#85 : Robert Horry

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Robert_Horry

ROBERT HORRY

16 ans de carrière dont aucune de qualité.
Jamais All-Star.
Pic de forme de 4 ans en saison régulière : 10 points, 5 rebonds et 3 passes décisives de moyenne.
Pic de forme de 2 ans en play-offs : 13 points, 7 rebonds et 3 passes décisives de moyenne, 40 % de réussite à 3 points, 78 tirs à trois points marqués (45 matchs).
Sept titres de champion (1994 et 1995 avec les Rockets, 2000, 2001 et 2002 avec les Lakers, 2005 et 2007 avec les Spurs).
Troisième au classement des joueurs ayant disputé le plus grand nombre de matchs en play-offs de l’histoire (244).
A joué pour dix équipes à 55 victoires en une saison et huit équipes avec un pourcentage de victoires supérieur à 70 %.
A joué pour une équipe ayant remporté moins de 47 victoires en une saison (Phoenix Suns, 1993, 40 victoires pour 42 défaites).

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Côté face :

Celle-là, peu de gens devaient s’y attendre. Et pourtant, Robert Horry est bien l’un des cent meilleurs joueurs de l’Histoire du basket. Pourquoi ? Eh bien, en fait, c’est très simple. La carrière de Horry constitue un excellent un test de compréhension du basket-ball. Presque tous ses points forts ne sont pas des choses que les fans occasionnels remarquent, et il serait inutile parmi les « And1 ». Il n’a jamais fait de grosse saison. Il n’a jamais été le deuxième, ni même le troisième meilleur joueur de son équipe. Il a souvent démarré sur le banc, parfois en septième ou huitième homme. Ses statistiques lors de son pic de forme (voir plus haut) sont très moyennes. Il a gagné sept titres, mais il est très loin du niveau de Charles Barkley ou Karl Malone. Et même là, on peut mettre en avant le facteur chance : durant sa carrière, Horry a avancé sans faire de bruit, mais a toujours fini dans de bonnes situations (il a eu la chance de tomber trois fois dans la bonne équipe au bon moment).

(On peut presque faire une analogie entre Horry et Rasheed Wallace : si Wallace n’avait pas atterri aux Pistons, il serait resté dans les mémoires pour sa saison à 41 fautes techniques, pour avoir été le symbole des « Jail Blazers », et un autre des ces joueurs « qui aurait dû être meilleur ». Et si les Pistons n’avaient pas gagné en 2004, il serait resté dans les mémoires pour avoir laissé Horry tout seul – mais on y reviendra.)

Côté pile :

Sauf qu’on ne peut pas laisser Horry en dehors de ce top 100. Ce n’est pas possible. Et voici pourquoi. Robert Horry est comme un jambon-beurre : personne n’en parle jamais, mais il est toujours là quand on en a besoin. Il faudrait que quelqu’un passe en revue tous les matchs de play-offs de Horry, en retire toutes les actions et tirs importants qu’il a réussi, puis les mette à la suite pour en faire un montage de dix minutes. Au fil des ans, Horry a rentré entre vingt et vingt-cinq tirs faramineux. Si ce n’est pas plus. Il y en a trop pour les citer, aussi nous contenterons-nous de revenir sur ce qui a été le chef-d’œuvre de « Big Shot Rob » (ou « Bob ») : le Match 5 de la finale de 2005 avec les Spurs contre les Pistons.

Même avant qu’il ne décide de sortir de sa boîte, tout le monde se serait rappelé de « Big Shot Bob » (ou « Rob »). Mais la façon dont il a porté à bout de bras une équipe des Spurs chahutée à Detroit en rentrant, comme dire ? « D’énormes tirs à trois points » ou « un nombre incroyable d’actions cruciales » ? Ce serait presque rabaisser ce qui est arrivé. Lorsque l’on voit la situation (un effondrement imminent des Spurs qui semblait étrangement rappeler la série de 2004 contre les Lakers), les circonstances (aucun de ses coéquipiers n’osait prendre les choses en main) et l’adversaire (une équipe à la défense formidable qui jouait à domicile), le Match 5 de Horry se classe au même niveau que le Match 6 de Jordan en 1998, le Match 7 de Frazier en 1970 et toutes les autres performances décisives en finale. Si Horry n’avait pas marqué 21 des 35 derniers points de son équipe, les Spurs seraient rentrés comme des zombies à San Antonio. Au lieu de ça, ils ont remporté le match, puis ont remporté le titre.

Voici comment le match s’est terminé : les Spurs paraissaient sans cesse à une erreur de tout perdre, puis Horry les maintenait à flot, encore et encore. Il a planté un tir à trois points pour donner l’avantage à son équipe à la fin du troisième quart-temps. Puis, lorsqu’il a écrasé un incroyable dunk de la main gauche en prolongation, tout le monde savait que Horry allait en quelque sorte avoir le sort du match en main. Tout le monde, sauf Rasheed Wallace. La décision de Wallace de laisser tout seul un Horry à la main chaude pour faire une prise à deux sur Ginobili dans les neuf dernières secondes de la prolongation a été la décision la plus stupide de l’histoire des finales NBA. On ne laisse pas Robert Horry seul dans un grand match. On ne peut pas. Horry a rentré son tir et a donné un point d’avance aux Spurs, suffisant pour leur permettre de remporter le match.

Non content d’avoir sauvé la saison des Spurs, Horry a également modifié le destin de Tim Duncan. Il n’y a que dans les finales de 2005 que le meilleur joueur de l’équipe gagnante (Duncan) a joué très moyennement, même si la défense de Detroit (et les Wallace) avaient quelque chose à y voir. Si les Spurs avaient laissé échapper ce match, ils auraient perdu la série et tout le monde en aurait fait le reproche à Duncan tout l’été, principalement à cause d’un horrible tir facile manqué à un moment décisif, qui rappelait Karl Malone et Elvin Hayes. Aujourd’hui, ce n’est qu’un autre grand joueur qui a joué un match atroce au mauvais moment. C’est dire la puissance de « Big Shot Brob » (voilà, comme ça, tout le monde est content).

De manière générale, Horry était un excellent auxiliaire en défense, qui couvrait en permanence ses coéquipiers. Il était assez grand pour marquer efficacement des ailiers forts et assez rapide pour défendre sur des ailiers. Il ne faisait que ce qu’il savait faire et n’élevait son jeu que dans les situations importantes, quand son équipe avait vraiment besoin de lui. Les statistiques n’avaient pour lui aucune importance. Aucune. Comme peut-être 2 % des joueurs de la ligue. Et il devenait meilleur quand il le fallait. Qu’attendre de plus d’un joueur dont le rôle est d’aider ses coéquipiers ?

Dans une ligue chargée de joueurs qui se croient meilleurs qu’ils le sont, Horry connaissait ses points forts et ses limites mieux que personne. C’est pour cela qu’il est un grand. C’est celui qui est assis à une table de poker avec une grosse pile de jetons, qui ne suit jamais une mauvaise main, qui vous prend aux tripes quand il vous regarde. Un bon joueur qui joue petit bras pendant une heure, puis met d’un seul coup une pile de jetons au milieu. Vous voyez le coup venir. Vous ne vous rappelez jamais des mains qu’il a perdues, mais toujours de celles qu’il a gagné. Et quand il prend ses gains et se lève de la table, vous espérez ne jamais le revoir.

Posez-vous la question : préféreriez-vous avoir la carrière de Horry (beaucoup d’argent et sept bagues) ou la carrière de Barkley ou Malone (énormément d’argent et aucune bague) ? Jouer dans sept équipes championnes, avoir un joli surnom, se faire 50 millions de dollars, et gagner le respect éternel de tous ceux qui ont joué un jour avec ou contre vous sans avoir à faire face à ce statut de superstar à la con ! Faites un grand match, on vous remarque. Faites-en un mauvais, tout le monde s’en fiche. Une vie de rêve. La concordance ultime. Même lessivé, Horry pouvait changer le cours d’une série : il a fait basculer la série de 2007 entre les Suns et les Spurs pour avoir balancé Nash dans la table de presse à la fin du Match 4, ce qui a conduit aux suspensions de Amar’e Stoudemire et de Boris Diaw (pour s’être levés du banc).

Horry entrera-t-il un jour au Hall of Fame ? Impossible à dire. Mais si une chaîne rediffuse le Match 5 de la finale de 2005 et que vous en parlerez à un connaisseur en disant : « Ce soir, ils montrent le match où Robert Horry a été décisif », il est presque certain qu’il va vous répondre : « Lequel ? »