Des difficultés d’établir un classement (1)

Disons les choses telles qu’elles sont : ce site, consacré au basket, est éminemment perfectible. Sa forme n’est pas définitive et on peut s’attendre à ce qu’il y ait beaucoup de changements. Mais pour l’heure, voici quelques-unes des rubriques qui y sont développées :

  • « Histoire » : retrace l’évolution de la NBA de 1946 à 2016, avec tous les changements de règle importants et les innovations cruciales qui ont amené la NBA là où elle se trouve aujourd’hui.
  • « Destins » : les 25 décisions et événements qui ont eu de grosses conséquences sur le destin d’un joueur ou d’une équipe, classés par ordre d’importance.
  • « Dossiers » : un gros plan sur une période, une équipe ou un événement historique.
  • « Top 10 » : un classement totalement arbitraire des 10 meilleurs joueurs d’une catégorie plus ou moins fantaisiste.
  • « Les miscellanées de la NBA » : une rubrique fourre-tout constituée d’une série d’anecdotes et d’histoires sans rapport entre elles concernant la NBA.
  • « Les 100 meilleurs joueurs » et « Les 10 meilleures équipes » : un classement des 100 meilleurs joueurs et des 10 meilleures équipes de tous les temps.

La dernière rubrique est probablement celle qui prête le plus à débat. En effet, comment juger les meilleurs joueurs et les meilleures équipes sur une longue période de temps ? À quel niveau d’excellence le jeu d’une équipe ou d’un joueur pourrait-il se traduire à l’époque moderne ? Wilt Chamberlain serait-il capable de nos jours de faire une saison à 50 points de moyenne ? Bill Russell et les Celtics des années 60 gagneraient-ils autant de titres aujourd’hui ? En résumé : comment peut-on mettre tout cela en perspective ?

On ne peut répondre à cette question sans tenir compte du contexte. Prenons un exemple simple, celui des sitcoms, ces séries télévisées comiques d’une vingtaine de minutes. Le cadre dans lequel évoluent les personnages, les dialogues et les différentes blagues sont le reflet de leur époque. Si vous regardez aujourd’hui pour la première fois un épisode de Arnold et Willy – une comédie familiale des populaire des années 80 – vous n’allez pas trouver ça très drôle. On a peine à croire qu’il s’agit de l’une des séries les plus populaires de son temps. C’était pourtant le cas, car les téléspectateurs pouvaient s’identifier aux personnages et à la place qu’ils occupaient dans la société. Aujourd’hui, la comédie familiale a totalement disparu des écrans ; elle a été remplacée par des séries qui sont le reflet de notre époque contemporaine et des transformations sociales. Et un enfant qui regarde aujourd’hui Arnold et Willy ne l’appréciera pas à sa pleine mesure – du moins, pas autant qu’un enfant l’ayant regardée dans les années 80.

Pour faire le lien avec le basket, voici ce que dit Bill Simmons, dans le chapitre six du Book of Basketball  :

Supposons que le Wilt de 1961 joue en 2009 contre des athlètes modernes, forts et rapides. Ces derniers ne pourraient-ils pas le contenir ou le ralentir ? Il pourrait aujourd’hui marquer 20 points et prendre 10 rebonds par match, ou même 25 points et 14 rebonds, mais avec un niveau de jeu plus élevé, une défense plus intelligente, des stratégies de jeu complexes et des changements de règles qui le défavorisent, les poules auraient des dents avant que le Wilt de 1962 ne marque 100 points en un seul match. Wilt alignait des statistiques à couper le souffle principalement parce que c’était un big man incroyablement athlétique qui s’amusait avec une concurrence largement inférieure en taille. On pourrait dire qu’il était physiquement en avance son temps. Cela ne rabaisse-t-il pas sa valeur ? Devons-nous ignorer le fait que Shaq, en 2000, a peut-être dépassé les statistiques de Wilt en 1962 ? Wilt n’a-t-il pas eu de la chance de ne pas être né dix ans plus tard ? Russell […] aurait-il dominé comme en 1959 ? Bien sûr que non. N’oubliez pas que les stars du vingt-et-unième siècle sont des versions améliorées des meilleurs joueurs des années 50 et 60. Prenons Steve Nash et Bob Cousy. Nash est un bien meilleur tireur, il est plus athlétique, plus dur, il fait plus d’efforts en défense, il est plus doué d’un point de vue technique… En fait, il est tout simplement meilleur. Mais aucun de ses accomplissements ne s’approche de ceux de Cousy, pas plus qu’il n’a eu l’impact qu’a eu Cousy sur sa génération (en tant que joueur, en tant qu’homme, en tant que gagnant, en tant qu’innovateur). Alors, comment pouvons-nous juger les meilleurs joueurs ? En fin de compte, c’est comme comparer une Porsche de 2009 avec une Porsche de 1962 : la Porsche de 2009 gagnerait facilement si les véhicules faisaient une course, mais la Porsche de 1962 était une voiture plus révolutionnaire. Ainsi, le modèle Nash répond à la question : « Qui étaient les meilleurs joueurs de tous les temps ? », mais le modèle Cooz répond à la question : « Qui étaient les joueurs les plus révolutionnaires de tous les temps ? ». Et les deux sont importantes. (Bill Simmons, The Book of Basketball)

Une observation que nous prendrons en compte et qui sera évoquée dans l’article suivant.

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