Very big men : histoires de géants (2/3)

Première partie disponible ici.

En NBA, on désigne sous le nom de big man tout joueur dépassant les 2,15 m. Avoir de la taille sous les panneaux est un élément fondamental pour une équipe cherchant à remporter un titre. Peu en vue avant les années 90, les big men sont aujourd’hui très présents en NBA ; la mondialisation du basket et les nouvelles technologies permettent aux recruteurs de prospecter plus facilement à l’étranger pour dénicher des joueurs de grande taille. À l’heure actuelle, vingt-cinq joueurs ayant foulé les parquets NBA avaient une taille supérieure à 2,20 m, ce qui est plutôt remarquable sachant à quel point les hommes de plus de 2,15 m sont rares. Les trajectoires de ces vingt-cinq joueurs ont été très différentes. Le but de cet article n’est pas de se concentrer sur leurs performances seules, mais aussi sur leurs vies. Des vies bien souvent à l’image de leur physique : hors du commun.

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Mark Eaton (2,24 m). Une bien belle histoire que celle de Mark Eaton. En dépit de sa taille, rien ne prédestinait ce géant de 2,24 m à devenir l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire de la NBA. Durant son adolescence, c’est au water-polo que s’intéresse le jeune Californien ; il ne commence le basket qu’en dernière année de lycée, où il passe la majeure partie de son temps sur le banc, sous les quolibets de ses camarades qui se moquent de ses mensurations. Son diplôme obtenu, Eaton entame des études de mécanique automobile en Arizona et travaille en parallèle dans un garage de Californie. Trois années passent avant que l’un des entraîneurs-assistants de l’équipe de basket universitaire de Cypress ne le repère par hasard. Mark rejoint l’équipe, aligne deux saisons en double-double et remporte le titre de l’État de Californie.

En 1979, Eaton est drafté par les Phoenix Suns au cinquième tour. Il n’est pas incorporé à l’effectif. Eaton choisit alors de rejoindre l’Université de Californie Los Angeles (UCLA), où il se perd complètement, ne jouant que 42 minutes en tout lors de sa dernière année. Son avenir en NBA semble compromis, mais Eaton a un atout que les autres n’ont pas : sa taille. Aucun joueur de la draft 1982 n’est plus grand que lui. C’est ce qui pousse Frank Layden, l’entraîneur de Utah, à le sélectionner en 72ème position. L’année précédente, le Jazz avait fini dernier de la ligue aux contres et aux rebonds. Un pivot de 2,24 m sera certainement utile. Malgré cela, rien ne destine Eaton à une grande carrière. L’intéressé lui-même le reconnaît :

« En arrivant dans la ligue, tout ce que j’espérais, c’était d’être un bon pivot remplaçant, jouer 10 ou 15 minutes, faire de mon mieux, jouer pour quelques équipes et gagner correctement ma vie. »

L’ailier des Knicks James Bailey se rappelle bien de ses débuts :

« Quand il est arrivé dans la ligue, il était incapable de marcher et de mâcher du chewing-gum en même temps. »

Mais Eaton va rapidement exploser aux yeux du grand public. Lors de sa première saison, il claque 275 contres (record de la franchise) et devient titulaire. Lors de sa deuxième saison, il joue tous les matchs, obtient le titre de meilleur contreur de la ligue et contribue à la première apparition en play-offs de l’histoire du Jazz. Lors de sa troisième saison, Eaton est élu meilleur défenseur de la ligue avec une moyenne colossale de 5,56 contres par match. Plus personne ne remet en cause ses qualités sportives. La suite de sa carrière sera dans la même veine : au total, Eaton accumulera deux titres de meilleur défenseur de la ligue, quatre titres de meilleur contreur de la ligue et cinq apparitions dans l’un des cinq défensifs majeurs de la NBA. Il sera également une fois All-Star, en 1989, chose extrêmement rare pour un joueur non choisi dans les trois premiers tours de la draft.

Après onze ans de carrière, des blessures au dos et aux genoux ont raison de la volonté d’Eaton. Il prend une retraite méritée et deviendra un temps président de l’association des anciens joueurs de la NBA. Il travaille aujourd’hui en tant que commentateur et conférencier. Son numéro 53 a été retiré par Utah en 1996.


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Rik Smits (2,24 m). Les Néerlandais ont la taille moyenne la plus haute au monde. Pas étonnant, donc, d’en retrouver un dans cette liste de « grands », même s’ils n’ont été que cinq à fouler un jour les paquets NBA. Adolescent, Smits a du mal à trouver des chaussures à sa taille ; ses souliers trop serrés endommagent sérieusement les nerfs de ses pieds, qui seront source de douleurs toute sa vie. À dix-huit ans, Smits quitte sa ville natale d’Eindhoven pour rejoindre l’université de Marist, à New York. Quatre ans plus tard, il est sélectionné en deuxième position à la (faible) draft de 1988.

Les Pacers pensent faire de Smits la doublure de Steve Stipanovich, mais ce dernier se blesse gravement et doit mettre fin à sa carrière. Smits joue donc 71 matchs dès sa première saison, pour une très bonne moyenne de 11,7 points et 6,1 rebonds par match. Aussi doué défensivement qu’offensivement, il devient l’un des piliers de l’équipe, même s’il lui faudra plusieurs années pour s’affirmer comme leader. Adoré par le public, c’est en play-offs que Smits réalise ses meilleures performances. Il deviendra même All-Star, en 1998, mais devra mettre un terme à sa carrière en 2000, ses pieds le faisant trop souffrir. Aujourd’hui, Smits collectionne des motos de course et joue au basket-ball en ligue amateur en Indiana.


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Ralph Sampson (2,24 m). Si l’on s’intéresse de près à la carrière de Ralph Sampson, on peut légitimement se dire qu’il a été un grand joueur. Légende de la NCAA, quatre fois All-Star, élu au sein du Hall of Fame en 2012, Sampson était un formidable rebondeur et un solide contreur. Il a formé l’un des meilleurs duos d’intérieurs de l’histoire du basket avec Hakeem Olajuwon. En 1986, il a envoyé les Rockets en finale au Match 5 contre les Lakers sur un panier miraculeux, l’un des plus grands moments de l’histoire des play-offs. Sa moyenne en carrière est très bonne : 15,4 points, 8,8 rebonds et 2,4 passes décisives. Et pourtant, quel dommage quand on pense à ce qu’il aurait pu devenir ! Ralph Sampson est en effet l’un des plus gros gâchis de l’histoire du basket. Si vous vous demandez pourquoi, lisez cet article.


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Priest Lauderdale (2,24 m). Curieuse trajectoire que celle de Priest Lauderdale. De façon naturelle, sa taille et sa carrure le destinent au basket. Il commence sa carrière universitaire en 1993, à Central State (Ohio). Lors de sa première saison, il affiche une moyenne impressionnante de 20,1 points et 10,2 rebonds de moyenne. Puis, de façon incompréhensible, il disparaît l’année suivante. Il semble être retourné dans une université de l’Illinois, son État natal, mais sans intégrer une équipe de basket. Pourquoi ? On ne le sait pas. Lauderdale revient au sport en 1995 ; il part part jouer en Grèce, avant de se présenter à la draft l’année suivante, avec l’espoir d’être choisi par les Bulls, la franchise de sa ville natale.

Lauderdale est choisi en 28ème position de la draft par les Sonics et envoyé aux Hawks dans le cadre d’un trade. Les Hawks pensent faire de lui un solide remplaçant, capable de suppléer Dikembe Mutombo en sortie de banc. De fait, la première saison de Lauderdale est tout à fait correcte : malgré un pourcentage de réussite aux lancers francs horrible (56 %), il joue 35 matchs et parvient à atteindre une moyenne de 3,2 points et 1,2 rebonds en 5 petites minutes de temps de jeu (et 55 % de réussite au tir). Malheureusement, le pivot est envoyé dès l’année suivante aux pitoyables Denver Nuggets. L’équipe est en difficulté et Lauderdale coule avec elle. Son temps de jeu et ses moyennes augmentent, mais son pourcentage de réussite au tir tombe à 41 % et son pourcentage de réussite au lancer franc est toujours aussi mauvais (55 %).

En 2000, Portland donne sa chance à Lauderdale lors d’un camp d’entraînement, mais celui-ci ne la saisit pas. Il part en D-League et joue les globe-trotters, passant par le Venezuela, Chypre, la Bulgarie (pays dont il prendra la nationalité), l’Arabie Saoudite, la Chine, l’Iran, et les Émirats Arabes Unis. Il terminera sa carrière sur une escapade au Liban, qui tournera court après la disparition du club suite à des problèmes financiers. Lauderdale consacre aujourd’hui son temps à aider les jeunes en difficulté.


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Boban Marjanović (2,22 m). Fraîchement arrivé en NBA (il a rejoint les Spurs en 2015), Marjanovic mesurait déjà 2,09 m à 14 ans. Il commence sa carrière à 18 ans dans le championnat professionnel serbe, et joue en Russie et en Lituanie. Bon shooteur, doté d’une grosse présence physique, il brille en Euroligue et accumule les distinctions : meilleur rebondeur du championnat serbe en 2012-2013, nommé dans le meilleur cinq de la Ligue adriatique en 2013-2014, record du nombre de rebonds et de doubles-doubles sur une saison en 2014-2015. Ses performances lors de sa dernière saison avec l’Étoile rouge de Belgrade sont impressionnantes, et la NBA s’intéresse à lui.

Le 10 juillet 2015, Marjanovic signe chez les Spurs de San Antonio pour un an. Il s’adapte rapidement, apporte points et rebonds en sortie de banc et devient l’un des chouchous du public de San Antonio. La saison suivante, Marjanovic devient agent libre et les Pistons lui proposent un contrat. En difficulté avec leur masse salariale, les Spurs n’ont pas les moyens de s’aligner sur l’offre et doivent laisser partir leur pivot, qui évolue donc en ce moment aux Detroit Pistons.


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Peter John Ramos (2,22 m). S’il n’a pas brillé en NBA, Peter John Ramos a quand même fait un joli parcours dans son sport. Son père quitte le foyer familial alors qu’il n’a que cinq ans, poussant la famille à s’installer à New York. L’adolescence de Peter est difficile ; sa taille exceptionnelle fait de lui l’objet de multiples moqueries. En 1999, Ramos a quatorze ans et mesure déjà 2,13 m. Il travaille dans un magasin de vêtements et n’a jamais sérieusement pratiqué le basket. Un jour, un ancien joueur de basket portoricain, Santiago Gotay, entre dans la boutique et remarque ce garçon à la taille démesurée. Apprenant que Ramos est natif de Porto Rico, Gotay contacte le propriétaire du club Criollos de Caguas, qui se déplace jusqu’à New York pour faire signer un contrat au jeune homme alors qu’il ne l’a encore jamais vu jouer !

Ramos part étudier à Porto Rico et apprend les fondamentaux du basket, tout en continuant à prendre des centimètres. Avec son lycée, il remporte par deux fois le championnat national et entre dans la ligue portoricaine de basket professionnel. Il progresse rapidement et intègre l’équipe nationale de Porto Rico dès 2003. En avril de l’année suivante, Ramos annonce qu’il se présente à la draft NBA, ajoutant qu’il se retirerait s’il n’était pas choisi parmi les quinze premiers. Il est sélectionné en 32ème position, au deuxième tour, par les Washington Wizards.

Ramos n’a pas assisté à sa sélection. Déçu de lui-même, il a quitté la cérémonie dès la fin du premier tour. Après une bonne performance aux Jeux d’Athènes (il fait partie de l’équipe portoricaine qui a vaincu les États-Unis), Ramos décide tout de même de saisir l’opportunité et de rejoindre les Wizards. Hélas, il est trop jeune et fait le grand saut bien trop tôt. Il passe l’essentiel de sa première saison en réserve, ne disputant que six matchs pour cinq paniers et onze points marqués. L’année suivante, Ramos passe en D-League et ne sera rappelé qu’une seule fois par les Wizards pour rejoindre l’effectif. Il sera coupé quelques mois plus tard, avant le début de la saison 2006-2007. Ramos continuera sa carrière un peu partout dans le monde, passant par l’Europe et l’Asie, avant de revenir dans le championnat portoricain où il joue toujours aujourd’hui.

Suite et fin ici.


Source photos : http://www.thetallestman.com.