#83 : Vince Carter

Pour comprendre la façon dont les joueurs ont été classés, merci de consulter cet article.

Le portrait de chaque joueur se divise en trois parties : le C.V. (qui résume le palmarès et les accomplissements du joueur), le côté pile (ses qualités) et le côté face (ses défauts).

Vince_Carter

VINCE CARTER

21 ans de carrière dont 9 de qualité, 8 fois All-Star.
Rookie de l’Année en 1999.
Parmi les 10 meilleurs joueurs de la NBA en 2001, top 15 en 2000.
Pic de forme de 3 ans en saison régulière : 26 points, 6 rebonds et 4 passes décisives de moyenne.
Dix saisons consécutives à plus de vingt points de moyenne.
Play-offs : 26 points, 7 rebonds et 6 passes décisives de moyenne (42 matchs).

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Côté pile :

Ceux qui ont vu évoluer Carter au temps de sa splendeur se souviennent sans doute de sa capacité à jouer comme une tornade. Son instant de gloire ? La fois où il a sauté par-dessus Frédéric Weis pour un dunk monstrueux aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000. Son héritage ? Sa performance au concours de dunks de 2001, qu’il a aussi bien écrasé que révolutionné. Sa meilleure performance en play-offs ? La spectaculaire épreuve de force de 2001 contre Allen Iverson, quand ils ont marqué tour à tour 50 points dans les Matchs 3 et 4 et que la série s’est terminée quand Vince a raté un trois points au buzzer lors du Match 7.

Pour une raison quelconque, Carter n’était jamais aussi bon que dans l’adversité. Elle faisait ressortir le meilleur de lui-même : il jouait avec passion et fierté, et enquillait même parfois quelques tirs gagnants. Vince était énormément respecté par ses pairs, pas pour ce qu’il donnait mais pour ses dons eux-mêmes. Les joueurs qu’il a côtoyés au cours des vingt dernières années pensaient tous qu’il était capable de tout faire sur un terrain. À part s’impliquer de façon durable.

Côté face :

Parce que le problème de Carter – et la raison pour laquelle il est scotché à cette misérable 83ème place au classement – est bien celui-là. Sa carrière est terriblement frustrante pour tout un tas de raisons. Carter est le joueur hyper-talentueux de sa génération qui aurait dû être meilleur. Une star douée offensivement, mais incapable de défendre. Il jouait la comédie sur chaque collision et exagérait ses blessures comme personne auparavant ; à chaque fois, on aurait cru qu’on venait de lui tirer dessus. Aucun autre joueur dans l’histoire de la NBA n’aura autant entendu les fans lui crier : « Debout, chochotte ! ». Aucun.

Revenons un peu sur les points précédents. Carter pouvait jouer comme une tornade, mais seulement quand il le voulait ;  il ne pouvait être inspiré que par des fans qui le détestaient cordialement (un épitaphe parfait pour sa carrière). Quand il jouait à fond, cela se remarquait, ce qui indique systématiquement pour un joueur qu’il n’a pas atteint son potentiel. Le dunk sur Fred Weis ? Lorsque le point culminant de la carrière d’un joueur implique Fred Weis, franchement, croyez-vous que cela signifie quelque chose ? Le concours de dunks ? Quel intérêt d’être meilleur au concours de dunks qu’en play-offs ? Avec son équipe, Carter n’a jamais passé le deuxième tour ; ce n’est sûrement pas une coïncidence. (Plus étrange encore, son cousin Tracy McGrady n’a jamais dépassé le premier tour.) Sa performance contre les Sixers ? Juste avant le Match 7, Vince a affrété un avion pour assister en personne à sa remise de diplôme à l’Université de Caroline du Nord avant de retourner à Philadelphie, ce qui a fait grand bruit. Cette anecdote résume parfaitement Vince Carter : il passe avant son équipe. Et les Raptors ont perdu.

Mais peu importe. Voici le pire du pire. Pendant la saison 2005, un Vince désenchanté a arrêté de jouer de façon si hallucinante à Toronto (ce qui a fait plonger sa valeur d’échange pour des raisons qui demeurent obscures) que les Raptors ont été contraints d’accepter l’offre de New Jersey, qui proposait Alonzo Mourning (qui devait être racheté), Eric Williams, Aaron Williams et deux choix de loterie non tirés. En faisant cela, Toronto compromettait clairement son avenir en ne dégageant pas d’espace salarial et en n’obtenant en retour ni des jeunes de qualité, ni des choix quelconques (le directeur général Rob Babcock a été congédié peu de temps après). Mais ils en étaient à ce point-là. Rarement un athlète professionnel n’aura autant manqué de respect envers ses fans et à toute une ville. Voici un compte-rendu d’un match entre les Raptors et les Clippers quelques semaines avant le trade, durant lequel Vince avait joué n’importe comment :

Au cours du rituel d’avant-match consistant à se mettre en cercle et à sauter sur place, Chris Bosh a accidentellement heurté la tête de Vince, qui a fait trois grands pas en arrière pour s’assurer qu’il allait bien, avant de rejoindre le cercle avec un froncement de sourcils sarcastique. Il a marqué ses cinq premiers tirs en suspension, s’est cogné la main qu’il utilise pour tirer lors d’une collision avec Maggette, puis a passé le reste de la partie à la toucher, en l’examinant et en marmonnant… Mais, coïncidence ou non, il oubliait de le faire chaque fois qu’il mettait un panier. Quand il s’est mis en colère pour n’avoir pas eu le ballon avant un temps mort, il s’est rué vers le banc et a superbement ignoré la main tendue de Donyell Marshall. Et ainsi de suite.

Vince ne joue pas en défense, ne prend pas la peine de protéger les rebonds, tire à peu près à chaque fois qu’il reçoit la balle (23 tirs en 26 minutes contre les Clips) et évite les contacts quand il part vers le panier. Mais tout cela est secondaire. C’est son attitude qui affecte son équipe. Il fait clairement tout ce qu’il peut pour être échangé, en jouant juste assez bien pour que personne ne pense que le jeu l’indiffère, mais en faisant juste assez de comédie pour que tout le monde se rende compte qu’il n’est pas heureux. À un moment donné, je pensais sincèrement que Rafer Alston allait le frapper.

Trois mois plus tard, Vince est redevenu lui-même à New Jersey et a admis qu’il ne s’était pas donné à fond à Toronto (il l’a vraiment admis !), sans doute pour forcer un échange, ce qui est peut-être l’une des révélations les plus déprimantes de l’histoire récente du sport. On sait qu’il y avait un problème lorsque son ancien coéquipier Keon Clark a qualifié Vince de « surcoté » et a souligné que les Raptors de 2002 jouaient mieux sans lui (ce qui était vrai). Il y a une fin heureuse à cette histoire : chaque fois que Vince joue à Toronto, il se fait huer comme si Bernard Madoff revenait sonner la cloche de la Bourse de New York. Il se fait huer tout le match. Ça ne s’arrête jamais, même si aujourd’hui, les fans des Raptors l’ont un peu pardonné.

Tout ça pour dire que Vince Carter, malgré ses qualités, était tout, sauf une star du basket-ball respectueuse. Tu regretteras tout ça un jour, Vince. Tu verras.