#76 : Tracy McGrady

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

McGrady

TRACY MCGRADY

12 ans de carrière dont 7 de qualité.
7 fois All-Star.
Parmi les 5 meilleurs joueurs de la NBA en 2002 et 2003, top 10 en 2001, 2004 et 2007, top 15 en 2005 et 2008.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 28 points, 8 rebonds et 5 passes décisives de moyenne.
Deux fois meilleur marqueur de la saison.
33 points, 7 rebonds et 6 passes décisives de moyenne en 2003.
Play-offs : 29 points, 7 rebonds et 6 passes décisives de moyenne à 43 % de réussite au tir (38 matchs).
N’a jamais gagné une série de Play-offs.

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Côté pile :

Le profil de McGrady est plus ou moins similaire à celui de Pete Maravich, même si le premier nommé était bien meilleur en défense. Ils étaient tous les deux mieux connus par leurs surnoms (« T-Mac » et « Pistol »). Ils ont été les chefs de file de mauvaises équipes pendant une grande partie de leurs meilleures années. Ils étaient tous les deux incroyablement talentueux d’un point de vue offensif et avaient un poids inhabituel auprès de leurs pairs, bien que l’on n’ait jamais parlé et qu’on ne parle toujours pas de McGrady avec autant de révérence que Maravich. Ils ont tous les deux été frappés par la malchance à des moments-clé de leur carrière : Maravich n’a pas eu Erving comme coéquipier, McGrady a joué avec un Grant Hill clopinant pendant toutes ses années à Orlando. Ils ont tous les deux été échangés au sommet de leur carrière, même si Houston a eu « T-Mac » pour des clopinettes et que New Orleans a payé trop cher pour Maravich. Ils étaient tous les deux des précurseurs originaux : McGrady était le premier arrière de 2,03 m capable de tirer à trois points (un Gervin amélioré avec une touche de « Dr J. »), et aucun arrière n’a pu approcher Maravich avant ou depuis.

Côté face :

Le plus gros problème de McGrady, qui  ressort de manière criante chaque fois que l’on se penche sur sa carrière, concerne les play-offs. En 2008, « T-Mac » était le quatrième meilleur marqueur de l’Histoire en play-offs, avec 28,5 points de moyenne. Ça paraît génial sur le papier, mais son ratio victoires/défaites en play-offs est de 16–27. Peut-on sérieusement inclure parmi les meilleurs joueurs de l’Histoire quelqu’un qui n’a jamais joué un match de deuxième tour de play-offs ? Malgré ça, « T-Mac » aurait été plus haut dans ce classement s’il n’avait pas autant terni son héritage pendant la saison 2008-2009. On pouvait légitimement penser à l’époque qu’il allait faire encore deux ou trois saisons de qualité. Au lieu de cela, il a fait couler les Rockets de 2009 de manière si totale que l’économie de la NBA elle-même a été sujette à caution.

Quand un joueur de la NBA à qui il reste deux années de contrat à 44 millions de dollars est toujours hors de forme, se plaint toute l’année ou presque, laisse continuellement tomber ses coéquipiers et les fans, se retrouve dans certaines rumeurs de trade et décide d’annoncer quatre jours avant la date limite des transferts qu’il va être opéré pour une micro-fracture, afin de ne pas se retrouver dans une équipe qui ne lui convient pas, et en plus de cela, qu’il sera guéri au printemps prochain, juste à temps pour se mettre en valeur et obtenir un autre contrat, alors le système présente un problème et il faut le réparer. Tracy McGrady est indéfendable pour le reste de l’éternité. Même son cousin Vince n’aurait pas fait ça. Et ce n’est pas peu dire.

#13 : Webber, l’erreur du Magic

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Les quelques instants durant lesquels Chris Webber fut un joueur d’Orlando. (1)

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17 mai 1992. Jour de loterie pour déterminer l’ordre de sélection des équipes NBA à la prochaine draft. Le gros lot à gagner est Shaquille O’Neal, annoncé avec retentissement comme la prochaine grande vedette de la NBA. Les équipes ayant le plus de chance d’obtenir le premier choix sont celles qui sortent d’une saison catastrophique : le Magic d’Orlando (21 victoires pour 61 défaites) et les Minnesota Timberwolves (qui ont fait encore pire avec un bilan de 15 victoires pour 67 défaites). À moins d’une énorme surprise, le premier choix – et donc, le Shaq – devrait revenir à l’une de ces deux équipes.

La loterie se déroule de manière tout à fait conventionnelle. Le sort favorise Orlando ; les Wolves sont déçus, mais après tout, le Magic avait presque autant de chances qu’eux de remporter la mise. Un mois plus tard, le 24 juin 1992, Orlando sélectionne sans surprise Shaquille O’Neal en premier choix de draft. Son apport est immédiat : le Magic termine la saison avec vingt victoires de plus et un bilan équilibré (41 victoires, 41 défaites).

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Du fait de ce bilan, les chances du Magic d’arriver en tête lors de la loterie 1993 sont extrêmement réduites. Leurs chances d’obtenir le premier choix ne sont que de… 1,5 %, soit 1 chance sur 66. Dallas (11-71), Minnesota (19-63) et Washington (22-60) sont les équipes les mieux placées pour emporter le premier choix. Et avoir la priorité sur l’un des très talentueux joueurs de la cuvée 1993.

Contrairement à O’Neal, qui était largement supérieur à tous ses concurrents dans sa classe de draft, aucun joueur ne se détache vraiment. Le géant mormon Shawn Bradley a la faveur des pronostics, mais les deux années sabbatiques qu’il a prises pour aller en mission en Australie ont fait fortement baisser sa cote. Chris Webber, ailier fort explosif de l’université de Michigan, est au coude-à-coude avec lui. Derrière les deux hommes, Jamal Mashburn, Anfernee Hardaway et Rodney Rodgers sont pressentis pour compléter le top 5. Aucun de ces joueurs n’a le potentiel de O’Neal, mais tous sont très prometteurs, et n’importe quelle équipe se déclarerait ravie de les compter dans leurs rangs.

Lorsque les résultats de la loterie sont annoncés, c’est la stupeur. Orlando a obtenu le premier choix de draft pour la deuxième année consécutive !

Comment une telle chose a-t-elle pu arriver alors que ses chances étaient plus que réduites ? La réponse tient en deux mots : le hasard (2). Pour Orlando, il fait bien les choses, mais les autres équipes font grise mine. Car elles savent très bien ce qui les attend. Chris Webber est le complément idéal pour Shaq : un excellent passeur qui peut jouer poste haut, prendre des rebonds, bien couvrir le terrain et défendre sous le cercle. La loterie terminée, chacun se demande qui pourra rivaliser avec Shaq, Webber, Nick Anderson, Dennis Scott et Dieu sait qui d’autre dans les dix à douze prochaines années.

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Le soir de la draft 1993, qui se déroule dans le Michigan, tout se déroule selon les prévisions : Webber est drafté en première position par Orlando sous les acclamations de la foule. Shawn Bradley est sélectionné en deuxième position par Philadelphie, Anferenee Hardaway en troisième position par les Warriors, et Jamal Mashburn est le quatrième choix de Dallas.

Et puis…

Le commissionnaire David Stern arrive sur le podium et lance :

« Mesdames et messieurs, je vous informe qu’un échange vient d’avoir lieu. »

Le directeur général du Magic, Pat Williams, vient d’échanger Webber à Golden State contre Hardaway et des choix de premier tour en 1996, 1998 et 2000. La draft terminée, la quasi-totalité des médias descend Williams en flammes, et une émeute est à deux doigts d’éclater dans la ville d’Orlando. Mais pourquoi une décision aussi absurde ?

En dehors du fait que Golden State tenait absolument à mettre la main sur un big man (Webber ou Bradley), il semble que Williams ait été fortement influencé par la séance d’entraînement de Penny Hardaway juste avant la draft. Il la décrira plus tard de cette façon :

« Je n’ai jamais vu quelqu’un arriver sur le parquet et faire ce que Penny Hardaway a fait au cours de cette séance d’entraînement. »

La question qui vient immédiatement à l’esprit est la suivante : Qu’est-ce que Hardaway a pu faire au cours de cette unique séance d’entraînement au point de priver le Magic d’un combo Webber / Shaq ?

Personne ne le sait. Aucun trade NBA n’a été plus commenté, n’a eu une pareille influence sur une période de dix ans et n’a engendré davantage de questions.

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Alors, comment les choses ont-elles tourné pour les deux hommes ? Eh bien, au départ, tout s’est plutôt bien passé pour le Magic. Hardaway a dépassé les attentes de tout le monde, a mené Orlando jusqu’aux finales de 1995, et a fait son entrée dans le cinq majeur de la NBA. Puis il s’est disputé avec Shaq, qui s’est empressé de partir aux Lakers, est passé d’un meneur de jeu altruiste à un scoreur égoïste et s’est bousillé le genou à Phoenix. Au total, Hardaway n’aura connu que deux bonnes années et a contribué à la perte de Shaq pour une équipe d’Orlando qui retombera rapidement dans les bas-fonds. Pas vraiment génial.

Pour sa première année en NBA (une saison à 50 victoires dans laquelle Tim Hardaway se remettait d’un ligament déchiré), Webber n’a pas cessé de se disputer avec l’entraîneur des Warriors, Don Nelson, qui s’obstinait à le faire jouer pivot alors que Webber voulait être ailier. L’année suivante, Hardaway est revenu et il a rejoint une équipe très intéressante composée de Webber, Latrell Sprewell (qui faisait partie du cinq majeur de la NBA en 1994), Chris Mullin (juste après son pic de forme), Rony Seikaly, Avery Johnson et Chris Gatling… Plutôt pas mal, non ? Mais Webber s’en fichait ; il avait une clause de sortie et voulait partir. Embarrassés par son attitude et les histoires de Shawn Kemp, les Warriors l’ont échangé à Washington contre Tom Gugliotta et trois choix de premier tour, ce qui a fait beaucoup de mal à sa carrière.

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Alors, que serait-il arrivé si Orlando avait gardé Webber ?

  • Est-ce que Shaq s’en va après la saison 1996 ? (Impossible à dire.)
  • Webber serait-il devenu pour Shaq ce que Robin est à Batman ? (Peut-être.)
  • Qui le Magic aurait-il ciblé avec sa marge salariale de 1994 en lieu et place de Horace Grant ? (Detlef Schrempf ? Steve Kerr ?)
  • Le Magic serait-il arrivé en finale en 1995 avec Shaq, Webber, Scott, Anderson, Brian Shaw et deux agents libres ? (On peut légitimement le penser.)
  • Aurait-il eu de meilleures chances contre les Rockets de 1995 avec cette équipe ? (Largement.)

Et pendant ce que temps, que devient Penny Hardaway ? Eh bien, il supplée son homonyme Tim dans l’équipe des Warriors précitée à 50 victoires, s’épanouit au sein du système offensif de Nelson avec Sprewell, Mullin et Owens, et entre – peut-être – au Hall of Fame de la NBA.

Webber et Hardaway sont les deux plus grands talents de la NBA qui n’ont jamais atteint leur potentiel pour des raisons difficilement explicables. S’il n’y avait jamais eu cet échange, peut-être que l’un d’entre eux (ou les deux) aurait réussi. Nous les mettrons titulaires dans l’équipe All-Stars de la rubrique « Destins ».


(1) Source : http://www.nba.com

(2) En raison de ce coup du sort, les règles de la loterie ont été modifiées afin que l’équipe la plus mauvaise ait 25 % de chances de remporter le premier choix, et les chances de succès de la moins mauvaise sont passées de 1,6 % à 0,5 %.

#15 : Tim Duncan à Orlando

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Le rêve du Magic à l’été 2000 : après le départ d’Hardaway (à droite), associer Grant Hill et Tim Duncan sous les mêmes couleurs. (1)

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La saison NBA 1997-1998 marque la fin d’une époque : celle des Bulls de Michael Jordan, qui prend sa retraite après un dernier titre. La NBA cherche un nouveau « boss », et les prétendants ne manquent pas : Shaquille O’Neal, Kobe Bryant et Allen Iverson sont prêts à prendre la relève. Mais un joueur va se démarquer plus que les autres.

Il s’agit de Tim Duncan.

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Lors de son arrivée en NBA en 1996, le rookie Tim Duncan établit deux performances peu ordinaires. D’abord, il réussit à être élu rookie du mois… tous les mois. Ensuite, il obtient le titre de rookie de l’année et est sélectionné pour le All-Star Game, une performance réalisée par très peu de joueurs dans l’histoire de la NBA. Avec Duncan et le vétéran David Robinson dans la peinture, San Antonio fait peur. L’équipe ne fait pas encore le poids face aux Bulls, mais lorsque Jordan prend sa retraite deux ans après les débuts de Duncan, les Spurs sont prêts à viser le titre pour la saison 1999-2000.

Malgré cela, le début de saison des Spurs est difficile ; Gregg Popovich est même sur le départ. Mais les Texans finissent par trouver leur rythme, et la saison régulière tronquée par le lock-out est un succès : 37 victoires pour 13 défaites (le meilleur bilan de la ligue avec le Jazz).

Durant les play-offs, aucun suspense ne figure au programme. Les Spurs dominent leurs adversaires de la tête et des épaules. Les Timberwolves de Kevin Garnett sont écartés 3-1 au premier tour (2). Puis les Lakers de Shaquille O’Neal et Kobe Bryant sont balayés, avant que les Blazers ne subissent le même sort en Finale de Conférence. Il ne reste plus que les Knicks sur la route des Texans. Duncan, inarrêtable, porte ses équipiers vers le titre. San Antonio remporte le championnat, 4 victoires à 1.

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Tout le monde pense les Spurs bien partis pour prendre la suite des Bulls. Mais des événements vont changer les choses. L’année suivante, la saison régulière de la franchise est un nouveau succès, mais à la veille des play-offs, Duncan se blesse. Un gros coup dur pour les Spurs. Opposés aux Suns de Jason Kidd, l’équipe orpheline de son joueur-star ne parvient pas à s’en sortir. San Antonio est éliminé dès le premier tour. Les Lakers remportent le championnat 2000 et, le même été, Duncan devient agent libre.

Un joueur du calibre de Tim Duncan sur le marché a de quoi faire saliver. Plusieurs équipes sont sur les dents. La franchise d’Orlando est la plus motivée : les dirigeants espèrent associer Grant Hill et Tim Duncan au sein de leur équipe. Les Chicago Bulls, qui veulent faire de même, abandonnent rapidement la partie faute de moyens. Rester ou partir ? Tim Duncan pèse le pour et le contre. Il hésite.

« Le weekend s’est très bien passé. Tout s’est vraiment très bien passé pour nous. Nous ne lui avons pas seulement vendu la ville d’Orlando, ce qui était assez facile, nous lui avons aussi vendu qui nous sommes. » (Doc Rivers, entraîneur du Magic)

« Je pense qu’il est passé très proche de quitter San Antonio. Gregg Popovich marchait sur des œufs. Il était énervé contre notre agent car il avait le sentiment qu’il cherchait à ramener Tim et Grant ensemble à Orlando. J’ai entendu qu’il allait signer là-bas puis il est resté à la dernière minute. » (Malik Rose, coéquipier de Duncan aux Spurs)

« Un coup je pensais à partir, le coup suivant je restais. » (Tim Duncan)

Poussé par Robinson, qui a écourté ses vacances pour convaincre son coéquipier de rester à San Antonio, Duncan décide de rester chez les Spurs. Orlando se « console » en faisant signer Grant Hill puis Tracy McGrady. Malheureusement, Hill n’aura jamais l’impact souhaité par le Magic en raison de complications suite à une fracture de la cheville (3).

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Voyons maintenant ce qui serait arrivé si Duncan avait décidé de signer avec Orlando.

  • Les titres 2003, 2005 et 2007 échappent aux Spurs à coup sûr.
  • Avec les matchs manqués par Hill et son salaire qui bloque le plafond d’Orlando, Duncan gaspille ses meilleures années dans une équipe de seconde zone et dépérit à l’Est comme Garnett à l’Ouest. Au fil des ans, tout le monde se demande lequel des deux s’est fait le plus avoir et qui en a fait le plus avec ce qu’il avait sous la main.
  • Avec les arrivées de Duncan et Hill, Tracy McGrady ne peut plus rejoindre Orlando.

Ce qui soulève d’autres questions : où aurait débarqué Tracy McGrady ? Peut-être à San Antonio pour remplacer Duncan ? Si les Spurs avaient encore réussi par la suite à drafter Ginobili et Parker, pourraient-ils gagner le titre de 2003 avec McGrady, Ginobili, Parker et Robinson ? Pourraient-ils seulement aller en finale sans un big guy dominant ? Autant d’interrogations qui resteront sans réponses.

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(Un dernier aparté : malgré tout ce qui a été dit, il est difficile de savoir si Duncan était si proche que ça de rejoindre Orlando. Après tout, il venait quand même de gagner un titre. Aurait-il aurait laissé tomber ses coéquipiers pour un plus gros chèque en Floride ? On peut sérieusement en douter.)


(1) Source : http://www.rookerville.com

(2) À l’époque, le premier tour est disputé au meilleur des cinq matches.

(3) Pourquoi les directeurs généraux persistent-ils à faire signer des contrats mirobolants à des stars victimes de fractures aux pieds et aux chevilles ? Neuf fois sur dix, ces blessures ne guérissent jamais complètement. Le Magic a eu de la chance : il aurait dû payer un tribut bien plus lourd.