Very big men : histoires de géants (2/3)

Première partie disponible ici.

En NBA, on désigne sous le nom de big man tout joueur dépassant les 2,15 m. Avoir de la taille sous les panneaux est un élément fondamental pour une équipe cherchant à remporter un titre. Peu en vue avant les années 90, les big men sont aujourd’hui très présents en NBA ; la mondialisation du basket et les nouvelles technologies permettent aux recruteurs de prospecter plus facilement à l’étranger pour dénicher des joueurs de grande taille. À l’heure actuelle, vingt-cinq joueurs ayant foulé les parquets NBA avaient une taille supérieure à 2,20 m, ce qui est plutôt remarquable sachant à quel point les hommes de plus de 2,15 m sont rares. Les trajectoires de ces vingt-cinq joueurs ont été très différentes. Le but de cet article n’est pas de se concentrer sur leurs performances seules, mais aussi sur leurs vies. Des vies bien souvent à l’image de leur physique : hors du commun.

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markeaton

Mark Eaton (2,24 m). Une bien belle histoire que celle de Mark Eaton. En dépit de sa taille, rien ne prédestinait ce géant de 2,24 m à devenir l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire de la NBA. Durant son adolescence, c’est au water-polo que s’intéresse le jeune Californien ; il ne commence le basket qu’en dernière année de lycée, où il passe la majeure partie de son temps sur le banc, sous les quolibets de ses camarades qui se moquent de ses mensurations. Son diplôme obtenu, Eaton entame des études de mécanique automobile en Arizona et travaille en parallèle dans un garage de Californie. Trois années passent avant que l’un des entraîneurs-assistants de l’équipe de basket universitaire de Cypress ne le repère par hasard. Mark rejoint l’équipe, aligne deux saisons en double-double et remporte le titre de l’État de Californie.

En 1979, Eaton est drafté par les Phoenix Suns au cinquième tour. Il n’est pas incorporé à l’effectif. Eaton choisit alors de rejoindre l’Université de Californie Los Angeles (UCLA), où il se perd complètement, ne jouant que 42 minutes en tout lors de sa dernière année. Son avenir en NBA semble compromis, mais Eaton a un atout que les autres n’ont pas : sa taille. Aucun joueur de la draft 1982 n’est plus grand que lui. C’est ce qui pousse Frank Layden, l’entraîneur de Utah, à le sélectionner en 72ème position. L’année précédente, le Jazz avait fini dernier de la ligue aux contres et aux rebonds. Un pivot de 2,24 m sera certainement utile. Malgré cela, rien ne destine Eaton à une grande carrière. L’intéressé lui-même le reconnaît :

« En arrivant dans la ligue, tout ce que j’espérais, c’était d’être un bon pivot remplaçant, jouer 10 ou 15 minutes, faire de mon mieux, jouer pour quelques équipes et gagner correctement ma vie. »

L’ailier des Knicks James Bailey se rappelle bien de ses débuts :

« Quand il est arrivé dans la ligue, il était incapable de marcher et de mâcher du chewing-gum en même temps. »

Mais Eaton va rapidement exploser aux yeux du grand public. Lors de sa première saison, il claque 275 contres (record de la franchise) et devient titulaire. Lors de sa deuxième saison, il joue tous les matchs, obtient le titre de meilleur contreur de la ligue et contribue à la première apparition en play-offs de l’histoire du Jazz. Lors de sa troisième saison, Eaton est élu meilleur défenseur de la ligue avec une moyenne colossale de 5,56 contres par match. Plus personne ne remet en cause ses qualités sportives. La suite de sa carrière sera dans la même veine : au total, Eaton accumulera deux titres de meilleur défenseur de la ligue, quatre titres de meilleur contreur de la ligue et cinq apparitions dans l’un des cinq défensifs majeurs de la NBA. Il sera également une fois All-Star, en 1989, chose extrêmement rare pour un joueur non choisi dans les trois premiers tours de la draft.

Après onze ans de carrière, des blessures au dos et aux genoux ont raison de la volonté d’Eaton. Il prend une retraite méritée et deviendra un temps président de l’association des anciens joueurs de la NBA. Il travaille aujourd’hui en tant que commentateur et conférencier. Son numéro 53 a été retiré par Utah en 1996.


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Rik Smits (2,24 m). Les Néerlandais ont la taille moyenne la plus haute au monde. Pas étonnant, donc, d’en retrouver un dans cette liste de « grands », même s’ils n’ont été que cinq à fouler un jour les paquets NBA. Adolescent, Smits a du mal à trouver des chaussures à sa taille ; ses souliers trop serrés endommagent sérieusement les nerfs de ses pieds, qui seront source de douleurs toute sa vie. À dix-huit ans, Smits quitte sa ville natale d’Eindhoven pour rejoindre l’université de Marist, à New York. Quatre ans plus tard, il est sélectionné en deuxième position à la (faible) draft de 1988.

Les Pacers pensent faire de Smits la doublure de Steve Stipanovich, mais ce dernier se blesse gravement et doit mettre fin à sa carrière. Smits joue donc 71 matchs dès sa première saison, pour une très bonne moyenne de 11,7 points et 6,1 rebonds par match. Aussi doué défensivement qu’offensivement, il devient l’un des piliers de l’équipe, même s’il lui faudra plusieurs années pour s’affirmer comme leader. Adoré par le public, c’est en play-offs que Smits réalise ses meilleures performances. Il deviendra même All-Star, en 1998, mais devra mettre un terme à sa carrière en 2000, ses pieds le faisant trop souffrir. Aujourd’hui, Smits collectionne des motos de course et joue au basket-ball en ligue amateur en Indiana.


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Ralph Sampson (2,24 m). Si l’on s’intéresse de près à la carrière de Ralph Sampson, on peut légitimement se dire qu’il a été un grand joueur. Légende de la NCAA, quatre fois All-Star, élu au sein du Hall of Fame en 2012, Sampson était un formidable rebondeur et un solide contreur. Il a formé l’un des meilleurs duos d’intérieurs de l’histoire du basket avec Hakeem Olajuwon. En 1986, il a envoyé les Rockets en finale au Match 5 contre les Lakers sur un panier miraculeux, l’un des plus grands moments de l’histoire des play-offs. Sa moyenne en carrière est très bonne : 15,4 points, 8,8 rebonds et 2,4 passes décisives. Et pourtant, quel dommage quand on pense à ce qu’il aurait pu devenir ! Ralph Sampson est en effet l’un des plus gros gâchis de l’histoire du basket. Si vous vous demandez pourquoi, lisez cet article.


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Priest Lauderdale (2,24 m). Curieuse trajectoire que celle de Priest Lauderdale. De façon naturelle, sa taille et sa carrure le destinent au basket. Il commence sa carrière universitaire en 1993, à Central State (Ohio). Lors de sa première saison, il affiche une moyenne impressionnante de 20,1 points et 10,2 rebonds de moyenne. Puis, de façon incompréhensible, il disparaît l’année suivante. Il semble être retourné dans une université de l’Illinois, son État natal, mais sans intégrer une équipe de basket. Pourquoi ? On ne le sait pas. Lauderdale revient au sport en 1995 ; il part part jouer en Grèce, avant de se présenter à la draft l’année suivante, avec l’espoir d’être choisi par les Bulls, la franchise de sa ville natale.

Lauderdale est choisi en 28ème position de la draft par les Sonics et envoyé aux Hawks dans le cadre d’un trade. Les Hawks pensent faire de lui un solide remplaçant, capable de suppléer Dikembe Mutombo en sortie de banc. De fait, la première saison de Lauderdale est tout à fait correcte : malgré un pourcentage de réussite aux lancers francs horrible (56 %), il joue 35 matchs et parvient à atteindre une moyenne de 3,2 points et 1,2 rebonds en 5 petites minutes de temps de jeu (et 55 % de réussite au tir). Malheureusement, le pivot est envoyé dès l’année suivante aux pitoyables Denver Nuggets. L’équipe est en difficulté et Lauderdale coule avec elle. Son temps de jeu et ses moyennes augmentent, mais son pourcentage de réussite au tir tombe à 41 % et son pourcentage de réussite au lancer franc est toujours aussi mauvais (55 %).

En 2000, Portland donne sa chance à Lauderdale lors d’un camp d’entraînement, mais celui-ci ne la saisit pas. Il part en D-League et joue les globe-trotters, passant par le Venezuela, Chypre, la Bulgarie (pays dont il prendra la nationalité), l’Arabie Saoudite, la Chine, l’Iran, et les Émirats Arabes Unis. Il terminera sa carrière sur une escapade au Liban, qui tournera court après la disparition du club suite à des problèmes financiers. Lauderdale consacre aujourd’hui son temps à aider les jeunes en difficulté.


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Boban Marjanović (2,22 m). Fraîchement arrivé en NBA (il a rejoint les Spurs en 2015), Marjanovic mesurait déjà 2,09 m à 14 ans. Il commence sa carrière à 18 ans dans le championnat professionnel serbe, et joue en Russie et en Lituanie. Bon shooteur, doté d’une grosse présence physique, il brille en Euroligue et accumule les distinctions : meilleur rebondeur du championnat serbe en 2012-2013, nommé dans le meilleur cinq de la Ligue adriatique en 2013-2014, record du nombre de rebonds et de doubles-doubles sur une saison en 2014-2015. Ses performances lors de sa dernière saison avec l’Étoile rouge de Belgrade sont impressionnantes, et la NBA s’intéresse à lui.

Le 10 juillet 2015, Marjanovic signe chez les Spurs de San Antonio pour un an. Il s’adapte rapidement, apporte points et rebonds en sortie de banc et devient l’un des chouchous du public de San Antonio. La saison suivante, Marjanovic devient agent libre et les Pistons lui proposent un contrat. En difficulté avec leur masse salariale, les Spurs n’ont pas les moyens de s’aligner sur l’offre et doivent laisser partir leur pivot, qui évolue donc en ce moment aux Detroit Pistons.


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Peter John Ramos (2,22 m). S’il n’a pas brillé en NBA, Peter John Ramos a quand même fait un joli parcours dans son sport. Son père quitte le foyer familial alors qu’il n’a que cinq ans, poussant la famille à s’installer à New York. L’adolescence de Peter est difficile ; sa taille exceptionnelle fait de lui l’objet de multiples moqueries. En 1999, Ramos a quatorze ans et mesure déjà 2,13 m. Il travaille dans un magasin de vêtements et n’a jamais sérieusement pratiqué le basket. Un jour, un ancien joueur de basket portoricain, Santiago Gotay, entre dans la boutique et remarque ce garçon à la taille démesurée. Apprenant que Ramos est natif de Porto Rico, Gotay contacte le propriétaire du club Criollos de Caguas, qui se déplace jusqu’à New York pour faire signer un contrat au jeune homme alors qu’il ne l’a encore jamais vu jouer !

Ramos part étudier à Porto Rico et apprend les fondamentaux du basket, tout en continuant à prendre des centimètres. Avec son lycée, il remporte par deux fois le championnat national et entre dans la ligue portoricaine de basket professionnel. Il progresse rapidement et intègre l’équipe nationale de Porto Rico dès 2003. En avril de l’année suivante, Ramos annonce qu’il se présente à la draft NBA, ajoutant qu’il se retirerait s’il n’était pas choisi parmi les quinze premiers. Il est sélectionné en 32ème position, au deuxième tour, par les Washington Wizards.

Ramos n’a pas assisté à sa sélection. Déçu de lui-même, il a quitté la cérémonie dès la fin du premier tour. Après une bonne performance aux Jeux d’Athènes (il fait partie de l’équipe portoricaine qui a vaincu les États-Unis), Ramos décide tout de même de saisir l’opportunité et de rejoindre les Wizards. Hélas, il est trop jeune et fait le grand saut bien trop tôt. Il passe l’essentiel de sa première saison en réserve, ne disputant que six matchs pour cinq paniers et onze points marqués. L’année suivante, Ramos passe en D-League et ne sera rappelé qu’une seule fois par les Wizards pour rejoindre l’effectif. Il sera coupé quelques mois plus tard, avant le début de la saison 2006-2007. Ramos continuera sa carrière un peu partout dans le monde, passant par l’Europe et l’Asie, avant de revenir dans le championnat portoricain où il joue toujours aujourd’hui.

Suite et fin ici.


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Very big men : histoires de géants (1/3)

 Height Difference: 28 inches

Les deux extrêmes : Manute Bol (2,31 m) et Muggy Bogues (1,60 m).

En NBA, on désigne sous le nom de big man tout joueur dépassant les 2,15 m. Avoir de la taille sous les panneaux est un élément fondamental pour une équipe cherchant à remporter un titre. Peu en vue avant les années 90, les big men sont aujourd’hui très présents en NBA ; la mondialisation du basket et les nouvelles technologies permettent aux recruteurs de prospecter plus facilement à l’étranger pour dénicher des joueurs de grande taille. À l’heure actuelle, vingt-cinq joueurs ayant foulé les parquets NBA avaient une taille supérieure à 2,20 m, ce qui est plutôt remarquable sachant à quel point les hommes de plus de 2,15 m sont rares. Les trajectoires de ces vingt-cinq joueurs ont été très différentes. Le but de cet article n’est pas de se concentrer sur leurs performances seules, mais aussi sur leurs vies. Des vies bien souvent à l’image de leur physique : hors du commun.

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Hors-concours : Yasutaka Okayama (2,34 m). Sélectionné par les Warriors en toute fin de draft 1981 (10ème choix du huitième tour, 171ème choix), Okayama n’a jamais foulé les parquets NBA. Ceinture noire de judo, il commence le basket à 18 ans à la faculté de commerce d’Osaka et joue un an et demi à l’université de Portland dans le cadre d’un échange étudiant, sans jamais apparaître en match officiel. Les Warriors veulent le tester, mais Okayama décline l’invitation et repart au Japon. Il signe avec le club de Sumitomo Metal Industries et représentera son pays au niveau international entre 1979 et 1986. Aujourd’hui, Okayama travaille toujours chez Sumitomo Metal Industries et officie également en tant qu’entraîneur de basket. Il reste à ce jour le joueur le plus grand jamais drafté en NBA.

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Le classement

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Gheorghe Mureșan (2,31 m). Le plus grand joueur – en taille – de l’histoire de la NBA, c’est lui. Gheorghe Muresan est né en Roumanie dans la province de Cluj ; atteint d’une tumeur à l’hypophyse, il souffre de gigantisme dès son plus jeune âge. La famille Muresan est pauvre et n’a pas les moyens de payer l’opération nécessaire pour stopper la folle croissance de Gheorghe. Celui-ci grandit donc avec sa maladie, au propre comme au figuré. À 14 ans, le jeune homme va se faire examiner les dents à Cluj ; il mesure alors 2,05 m, une taille exceptionnelle pour son âge. Frappé par ses mensurations, le dentiste passe un appel à l’entraîneur de l’équipe nationale roumaine de basket. Muresan reste à Cluj et intègre l’équipe.

En 1991, alors qu’il a 20 ans et mesure 2,31 m, plusieurs facultés américaines proposent à Muresan des bourses universitaires. Celui-ci refuse : il veut gagner de l’argent pour aider les siens. Il s’engage avec Pau-Orthez, champion de France en titre. Le niveau de jeu est supérieur à tout ce que Gheorghe a connu jusqu’alors et le choc est rude : lent, lourd, voûté, le géant roumain ne sait pas comment se déplacer sur un parquet. Il progresse lentement, aidé par son entraîneur Michel Gomez qui lui fait travailler des exercices inédits, comme sauter sur un trampoline ! Petit à petit, Muresan devient un joueur complet, habile de ses mains et doté d’un joli tir. Son salaire lui permet d’acheter à ses parents une nouvelle maison ; pour la première fois, les Muresan ont l’électricité.

Gheorghe s’inscrit à la draft NBA de 1993. Retenu par les Bullets en 30ème position, le géant roumain fera une belle carrière et gagnera sa place de titulaire à Washington, remportant au passage le titre de joueur ayant le plus progressé en 1996. Figure très populaire, il tournera dans des publicités et donnera la réplique de manière plutôt convaincante à Billy Crystal dans le film Le Géant et moi. Malheureusement, son corps hors norme ne supportera pas longtemps le rythme effréné de la NBA et Muresan prendra sa retraite à seulement 29 ans, perclus de blessures. Il vit aujourd’hui à Franklin Lakes, dans le New Jersey, avec son épouse Liliana et ses enfants Gheorghe Junior et Victor.


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Manute Bol (2,31 m). Les mensurations de Bol ont probablement été uniques en leur genre. Plus petit de quatre millimètres que Muresan, il affichait une envergure de 2,59 m (la plus grande de l’histoire de la NBA), pouvait saisir des objets situés à 3,18 m de hauteur et avait des membres d’une taille exceptionnelle.

Bol est né en 1962 à Turalei (Soudan du Sud), une ville située à environ 600 kilomètres de Khartoum. Il est issu de l’ethnie Dinka, l’un des peuples les plus grands d’Afrique : selon les dires de Manute, sa mère avait atteint la taille de 2,08 m, son père et sa sœur mesuraient 2,03 m, et son arrière-grand-père… 2,39 m ! Adolescent, Bol est berger d’un troupeau de chèvres au sein de sa tribu. Le basket, il ne connaît pas. L’un de ses cousins lui propose d’aller en ville et de s’essayer au sport. Bol est repéré par Don Feeley, coach universitaire américain, qui entrevoit immédiatement ses possibilités. L’entraîneur convainc Bol de venir aux États-Unis pour rejoindre son équipe de Cleveland State. Et Manute s’envole vers l’Amérique du Nord.

L’apprentissage est difficile : le jeune soudanais a l’impression d’arriver dans une autre galaxie. Il ne connaît ni l’anglais, ni la culture américaine, et ses aptitudes sportives restent limitées : lors de sa première tentative de dunk, il se casse deux dents en se fracassant sur l’arceau ! Mais sa taille exceptionnelle attire les gens et lui ouvre toutes les portes. Drafté dès 1983 au cinquième tour par les Clippers, Bol est déclaré inéligible et doit évoluer dans une équipe universitaire de faible niveau. Il se présente de lui-même à la draft NBA de 1985, désireux de gagner de l’argent pour aider sa sœur, restée au Soudan. Les Bullets le sélectionnent en 31ème position.

C’est le début d’une magnifique carrière de douze ans et l’avènement d’un rempart défensif exceptionnel : deux fois meilleur contreur de la NBA, Bol comptera en neuf ans de carrière plus de contres que de points marqués ! En dehors du terrain, il aura également largement contribué à aider son pays d’origine pris dans une guerre civile, en versant près de 3,5 millions de dollars pour financer les rebelles, soit la quasi-totalité de ses gains lors de sa première saison avec les Bullets. À la fin de sa carrière, Manute continuera à mobiliser les consciences et à s’impliquer pour l’éducation au Soudan. Il mourra le 19 juin 2010, à 47 ans, des suites de graves problèmes rénaux et d’une maladie orpheline incurable, le syndrome de Stevens-Johnson. Il sera enterré deux semaines plus tard dans sa ville natale, selon les rites Dinkas.


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Slavko Vraneš (2,30 m). Difficile de connaître sa taille exacte avec certitude. Mesuré en NBA à 2,26 m, il semble par la suite avoir atteint les 2,30 m, mais son profil Euroligue mentionne 2,29 m… Contrairement à Bol et Muresan, la carrière du pivot monténégrin sera marquée par une constante qui l’empêchera de progresser tout au long de sa carrière : des difficultés d’adaptation. Après avoir commencé le basket chez les serbes du KK Železnik, il signe dans deux clubs turcs avant de retourner au Monténégro. Attirés par sa taille, les Knicks le draftent en 2003 à la 39ème position. Encore une fois, Vranes ne s’adapte pas ; en dépit d’une agilité et d’une rapidité appréciable pour un joueur de sa taille et de son poids, son jeu au poste bas est calamiteux et ses mensurations sont un handicap plus qu’un atout. Voyant son incapacité à progresser, les Knicks le renvoient en décembre 2003, sans lui faire disputer un match.

En janvier 2004, Portland récupère Vranes pour un contrat de dix jours. Il jouera 3 minutes en tout et pour tout contre les Timberwolves, le temps de commettre une faute et de manquer un tir. Pas convaincus, les Blazers ne renouvellent pas le contrat du pivot qui termine la saison à l’Étoile rouge de Belgrade. Par la suite, Vranes voyagera de club en club, ne restant jamais plus d’un an au même endroit. Il joue actuellement en Iran, à Téhéran.


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Shawn Bradley (2,29 m). Dans le monde de la NBA, Shawn Bradley est surtout connu comme le joueur s’étant fait dunker dessus par le plus grand nombre d’adversaires différents, ce qui fait de lui l’objet d’innombrables moqueries. Pourtant, on oublie trop vite que Bradley a été un très bon joueur, excellent défenseur, et à la carrière plus que correcte.

Né en Allemagne, Shawn grandit en Utah dans une famille de mormons. Ses performances avec l’équipe de basket de son lycée sont telles qu’un grand nombre d’universités se battent pour le recruter. Bradley choisit de rester dans l’Utah et rejoint l’université de Brigham (BYU). Sa première année est fantastique, avec des performances défensives hors du commun (5,2 contres par match !), mais à la surprise générale, Shawn quitte l’université pour partir en mission. Il passe deux ans en Australie au sein d’une communauté mormone (un épisode auquel il fera allusion dans le film Space Jam). À son retour, Bradley choisit de ne pas retourner à l’université et se présente à la draft NBA de 1993.

En raison de sa taille et de ses performances passées, Shawn est choisi en deuxième position par Philadelphie, un choix très discuté qui donnera malheureusement raison aux détracteurs : Bradley manque de dureté physique, commet beaucoup de fautes, et ses capacités offensives sont très limitées. Il fera malgré tout une bonne carrière, marquée par 14 saisons en NBA et un titre de meilleur contreur de la NBA en 2001. Une année prolifique pour Bradley, puisqu’il rempotera également une médaille de bronze au championnat d’Europe de 2001 avec son pays de naissance, l’Allemagne.

Après sa carrière, Bradley fera une brève expérience politique en tentant de devenir député de son État ; il échouera très honorablement. Il vit à l’heure actuelle en Utah avec sa femme Annette et ses six enfants, dont les prénoms commencent tous par la lettre « C ».


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Yao Ming (2,29 m). Le 4 avril 2016, Yao est entré au Hall of Fame de la NBA, devenant le plus grand joueur en taille à faire partie de ce cercle très fermé. Une juste récompense pour celui qui a été l’un des meilleurs pivots des années 2000. Yao Ming est né à Shanghai en 1980 ; sa taille exceptionnelle semble être le fruit d’un riche héritage génétique : sa mère mesure 1,91 m, et son père fait 2,08 m. Les parents de Yao étant tous les deux basketteurs professionnels, le destin du jeune homme est tout tracé. Une rumeur persistante prétend d’ailleurs que l’union des deux géniteurs a été arrangée par le Parti communiste chinois, chose qui n’a jamais été confirmée.

Yao intègre le championnat professionnel chinois à l’âge de 17 ans ; cinq ans plus tard, il domine ses adversaires de la tête et des épaules. Il est mûr pour la NBA, mais la Chine n’est pas prête à laisser filer sa perle rare aussi facilement. Une équipe de conseillers est montée pour que Yao puisse être éligible et éviter que le gouvernement refuse de le faire venir. La fédération chinoise pose deux conditions : que Yao soit toujours à disposition de l’équipe nationale et que les Houston Rockets le prennent en premier choix de draft. Les conditions sont acceptées et Yao devient le premier joueur international à être choisi en première position à la draft sans avoir joué à l’université.

L’arrivée de Yao est beaucoup commentée dans les médias ; depuis son poste de commentateur, Charles Barkley promet d’embrasser les fesses de son collègue Kenny Smith si le pivot marque 19 points en un seul match. Yao marque 20 points contre les Lakers moins de trois semaines après le début de saison, et Barkley respecte son pari en embrassant les fesses d’un âne acheté par Kenny Smith (« ass » pouvant désigner en anglais aussi bien les fesses que l’animal à grandes oreilles). En neuf ans de carrière avec les Rockets, Yao affichera une moyenne de 19,0 points, 9,2 rebonds et 1,9 contres en 486 matchs. Il sera aussi huit fois All-Star grâce à ses compatriotes, qui voteront massivement pour sa sélection chaque année.

Comme pour les autres géants, le corps de Yao finira par le lâcher. Il prendra sa retraite après la saison 2011 suite à des blessures récurrentes à la cheville et aux pieds. Depuis, Yao s’investit socialement dans diverses causes et se consacre à sa femme, la basketteuse Ye Li, et à sa fille Amy (Yao Qinlei), née à Houston en 2010.


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Sim Bhullar (2,26 m). Plus que par sa taille, c’est par ses origines que Gursimran « Sim » Bhullar a marqué la NBA : il restera à jamais le premier joueur d’origine indienne à y avoir évolué. Né au Canada de deux parents Indiens, Bhullar impressionne dans ses années lycée par son physique imposant. Auteur de bonnes performances (16 points, 14 rebonds et 8 contres de moyenne en 2009-2010), il s’entraîne dur pour améliorer sa condition physique, passant de 166 à 150 kg. Il s’engage avec l’université de New Mexico State et se présente à la draft 2014, après seulement deux années et des performances correctes. Sim n’est pas retenu, mais la franchise de Sacramento l’engage pour disputer la Summer League et l’envoie en D-League aux Reno Bighorns.

La NBA semble très loin pour Gursimran lorsque le destin vient s’en mêler. Le propriétaire indien des Kings, Vivek Ranadive, veut développer la popularité du basket-ball dans son pays d’origine. N’ayant plus rien à jouer en fin de saison régulière, l’équipe californienne offre à Bhullar un contrat de dix jours. Le joueur effectue ses débuts le 7 avril 2015, en rentrant lors des 16 dernières secondes de jeu face à Minnesota. La nuit suivante, il joue une minute et 22 secondes de garbage time contre Utah et marque un panier.

« Sim » jouera encore une minute le 10 avril contre Oklahoma avant d’être coupé par les Kings. Il est trop lent et son jeu n’est clairement pas au niveau. Bhullar retrouvera les Kings lors de la Summer League 2015, mais jouera peu et n’intégrera pas l’effectif. Il évolue aujourd’hui dans le championnat taïwanais.


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Chuck Nevitt (2,26 m). Douzième homme par excellence, Chuck Nevitt est le plus grand joueur en taille à avoir gagné un championnat (avec les Lakers en 1985). Durant sa  carrière, il a alterné les passages en ligue mineure avec des contrats de courte durée, pour des statistiques en carrière de 1,6 points, 1,5 rebonds et 0,7 contres en 155 matchs. Il travaille aujourd’hui en tant qu’ingénieur dans une compagnie où peu de gens connaissent son passé. Un portrait plus élaboré de ce joueur discret et attachant est disponible ici.


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Pavel Podkolzin (2,26 m). On en a déjà parlé : au milieu des années 2000, la NBA avait été contaminée par l’effet Nowitzki et tout le monde prospectait l’Europe dans l’espoir de trouver la nouvelle star venue d’outre-Atlantique. Pavel Podkolzin, pivot sibérien de 18 ans culminant à 2,26 m, a rapidement été repéré. Déjà professionnel (il évolue à Varèse, dans le championnat italien), sa taille, ses capacités au rebond et sa puissance le font pressentir comme un futur choix de haut de tableau. En 2003, devenu éligible, Podkolzin pense se présenter à la draft, mais un test physique de routine avec Chicago lui apprend qu’il souffre d’acromégalie, un dérèglement de la glande pituitaire responsable de sa grande taille. Bien qu’une opération simple puisse le soigner sans conséquences à long terme sur sa santé ou sa carrière, Podkolzin se retire de la draft 2003.

Lorsque Podkolzin s’inscrit à la draft l’année suivante, sa cote est en forte baisse ; il faut dire que ses performances avec Varèse (2,6 points et 2,3 rebonds de moyenne en 22 matchs) sont loin d’être prometteuses. Le géant russe est sélectionné en 21ème position par Utah et est immédiatement transféré à Dallas contre un futur choix de premier tour de la draft 2005. Après une Summer League catastrophique (6 rebonds en deux matchs pour 14 minutes de jeu), Podkolzin ne jouera que cinq matchs lors de sa saison rookie et un seul l’année suivante. Il sera définitivement coupé en août 2006. Revenu en Russie, il passe de club en club et est actuellement remplaçant au PSK Sakhalin. Ses statistiques NBA ? 0,7 points, 1,5 rebonds et 0,1 contres en 6 matchs.

La suite, c’est par ici.


Source photos : http://www.thetallestman.com.

#21 : Steve Nash quitte les Mavs

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Steve Nash avec les Dallas Mavericks avant son départ pour Phoenix (1).

29 avril 2004. Les Dallas Mavericks sont éliminés par les Sacramento Kings au premier tour des play-offs, perdant le cinquième match des séries d’un tout petit point. Du déjà vu pour les Mavs, qui, depuis trois ans, ont la fâcheuse habitude de réaliser d’excellentes saisons régulières avant de chuter au moment le plus important. L’équipe est talentueuse, le trio Nash-Finley-Nowitzki est l’un des meilleurs combos offensifs de la NBA, mais le groupe manque de cohésion. Les vétérans Shawn Bradey et Scott Williams sont les seuls vrais pivots présents dans l’effectif, et n’ont plus le physique pour prétendre à une place de titulaire indiscutable. Par conséquent, Nowitzki est souvent contraint de se décaler en 5, ce qui ne lui convient guère.

Le banc des Mavs ne donne pas non plus entière satisfaction : les recrues Antawn Jamison et Antoine Walker n’ont pas eu l’impact espéré, même si Jamison a obtenu le titre de sixième homme de l’année. Leur apport défensif est limité et Walker a tendance à beaucoup « arroser ». Les deux joueurs ne feront pas long feu à Dallas ; ils seront échangés dès l’été 2004, une période qui coïncide avec un événement en particulier : le départ de Steve Nash.

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À l’époque, Nash n’a pas la réputation dont il jouit aujourd’hui. Doté d’indéniables qualités offensives, il fait peine à voir en défense et deux choses le pénalisent en cette fin de saison 2004. D’abord, il n’a pas été très à son aise lors des deux play-offs précédents, ce qui fait tache pour un joueur supposé être l’un des leaders de son équipe. Ensuite, il a un contrat à 60 000 000 de dollars, ce qui paraît exagérément élevé pour un meneur de trente et un ans avec des problèmes de dos. Lorsque Nash se retrouve agent libre à l’été 2004, les Mavericks ne se pressent donc pas pour le reprendre. Ils préfèrent investir dans un pivot, le principal élément qui leur fait défaut. Nash fait ses adieux à Dallas et signe à Phoenix, le club de ses débuts.

Vu sous cet angle, on peut penser que les Mavs n’ont pas eu vraiment tort en ce qui concerne Nash. Sauf que Dallas a commis deux erreurs monumentales.

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Première erreur : d’abord, les Mavs ont utilisé l’argent avec lequel ils payaient Nash pour faire signer un contrat encore plus important (73 000 000 $) à… Erick Dampier. Dampier est un pivot au physique impressionnant, gros rebondeur, gros défenseur, et à l’inconstance légendaire. En 2004, il a affiché au cours des trois derniers mois de la saison régulière une moyenne de 13 points, 13 rebonds et 2 contres par match, dont deux grosses performances successives au cours de la dernière semaine  : un match à 19 points et 21 rebonds, puis un autre à 16 points et 25 rebonds. Dampier s’est même auto-proclamé deuxième meilleur pivot de la NBA derrière Shaquille O’Neal.

Sauf que si on enlève 2004, sa moyenne en carrière est de… 8 points et 7 rebonds.

Dallas s’est laissé emporter et s’est fait avoir en le payant au prix fort. Au cours des play-offs de 2005, Dampier se fera détruire par Yao Ming et deviendra la cible de multiples plaisanteries de la part des médias et de Shaquille O’Neal, qui fera de Dampier l’une de ses principales sources de moquerie.

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Deuxième erreur : même s’ils ne pouvaient pas le deviner à l’époque, Dallas a sous-estimé les changements de règles qui ont été instaurées en 2005, et ont fait de Nash un double MVP. La puissance armada des Detroit Pistons avait remporté le titre 2004, et la défense avait pris le pas sur l’attaque au point que les gestionnaires de la NBA se sont creusés la tête pour rendre le basketball à nouveau attractif. Résultat : l’usage excessif des mains en défense est devenu illicite, les arbitres ont commencé à regarder ailleurs sur les écrans illégaux et le jeu s’est accéléré.

Parmi tous les joueurs ayant directement bénéficié des changements de règles avant la saison 2005, Nash est en tête de liste. Il est devenu le moteur du formidable jeu offensif de Phoenix et a revitalisé la position de meneur au point que les journalistes ont commencé à le citer comme un candidat pour le titre de MVP, une récompense qu’il obtiendra deux fois, en 2005 et 2006 (2).

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S’ils avaient conservé Nash et Antawn Jamison, l’effectif de Dallas pour les années à venir aurait été monstrueux. Même s’ils perdent Finley en 2005 pour des questions de taxe de luxe, ils se retrouvent avec Nash, Nowitzki, Jamison, Jason Terry (échangé contre Antoine Walker), Josh Howard, DeSagana Diop, un vétéran agent libre et un joueur acheté en février. Et les Mavs deviennent l’équipe NBA la plus agréable à regarder évoluer.

En y repensant, il est étrange que le propriétaire des Mavs, Mark Cuban, ait voulu économiser en laissant partir Nash juste avant de faire des dépenses irréfléchies sur un joueur aussi médiocre que Dampier. Grand penseur et homme d’affaires, Cuban est l’un des propriétaires les plus populaires de la NBA, mais il faut quand même reconnaître qu’il a passé la décennie précédente à jeter des brassées d’argent par les fenêtres. Dommage. Il a quand même réussi à obtenir son titre en 2011, lorsque Nowitzki a porté l’équipe pour arriver à la récompense suprême. S’il y a quelqu’un que Cuban peut remercier, c’est vraiment lui.


(1) Source : http://www.nba.com

(2) Deux titres plus que controversés. Mais nous y reviendrons plus tard.

#22 : Worthy-Wilkins, destins croisés

Worthy_Wilkins.png

James Worthy et Dominique Wilkins.

Quand deux ou plusieurs joueurs à très fort potentiel sont présents dans une draft, la situation peut être compliquée pour la première équipe à choisir. Si le joueur sélectionné se révèle être un fiasco, à l’inverse de celui ou ceux choisis derrière, la décision risque de faire parler durant des décennies. L’exemple le plus récent est celui de la draft 2007, quand Portland a choisi Greg Oden en première position au lieu de Kevin Durant. Le premier a arrêté sa carrière à 28 ans, ruiné par les blessures, en ayant peu joué ; le second est en passe de devenir l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du basket.

Dans cet article, nous allons nous pencher sur une décision qui aurait pu faire basculer le destin de deux franchises : celle des Los Angeles Lakers et des Atlanta Hawks, à la draft NBA de 1982.

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En 1982, les Lakers, bien que champions en titre, ont l’immense privilège d’avoir le premier choix de draft, conséquence d’un échange à se gratter la tête avec Cleveland. Durant la saison 1980, le propriétaire des Cavs, Ted Stepien, avait en effet réalisé la transaction suivante :

Butch Lee (un meneur de jeu moyen présent aux Cavs depuis moins d’un an et qui avait peu joué en raison d’une blessure) + son choix numéro un à la draft de 1982

contre

Don Ford (un swingman banal) + un choix de premier tour en 1980 (qui allait forcément être bas puisque les Lakers étaient l’une des quatre meilleures équipes).

Passe encore pour l’échange entre Ford et Lee, mais un premier choix de draft contre un choix de bas de tableau ? Incompréhensible. Tant pis pour les Cavs, et double coup de chance pour les Lakers : ayant désespérément besoin de jeunesse à l’aile, ils ont la chance de tomber sur la draft idéale. Les joueurs qui sortent du lot sont tous des ailiers :

  • James Worthy, vainqueur sortant du championnat NCAA aux côtés de Michael Jordan et MVP du Final Four ;
  • Dominique Wilkins, le joueur universitaire le plus spectaculaire de son époque ;
  • Terry Cummings, qui sort d’une année à 22,3 points et 11,9 rebonds de moyenne, et fait partie des plus grands espoirs du pays.

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Reste maintenant aux Lakers à faire le bon choix. La tâche est difficile. Worthy est sans doute le meilleur des trois : au cours de sa dernière année universitaire en Caroline du Nord, il a affiché une moyenne de 16 points et 6 rebonds avec 57 % de réussite au tir, et a brillé en finale (28 points, 17 rebonds). Mais Wilkins est le mieux coté : il sort d’une saison à 21 points et 8 rebonds de moyenne, à 53 % de réussite au tir. Son équipe a perdu en demi-finale du tournoi NCAA, mais au cours de ses trois ans passés à l’Université de Géorgie, le dynamique et explosif Wilkins s’est forgé une réputation et est considéré comme l’un des joueurs universitaires les plus excitants de l’histoire.

Les fans salivent à l’idée de voir « Nique » associé à Magic, Nixon et aux « Showtime Lakers ». Le problème, c’est qu’un joueur comme Wilkins a besoin d’être épanoui au sein de son équipe. Dans le cas contraire, il peut faire imploser le groupe et les Lakers ne sont pas vraiment prêts à courir le risque ; le fait que Wilkins a publiquement déclaré refuser de jouer pour les Clippers (second choix) ou le Jazz (troisième choix) n’aide guère sa cause.

Après avoir longuement réfléchi, les Lakers privilégient Worthy, qui a l’avantage d’être complet dans tous les domaines. Une décision logique, mais très impopulaire, et qui n’a pas été très bien accueillie à l’époque. Les San Diego Clippers, qui savent que Wilkins refusera de jouer pour eux s’ils le choisissent, sélectionnent Terry Cummings. Wilkins est drafté en 3e position par Utah, mais refuse de signer le contrat et est transféré aux Hawks d’Atlanta contre John Drew, Freeman Williams et 750 000 $.

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Croyez-le ou non, mais de façon surprenante et assez rare, les joueurs ont tous bénéficié des choix effectués par leurs équipes.

  • Avec les Lakers de Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar, Worthy a remporté trois bagues, un titre de MVP des Finales et fait partie des 50 meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA.
  • Associé aux Clippers à Bill Walton et Tom Chambers, Cummings réalisera une première saison phénoménale (23,7 points et 10,6 rebonds par match), sera élu Rookie of the Year et poursuivra sur sa lancée l’année suivante (22,9 points et 9,6 rebonds de moyenne) avant de faire l’objet d’un échange entre les Clippers et les Bucks. Il passera 19 années au total en NBA.
  • Atlanta tire le gros lot avec Wilkins, qui portera l’équipe pendant 12 saisons, deviendra l’idole de nombreux fans et gagnera le titre de joueur le plus spectaculaire des années 90 (avec Michael Jordan), faisant honneur à son surnom de Human Highlight Film.

Seul Utah peut faire grise mine : Freeman Williams ne jouera que 18 matchs avec eux et John Drew entrera en cure de désintoxication quelques mois après son transfert, admettant qu’il prenait de la coke depuis trois bonnes années. À part eux, tout a bien tourné pour les autres équipes, mais on peut se poser la question suivante : que serait-il arrivé si les Lakers avaient drafté Wilkins ?

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Pour le savoir, examinons les destins de chaque joueur si ce cas de figure avait eu lieu :

Wilkins

Deux scénarios se détachent : un pessimiste (le plus vraisemblable) et un optimiste.

  • Le pessimiste : Wilkins refuse d’abandonner des tirs, de s’appuyer sur Kareem et de suer en défense. Les Lakers implosent, s’empressent de se débarrasser de lui et perdent au moins un de leurs trois titres entre 1983 et 1990 en l’absence de Worthy.
  • L’optimiste : Pat Riley et Magic Johnson changent les manières de Wilkins (après tout, ils ont sauvé la carrière de McAdoo, qui était infiniment plus égoïste). La cohésion des « Showtime Lakers » monte d’un cran car Dominique est un joueur électrique doublé d’un scoreur inarrêtable. Magic le rend meilleur et l’abreuve d’alley-oops, au point que Wilkins concurrence Jordan pour le titre de meilleur joueur entre 1985 et 1993.

En résumé, si les Lakers avaient pris Wilkins, sa carrière aurait été différente : soit meilleure, soit pire, mais elle n’aurait sûrement pas été la même. Nous pouvons être d’accord sur ce point.

Worthy

Si les Lakers choisissent Wilkins en première position, Worthy est le grand perdant : les Clippers le prennent en second, puis Utah aurait sélectionne Cummings en troisième parce qu’il peut jouer aux deux postes à l’aile (ils ont pris Thurl Bailey l’année suivante pour le même raison).  Worthy aurait rejoint une faible équipe de Clippers et ne devient jamais « Big Game James ». Jamais.

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Vous voyez à quoi tient le destin d’un joueur ? À pas grand-chose.

#23 : Chris Paul, occasion perdue

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Chris Paul, meilleur joueur de la draft 2005, a été choisi par les New Orleans Hornets suite à un concours de circonstances particulièrement favorable (1).

Gagner le gros lot à la draft NBA est aléatoire. Une équipe peut être parmi les premières à choisir, miser sur le meilleur joueur disponible, choisir la personne idéale pour renforcer l’équipe, et se retrouver déçue malgré tout. Une blessure, un problème d’adaptation, un mauvais comportement… Autant de facteurs pouvant contribuer à ce qu’un joueur ne soit jamais à la hauteur des espoirs placées en lui.

On peut pardonner un mauvais choix fait par une équipe, si la décision de drafter le joueur était logique à l’époque. Qu’un joueur moins bon soit choisi devant un autre contre l’évidence même est moins pardonnable. Qu’un même joueur soit affecté par plusieurs décisions discutables dans une même draft est assez exceptionnel. C’est ce qui est arrivé à Chris Paul en 2005. Voyons la chose en détail.

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En 2005, la draft NBA a lieu à New York. La loterie a attribué le premier choix aux Milwaukee Bucks, qui sortent d’une saison difficile à 52 défaites et n’ont pas disputé les play-offs pour la première fois en trois ans. Les choix suivants, dans l’ordre, sont attribués à Atlanta, Portland, New Orleans et Charlotte.

À la draft 2005 se présentent plusieurs joueurs de qualité, dont l’un se démarque des autres : Chris Paul. Les observateurs le considèrent comme le meilleur joueur du lot, et celui qui a le plus de chance de réussir en NBA. Quelques heures avant le début de la draft, l’équipe de Portland décide de céder son troisième choix à l’équipe de Utah, contre le sixième choix, le vingt-septième choix et un choix de premier tour en 2006. Une transaction qui aura toute son importance, comme nous allons le constater.

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La draft commence. Avec Michael Redd et Mo Williams, l’équipe des Bucks a une belle ligne arrière. En revanche, elle manque cruellement de poids dans la peinture, comme en témoignent les noms des pivots passés chez les Bucks au cours de la saison 2004-2005 : Daniel Santiago, Zaza Pachulia et Dan Gadzuric. Pas vraiment reluisant. Les Bucks décident sagement d’ignorer Chris Paul et de sélectionner Andrew Bogut, un imposant pivot australien de l’université de Utah qui sort d’une très belle saison à 20,4 points, 12,2 rebonds et 2,3 passes de moyenne. Ses qualités défensives et son adresse balle en main font de lui l’homme de la situation. La décision de le choisir à la place de Paul était tout à fait justifiée de la part des Bucks, et n’a surpris personne à l’époque. Aucune controverse, donc, concernant ce choix.

La prochaine équipe à choisir est Atlanta, qui sort d’une horrible saison à 69 défaites et a désespérément besoin d’un meneur de jeu (ils n’ont sous la main que Tony Delk, Tyronn Lue et Royal Ivey, autant dire de simples bouche-trou). Les Hawks ont les équipiers parfaits pour un joueur comme Paul  : Joe Johnson, qui vient de signer des Suns, Josh Smith et d’autres. L’équipe est faite pour lui. Il n’y a pas de meilleur choix.

Mais pas pour le directeur général des Hawks, Billy Knight, apparemment. En lieu et place de Paul, il choisit un ailier costaud du nom de Marvin Williams. Williams a du potentiel et des aptitudes appréciables – les Bucks avaient même hésité à le prendre à la place de Bogut – mais il n’était même pas titulaire à l’université ! Pourquoi  Knight a-t-il choisi un ailier quelconque dont son équipe aurait pu largement se passer à la place d’un meneur comme Chris Paul dont ils avaient plus que grand besoin ? Sa décision sera critiquée de façon tout à fait justifiée et elle est de plus en plus inexplicable à mesure que les années passent. Avec Paul, Atlanta aurait pu devenir un « top team ». Mais non (2).

Au tour de l’équipe suivante. Utah, qui a hérité du choix de Portland, ne sélectionne pas non plus Chris Paul mais choisit Deron Williams, un meneur capable de porter leur franchise et un futur All-Star. Auraient-il dû prendre Paul au lieu de Williams ? Probablement, car Paul était sans aucun doute meilleur, mais Utah a quand même eu de très bons résultats en construisant leur équipe autour de Williams. On peut leur pardonner cette sélection. Et voilà comment l’équipe avec le quatrième choix, New Orleans, se retrouve avec Paul.

*****

Parmi les équipes ayant ignoré Paul, Atlanta est donc celle qui a le plus perdu au change. Le destin des Hawks avec Paul aurait pu être radicalement différent. Mais la question la plus intéressante concernant la draft 2005 est probablement celle-ci : Que serait-il arrivé si les Blazers avaient gardé le choix n°3 au lieu de le donner à Utah ?

Voilà sans doute ce qui se serait passé : les Blazers auraient logiquement pris Paul parce qu’après tout, c’était le meilleur joueur de la draft. Le cinq majeur de Portland pour la saison à venir se compose alors de Joel Przybilla, Zach Randolph, Viktor Khryapa, Juan Dixon et Chris Paul à la place de Steve Blake. En sortie de banc, on retrouve Blake, Travis Outlaw, Jarrett Jack et Theo Ratliff. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais avec Paul, la saison des Blazers est un peu moins mauvaise.

Du fait de leur montée au classement, à la draft suivante, ils se retrouvent peut-être avec Rudy Gay (choix numéro huit) au lieu de LaMarcus Aldridge (choix numéro quatre), et obtiennent Brandon Roy dans tous les cas avec leur deuxième choix de haut de tableau. Avec Roy et Paul, l’équipe devient encore meilleure. Elle est peut-être à la limite d’accrocher les play-offs. Du coup, les Blazers évitent Greg Oden à la draft suivante et se retrouvent avec un choix de milieu de tableau (disons le numéro douze, Thaddeus Young).

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À l’aube de la saison 2008-2009, l’équipe de Portland est donc constituée de :

Paul, Roy, Gay, Outlaw, Przybilla, Jack, Young, les droits sur Rudy Fernandez et les millions de Paul Allen

au lieu de :

Oden, Aldridge, Webster, Roy, Outlaw, Jack, Przybilla, les droits sur Rudy Fernandez et les millions de Paul Allen

Laquelle de ces deux équipes est meilleure ? À coup sûr, la première, même si cela se discute. Paul et Roy auraient-ils pu jouer ensemble, sachant qu’ils ont tous les deux besoin d’avoir la balle en main ? Auraient-ils pu rivaliser en terme de taille ? Auraient-ils joué davantage en « wide-open » ? Cela aurait-il marché ? Autant de questions sans vraie réponse, mais auxquelles on a tendance à répondre « oui » (sauf peut-être pour la taille). Quoi qu’il en soit, si Portland prend Paul, une réaction en chaîne complètement dingue se déclenche :

  • New Orleans se retrouve avec Deron Williams au lieu de Paul ;
  • Utah n’obtient jamais de meneur capable de porter une franchise et s’enfonce pour les prochaines années ;
  • Oden et Aldridge atterrissent ailleurs ;
  • Roy, qui doit partager le ballon avec Paul, ne devient jamais la star qu’il est devenue ;
  • Et pour finir, la cote de Paul baisse car dans la vie réelle, il a été tellement vexé d’avoir été ignoré par trois équipes qu’ils s’est tué au travail pour atteindre son niveau actuel. Ce qui n’arrive peut-être pas s’il est choisi par les Blazers en troisième position.

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Bref, les grands perdants de cette draft sont Atlanta et Portland. En parlant de Portland, on vient d’apprendre cette semaine que Greg Oden a annoncé sa retraite, à seulement 28 ans. Les blessures auront pourri sa carrière, comme celle de Brandon Roy. Pauvres Blazers. Ils méritent vraiment le titre de plus gros poissards de la NBA.


(1) Source : http://www.nydailynews.com/

(2) Billy Knight prendra à la draft suivante Shelden Williams au lieu de Brandon Roy. Il démissionnera de son poste de directeur général des Hawks deux ans plus tard, en prétendant le plus sérieusement du monde laisser l’équipe « en bien meilleur état que lorsqu’il l’avait prise en main ». On peut légitimement en douter.

#24 : Comment les Suns se sont sabordés entre 2004 et 2008

suns_2005.jpg

Les Phoenix Suns 2004-2005 : Mike D’Antoni (entraîneur), Steve Nash, Amar’e Stoudemire, Joe Johnson, Quentin Richardson et Shawn Marion. Une équipe formidable sabordée par des décisions douteuses. (1)

Certaines équipes font de mauvais choix. Ce sont des choses qui arrivent. Les conséquences de leurs décisions sont généralement imprévisibles, de sorte que l’on ne peut examiner séparément chacune d’entre elles et extrapoler par la suite sans avoir l’air de jouer les voyants. Mais la façon dont les dirigeants des Phoenix Suns ont géré leur équipe entre 2004 et 2008 a été tellement incompréhensible qu’il est impossible de ne pas en parler. La radinerie dont ils ont fait preuve et les décisions totalement vides de sens prises au cours de cette période ont ruiné une équipe qui aurait pu rester au sommet de la NBA pendant plusieurs années. Voici un aperçu détaillé de cette gestion calamiteuse.

2004.

L’été 2004 marque le retour de Steve Nash chez les Suns. Drafté par Phoenix en 1996, il avait rejoint Dallas en 1998 dans le cadre d’un échange, et était devenu un All-Star considéré comme l’un des meilleurs meneurs de toute la NBA. À la fin de son contrat, plutôt que de s’engager à nouveau avec les Mavericks, Nash choisit de revenir à Phoenix et rejoint une équipe prometteuse, avec des jeunes joueurs plein d’avenir (Shawn Marion, Joe Johnson, Amar’e Stoudemire). Tous les espoirs sont permis pour la saison suivante. Autre bonne nouvelle : les Suns possèdent le septième choix de la draft à venir, c’est-à-dire de quoi encore renforcer l’équipe.

Le soir de la draft, lorsque vient le tour des Suns, d’excellents joueurs sont encore disponibles. Les meilleurs sont Luol Deng, très bon ailier scoreur, et Andre Iguodala, swingman à la défense de fer. Les Suns ne se trompent pas : ils choisissent Luol Deng… et l’échangent immédiatement contre le 31ème choix de cette même draft (2) et un choix de premier tour en 2005. Une semaine plus tard, ils font signer à Quentin Richardson un contrat de six ans à… 42 600 000 $, alors qu’ils auraient pu rémunérer Deng avec un tiers de ce montant.

Mais la bêtise des dirigeants ne s’arrête pas là : malgré une excellente saison, Richardson est échangé aux Knicks dès l’année suivante avec le vingt-et-unième choix de la draft 2005 (Nate Robinson) contre… Kurt Thomas et Dijon Thompson. Kurt Thomas est loin du calibre de Richardson, et Dijon Thompson ne jouera qu’en ligue mineure avant d’être cédé aux Hawks, qui l’enverront très vite en Europe. Deux saisons plus tard, les Suns bazarderont Thomas à Seattle avec deux choix de premier tour simplement pour dégager du plafond salarial.

Pour résumer, la décision de Bryan Colangelo de signer Richardson au lieu de garder simplement Deng a fini par coûter aux Suns quatre choix de premier tour. Incroyable.

2005.

Joe Johnson, All-Star à en devenir de 24 ans, arrive en fin de contrat après la saison 2004-2005. Il avait été un élément-clé de l’excellente saison des Suns, un swingman parfait pour leur système run-and-gun et un excellent shooteur qui pouvait même jouer meneur en cas de besoin. Avec le noyau Nash-Stoudemire-Marion-Johnson, quelques role players et un banc solide, les Suns sont assurés au minimum d’une place en play-offs pendant une décennie (à condition que Nash ne se se blesse pas, et même dans ce cas, il suffit de confier les rênes du jeu offensif à Johnson).

Les Suns ont tout intérêt à garder Joe et à lui offrir un beau contrat. Au lieu de ça, les dirigeants lui font une offre si insultante que Johnson se vexe et leur demande de ne pas suivre l’offre d’Atlanta à 70 000 000 de dollars. Au lieu de le retenir avec des arguments de bon sens (14 000 000 $ par an et l’opportunité de jouer avec Nash), les Suns le laissent filer et l’échangent contre Boris Diaw et deux futurs choix de premier tour. On peut bien sûr critiquer Johnson pour s’être vexé trop facilement, mais comment les Suns ont-ils fait pour gérer la situation si mal que Johnson a insisté pour partir ?

2006.

Du fait de leur bons résultats malgré la perte de Johnson, la loterie annuelle donne aux Suns un choix de premier tour de draft assez lointain (le 27ème). Un point positif tout de même : Phoenix a récupéré le vingt-et-unième choix après plusieurs transactions compliquées. En vingt-et-unième choix, donc, les Suns choisissent un joueur prometteur de l’université de Kentucky : Rajon Rondo. Au lieu de le garder, ils l’expédient à Boston avec Brian Grant contre le premier choix de Cleveland en 2007 et 1,9 millions de dollars. Et quelques semaines plus tard, ils signent Marcus Banks pour… 24 000 000 $.

Autrement dit, à la place d’un jeune joueur plein d’avenir et peu coûteux, les Suns ont décidé de payer cinq fois plus un joueur moyen qui n’avait jamais dépassé les 6 points et 2 rebonds par matchs sur une saison complète (3). Le même été, ils ont prolongé le contrat de Diaw pour cinq ans et 45 millions de dollars, ce qui signifiait que le duo Diaw / Banks gagnait tous les ans autant d’argent que Joe Johnson. Impressionnant.

2007.

Après l’échange de Rondo et d’autres transferts compliqués, les Suns se retrouvent avec le vingt-quatrième choix de la draft 2007. Ils sélectionnent la star espagnole de Badalone Rudy Fernandez. En dehors de ses qualités, ce joueur a l’avantage de ne pas être sous le coup de la taxe de luxe car il ne compte pas rejoindre la NBA avant un an, désireux de prouver qu’il est le meilleur joueur du championnat espagnol.

Phoenix aurait pu trouver un arrangement pour le laisser jouer en Europe et le faire revenir en cas de besoin. Mais non : le propriétaire des Suns, Robert Sarver, a vendu ses droits à Portland pour 3 millions de dollars, une somme ridiculement basse pour un joueur de cette qualité. La saison suivante, Fernandez explose avec son club et montre toute l’étendue de son talent en finale des Jeux Olympiques face à une équipe américaine bourrée de stars. S’il s’était présenté un an plus tard à la draft, il serait sorti dans les dix premiers.

Conclusion :

Pour résumer le fiasco de ces quatre années, les Suns ont échangé un septième choix dans une excellente draft (Deng) ainsi que deux futurs grands joueurs (Rondo ou Fernandez) contre 4,9 millions de dollars, c’est-à-dire moins que ce qu’ils donnaient à Banks pour s’asseoir sur leur banc en 2007. Bravo !

Bon, d’accord, les choses étaient loin d’être aussi simples en réalité. Un grand nombre des mauvais choix susmentionnés étaient liés à d’autres, et Phoenix a du renoncer à des choix de premier tour en 2005, 2006 et 2008 suite à des problèmes de taxe. Mais la stratégie de Sarver a de quoi laisser largement perplexe. Pourquoi être propriétaire d’une équipe NBA si votre but est de réduire les coûts ? Pourquoi refuser de parier sur l’avenir ? Pourquoi préférer engranger cash à court terme que de voir les bénéfices à long terme ?

Imaginez un peu ce qu’auraient pu être les Suns à partir de 2004 : six excellents joueurs (Nash, Marion, Stoudemire, Johnson, Leandro Barbosa et Deng) qu’il aurait suffi d’entourer avec des choix de draft, des vétérans au salaire minimum, et renforcer le tout avec des transferts en février. Les Suns ne se seraient-ils pas positionnés à court et à long terme mieux que toute autre franchise de la seconde moitié de cette décennie ? Quelle avarice. Quelle occasion ratée. Et quel gaspillage des meilleures années de Nash.


(1) Source : https://twitter.com/insidersuns

(2) Avec ce choix, ils prendront Jackson Vroman, un pivot Libanais qui ne passera que deux ans en NBA, pour une moyenne de 4,6 points et 3,8 rebonds par match.

(3) Il a bien atteint les 12 points de moyenne en 2005-2006 avec Minnesota, mais en n’ayant joué que 40 matchs.

#25 : Darko et les Pistons

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Et si Carmelo Anthony avait été drafté par Detroit… (1)

Voici, dans l’ordre, les cinq premiers choix de la draft NBA 2003 : LeBron James, Darko Milicic, Carmelo Anthony, Chris Bosh et Dwayne Wade. Dans cette liste se trouve un intrus. À votre avis, de qui s’agit-il ?

Ceux qui s’intéressent à la NBA trouveront rapidement la réponse : Darko Milicic. LeBron James est l’un des meilleurs joueurs de basket-ball de tous les temps. Carmelo Anthony a gagné trois titres olympiques, a été neuf fois All-Star et a obtenu le titre de meilleur scoreur de la NBA en 2013. Chris Bosh a remporté deux titres avec le Miami Heat et a été l’un des meilleurs joueurs de sa génération. Dwayne Wade a fait gagner un titre au Miami Heat presque à lui seul et est considéré à juste titre comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du basket-ball. Le pauvre Darko, quant à lui, a traîné sa peine pendant dix ans sur les parquets NBA, sous six maillots différents, avec une moyenne en carrière famélique de… 6 points, 4,2 rebonds et 1,3 contres.

Avec le temps, et malgré un titre remporté au cours de son année rookie en jouant les utilités (159 minutes de jeu pour toute la saison…), Milicic est devenu l’objet de multiples moqueries. Un blog parodique à succès intitulé « Free Darko » lui a été consacré, il a été la cible de blagues récurrentes durant toute sa carrière et est aujourd’hui régulièrement cité parmi les pires joueurs draftés en haut de tableau de l’histoire. Il a pris sa retraite à 27 ans, a tenté une carrière dans le kickboxing, puis a caressé l’idée d’un retour avant de devenir finalement simple fermier dans sa Serbie natale. Pas vraiment flamboyant.

*****

En voyant la médiocrité de la carrière de Milicic, il est naturel que, bien des années plus tard, se posent les deux questions suivantes : Comment les Pistons ont-ils pu drafter Darko Milicic ? et surtout : Que se serait-il passé s’ils avaient choisi à la place Carmelo Anthony (ou Bosh ou Wade) ? Prendre n’importe lequel de ces trois joueurs n’était-il pas évident ?

Eh bien, les choses sont un peu plus compliquées que cela si l’on se replace dans le contexte de l’époque. À la fin des années 90, la NBA a connu un afflux de joueurs ayant fait le grand saut du lycée à la NBA, sans passer par l’université : Kevin Garnett, Kobe Bryant, Jermaine O’Neal, Tracy McGrady. Ces joueurs avaient beaucoup de talent, mais leur jeu était basé sur leurs formidables aptitudes physiques et les prouesses individuelles ; les fondamentaux du basket étaient ignorés et la qualité du jeu s’en ressentait, dans une ligue où le spectacle semblait avoir pris le dessus sur le reste.

À l’inverse, le basket européen commençait à prendre de l’essor ; les joueurs européens étaient perçus comme étant plus mûrs, et maîtrisant davantage les bases de leur sport. Les responsables de clubs s’étaient donc mis à prospecter en Europe, et le nombre d’européens draftés augmentait d’année en année. Les joueurs européens présentaient aussi un avantage non négligeable : ils étaient blancs, alors que les jeunes vedettes « égoïstes » avaient la peau noire. Pour le fan américain moyen cherchant à s’identifier aux joueurs NBA, c’était du pain bénit.

*****

C’est dans ce contexte que débute la « hype » Darko Milicic, aux alentours de 2003. Fils d’un policier et d’une femme de ménage, Darko grandit à Novi Sad, en Serbie, au sein d’une famille pauvre. À 16 ans seulement, il intègre l’équipe professionnelle serbe d’Hemofarm, où il affronte régulièrement des joueurs entre 25 et 30 ans. La rage et la puissance dont il fait preuve pour son jeune âge impressionnent les recruteurs américains. À 17 ans, Darko fait la une d’ESPN Magazine. Puis il se présente aux entraînements pré-draft de 2003 et effectue des performances remarquables. Beaucoup sont alors persuadés d’avoir trouvé la perle rare : un joueur professionnel, discipliné, possédant les fondamentaux et la rage de vaincre – toutes ce qui manquait (croyait-on) aux jeunes stars américaines paresseuses et ne pensant qu’à dunker.

Voici quelques citations de l’époque qui reflètent assez bien la mentalité générale :

« La NBA est basée sur le spectacle. En Serbie, le basket-ball est un business. »
Zeljko Lukajic, entraîneur de Hemofarm

« La rapidité et l’explosivité de Darko sont des dons naturels. Il doit prendre du muscle, mais pas trop, car sa rapidité lui donnera un meilleur avantage au poste que n’importe quel degré de force. »
Arnie Kander, ESPN Magazine

« Darko est vraiment unique en son genre. Il se déplace bien, il est adroit, peut tirer à trois points et joue dos au panier. Il peut jouer poste 3, 4 ou 5. Bien sûr, il n’est pas le seul dans ce cas ; mais ce qui le distingue des autres est sa grosse présence au poste. […] Plus on le repousse, plus il revient à la charge. »
Chad Ford,
ESPN Magazine

« Darko me fait penser à Wilt Chamberlain dans sa jeunesse. Wilt pouvait tout faire sur un terrain, et je n’ai pas vu un big man aussi technique depuis Wilt. »
Will Robinson, ESPN Magazine

« Les frères vont le respecter. »
Brett Forrest, ESPN Magazine

« On le surveillait depuis quelques années. C’est un big guy talentueux qui peut jouer à l’intérieur ou à l’extérieur. Il est gaucher et peut jouer petit ailier. Il se déplace bien et a de solides qualités athlétiques. Il peut tirer de loin et aller vers le panier. »
Ryan Blake, scout NBA

À l’aube de la draft 2003, trois joueurs se détachent de la masse : LeBron James, 18 ans mais déjà annoncé comme le futur Michael Jordan, Darko, dont une équipe de NBA sur cinq pense qu’il sera meilleur que James (2), et Carmelo Anthony, champion universitaire avec Syracuse et meilleur joueur de son équipe.

(Pour répondre immédiatement à l’une des questions posées plus haut, il n’y avait aucune chance que Wade ou Bosh soit sélectionné parmi les trois premiers de cette draft. Aucune. Tout le monde se demandait si Bosh allait prendre suffisamment de masse musculaire pour réussir dans la ligue, et Miami a stupéfait tout le monde en prenant Wade en cinquième choix. Même si Detroit aurait sans doute obtenu plusieurs titres en draftant Wade, on ne peut pas dire qu’ils aient gaffé en ne le choisissant pas. Ils n’allaient tout de même pas faire un trade pour avoir un joueur moins coté. Laissons donc Wade et Bosh de côté et évoquons le cas Anthony.)

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Les trois premières équipes à choisir sont Cleveland, Detroit et Denver. Parmi ces trois équipes, une seule n’est pas en reconstruction : celle de Detroit. Comme on en a parlé, les Pistons ont eu l’énorme chance de voir les Grizzlies tirer le second choix de draft à la loterie et être obligés de leur céder en raison d’une transaction douteuse effectuée des années plus tôt. Les Pistons se retrouvent du coup avec le deuxième choix. Après la sélection sans surprise de James par les Cavaliers, ils ciblent immédiatement Darko, ayant déjà une valeur sûre au poste 3 (Tayshaun Prince) et ayant besoin de taille sous le panier (tout ceci se passait huit mois avant que Danny Ainge ne leur offre Rasheed Wallace dans un emballage-cadeau).

Les Pistons auraient été massacrés s’ils avaient pris quelqu’un d’autre que Milicic en second. C’est pour cela qu’ils l’ont drafté, même si beaucoup de gens pensaient qu’ils se trompaient et qu’ils auraient dû choisir Anthony. Pourquoi ? Parce que Anthony était une valeur sûre. Milicic était un grand espoir, mais la NBA était totalement différente de tout ce qu’il avait connu en Europe. Anthony avait travaillé son jeu pendant quatre ans et remporté un titre universitaire en étant élu MOP. Il était prêt pour la NBA. Ne pas être choisi en deuxième position l’a d’ailleurs considérablement surpris :

« On m’avait dit que Detroit allait me prendre. Quand Cleveland a fait son choix, pour moi, c’était clair : j’allais à Detroit. »

De fait, en dehors de déclarations de journalistes et de spécialistes NBA qui ne se basent guère sur des faits tangibles, les Pistons et le manager général Joe Dumars ne savaient pas grand-chose de Milicic :

« En ce qui concerne Darko, je crois que nous avions deux sources d’information, pas plus. »

Mais le choix est fait et Darko rejoint Detroit. Les Pistons ont déjà un noyau solide, autant au niveau des titulaires que des remplaçants. L’entraîneur des Pistons, Larry Brown, ne s’intéresse pas au jeune serbe. Il le fait peu jouer. Darko ne s’épanouit pas et commet de nombreuses fautes. Au lieu de gagner du temps de jeu et d’apprendre le métier, il végète sur le banc. Les Pistons gagnent le titre NBA en 2004 et le frôlent la saison suivante. L’équipe est solide. Il n’y a pas de place pour Darko. L’arrivée d’un nouvel entraîneur, Flip Saunders, en 2006, est un motif d’espoir, mais Darko a déjà perdu trop de temps. Il joue toujours aussi peu et rumine son sort sur le banc. Il quitte les Pistons pour le Magic, où il ne restera qu’un an, puis cherche à se relancer chez les Grizzlies et les Knicks. Peine perdue. Il met fin à sa carrière en 2012 après un petit mois passé chez les Celtics.

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La sélection d’Anthony en deuxième position était donc évidente et les Pistons se sont plantés. Que seraient-ils devenus s’ils l’avaient pris ? Pour Chauncey Billups, meneur de l’équipe de Detroit championne en 2004, Anthony aurait rendu les Pistons encore meilleurs :

« Sa tendance à ne pas faire circuler le ballon ? Il n’aurait pas été comme ça s’il avait été avec nous. Nous ne l’aurions pas laissé jouer ainsi. Il serait bien meilleur qu’il ne l’est aujourd’hui, et il est déjà un grand joueur. Il serait devenu une icône. Parce que c’est ce qui arrive quand on gagne. »

C’est peut-être vrai. Mais si Carmelo va à Detroit, il se serait certainement produit autre chose. La théorie la plus vraisemblable est celle-ci : si Anthony va à Detroit, Detroit perd le titre de 2004.

Les arguments pour étayer cette thèse ? D’abord, quoi qu’en pense Billups, il est probable qu’Anthony n’aurait jamais su se greffer parfaitement aux Pistons. Son style de jeu porté sur l’offensive et sa défense médiocre n’auraient jamais pu s’accorder avec le basket altruiste et défensif prôné par Larry Brown. Ensuite, Prince aurait été en concurrence avec Anthony au poste 3 ; si Carmelo arrive, sa confiance est juste assez entamée pour que nous ne voyions pas la même équipe des Pistons qui a battu les Lakers en 2004. Enfin, il ne faut pas oublier que Larry Brown a entraîné Anthony aux Jeux Olympiques de 2004 et qu’ils se détestaient au point que « Melo » a mis du temps à s’en remettre. Jamais ils n’auraient pu cohabiter à Detroit.

Les effets de la sélection d’Anthony à long terme ? Brown s’en va ; Anthony (ou Prince) se fait échanger ; Detroit ne va jamais en finale ; et Darko obtient un bon temps de jeu à Denver, progresse à son rythme et devient autre chose qu’une triste cible sur laquelle on écrase des dunks. Ironie du sort, faire un mauvais choix a, en fin de compte, fait gagner un titre à Detroit.


(1) Source : www.detroitsportsnation.com

(2) Selon la rumeur à l’époque. Comme pour toutes les rumeurs, l’affirmation est à prendre avec beaucoup de prudence.

Destins : Règles de base

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Pour bien appréhender le concept de la rubrique « Destins », un préambule est nécessaire. Ce court article a pour but de mettre les choses au point, afin d’éviter les confusions et de bien comprendre de quoi l’on va parler.

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La première chose à savoir est que la rubrique « Destins » repose sur un certain nombre de règles de base, dont la plus importante est très certainement celle-ci :

Le destin d’un individu ou d’une équipe est toujours lié à une tierce personne.

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Ce qui signifie que tous les articles de la rubrique traiteront d’un événement qui s’est produit (ou non) suite à l’intervention ou à la décision d’une personne, qu’il s’agisse d’un joueur, d’un dirigeant, d’un membre de l’encadrement ou même d’une personne n’ayant aucun rapport direct avec le basket-ball. Pourquoi est-il si important de le souligner ? Parce que cela permet d’écarter toutes les spéculations inutiles relatives à des événements qui font partie du jeu. Seront donc mises de côté :

Toutes les interrogations liées aux blessures. La raison en est simple : les blessures font partie intégrante de la vie d’un joueur de basket. On peut se demander par exemple quel aurait été le destin de Bill Walton s’il n’avait pas été blessé pendant la majorité de sa carrière. Mais avec une morphologie comme la sienne, il était presque évident que la blessure allait finir par arriver, tout comme les joueurs de grande taille (Yao Ming, pour n’en citer qu’un) finissent tôt ou tard par se bousiller les genoux. D’autre part, toutes ces questions ouvrent la porte à des casse-têtes ridicules dans lesquels on pourrait se demander ce qui n’est pas arrivé, comme : « Et si Jordan ne s’était pas éloigné des terrains pendant dix-huit mois ? ». La décision de Jordan était mûrement réfléchie et la remettre en cause serait non seulement absurde, mais donnerait beaucoup trop de scénarios possibles.

Toutes les interrogations liées aux confrontations entre joueurs au sein d’une même équipe. Exemple le plus parlant : celui de Shaq et de Kobe. Certes, on peut penser qu’ils auraient remporté ensemble une moisson de titres s’ils s’étaient bien entendus. Mais la confrontation entre les deux était inévitable. Et la même chose serait arrivée avec deux joueurs d’élite différents. Il ne pas peut pas y avoir deux leaders dans une équipe de basket-ball. Elle finira par imploser. Obligatoirement.

Toutes les interrogations liées à la loterie pour les places de draft, car la loterie repose sur le hasard (et un peu sur David Stern). De plus, les conséquences sont telles qu’on ne peut faire de prédictions fiables à court ou à long terme. Prenons un exemple : à la loterie de 2003, Cleveland et Memphis sont les deux dernières équipes en lice pour le premier choix de draft. Chacune des deux équipes espère obtenir ce choix pour emporter LeBron James. Si les Grizzlies obtiennent le choix numéro un, ils prennent LeBron. Si les Grizzlies obtiennent le deuxième choix, ils doivent le donner à Detroit parce qu’ils ont bêtement échangé un choix de premier tour contre Otis Thorpe cinq ans plus tôt (seul le premier choix de draft n’était pas concerné).

Vous connaissez la suite : Cleveland a obtenu le premier choix et Memphis n’a rien eu. Maintenant, regardez l’effet domino au cours des cinq prochaines années si Memphis obtient ce choix :

LeBron rejoint une équipe des Grizzlies solide, avec Pau Gasol, Shane Battier et Mike Miller. Avec le second choix, Cleveland prend Carmelo et construit autour de lui. Denver prend Milicic troisième devant Chris Bosh (à l’époque, James, Anthony et Milicic étaient les trois premiers choix de draft « évidents »), et le reste se déroule de façon à peu près similaire. LeBron flambe avec des Grizzlies qui, dans la vie réelle, ont remporté 50 matchs sans rien obtenir à la draft 2003. Ils vont en play-offs et font un beau parcours, mais l’équipe est trop faible pour avoir une réelle chance de titre. Ce qui pousse LeBron à quitter Memphis et devenir agent libre après son contrat rookie, c’est-à-dire en 2007. Toutes les équipes médiocres tankent en 2006 et 2007 pour dégager de la marge salariale et espérer l’obtenir. Une équipe tire le gros lot. Et tous les vainqueurs à partir de 2008 pourraient être différents. Vous voyez comme c’est compliqué de prédire l’avenir de cette façon ?

Toutes les questions liées aux places à la draft, SAUF si la bonne décision était flagrante et que l’équipe s’est quand même fourvoyée. On n’évoquera donc pas les paris (ratés) Greg Oden ou Kwarme Brown, qui n’ont jamais pu démontrer leur potentiel en raison de circonstances indépendantes (ou non) de leur volonté, ni ces basketteurs médiocres draftés en milieu de premier tour (Nikoloz Tskitishvili, Joe Alexander…), car personne ne peut vraiment être certain de ce que va devenir un basketteur en arrivant en NBA. Stockton et Rodman ont été sous-évalués, d’autres ont été surévalués.

Toutes les questions liées aux échanges. Une équipe peut être perdante sur un échange et gagner un titre en ayant transféré un joueur qui nuisait à la bonne marche de l’équipe (et vice-versa). À partir de là, impossible de prédire l’avenir des équipes concernées par un transfert avec fiabilité. Répétons-le encore une fois : on ne peut pas tout savoir à l’avance. (Mais, comme on l’a vu plus haut, n’échangez pas des choix de premier tour concernant une draft ayant lieu cinq années plus tard contre des joueurs comme Otis Thorpe.)

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C’est à partir de là que l’on construira le catalogue des décisions qui ont changé le destin de la NBA. Les vingt-cinq plus importantes ont été sélectionnées. Certaines histoires sont fascinantes. Pour conclure, bien que l’on commence à compter à rebours, les événements sont classés par ordre d’importance dans l’histoire des joueurs et des équipes, et non par ordre d’impact (trop aléatoire et subjectif).

Ces « Dream Team » que personne n’a pu voir aux Jeux Olympiques

Il y a quelques semaines, l’équipe de basket masculine des États-Unis a remporté son 15ème titre olympique en 19 éditions, et ce malgré l’absence de joueurs-phare comme Stephen Curry ou LeBron James. Depuis l’arrivée des professionnels et la « Dream Team » de 1992, les USA n’ont perdu qu’une seule édition olympique, en 2004, avec une équipe dont les meilleurs joueurs étaient absents et qui fut incapable de rivaliser avec des équipes de très bon niveau, habituées au jeu FIBA. Tout le monde s’accorde sur le fait que l’équipe de 1992 était la meilleure de toutes, mais un meilleur « Team USA » aurait-il vu le jour si les joueurs de NBA avaient été éligibles avant Barcelone ? Tout cela n’est qu’utopie, mais essayons d’imaginer comment seraient bâties quelques-unes de ces « équipes de rêve ».

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Comme il faut bien commencer quelque part, nos « équipes de rêve » ne seront constituées qu’à partir de 1972, année de la première défaite des USA en finale des Jeux Olympiques. Pas seulement à cause du manque de données, mais aussi parce qu’avant les années 60, la notion de professionnalisme était assez floue ; il serait donc difficile de constituer  des équipes cohérentes.

Ensuite, les équipes constituées seront équilibrées ; il ne s’agit pas seulement de faire un empilement de stars à la va-vite. Les places au sein du groupe de douze joueurs seront réparties de la manière suivante :

  • 2 pivots de métier
  • 4 ailiers, dont au moins deux ailiers forts
  • 1 joueur polyvalent capable de jouer ailier ou arrière
  • 4 arrières, dont au moins deux meneurs de jeu
  • 1 joueur universitaire

D’autre part, parmi ces joueurs :

  • Trois devront être des défenseurs d’élite (un pivot, un ailier, un arrière)
  • Le joueur universitaire sera de préférence pivot ou ailier fort (voire polyvalent sur ces deux postes) pour servir d’assurance contre les blessures (les pivots sont les moins nombreux et les plus précieux)

On notera également six réservistes pour chaque équipe (un à chaque poste + un universitaire), moins forts que le groupe de douze mais susceptibles d’être appelés ou non en certains critères de l’époque (expérience, comportement ou, plus tristement, couleur de peau).

Une dernière information : pour l’équipe de 1972, la ligue professionnelle de basket-ball américaine était séparée entre ABA et NBA. Le jeu de l’ABA étant très éloigné celui de la NBA, et sachant qu’il aurait été difficile de faire une équipe homogène en mélangeant les joueurs des deux ligues, le parti d’ignorer l’ABA a été adopté. Dans la vraie vie, les choses n’auraient sans doute pas tourné autrement. La NBA était la « véritable » ligue de basket et les joueurs de l’ABA n’auraient pas été autorisés à participer aux Jeux. Pas de Erving, Issel ou Gilmore dans l’équipe de 1972 donc, mais ce n’est pas si dramatique, sachant qu’ils n’en étaient qu’à leurs débuts et que la concurrence était rude.

Ceci étant dit, il est temps d’établir la liste de ces « Dream Team » que personne n’aura vues.

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1972 : La grosse artillerie

Pivots : Abdul-Jabbar, Chamberlain
Ailiers : Cowens, DeBusschere (ailiers forts), Cunningham, Bob Love, Havlicek (polyvalent)
Arrières : Archibald, Frazier, Robertson (meneurs), West
Joueur universitaire : McAdoo
Réservistes : Thurmond, Silas ou Haywood, Sloan, Bing, Maravich, Dwight Davis (universitaire)

Cinq majeur : Chamberlain, Cowens, Havlicek, West, Frazier

Wilt Chamberlain a toujours eu des difficultés à jouer en équipe. Il aurait pu être écarté pour éviter de nuire au collectif et à l’ambiance de groupe, mais son attitude s’était considérablement améliorée au cours de la saison 1971-1972 : il avait cessé depuis de monopoliser continuellement le ballon et n’hésitait plus à faire des passes. De plus, sa popularité et son immense talent le rendent incontournable. Aussi est-il présent en pivot titulaire et si les choses se passent mal, Abdul-Jabbar et Cowens sont là pour le suppléer.

Spencer Haywood, en dépit d’un pedigree impressionnant (premier cinq majeur de la NBA en 1972 et des Jeux Olympiques 1968 fantastiques), a été laissé de côté en raison de son impopularité auprès des instances et du public après le procès qu’il a intenté à la NBA en 1970. Il n’aurait probablement pas intégré le groupe.

Pour le reste, en raison du climat social de l’époque, on peut se demander combien de joueurs Noirs seraient écartés au profit de joueurs Blancs. Le groupe rassemblé ci-dessus fait abstraction de la chose et se base uniquement sur la valeur des joueurs (DeBusschere est pris à la place de Silas en raison de ses qualités défensives supérieures), mais on pourrait très bien imaginer Maravich remplacer Robertson ou Sloan remplacer Bob Love.

Pour terminer, Bob McAdoo prend la place de joueur universitaire ; il est préféré à Dwight Davis (médaillé d’argent aux Jeux de 1972 et n°3 de draft la même année), loin devant le feu de paille LaRue Martin.

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1976 : Showtime

Pivots : Abdul-Jabbar, Walton
Ailiers : Barry, Cowens (ailiers forts), Erving, Havlicek (polyvalent)
Arrières : Archibald, Maravich, Jo Jo White (meneurs), David Thompson (polyvalent), Westphal
Joueur universitaire : John Lucas
Réservistes : Hayes, McAdoo, Wilkes, Gervin, Van Lier, Dantley (universitaire)

Cinq majeur : Abdul-Jabbar, Barry, Erving, Havlicek, Archibald

L’équipe la plus spectaculaire (Erving, Thompson, Maravich… !), mais aussi la moins équilibrée. Westphal est le seul véritable arrière du groupe ; Havlicek et Thompson se partagent le poste avec lui. Bob McAdoo mérite une place dans l’équipe, mais il ne peut rivaliser avec Barry et Cowens et s’il doit y apparaître, il faudrait alors écarter Jo Jo White (la couleur de peau de Westphal le protégeant d’une exclusion). Comme White vient d’être élu MVP des Finales de 1976 et est au sommet de son art, sa non-sélection paraît peu envisageable.

Le reste de l’équipe est assez logique. David Thompson est la seule « non-évidence » car il débute à peine en NBA, mais avec son  talent incroyable et sa démonstration au concours de dunks de 1976, il est difficile de le laisser de côté. John Lucas, futur n°1 de draft, est l’évidence même pour la place d’universitaire, devant Adrian Dantley ou Scott May (n°2 à la draft de 1976 et médaillé d’or aux Jeux cette même année).

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1980 : Le grand mélange

Pivots : Abdul-Jabbar, Moses Malone
Ailiers : Bird, Sikma (ailiers forts), Erving, Bobby Jones
Arrières : Magic Johnson (polyvalent), Dennis Johnson, Gus Williams (meneurs), Gervin, Westphal
Joueur universitaire : Kevin McHale
Réservistes : E. Hayes, Roundfield, Marques Johnson, Richardson, Phil Ford, Carroll (universitaire)

Cinq majeur : Abdul-Jabbar, Bird, Erving, Gervin, Magic Johnson

C’est la plus utopique de toutes les équipes puisque les USA ont boycotté les Jeux de Moscou. Cela dit, le monde n’y perd pas grand-chose car cette « Dream Team » est peut-être la plus faible. Il n’y a pas de joueur polyvalent en dehors de Magic, qui a démontré lors des Finales de 1980 qu’il pouvait jouer n’importe où, mais dont le poste d’ailier n’est pas le poste de prédilection. Les polyvalents Bobby Dandridge ou Walter Davis (malgré tout leur talent) ne sont pas à la hauteur de la concurrence.

Marques Johnson a été tristement écarté au profit de Jones en raison de sa couleur de peau ; Jones ferait sans doute un malheur en sortie de banc avec sa défense, mais Marques Johnson était meilleur en 1980 et il aurait mérité sa place. Ce qui, signalons-le, aurait fait trois Johnson dans l’équipe. Pour l’universitaire, McHale l’emporte devant Joe Barry Carroll, futur n°1 de draft, qui, malgré sa carrière relativement anonyme, était loin d’être mauvais.

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1984 : Priorité au collectif

Pivots : Abdul-Jabbar, Moses Malone
Ailiers : Bird, McHale (ailiers forts), Erving, King, Dantley (polyvalent)
Arrières : Magic Johnson, Isiah Thomas (meneurs), Moncrief, Paxson
Joueur universitaire : Ewing ou Jordan
Réservistes : Parish, Sampson, Worthy, Toney, Dennis Johnson, Ewing ou Jordan (universitaire)

Cinq majeur : Abdul-Jabbar, Bird, Erving, Moncrief, Magic Johnson

La plus grande question ici concerne le réserviste : Ewing ou Jordan ? A priori, Jordan mérite la place, mais avec le critère de préférence cité plus haut, et sachant que le jeune Ewing était un véritable monstre défensif avec des genoux encore en bon état, le choix est difficile. Il l’est tellement que la place d’universitaire est laissée ouverte. Si les deux sont intégrés au groupe, Dantley serait écarté et Magic jouerait encore une fois les polyvalents. Mais on entre dans un scénario dans lequel les spéculations sont trop nombreuses.

À noter : la titularisation de Sidney Moncrief. On peut penser qu’il fait tache à côté des autres joueurs du cinq de départ, mais pas du tout ; c’était un monstre de volonté et un excellent défenseur, qui mérite amplement sa place. La seule chose navrante est l’absence d’Andrew Toney, l’un des joueurs les plus sous-évalués de l’histoire, écarté au profit de Paxson. Pourquoi ? À cause de sa couleur de peau. Quelle tristesse.

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1988 : Dream Team 1.0

Pivots : Ewing, Moses Malone
Ailiers : Barkley, Karl Malone (ailiers forts), Bird, Wilkins, Mullin (polyvalent)
Arrières : Magic Johnson, Stockton (meneurs), Drexler, Jordan
Joueur universitaire : David Robinson
Réservistes : Abdul-Jabbar, Worthy, Michael Cooper, Alvin Robertson, Isiah Thomas, Manning (universitaire)

Cinq majeur :  Ewing, Barkley, Bird, Jordan, Magic Johnson

On retrouve dans cette équipe dix des douze joueurs de la future Dream Team de 1992. Cette première version est presque aussi forte que l’autre, malgré l’absence d’un Pippen encore loin d’être à maturité, remplacé par l’excellent Dominique Wilkins. Ewing et Olajuwon sont de loin les pivots dominants de la NBA en 1988 ; le second étant inéligible (il est toujours Nigérian), on se rabattra encore une fois sur Moses Malone, sachant que Abdul-Jabbar arrive clairement au bout de son rouleau.

La grande question est de savoir si Jordan aurait accepté, à cette époque, la présence d’Isiah Thomas dans l’équipe. On peut en douter car les « Jordan Rules » étaient déjà en place en 1988 et les Detroit Pistons étaient en train de devenir les « Bad Boys ». Thomas est donc laissé de côté et c’est encore une fois Stockton qui remplit l’espace vide.

Un grand absent dans cette liste : James Worthy, écarté au profit de Mullin qui a pour atout sa polyvalence. On peut voir aussi parmi les réservistes la présence de Danny Manning, joueur NBA à la carrière modeste, mais dont la saison universitaire 1987-1988 avait été inoubliable.

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Voilà donc ce qu’aurait pu être l’équipe de basket américaine aux Jeux Olympiques entre 1972 et 1988. Ne croyez pas que toutes les allusions faites dans ce texte à la couleur de peau au racisme soient agréables à évoquer ; mais c’était la mentalité générale de l’époque et une équipe constituée de moins de 40 % de Blancs était inenvisageable.

Au fait, parmi ces six équipes, quelle est la meilleure ? Probablement celle de 1984 (et elle monte encore d’un cran si on ajoute Toney). L’équipe de 1972 tient la corde, mais si l’on prend en compte le talent individuel et le collectif, il n’y a pas photo. Une équipe bourrée de talent, dans laquelle tout le monde s’entendrait, avec Bird et Magic en leaders, King pour les moments décisifs, Thomas, Malone et McHale en sortie de banc, la défense d’Ewing ou la présence de Jordan… Impressionnant.

Top 10 des pires légendes de la NBA aux commentaires

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Rick Barry et Bill Russell le jour de l’affaire du « Watermelon Grin ». L’un des moments les plus embarrassants de l’histoire du sport.

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Dans The Book of Basket-ball, Bill Simmons aborde un sujet assez inédit : celui des pires légendes de la NBA devenus analystes-commentateurs. À plusieurs reprises, les réseaux de télévision ont cherché à embaucher les dernières légendes disponibles, en vertu de la théorie selon laquelle un grand joueur sera forcément un bon commentateur (et ce, malgré l’absence totale de corrélation entre les deux). Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une idée fausse, huit des vingt-cinq plus grands joueurs de tous les temps s’étant révélés catastrophiques au micro. Élaboré à partir de la liste de Simmons, voici un classement subjectif des dix légendes de la NBA les plus horribles aux commentaires.

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10. Walt « Clyde » Frazier (depuis 1998). Celui-là ne figurait pas dans la liste de Simmons. Il faut dire que Frazier officie en tant que commentateur « local » pour les Knicks, et que ses prestations ne sont pas diffusés à l’échelle nationale, ce qui devrait l’exclure du classement. Mais ses performances à l’antenne sont vraiment particulières. Frazier a la manie de faire énormément de jeux de phrase et de rimes, comme « Dishing and Swishing », « Moving and Grooving » ou « See the ball, see your man ». Un fan des Knicks a établi un tableau statistiques de ces « Clydeismes » pour la saison 2013-2014. Selon lui, Frazier a utilisé le terme « Dishing and Swishing » 1,14 fois par match durant la saison. Et cela fait dix-huit ans que ça dure. Une telle performance vaut bien une place d’honneur  au classement.

9. Moses Malone (1986). Moses Malone a toujours eu des difficultés pour s’exprimer. Son surnom dans la ligue était « Mumbles » (« Marmonneur »). Il n’était pas devenu plus éloquent au fil des années. Malgré ça, CBS a eu la mauvaise idée de le faire intervenir en direct au Match 4 des Finales de 1986 (pas en cours de jeu, heureusement, mais en tant qu’intervenant en avant-match, en après-match et à la mi-temps). Le résultat ? Une catastrophe. La seule retransmission NBA de l’histoire à avoir besoin de sous-titres.

8. Bill Russell (1980-1983). Après une première tentative honorable dans les années 70, Russell a passé trois ans à rester apathique derrière son micro. Avoir travaillé avec Rick Barry ne l’a pas aidé (voir plus loin), mais même après le licenciement de ce dernier, il n’est pas arrivé à se débrouiller. Un fiasco.

7. Magic Johnson (1992-1997). NBC l’a fait signer tout de suite après sa retraite. Sur le coup, cela semblait une bonne idée, mais l’ambiance est très vite retombée. L’accent très prononcé de Magic le rendait difficile à comprendre et il interrompait continuellement ses collègues, riait sans prévenir et évoquait son passé avec les Lakers dès qu’il en avait l’occasion. NBC a pris la bonne initiative de le mettre en studio, où il est devenu ennuyeux avant de mettre un terme (provisoire) à son expérience de commentateur.

6. John Havlicek (1978). Il a commenté les Finales de 1978 avant de se faire renvoyer. Quoique on se demande s’il a jamais commenté. Il est resté totalement muet pendant les sept matchs. On l’annonçait à l’antenne et on n’entendait plus parler de lui pendant quarante-cinq minutes. Ce n’est pas si surprenant quand on connaît le personnage : sur le terrain, tout le monde adorait Havlicek, mais en-dehors, il était timide et réservé. On ne l’a plus jamais revu derrière un micro.

5. Oscar Robertson (1975).

Oscar avait deux particularités. Premièrement, il ne regardait jamais la caméra. Jamais. Deuxièmement, il ne savait absolument pas quoi dire, alors il compensait en émettant une variété de sons étranges au cours du match, comme : « Ohhhhhhhhhhh ! » et « Yes ! » Le réseau s’est empressé de se débarrasser de lui après la saison. (Bill Simmons, The Book of Basket-ball)

4. Isiah Thomas (1998-2000). Il a peut-être formé sur NBC avec Doug Collins et Bob Costas le pire trio de commentateurs de l’histoire. Isiah parlait peu et sa voix douce et haut perchée était inaudible. Collins, le plus compétent des trois, essayait désespérément de lui faire dire quelque chose pendant que Costas, vieux et rouillé, commentait les matchs comme à la radio. Un an seulement après ses débuts à l’antenne, NBC a envoyé Isiah en studio où il a passé deux années supplémentaires à sourire béatement. (Au moins, l’expérience Isiah aura ouvert les yeux pour de bon aux dirigeants des réseaux télé : Thomas a été le dernier de la liste des légendes devenues d’horribles personnalités télévisuelles.)

3. Elgin Baylor (1974). Difficile à juger car son travail n’est pas disponible, que ce soit en audio ou en vidéo. Il a commenté sur CBS avec Brent Musburger et Hot Rod Hundley, et était apparemment si mauvais que le réseau s’est empressé de le remplacer par Rick Barry dès que les Warriors se sont faits éliminer de la course aux play-offs. Cela veut tout dire.

2. Rick Barry (1975-1981). Déjà en tant que joueur, Rick Barry était détesté par ses adversaires et même par ses coéquipiers en raison de son sale caractère. Au micro, ça ne s’est guère arrangé. Bombardé commentateur des play-offs dès que les Warriors étaient hors-course, Barry passait son temps à critiquer et chercher la petite bête. Quand il a pris sa retraite et rejoint CBS à temps plein pour la saison 1980-1981, la carrière télévisuelle de Barry a pris un coup énorme suite à l’affaire du « Watermelon Grin » (ou « sourire en pastèque », un stéréotype raciste concernant les Noirs). L’action se déroule pendant le cinquième match de la finale de 1981. Aux commentaires, Barry, Bill Russell et Gary Bender.

CBS diffuse une photo de quelques membres de l’équipe olympique de 1956. Sur la gauche, le jeune Bill Russell affiche un grand sourire.

GARY BENDER : Rick, peux-tu nous dire qui est là-dessus ?

BARRY (tentant un mot d’esprit pour la première fois) : Je ne suis pas sûr, mais je crois que je reconnais celui avec le grand sourire en pastèque, là, sur la gauche.

Gros plan sur un Russell complètement abasourdi. Après trois secondes de silence gêné, Bender tente de rattraper le coup.

BENDER : C’est vous, Bill. Vous ne vous reconnaissez pas ?

RUSSELL (sans sourire) : Non.

Le pire, c’est que Barry n’a pas été gêné plus que ça. Quinze secondes plus tard, il a essayé de détendre l’atmosphère en donnant les photos à Russell devant la caméra et lui a demandé une dizaine de fois : « Tu es sûr que tu n’en veux pas ? » avant que Bender puis Russell ne le fassent taire. Inutile de dire que le contrat de Barry n’a pas été renouvelé. Et c’était le moins qui puisse arriver. Barry a ensuite retrouvé une seconde vie sur TBS, commentant en play-by-play les Finales de la Conférence Est de 1985 avec… Bill Russell. Incroyable.

1. Julius Erving (1997). Désigné comme étant « sans contestation possible, le pire commentateur analyste de tous les temps ». Le « Doc » n’était visiblement pas aussi spectaculaire et charismatique au micro que sur le terrain :

Il est incompréhensible que Doc ait été aussi mauvais à la télévision. Le voir balbutier maladroitement en direct et dire des choses absurdes comme : « Les grands joueurs font de grandes actions », en ayant l’air d’un cerf pris dans les phares d’une voiture, était un peu désarmant. Chaque fois que la caméra se braquait sur lui, on pouvait sentir la tension monter dans le studio. Avant un match décisif entre Houston et Utah, Doc a fait une prédiction mythique : « Je pense que la clé pour Houston sera Hakeem et la vitesse à laquelle il décide de tirer, dribbler ou passer le ballon. » Je vous jure qu’il a dit ça. Mon ancien coloc’ Geoff et moi avons passé les quinze prochaines minutes à essayer de trouver quelles autres options Hakeem pourrait avoir sur un terrain de basket […]. Pauvre Dr J. Certaines personnes ne sont tout simplement pas faites pour travailler à la télévision. (Bill Simmons, The Book of Basket-ball)