de l’histoire, qui en était à sa meilleure saison en terme de statistiques, et qui évoluait dans une équipe à 58 victoires… Vous comprenez pourquoi je ne fais pas tellement confiance au mode d’élection du MVP. Ironiquement, Kidd réussira la meilleure année de sa carrière en 2003 (19 points, 9 rebonds, 6 passes décisives de moyenne avec 41 % de réussite au tir) et ne terminera que neuvième au vote car tout le monde était encore mortifié par la façon dont s’était terminé 2002.

(En passant, Shaq conservé son statut de joueur dominant cette saison, restant au même niveau de jeu pendant 82 matchs, en partie parce qu’il était paresseux, et en partie parce que c’est cette année-là qu’il a commencé à ne plus du tout s’entendre avec Kobe. Il s’est réveillé en play-offs et a affiché une moyenne de 36 points et 12 rebonds en finale. Après ça, il a passé tout l’été à manger et s’est fait opérer de l’orteil droit, ce qui lui fera manquer le début de la saison suivante.)

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Première partie ici.

La suite ici.


 

(1) Cela montre bien où la NBA en était en 1962 : ils ne pouvaient même tirer quelques ficelles pour éviter à leur joueur le plus spectaculaire de faire son service militaire.

(2) La seule comparaison moderne serait la saison 2004 de Kobe, quand il a été accusé de viol et a fait des aller-retours en avion entre le Colorado (où les audiences avaient lieu) et Los Angeles où l’endroit où les Lakers jouaient. Tout le monde a fait une montagne sur la saison « éprouvante » de Kobe, alors qu’il volait dans des charters et séjournait dans des hôtels première classe. Vous imaginez, si Kobe avait refait la saison 1962 de Elgin ? La Terre aurait cessé de tourner.

(3) Quoique, pas toujours : Barnhill, surnommé « le Lapin », était un arrière rookie de St. Louis afro-américain qui avait une moyenne de 12 points, 5 rebonds et 4 passes décisives. Il n’était pas All-Star en 1963, mais quelqu’un lui a donné une troisième place. Inexplicable.

(4) Elle amenait son jeune fils sur le bord du terrain et paraissait connaître l’emplacement de chaque caméra de télévision. La chose s’est retournée contre Kidd lorsqu’il a plongé dans les tribunes pour un ballon perdu, a atterri sur son fils et lui a cassé la clavicule. Cruel destin, n’est-ce pas ?