#24 : Comment les Suns se sont sabordés entre 2004 et 2008

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Les Phoenix Suns 2004-2005 : Mike D’Antoni (entraîneur), Steve Nash, Amar’e Stoudemire, Joe Johnson, Quentin Richardson et Shawn Marion. Une équipe formidable sabordée par des décisions douteuses. (1)

Certaines équipes font de mauvais choix. Ce sont des choses qui arrivent. Les conséquences de leurs décisions sont généralement imprévisibles, de sorte que l’on ne peut examiner séparément chacune d’entre elles et extrapoler par la suite sans avoir l’air de jouer les voyants. Mais la façon dont les dirigeants des Phoenix Suns ont géré leur équipe entre 2004 et 2008 a été tellement incompréhensible qu’il est impossible de ne pas en parler. La radinerie dont ils ont fait preuve et les décisions totalement vides de sens prises au cours de cette période ont ruiné une équipe qui aurait pu rester au sommet de la NBA pendant plusieurs années. Voici un aperçu détaillé de cette gestion calamiteuse.

2004.

L’été 2004 marque le retour de Steve Nash chez les Suns. Drafté par Phoenix en 1996, il avait rejoint Dallas en 1998 dans le cadre d’un échange, et était devenu un All-Star considéré comme l’un des meilleurs meneurs de toute la NBA. À la fin de son contrat, plutôt que de s’engager à nouveau avec les Mavericks, Nash choisit de revenir à Phoenix et rejoint une équipe prometteuse, avec des jeunes joueurs plein d’avenir (Shawn Marion, Joe Johnson, Amar’e Stoudemire). Tous les espoirs sont permis pour la saison suivante. Autre bonne nouvelle : les Suns possèdent le septième choix de la draft à venir, c’est-à-dire de quoi encore renforcer l’équipe.

Le soir de la draft, lorsque vient le tour des Suns, d’excellents joueurs sont encore disponibles. Les meilleurs sont Luol Deng, très bon ailier scoreur, et Andre Iguodala, swingman à la défense de fer. Les Suns ne se trompent pas : ils choisissent Luol Deng… et l’échangent immédiatement contre le 31ème choix de cette même draft (2) et un choix de premier tour en 2005. Une semaine plus tard, ils font signer à Quentin Richardson un contrat de six ans à… 42 600 000 $, alors qu’ils auraient pu rémunérer Deng avec un tiers de ce montant.

Mais la bêtise des dirigeants ne s’arrête pas là : malgré une excellente saison, Richardson est échangé aux Knicks dès l’année suivante avec le vingt-et-unième choix de la draft 2005 (Nate Robinson) contre… Kurt Thomas et Dijon Thompson. Kurt Thomas est loin du calibre de Richardson, et Dijon Thompson ne jouera qu’en ligue mineure avant d’être cédé aux Hawks, qui l’enverront très vite en Europe. Deux saisons plus tard, les Suns bazarderont Thomas à Seattle avec deux choix de premier tour simplement pour dégager du plafond salarial.

Pour résumer, la décision de Bryan Colangelo de signer Richardson au lieu de garder simplement Deng a fini par coûter aux Suns quatre choix de premier tour. Incroyable.

2005.

Joe Johnson, All-Star à en devenir de 24 ans, arrive en fin de contrat après la saison 2004-2005. Il avait été un élément-clé de l’excellente saison des Suns, un swingman parfait pour leur système run-and-gun et un excellent shooteur qui pouvait même jouer meneur en cas de besoin. Avec le noyau Nash-Stoudemire-Marion-Johnson, quelques role players et un banc solide, les Suns sont assurés au minimum d’une place en play-offs pendant une décennie (à condition que Nash ne se se blesse pas, et même dans ce cas, il suffit de confier les rênes du jeu offensif à Johnson).

Les Suns ont tout intérêt à garder Joe et à lui offrir un beau contrat. Au lieu de ça, les dirigeants lui font une offre si insultante que Johnson se vexe et leur demande de ne pas suivre l’offre d’Atlanta à 70 000 000 de dollars. Au lieu de le retenir avec des arguments de bon sens (14 000 000 $ par an et l’opportunité de jouer avec Nash), les Suns le laissent filer et l’échangent contre Boris Diaw et deux futurs choix de premier tour. On peut bien sûr critiquer Johnson pour s’être vexé trop facilement, mais comment les Suns ont-ils fait pour gérer la situation si mal que Johnson a insisté pour partir ?

2006.

Du fait de leur bons résultats malgré la perte de Johnson, la loterie annuelle donne aux Suns un choix de premier tour de draft assez lointain (le 27ème). Un point positif tout de même : Phoenix a récupéré le vingt-et-unième choix après plusieurs transactions compliquées. En vingt-et-unième choix, donc, les Suns choisissent un joueur prometteur de l’université de Kentucky : Rajon Rondo. Au lieu de le garder, ils l’expédient à Boston avec Brian Grant contre le premier choix de Cleveland en 2007 et 1,9 millions de dollars. Et quelques semaines plus tard, ils signent Marcus Banks pour… 24 000 000 $.

Autrement dit, à la place d’un jeune joueur plein d’avenir et peu coûteux, les Suns ont décidé de payer cinq fois plus un joueur moyen qui n’avait jamais dépassé les 6 points et 2 rebonds par matchs sur une saison complète (3). Le même été, ils ont prolongé le contrat de Diaw pour cinq ans et 45 millions de dollars, ce qui signifiait que le duo Diaw / Banks gagnait tous les ans autant d’argent que Joe Johnson. Impressionnant.

2007.

Après l’échange de Rondo et d’autres transferts compliqués, les Suns se retrouvent avec le vingt-quatrième choix de la draft 2007. Ils sélectionnent la star espagnole de Badalone Rudy Fernandez. En dehors de ses qualités, ce joueur a l’avantage de ne pas être sous le coup de la taxe de luxe car il ne compte pas rejoindre la NBA avant un an, désireux de prouver qu’il est le meilleur joueur du championnat espagnol.

Phoenix aurait pu trouver un arrangement pour le laisser jouer en Europe et le faire revenir en cas de besoin. Mais non : le propriétaire des Suns, Robert Sarver, a vendu ses droits à Portland pour 3 millions de dollars, une somme ridiculement basse pour un joueur de cette qualité. La saison suivante, Fernandez explose avec son club et montre toute l’étendue de son talent en finale des Jeux Olympiques face à une équipe américaine bourrée de stars. S’il s’était présenté un an plus tard à la draft, il serait sorti dans les dix premiers.

Conclusion :

Pour résumer le fiasco de ces quatre années, les Suns ont échangé un septième choix dans une excellente draft (Deng) ainsi que deux futurs grands joueurs (Rondo ou Fernandez) contre 4,9 millions de dollars, c’est-à-dire moins que ce qu’ils donnaient à Banks pour s’asseoir sur leur banc en 2007. Bravo !

Bon, d’accord, les choses étaient loin d’être aussi simples en réalité. Un grand nombre des mauvais choix susmentionnés étaient liés à d’autres, et Phoenix a du renoncer à des choix de premier tour en 2005, 2006 et 2008 suite à des problèmes de taxe. Mais la stratégie de Sarver a de quoi laisser largement perplexe. Pourquoi être propriétaire d’une équipe NBA si votre but est de réduire les coûts ? Pourquoi refuser de parier sur l’avenir ? Pourquoi préférer engranger cash à court terme que de voir les bénéfices à long terme ?

Imaginez un peu ce qu’auraient pu être les Suns à partir de 2004 : six excellents joueurs (Nash, Marion, Stoudemire, Johnson, Leandro Barbosa et Deng) qu’il aurait suffi d’entourer avec des choix de draft, des vétérans au salaire minimum, et renforcer le tout avec des transferts en février. Les Suns ne se seraient-ils pas positionnés à court et à long terme mieux que toute autre franchise de la seconde moitié de cette décennie ? Quelle avarice. Quelle occasion ratée. Et quel gaspillage des meilleures années de Nash.


(1) Source : https://twitter.com/insidersuns

(2) Avec ce choix, ils prendront Jackson Vroman, un pivot Libanais qui ne passera que deux ans en NBA, pour une moyenne de 4,6 points et 3,8 rebonds par match.

(3) Il a bien atteint les 12 points de moyenne en 2005-2006 avec Minnesota, mais en n’ayant joué que 40 matchs.

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