All the Kings’ Men (3/8)

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Du « Hack-a-Shaq », des arbitres lunatiques, un empoisonnement alimentaire, et le dernier « three-peat » à ce jour : une histoire orale des Finales de la Conférence Ouest 2002 entre les Los Angeles Lakers et les Sacramento Kings, le dernier chapitre de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du basket-ball

par Jonathan Abrams, le 7 Mai 2014

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I. Avant la bataille (1/8)
II. La trilogie en marche (2/8)

III. L’affaire du bœuf de Kobe

MATCH 2, 20 MAI 2002, et MATCH 3, 24 MAI 2002

Kobe Bryant a été victime d’une intoxication alimentaire et a souffert de déshydratation extrême entre les Matchs 1 et 2. Il en a attribué la cause à un cheeseburger au bacon qu’il avait commandé au service d’étage de l’hôtel Hyatt Regency de Sacramento. Affaibli, Bryant a quand même marqué 22 points dans le Match 2, et les Lakers ont été dans le coup jusqu’au bout grâce aux grosses performances de O’Neal (35 points) et de Horry (20 rebonds). Bobby Jackson – qui a largement contribué au succès de son équipe avec 17 points – a été le seul à bien jouer pour les Kings, mais un total étrange de 38 lancers francs à 25 a permis à Sacramento de décrocher la victoire, 96 à 90. « Pour nous battre, il n’y a qu’une seule solution : être meilleur que nous, sans discussion possible, a déclaré Shaq aux journalistes après coup. Sinon, il n’y a qu’une seule autre possibilité : ça commence par un t et se termine par un r. »

Gary Vitti (préparateur physique des Lakers) : Kobe m’a dit qu’il avait commencé à se sentir mal vers une heure du matin. Il ne m’a pas appelé avant trois heures. À ce moment-là, il souffrait de crampes abdominales, de vomissements et de diarrhée. Son ventre était si douloureux qu’il se recroquevillait sur lui-même. Si j’avais pu le voir plus tôt, nous aurions peut-être pu lui donner des médicaments pour le soulager, mais il avait voulu surmonter ça tout seul.

Phil Jackson : Nous ne pensions pas à une grippe intestinale, juste à une indigestion. Nous n’étions pas trop inquiets. Il n’a plus jamais fait confiance au service d’étage de cet hôtel.

Adande : Les fans des Lakers étaient persuadés que c’était intentionnel. Les gens refusaient de croire qu’il s’agissait d’une simple intoxication alimentaire. C’était forcément un acte malveillant. Pourquoi pas ?

Howard-Cooper : C’était une théorie conspirationniste made in Sacramento, comme celle selon laquelle l’homme n’a pas marché sur la Lune. À l’époque, tout le monde en discutait sans arrêt et ça a continué les années suivantes. On fait des blagues là-dessus encore aujourd’hui.

Kobe Bryant (arrière des Lakers) : Je n’ai pas aimé le cheeseburger. Je n’en ai mangé que la moitié… Une conspiration ? Je ne sais pas, je ne pense pas.

Vitti : J’ai du mal à croire que quelqu’un oserait faire ça. J’ai confiance en mon prochain. Mais je suis presque sûr que Kobe pense toujours que c’était fait exprès.

Jerry Westenhaver (directeur général du Hyatt Regency Sacramento) : Les différends entre les Kings et les Lakers doivent être réglés sur le terrain, pas dans notre hôtel.

George : J’étais bouleversé et en colère. Et en même temps, j’avais peur. Je me demandais si les gens avaient pris tout cela au sérieux au point d’empoisonner un adversaire. Je me rappelle l’avoir vu vomir pendant qu’on le mettait sous perfusion. Ce n’était pas beau à voir. Son visage était couvert de sueur. C’était horrible.

Brown : Je pense que que ça pourrait arriver. Quand on joue à l’extérieur, il faut faire attention à ce qu’on mange. Quand je jouais, j’allais manger loin de l’endroit où nous étions logés, là où je pensais qu’on ne me connaîtrait pas.

Madsen : Quand nous sommes revenus jouer à Sacramento par la suite, nous avons changé d’hôtel à cause de cet incident. Pas par suspicion, mais on ne pouvait pas s’empêcher de se poser des questions.

Marv Albert (commentateur pour NBC) : Nous logions toujours au Hyatt et je ne me souviens pas d’y avoir mangé un cheeseburger après cet événement. Je me rappelle à quel point le directeur de l’hôtel était bouleversé. Mais j’ai découvert par la suite que le cheeseburger était devenu un plat du menu très populaire.

Pollard : Nous pensions tous que c’était de l’intox. Dès que [Kobe] est arrivé sur le terrain, on s’est dit qu’il avait juste eu besoin de faire parler de lui.

Vitti : Une personne normale n’aurait pas pu jouer dans de telles conditions, mais Kobe Bryant n’est pas n’importe qui. Sur un champ de bataille, la guerre ne s’arrête pas parce que vous êtes malade. C’est comme ça que Bryant voyait les choses. Le match ne s’est pas arrêté pour lui, il a donc dû faire avec.

Christie : Il paraissait en bonne santé. Je n’ai jamais été ému par ce genre de truc. Quand on est vraiment malade, on ne joue pas. Et sinon, on ne s’en sert pas comme excuse. C’était l’un des joueurs que je respectais le plus. Il allait marquer des paniers, peu importe la manière dont vous défendiez. À gauche, à droite, à mi-distance, partout. Tout le monde plaignait Kobe en disant qu’il était malade. Je m’en foutais. Je n’écoutais rien.

Horry : Nous n’étions pas inquiets. Si Shaq avait été malade, cela aurait été un plus gros problème. Sans vouloir manquer de respect envers Kobe, on pouvait le remplacer par B-Shaw [Brian Shaw], Rick ou un autre de nos gars. En revanche, l’absence d’une force de la nature comme Shaq aurait rendu les choses très difficiles. Mais nous savions que Kobe idolâtrait Michael Jordan, [et Jordan] aurait surmonté sa maladie et serait allé jouer. Cela ne nous inquiétait donc pas vraiment.

Bryant : C’était l’une des épreuves les plus difficiles que j’ai eu à traverser.

Fox : Je pensais que ça le rendrait meilleur. Il allait se concentrer à fond et réussir un grand match. Ça ne s’est pas passé comme ça et Shaq a accumulé les fautes trop rapidement. C’était donc un double coup dur : d’abord l’intoxication alimentaire, et ensuite ce problèmes de fautes. Nous sommes passés trop rapidement sur le fait qu’ils étaient assez bons pour nous battre dans une série. Nous avions montré qui nous étions dans le premier match, et notre excès de confiance nous a valu d’être écrasés comme eux lors du match précédent.

Cleamons : À l’époque, Shaquille n’avait aucun adversaire à sa mesure. C’est alors que Divac a vraiment commencé à jouer la corde sensible. Il s’effondrait au moindre contact, essayant de provoquer la faute offensive. Shaquille le harcelait au poste bas et il [disait] : « Comment suis-je censé défendre sur ce monstre ? Si je lui tiens tête, il va me renverser ou pire ! » Alors il a commencé à « flopper » comme un fou, essayant d’obtenir la compassion des arbitres.

Phil Jackson : L’écart entre ce qui s’est passé lorsque Shaq avait commis des fautes à Sacramento [et] ce qui s’est passé à L.A. était vraiment intéressant. Regardez les statistiques. Divac a reçu les faveurs des arbitres. Les contres étaient devenus des passages en force. Les arbitres ne sont pas à l’abri de l’influence de la foule. Ils aiment être objectifs et ils essaient de l’être, mais ces choses font partie du jeu.

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Les Lakers ont beaucoup parlé de la différence de lancers francs lors du deuxième match et de la nouvelle tactique de Divac. « Nous avions un joueur capable de marquer 50 points et qui était en route pour le faire, a déclaré Phil Jackson aux médias. Il est complètement sorti de son match à cause de ces fautes bidon… Vlade sait choisir le bon moment pour pleurer et se créer de bonnes situations. » Les Kings ont balayé la citation de O’Neal relative à leur triche. « S’ils sont vraiment les champions en titre, ils n’ont pas besoin de dire quoi que ce soit de ce genre », a répondu Adelman. Pendant ce temps, les problèmes gastriques de Bryant l’ont empêché de s’entraîner avant le troisième match à Los Angeles, et Sacramento était toujours privé de Stojakovic, victime d’une entorse à la cheville contre Dallas au tour précédent. Mais Sacramento a surpris les Lakers avec une impressionnante victoire 103-90, allant jusqu’à mener de 27 points alors que les Lakers peinaient avec un pourcentage de réussite au tir de 36 %. Webber et Bibby ont marqué 50 points à eux deux. Christie a récolté 17 points, 12 rebonds, 6 passes décisives et 3 interceptions. Et Turkoglu a brillamment suppléé Peja en marquant 14 points.

Phil Jackson : Ils ont tiré avec une incroyable précision lors de la première mi-temps du Match 3. Ils ont joué avec une grosse confiance. Turkoglu était vraiment un atout. Nous étions habitués à Stojakovic, pas à Turkoglu. Il jouait avec une grosse énergie et courait partout. Il a été très bon au tir ; on lui avait donné la liberté de tenter sa chance. C’est comme ça que [Rick Adelman] fait jouer son équipe, et je pense qu’il fait de l’excellent travail.

Turkoglu : Même si c’était ma première et ma deuxième année, les autres ont vraiment aimé mes performances à ce moment-là, et ils me soutenaient en toutes circonstances. Donc, tout ce que j’avais à faire était d’aller sur le terrain et de me battre comme un fou pour rendre les choses plus faciles. Et je m’exécutais.

Christie : Ma défense était trop importante pour être aussi efficace à l’offensive que j’aurais dû l’être. J’ai été agressif et bien entendu, j’ai obtenu les stats qui vont avec : à peu près vingt points, huit rebonds et six ou sept passes décisives. Je m’en remettais souvent à mes équipiers ; avec le recul, j’aurais probablement dû jouer tout le temps comme au troisième match.

Shaquille O’Neal (pivot des Lakers) : Chris Webber faisait ce qu’il voulait au poste 4.

Samaki Walker (ailier des Lakers) : Webber avait amélioré son tir en suspension, ce qui le rendait plus redoutable. C’était un excellent passeur, et l’attaque des Kings était incroyable. Ils savaient comment lui donner le ballon dans des zones où il était très difficile de défendre sur lui.

Turner : C’était un véritable plaisir d’entraîner [Webber], et son style de jeu nous a donné, à nous les entraîneurs et aux fans, des moments extraordinaires. Tout le monde voulait jouer avec lui parce qu’il faisait de superbes passes. Tout le monde veut jouer avec un bon passeur.

Phil Jackson : Rien que le fait de devoir tenir la cadence était compliqué. Nous sommes rentrés au vestiaire à la mi-temps complètement assommés. Nous étions débordés.

George : S’ils prenaient de l’avance, ils étaient vraiment durs à battre. Mais si le match était serré, s’ils étaient un peu en retard au score, ils jouaient de manière totalement différente. Si on les laissait s’échapper, ils étaient vraiment difficiles à rejoindre.

Bryant : On n’est pas encore fatigués.

Madsen : Parfois, je me disais qu’ils étaient vraiment bons. Et je me demandais si on pouvait les battre.

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IV. « Big Shot Rob » sauve son équipe (4/8)
V. Avantage psychologique ? (5/8)
VI. Quand le vent siffle dans l’autre sens (6/8)
VII. Le quinzième round (7/8)
VIII. Epilogue : « Il n’y aura pas de revanche » (8/8)